Episode 10 : Les passages secrets

Par Isapass

ÉPISODE 10 : Les passages secrets

 

« Où alliez-vous, avec votre amie Charlotte ? demande Benoît qui veut connaitre la suite du récit.

-        Nous voulions rentrer chez moi. Ce qui nous a pris trois mois entiers.

-        Vous avez marché pendant trois mois ? s’écrie Benoît, ahuri.

-        Oui, il fallait bien. C’était long parce que nous nous cachions. Nous ne voulions pas que des adultes nous arrêtent, nous séparent et décident à notre place. Et il nous arrivait aussi de nous perdre.

-        Ca ne m’étonne pas ! s’exclame Benoît qui, incapable de tenir en place, est maintenant debout sur son fauteuil. Moi je me perds dans le quartier, alors sur une aussi longue route…

-        Nous avons fini par arriver ici, reprend Monsieur Skaros. Mais nous avons vu que des soldats allemands s’étaient installés dans la maison, comme c’était le cas pour beaucoup de grandes maisons vides. »

 

Monsieur Skaros se penchent en avant et de nouveau, ses yeux brillent. Les deux garçons se rapprochent pour mieux l’écouter.

 

« Mais les allemands ne connaissaient pas la maison aussi bien que moi. Il n’avait pas trouvé la toute petite porte de service cachée derrière la vigne vierge.

Je vous la montrerai tout à l’heure. Elle permet d’accéder à tous les minuscules couloirs qui circulent partout dans l’épaisseur des murs.

-        Comme des passages secrets ? s’étonne Juju.

-        Ils étaient restés secrets pour les soldats en tout cas.

En fait la porte cachée et les couloirs servaient à l’époque où il y avait des domestiques. Ce n’était plus le cas depuis longtemps.

Avant l’arrestation de ma famille, je passais mon temps dans ces espaces. Je pouvais aller d’une pièce à l’autre sans que personne ne me voie pour faire des farces, espionner mes frères et sœurs, me raconter des histoires. Et surtout je pouvais monter jusqu’au grenier où je m’étais aménagé tout un petit monde à moi.

 

A l’aide du tableau, découvre quelle farce Léonard Skaros a fait à quelle personne de sa famille quand il était enfant, dans quelle pièce, et la réaction de la personne. Dans le tableau, tu trouves un O (oui) au croisement de deux informations qui vont ensemble, et un N (non) au croisement de deux informations qui ne vont pas ensemble. Tu peux écrire les réponses au fur et à mesure dans le second tableau.

 

Je connaissais donc parfaitement les passages, jusqu’aux planches qui grinçaient et aux interstices dans les murs. Nous avons pris le risque de rentrer dans la maison, et de monter nous installer dans le grenier.

-        Oooooh ! s’écrient ensemble Juju et Benoît. Et vous n’avez pas été pris ?

-        Non seulement nous n’avons pas été pris mais nous avons vécu là pendant plus d’un an. Dans le grenier. Nous volions de la nourriture dans la cuisine pendant la nuit, en passant par les petits couloirs. Parfois même d’autres choses : des lampes torches, des draps, des vêtements, du papier…

La journée nous sortions dans les rues pour savoir ce qui se passait. Nous avons rencontré d’autres enfants seuls.

-        Ah bon ? Leurs parents avaient été arrêtés comme les vôtres ? demande Juju.

-        Pour certains, oui. Pour d’autres, ils avaient perdus leurs parents pendant l’exode vers le sud.

-        Qu’est-ce que c’est l’exode ? demande Benoît.

-        En 1940, quand les allemands ont envahi le nord de la France, beaucoup de gens sont partis sur les routes pour rejoindre le sud qui était encore libre, ou pour trouver un bateau pour l’Angleterre. Mais c’était très dur de marcher pendant plusieurs jours, en portant beaucoup de bagages. Sans compter qu’il y avait des bombardements. Beaucoup de familles ont été séparées. Les enfants qui avaient perdu leurs parents et se retrouvaient seuls n’avaient pas d’autre choix que de continuer leur chemin pour s’éloigner du danger. Et beaucoup sont arrivés ici, à Bordeaux. Et y sont restés, en vivant comme ils pouvaient dans les rues ou dans des maisons abandonnées.

-        Et ils sont devenus vos copains ? demande Benoît en essayant d’attraper une feuille.

-        Ceux que nous rencontrions, oui. Et je leur proposais de venir vivre dans le grenier avec nous. Nous avons été jusqu’à quinze enfants à vivre juste au-dessus des allemands. Le plus grand avait 14 ans et le plus petit 5 ans. Nous avions l’impression d’être des petits héros en profitant de leurs provisions et en leur jouant des tours.

-        Des tours ? Que faisiez-vous ? interroge Juju.

-        Il nous est arrivé de voler tous les uniformes à la lingerie. Le lendemain c’était la panique ! Nous avons été jusqu’à prendre quelques armes. Pas pour nous en servir, mais pour qu’ils ne les aient plus.

-        Quel courage ! Heureusement que personne ne s’est fait prendre !

-        Nous avons eu de la chance. Même si nous avions tous appris à nous déplacer sans bruit et à vivre aussi discrètement que des souris, ça aurait pu arriver. Mais au moins nous étions ensemble et ceux qui avaient vécu dans la rue ont passé la dernière année de guerre à l’abri.

-        C’était la dernière année ?

-        Oui, les troupes allemandes ont quitté Bordeaux et la région en août 1944. Ils étaient en train de perdre la guerre.

-        Qu’est-ce qui s’est passé pour vous et les autres enfants ? demande Juju.

-        Nous avons passé quelques semaines à profiter de la maison. J’avais retrouvé ma taille normale depuis quelques mois.

Puis on nous a trouvé et nous avons été emmenés. Certains vers de la famille qui leur restait, d’autres vers des orphelinats, comme Charlotte et moi. Nous avons tous été séparés mais nous nous sommes retrouvés plus tard, une fois adultes. Et nous sommes restés en contact toute notre vie.

-        Et… votre famille est revenue ? interroge tristement Benoît car il se doute que ce n’est pas le cas.

-        Non, malheureusement. Aucun d’eux. Ils sont morts dans les camps où nous avions été emmenés ou dans d’autres. Je ne l’ai su que des années plus tard. Nous n’avons plus jamais eu de nouvelles des parents de Charlotte. Nous avons longtemps cherché ce qui avait pu leur arriver mais nous n’avons pas trouvé.

-        Et vous, qu’avez-vous fait après l’orphelinat ? demande Juju.

-        J’ai pu faire des études et je suis devenu médecin. Je suis allé chercher Charlotte et nous nous sommes mariés. Nous avons été heureux très longtemps tous les deux. Nous avons vécu ici toute notre vie. Et nous avons essayé d’aider les autres comme nous pouvions.

Je crois qu’en plus de me permettre de m’échapper, le bonbon aura servi à me faire comprendre ça : quand on a une belle vie, elle est encore plus belle quand on permet aux autres, s’ils le veulent, d’améliorer la leur.

-        Je crois que je commence à aimer ça aussi, dit Juju avec un sourire.

-        Et moi aussi ! s’exclame Benoît en sautant de son fauteuil.

-        Et la dernière surprise du bonbon, c’est que j’ai continué à grandir pendant très longtemps. Ce qui explique ma taille. Alors que mes parents étaient plutôt petits.

-        Tu vas peut-être être très grand, Juju ! crie Benoît en applaudissant.

-        Ce n’est pas encore le cas, répond Juju en écartant les bras, même si ça s’arrange. »

 

Monsieur Skaros se lève et déclare :

-        Et maintenant, je vais vous montrer les fameux passages secrets ! »

 

Monsieur Skaros emmène Juju et Benoît vers l’arrière de la maison, jusqu’à un endroit ou la vigne vierge est très épaisse. Cachée dessous, il y a une petite porte qui s’ouvre sur un passage très étroit. Les trois amis passent l’heure suivante à visiter la grande maison en parcourant le labyrinthe des couloirs entre les murs.

Le vieil homme ne s’y tient pas de face : il doit tourner ses larges épaules de profil pour avancer et pour franchir les minuscules portes qui s’ouvrent sur toutes les pièces de la maison.

 

« Il était fort, celui qui a construit la maison ! admire Benoît

-        Oui, approuve Juju. Les portes sont invisibles depuis l’intérieur des pièces !

-        C’est pour cette raison que les allemands ne connaissaient pas leur existence, et que nous avons pu rester là » explique Monsieur Skaros.

 

Il leur explique ce qu’était chaque pièce avant la guerre, sous l’occupation des Allemands et aujourd’hui. Il leur raconte certaines farces faites à ses frères et sœurs, et leur montre par où passaient les enfants pour dévaliser les provisions des soldats.

 

Il les accompagne aussi au grenier, et leur explique les installations de leur refuge secret : les lits et les hamacs dont certains sont encore accrochés aux poutres du toit, les malles où les enfants stockaient la nourriture, et même un endroit tendu de rideaux qui faisait office de salle de bain.

 

Jeu des passages secrets : Voici le plan des 4 étages de la maison. En parcourant, dans l’ordre, les itinéraires suivants, tu pourras reconstituer un mot grâce aux lettres trouvées sur ton chemin. Prends à chaque fois l’itinéraire le plus court.

1)      Du grenier à la lingerie.

2)      De la grande chambre à la cuisine.

3)      De la porte secrète à la bibliothèque.

4)      De la chambre jaune à la salle à manger.

 

« Voulez-vous voir l’endroit où je passe beaucoup de temps, maintenant ?

-        Bien sûr » répondent Juju et Benoît.

 

Quelle journée passionnante ! pense Juju. Qu’est-ce que Monsieur Skaros va encore leur apprendre ?

 

Fin de l’épisode 

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