Episode 12 : Bataille d'été

Par Isapass

EPISODE 12 : Bataille d’été

 

Alors qu’ils traversent le parc de la maison du vieil homme, celui-ci leur dit :

« Je voudrais chercher encore plusieurs choses pour Alma Maxwell, dans la bibliothèque. Voulez-vous m’accompagner ou préférez-vous faire un tour dans le parc ?

-        Le parc ! crie Benoît

-        Oui, nous allons vous laisser travailler, confirme plus calmement Juju.

-        D’accord. Passez d’abord boire un verre à la cuisine, et ne courrez pas trop : il fait vraiment très chaud cet après-midi. Et si vous voulez me rejoindre, vous êtes les bienvenus. »

 

Ne pas courir, c’est beaucoup demander à deux garçons de sept ans ! Ils vont d’un arbre à l’autre vers le fond du jardin, en essayant de trouver le plus gros, se cachent et essaient de siffler avec des glands. Pour la première fois de la journée, ils s’amusent sans penser à rien d’autre.

 

Ils finissent par arriver devant un petit hangar où il trouve Jean-François, qu’ils ont salué de loin au début de l’après-midi. Celui-ci est en train de nettoyer des pinceaux et des bacs de peinture à l’aide d’un tuyau d’arrosage.

« Salut les gars ! lance-t-il gaiement.

-        Bonjour Monsieur, répondent les garçons qui ont appris à ne pas dire « Salut » à un adulte.

-        n2;Monsieur n2; ? Et puis quoi encore ? rigole Jean-François. Vous pouvez m’appeler Jeff, comme tout le monde, et même me dire   n2;tu n2; !

-        Ah bon ? s’étonne Benoît. Mais vous êtes une grande personne ! Et en plus vous connaissez ma maman.

-        Je ne vois pas bien le rapport mais en effet, je connais ta maman, répond Jean-François, riant toujours. Nous étions à l’école ensemble pendant des années. Je m’entendais très bien avec elle, elle était très drôle, un vrai clown ! »

 

Juju éclate de rire en voyant l’air ahuri de Benoît. Apparemment, il n’avait jamais imaginé Marie-Anne en train de faire rire tous ses copains d’école.

 

« Racontez-nous, s’il-vous-plaît ! » demande Benoît.

 

Ils s’assoient par terre tous les trois et les deux garçons écoutent leur nouvel ami leur raconter quelques unes des aventures que Marie-Anne et lui ont vécues à l’école. Benoît écoute, passant du rire à l’étonnement en jouant sans y penser avec l’embout du tuyau d’arrosage.

 

Et tout à coup, un faux mouvement et PSSHHHHHHT ! il s’envoie un grand jet d’eau dans la figure ! Juju et Jean-François se tordent de rire et Benoît les arrose à leur tour. C’est le début d’une grande bataille d’eau, très rafraichissante par cet après-midi brûlant.

Jean-François parvient même à y faire participer la timide Elodie, la jeune fille que les garçons ont croisée dans la cuisine plus tôt dans la journée. Arrosée par surprise alors qu’elle lisait un peu plus loin sous un arbre, elle s’est levée en courant et a été prise dans la mêlée.

La bataille ne se termine qu’une fois tous les combattants bien mouillés, essoufflés et riant encore.

 

« Je vais trouver de quoi goûter ! lance Jean-François après avoir essoré son t-shirt.

-        Il est trop cool, Jeff ! déclare Benoît en le regardant s’éloigner vers la maison.

-        Oui, trop cool ! confirme Juju. Tu as de la chance, Elodie, d’habiter avec quelqu’un d’aussi drôle ! Tu dois bien rigoler !

-        Oui c’est vrai, répond la jeune fille de sa voix discrète. Mais je ne le savais pas. Je n’ai jamais vraiment parlé avec lui.

-        Pourquoi ? s’étonne Benoît.

-        Je passe beaucoup de temps dans ma chambre, dit-elle en rougissant. Je… je ne suis pas très à l’aise avec les gens. Surtout les adultes, ils me font peur, ajoute-t-elle en baissant les yeux.

-        Nous avions peur de Monsieur Skaros en arrivant ici, dit Juju sur le ton du secret. Mais finalement, il n’y a vraiment pas de quoi ! Il est gentil comme un grand-père, et il raconte bien les choses.

-        Et je ne crois pas que tu doives avoir peur de Jeff, non plus ! » ajoute Benoît.

Elodie rougit encore mais un joli sourire apparait sur son visage. Les deux garçons sont sûrs qu’elle passera moins de temps seule dans sa chambre à partir de maintenant.

 

Après le goûter, pris à l’ombre dans le jardin avec Jeff et Elodie, Juju et Benoît rejoignent Monsieur Skaros dans la bibliothèque. Juju est préoccupé.

«  Je n’ai pas encore retrouvé ma taille. On a vérifié : j’arrive à l’épaule de Benoît. Il va falloir rentrer et Maman va me voir. Elle va avoir peur pour moi.

-        Tu lui expliqueras ce qui s’est passé. Elle aura peut-être du mal à le croire mais si tu lui racontes tout calmement, si tu lui racontes mon histoire, et si tu lui dis que tu vas retrouver ta taille normale, elle finira par être rassurée. De toutes façons, si tu ne rentres pas, elle aura plus peur encore. Veux-tu que je t’accompagne ?

-        Non, merci, Monsieur. Je vais y aller tout seul et faire comme vous m’avez dit.

-        Tu peux lui dire de m’appeler si elle le souhaite.

-        Merci, répond Juju. Et merci pour la journée passée avec vous.

-        Oui, merci, c’était génial ! renchérit Benoît. On pourra revenir vous voir ?

-        J’aimerais beaucoup. Revenez aussi souvent que vous le voudrez. Je suis sûr que Jean-François et Elodie en seront contents aussi : je crois qu’ils ont aussi passé un bon moment ! dit Monsieur Skaros avec un sourire, en montrant la fenêtre par laquelle les garçons peuvent voir leurs partenaires de bataille d’eau qui discutent ensemble. Dès que j’ai des nouvelles d’Alma Maxwell, je vous en informe. Au revoir Julien, au revoir Benoît. 

-        Au revoir Monsieur Skaros ! » répondent ensemble les deux garçons en s’éloignant.

 

Sur le chemin du retour chez eux, ils discutent des évènements de cette incroyable journée. Ils en ont découvert des choses ! Ils se sentent même un peu différents d’hier, et sans trop savoir pourquoi, ils en sont très contents.

Juju est quand même un peu inquiet de la réaction de Maman.

 

Ils tournent au coin de la rue qui conduit à la place centrale de leur quartier, lorsqu’ils tombent nez à nez avec quatre garçons marchant en sens inverse. Juju et Benoît n’ont jamais eu affaire à eux, mais connaissent leur réputation de durs-à-cuire. Ils ont au moins quatorze ans et sont beaucoup plus grands qu’eux, même quand Juju a sa taille habituelle.

 

« Dégagez, les mômes, dit le plus grand en regardant Benoît et son vélo comme s’ils étaient une mouche sur la tartine qu’il s’apprête à manger. Laissez nous passer ou on vous casse la tête !

-        Héééé ! Mais tu es tout petit ! s’écrie un deuxième en apercevant Juju. T’es pas comme ça d’habitude ! Qu’est-ce qui t’est arrivé ? T’es devenu nain ou quoi ?!

-        On devient pas nain, espèce d’idiot, répond le troisième. On l’est ou on l’est pas. C’est pas normal qu’il ait rétréci, celui-là, ajoute-t-il en dévisageant Juju avec un air moitié effrayé, moitié dégoûté.

-        Je les ai vus tout à l’heure, dit le quatrième. Ils trainent avec le vieux barbu.

Vous devriez faire gaffe, les mômes, il a une sale tête, le vieux schnock. Il doit détester tout le monde. Je me demande même s’il est pas dangereux. Si vous trainez avec lui, c’est que vous devez pas être nets non plus ! »

 

Juju et Benoît, un peu effrayé jusqu’ici par le nombre et la taille des adolescents, sont piqués au vif par ces dernières remarques, et se laissent guider par leur colère :

« Monsieur Skaros n’est pas dangereux ! Vous dites n’importe quoi ! crie Juju. Et il ne déteste personne ! Au contraire, il aide les gens !

-        Et en plus, c’est un héros ! ajoute Benoît sur le même ton.

-        Il est très gentil ! Il est juste différent parce qu’il s’habille en noir et qu’il a une grosse barbe !

-        C’est comme Juju, termine Benoît, il est petit mais c’est pas pour ça qu’il faut le regarder comme une chose bizarre. Il est juste différent ! »

 

Les quatre garçons sont figés. Jamais aucun enfant de sept ans n’a osé leur répondre, encore moins en criant ! Une longue minute de silence suit les cris des deux garçons… qui réalisent ce qu’ils viennent de faire. Leurs quatre adversaires vont se remettre de leur surprise et sans doute leur faire payer leur audace !

 

Et en effet, leurs visages passent de la surprise à la rage. Ils se rapprochent  en montrant les poings, forçant les deux copains à reculer.

 

Juju essaie encore, d’une voix plus calme : « Tout le monde est différent, vous aussi vous avez quelque chose de différent, on ne peut pas taper sur les gens pour ça, ni avoir peur… ». Mais ça n’a pas du tout l’air de convaincre les grands, qui continuent d’avancer d’un air de plus en plus menaçant.

 

Au moment où Juju pense qu’ils ne vont plus pouvoir reculer très longtemps, une voix interroge derrière eux :

«  Tout va bien, les gars ? »

C’est Jean-François qui vient de tourner le coin et s’est arrêté derrière eux avec son bon sourire, comme si tout allait bien. Il pose une main sur l’épaule de Juju, l’autre sur l’épaule de Benoît, protecteur.

 

Les adolescents s’arrêtent et se regardent avec l’air de ne pas savoir quoi faire. Le plus grand s’adresse à Jean-François :

« Vous les connaissez, M’sieur ? Pourquoi il est petit, celui-là ? C’est bizarre, non ?

-        Quelle importance qu’il soit petit ? Et quelle importance de savoir pourquoi ? demande calmement Jean-François.

-        Euh… hésite le garçon qui semble réfléchir sérieusement à la question. C’est pas important, c’est vrai. »

 

Alors que les trois autres s’interrogent également, d’autres pas se font entendre derrière Jeff. Elodie et Monsieur Skaros apparaissent au coin de la rue.

 

« Ah ! Julien, Benoît, je voulais vous parler, et Jean-François qui court plus vite que moi a proposé de vous rattraper, et Elodie de m’accompagner, explique le vieil homme. Nils Maxwell a appelé juste après votre départ : Alma va beaucoup mieux ! Nous allons pouvoir la guérir ! 

-        C’est super ! s’écrie Benoît.

-        Vous êtes très fort comme docteur ! ajoute Juju.

-        Vous êtes docteur ? demande un des quatre adolescents avec l’air aussi surpris que s’il venait d’entendre que Monsieur Skaros était le père Noël.

-        Oui, c’est un grand médecin ! répond Juju à sa place.

-        Un très gentil médecin et un monsieur généreux » intervient timidement Elodie en rougissant.

 

Les quatre garçons regardent maintenant Monsieur Skaros la bouche et les yeux grands ouverts. Juju a envie de rire tant ils ressemblent à des poissons hors de l’eau.

 

Des voix se font entendre plus loin, et bientôt, Caroline et Thomas débouchent sur la place. Voyant le petit groupe, ils se dirigent vers eux. A l’approche de Caroline, les quatre adolescents rougissent et un sourire idiot se dessine sur leurs visages… et se transforme encore une fois en O, lorsque la jeune boulangère plante une bise sur la joue du vieil homme.

 

« Fais pas cette tête, Paul, dis Thomas à l’adresse du plus grand des quatre garçons, on dirait que tu as avalé quelque chose de travers ! Qu’est-ce qui t’arrive ? »

Paul ne répond pas et Thomas s’adresse à Benoît :

« Hé, mon sauveur ! J’étais justement en train de raconter à Caroline ce que tu as fait pour moi ce matin. Tu connais mon frère Paul ? ajoute-t-il.

-        Maintenant oui, répond Benoît en souriant. Et je te présente Juju, enfin Julien. Il m’a aidé ce matin pour récupérer ta boîte, mais tu ne l’as pas vu.

-        Alors je te remercie toi aussi ! Je vous dois un service, les gars ! »

 

Paul et ses copains vont de surprise en surprise. Thomas est ami avec les deux petits qui viennent de leur répondre en criant, le vieux sorcier est un gentil docteur, Caroline lui fait des bises, tout ce petit monde connait le grand type à l’air cool et la jolie jeune fille au look de voyou… Ils sont en train de se dire que le monde n’est peut-être pas comme ils le pensaient, et que parfois il ne suffit pas de voir quelqu’un pour savoir qui il est.

 

« Content de vous connaitre, dit Paul à Juju et Benoît, en leur tendant la main cérémonieusement.

-        Nous aussi », répondent-ils.

 

Les trois autres garçons leur serrent également la main et ils s’éloignent, suivis de Thomas et de Caroline.

 

« Merci d’avoir pris ma défense, leur dit alors Monsieur Skaros. J’ai entendu de loin votre conversation. C’était très courageux de votre part. »

Ils peuvent lire dans les yeux du vieil homme qu’il est ému par ce qu’ils ont fait pour lui.

 

Alors tout à coup, Juju sent tout son corps qui s’étire et qui pousse comme une plante.

 

Fin de l’épisode
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