Épisode 14, partie 3: Erwann

Par Reiko

Le patron du Clovis commençait clairement à se demander pourquoi il se trouvait là… On était vendredi soir, et il n'était pas à son Club, en train de faire ses vérifications habituelles. Au contraire, il se trouvait dans le Club ennemi. Au Crimson Klub, assit aux côtés d'Absynthe, la belle maîtresse des lieux. Et pas seulement maîtresse des lieux… Elle était aussi sa maîtresse, à lui. Et aussi celle de ce Léo. L'homme qu'il venait de voir complètement fondre en larmes. Il avait eu une étrange sensation, de la peine ? Probablement. Que ses étudiantes le fassent chanter n'était pas une affaire aisée à traiter, en effet, surtout s'il ne voulait pas perdre son travail et sa réputation. Après tout, des élèves qui feint l'agression sexuelle pour se venger n'était que monnaie courante…

En tout les cas, il était ici car justement, Absynthe lui avait demandé de l'accompagné. Sûrement pour encore lui donner une vision plus globale du milieu BDSM. Le milieu amical, pour le coup. C'était vrai que rien que d'observer ses gens lui donnait une information de plus. Il y avait des amis et pas que simplement un maître à qui un autre maître prêté sa soumise quotidiennement. L'ambiance était radicalement différente qu'au Clovis. Ici, c'était conviviale et tout le monde pouvait rire et s'amuser de bon coeur alors que dans son établissement… Régnait une atmosphère froide et dure. Jamais il n'aurait pensé qu'il pouvait y avoir deux univers différents dans un monde à part entier.

Bon, il fallait dire qu'Erwann n'était pas des plus à l'aise assit à cette table avec quantité d'inconnus qui le fixaient avec curiosité et pour certains… Animosité… Pourquoi donc ? Qu'avait-il fait de mal ? Hum… Ah mais oui, c'était Elliot qui le fixait. L'un des hommes qui étaient venu en repérage un soir. C'était donc lui qui avait des plus mal vécu son expérience avec ses employés. Soudainement, il repensa à ce qu'il avait traversé le soir chez la dominatrice… Quand elle l'avait frappé tellement fort qu'il en avait hurlé. Il avait d'ailleurs encore les restes des bleus que ça lui avait fait. Donc, pour le coup, il pouvait comprendre que le brun lui en veuille. Il avait ressenti cette détresse intense et de la colère contre Absynthe face à cela. Même s'il s'était rapidement calmé, car elle lui avait dit que c'était pour lui montrer, pour Elliot, ce n'était pas la même chose. Lui… Avait sûrement dû supplier le dominant de le laisser tranquille et d'arrêter. Ce qui n'avait pas été le cas… Il comprenait à présent les lettres assassines qu'il avait reçu de la brune avec écrit en majuscules le mot torture. Oui, c'était clairement de la torture… Il fallait qu'il fasse une réunion dès ce soir avec son personnel. Pour instaurer de nouvelles mesures… Il allait y réfléchir ce soir. Peut-être même demander de l'aide à ses gens ? Après tout… C'était eux les spécialistes, pas lui.

Soupirant, il se passa une main dans les cheveux, il était clairement stresser, mais ne savait que dire. Restant des plus silencieux face à eux. Surtout qu'Absynthe n'intervenait pas pour l'inclure dans les conversations. Cela se comprenait vu la rage qu'il pouvait voir naître dans ses yeux. Elle aimait beaucoup ce Léo apparemment. Énormément. Une chose qui fit alors doucement palpiter son coeur. Cette fois, c'est une autre vision de sa soirée en tête à tête avec la dominatrice qui lui apparut. Ce baisé, rapide mais doux sur ses lèvres quand elle l'avait raccompagné dehors. Ce geste lui avait valut d'être figé pendant quelques secondes. Il fallait dire que plus il passait du temps avec elle et plus la demoiselle lui plaisait. Le contraire était apparemment de la même conclusion.

Donc, il ressentait quelque chose pour Absynthe ? Mais comment c'était potentiellement possible ? Il n'avait jamais réellement eu de sentiment pour personne. Il n'avait jamais eu de relation à part en entière dans sa vie, enfin, à part en école de management, même si c'était souvent des coups d'un soir. Il se disait de plus en plus qu'il voulait entamer quelque chose avec elle. Ce sentiment aidé par l'annonce des deux femmes assit près d'eux qui venaient d'annoncer qu'elles étaient en couple. Mais en un sens, cette possibilité pouvait clairement aboutir, car ils avaient la même profession, le même type d'horaire et la même qualité de travail. Chacun pouvait comprendre l'absence de l'autre…

Seul réel bémol… La soumission. Absynthe n'était ni soumise, ni switch. Et lui n'avait accepté de se soumettre seulement pour comprendre le point de vue de la patronne, il s'agissait presque d'un pari. Et dans ce qu'il avait expérimenté, ce qui voulait dire… Presque rien, il n'avait pas forcément aimé ça. Être attaché… Contrôlé… C'était lui le maniaque du contrôle, pas l'autre. C'était lui qui devait contrôler. Cela ne pouvait pas en être autrement. Mais alors une idée germa dans son esprit…

Une idée des plus malsaines, comme son esprit l'était en grand patron rapiat et vaniteux… Et si… Il s'employait à dresser Absynthe ? À la dresser à se soumettre à lui ? Alors, bien évidemment, pas en société, ce qu'il aimait, c'était sa façon d'être. Non, il parlait qu'elle se soumette, pour des séances et une fois dans l'intimité d'un lit. Ce n'était pas une mauvaise idée. Après tout, il ne connaissait pas cette femme dans l'intimité encore… Si ça se trouve, dans le secret, si personne n'était au courant… Elle allait peut-être accepter de se faire contraindre. Ou bien, accepter, mais se comporter en brat. Il avait entendu ce terme, et aimait bien l'idée.

Tout ceci était un programme bien rodé, il fallait simplement qu'il commence à inviter la brune à des soirées hors du cadre de la domination et de ce pari. L'inviter au restaurant… Sans parler de BDSM, l'inviter chez lui aussi… Il fallait qu'il réfléchisse, car il souhaitait l'impressionner et faire fondre son coeur. Ce n'était pas quelque chose de malsain, car il avait vraiment des sentiments pour elle, même si cette histoire de dressage de sa part puait clairement l'embrouille quand on observait ça de l'extérieur.
- Bon et sinon, tu vas enfin nous dire ce qu'il fait là le connard ? fini par dire quelqu'un.

Erwann tourna le regard vers la voix, Elliot. Comme ce n'était pas étonnant. Tous s'était arrêtés de discuter.
- Elliot… Ne l'appelle pas comme ça…, intervint timidement une jeune femme aux cheveux lilas.
- Je l'appelle comme je veux Nox'. À cause de lui, j'ai eu la plus mauvaise expérience de ma vie ! J'en tremble encore !!…

Effectivement, Erwann pouvait voir que sa voix tremblait, tout comme ses mains et qu'il se retenait de ne pas pleurer. Nouveau soupire, nouvelle main dans ses cheveux. Il resserra un peu sa queue de cheval qu'il avait décidé de se faire ce soir, pour enfin regarder le styliste dans les yeux.
- Je suis infiniment désolé du traitement qu'a été le vôtre dans mon Club, Elliot… Avant, je ne le comprenais pas, je ne comprenais pas que le BDSM pouvait être quelque chose de dangereux et… Que cela pouvait aller jusqu'à être considéré comme de la torture. J'avais tort et je m'en excuse… Si je peux faire quoique ce soit pour vous aider à vous remettre… N'hésitez pas.

Il était sincère, malheureusement, toujours autant sérieux, comme un entrepreneur. Comme si… Les sentiments d'Elliot ne l'atteignait pas. Pourtant, c'était bel et bien le cas.
- Ah oui ? Eh bien… Un chèque pour chaque client qui se plaint ? Mais je suppose qu'en grand patron, le dédommagement du préjudice ne fait pas partie de votre vocabulaire.

Aie, il n'avait pas tort et en plus, il avait été des plus cassants. Vraiment, un chèque pour chaque client qui avait trop souffert… Il n'y en avait pas, ou très peu, qui se faisait connaître en tout les cas, et s'il faisait ça, la rumeur allait enfler et son Club fermer ses portes.
- Erwann est présent ce soir car nous avons fait une sorte de pari. Je devais lui faire comprendre mon point de vue sur la sécurité et lui faire comprendre que son Club était dangereux. Ce soir, je souhaite qu'il voit un autre aspect de notre communauté, l'amitié.
- Ouais, bah pour le moment, je n'ai pas de sentiment d'amitié envers lui ! plaida le blond.
- Je comprends, et je ne vous demande pas de devenir mon ami… J'ai… J'ai fini par comprendre beaucoup de choses au contact d'Absynthe. Et ce soir encore plus en vous voyant tous réunit. Je pensais à la base… Que le BDSM c'était…
- Comme dans les livres ? Un méchant dominant et une soumise prude qui se laisse torturer ? intervint Charlotte, l'avocate du groupe.

Sa réponse le fit glousser avec manière, avant de sourire honteux.
- En… En effet. Et je me trompais lourdement.
- Vous n'avez même pas lu ses livres, n'est-ce pas ? demanda le professeur de sociologie.
- Encore un point pour le Crimson. En fait, j'avais décidé d'ouvrir ce Club à cause de la hype que tout le monde me parlait.
- C'est en soit, une très bonne idée, et cela rapporte beaucoup. De plus tu n'as pas choisi Bordeaux au hasard, je me trompe ?

Cette fois, c'était Absynthe qui avait enfin parlé. Avec une voix douce et sérieuse, elle avait même posé une main sur son épaule pour semble-t-il, le rassurer.
- Oui, j'avais fait toute une étude de marché avant.
- En soit, ouvrir un Club n'est pas une mauvaise chose. La seule chose que tous te reproche ici, c'est d'être totalement aveugle sur ce milieu.
- Maintenant, grâce à vous tous, je me rends compte de mes erreurs. Je suis vraiment désolé. D'ailleurs…

Erwann leva la main pour attirer un serveur, lui demandant une feuille et un stylo, sous les yeux médusés de tout le monde qui se demandait bien ce qu'il avait en tête. Elliot le fixait avec une réelle méfiance.
- J'ai décidé d'aller faire une réunion de mon personnel une fois cette soirée terminée et les deux Clubs de fermés pour la nuit. Il va de soi qu'un changement de règlement est obligatoire au Clovis. J'aurais donc besoin de votre aide pour établir des règles convenables. Et pourquoi pas… Que l'un de vous m'accompagne, pour expliquer plus en détails certaines choses.
- Je viens ! s'écria Elliot, en levant la main, comme à l'école. Les joues rouges de honte et les lèvres pincées.

Tiens, apparemment, le brun commençait doucement à lui pardonner.
- Déjà, interdit les rapports sexuels et les attouchements dans la grande salle, cela concernant tout aussi bien vos employés que les clients.

C'était Nikolaï Melkinov, un des membres du trio du run dans son Club, qui avait parlé. Aussitôt, Erwann approuva pour se mettre à écrire. Ajoutant par la même occasion une ligne sur le sexe par ses employés. Car il ne savait toujours pas quoi faire là-dessus, concernant ses soumis et ses dominants, car même s'il avait un arrangement avec le maire de la ville… C'était clairement considéré comme de la prostitution, il devait se poser la question sérieusement.
- Avant toute séance, poser les limites de chacun sur un papier, décider du safeword.

Tiens, encore une très bonne idée, faire imprimer des contrats de durée limités, avec limites et envies et enfin le mot de secours. En fin de compte, il avait bien fait d'accepter l'invitation d'Absynthe à venir passer cette soirée. Même si le début avait été fastidieux et qu'il avait clairement marché sur des oeufs, tous avait l'air de comprendre qu'il n'était pas mauvais de nature. Qu'il ne voulait pas être aussi non-sécuritaire, même s'il était là pour faire de l'argent. Même Elliot se déridait petit à petit. Il avait sûrement décidé de l'accompagner pour expliquer clairement à son dominant de la dernière fois que respecter les limites de quelqu'un était important… Il avait bien raison.

C'est bien une bonne heure après le début de la discussion qu'il regarda sa feuille à l'origine blanche. À présent, elle était noire de l'encre de son stylo, fourmillant d'idées et de règles dont il devait parler ce soir à ses employés. Il faudrait qu'il fasse une belle pancarte imprimée qui serait posée à l'entrée du Club, ainsi qu'à l'entrée des chambres et distribuée régulièrement aux employés pour les leurs rappelé. Et bien sûr, faire bien plus attention à qui il allait embaucher à l'avenir.

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