TROMSØ - JULI 2009
Alin se réveilla assez tôt cette matinée, une chose pas étrangère aux norvégiens. En sortant de la douche, une serviette autour de la taille, torse nu bronzé avec juste ce qu'il fallait de poils sur les pectoraux et des abdos bien découpés, il se dirigea direct à la cuisine.
Quel programme pour cette belle matinée ? Ce jour-là, le temps était si beau, le ciel était si clair qu'on se croirait dans un rêve, donc ce serait sympa de se préparer son frokost* habituel, composé d'un bol de céréales, un pain tartiné, du fromage et une bonne tasse de café léger pour avoir un punch pour le reste de la journée.
Sa bien-aimée était toujours dans la chambre à l'étage. Il monta chez elle et la trouva encore endormie.
Il vit sa belle jambe qui sortait de la couverture, nue jusqu'au haut de la cuisse, il posa sa tasse de café sur la table de chevet et la tint par son gros mollet, très doux, sa douceur est indescriptible tellement c'était doux, et la rentra sous la couverture. Elle gémit dans son sommeil, il crut un instant qu'elle allait se réveiller mais elle sourit pendant un moment d'un sourire jovial qui fit apparaitre ses fossettes qui fondaient le cœur puis après elle se rendormit.
Elle dormait comme un ange. Comme une femme shakespearienne avec ses cheveux blonds bouclés, son visage parfait, ses joues un petit peu gonflées et roses, sa bouche avec des lèvres pulpeuses, sa respiration très douce et chantante.
Quelle journée paradisiaque ! De voir l'amour de sa vie dans cet état. Tellement à l'aise, tellement heureuse, tellement belle, tellement mignonne aussi. Tellement... ensorcelante.
Il prit son Mac, s'assit sur son coté du lit, retournant le dos à la belle au bois dormant et but une gorgée de son café. Miam, délicieux, un petit morceau de chocolat fit son petit effet. Rien qu'un petit morceau dans le café et le tour est joué.
Il sentit un peu de temps après, du mouvement derrière lui, puis la tête de sa princesse se posa sur son épaule, entoura ses bras sur le buste musclé d'Alin puis l'embrassa sur son cou.
- God Morgen Kjære.
- God Morgen Min Kjære, lui répondit-il en retournant sa main derrière pour essayer de la chatouiller.
- Ingen stopp. Du vet at jeg ikke liker å kile.
- Oui, je sais que tu n'aimes pas les chatouilles. Je fais ça pour que tu t'éloignes de moi.
- Non. Je n'irai nulle part. Je reste à coté de mon bébé.
- Ton bébé ? Mais quand même Odda. Je n'ai jamais vu un bébé qui a 34 ans.
- Qu'est-ce que tu fais sur ton pc ?
- Rien chérie. Juste des trucs comme d'habitude.
- Repose-toi un peu du travail. Tu es en lune de miel. Tu dois tout oublier. Il n'y a que nous deux maintenant.
- Juste quelques minutes et je terminerai.
Alin se retourna vers Odda et la regarda dans les yeux, puis posa ses mains sur les joues de la jeune femme et lui dit :
- Va prendre ta douche. Je t'ai préparé le petit-déjeuner en bas, ok ? Aujourd'hui je te laisse décider de notre programme pour la promenade.
- D'accord, dit-elle en souriant, puis elle prit Alin dans ses mains. Ce dernier enroula ses bras musclés autour d'elle et elle enfouit son visage dans son cou.
- Tu sais très bien que je t'aime Odda.
- Moi aussi chéri.
- Plus que tout au monde.
- Plus que tout au monde.
La jeune femme se leva et alla chercher dans son placard.
Quand elle sortit de la chambre, il tendit son oreille en suivant ses pas jusqu'à ce qu'il ne pût plus les entendre, puis il quitta sa boite mail et aperçut un dossier sur le bureau appelé MARIAH. Il sentit comme si quelqu'un était derrière son dos. Il se retourna et ne trouva personne. Ouf...
Il se leva et sortit sa tête dans le couloir, vit à droite et à gauche, Odda n'était pas dans les parages.
Après, il revint vers son pc puis cliqua sur le dossier, on demanda un mot de passe, il l'écrit et le dossier s'ouvrit devant ses yeux.
Soudain, Odda entra dans la chambre et cela manqua de causer une crise cardiaque à Alin. Il sursauta de peur et ferma le dossier.
- Le soutien-gorge que j'ai pris est trop serré, je prends un autre.
- Ah... oui... Le soutien-gorge...
Il avait de la chance que Odda ne fit pas attention. Il éteignit le pc, le posa sur sa table de chevet puis descendit au rez-de-chaussée.
***
L'après-midi, Odda était allongée sur un chambre air dans la piscine, en train de se bronzer, vêtue d'un maillot et un soutien-gorge, Alin était assis au bord de la piscine, tendant ses jambes dans l'eau. Il avait peur de l'eau depuis tout petit... une ancienne histoire.
- Min Kjære, tu pourrais m'apporter un verre d'eau, s'il te plait ?
- Ja, bien sûr.
- Takk.
Il se rendit dans la cuisine, prit un verre, le remplit d'eau puis ouvrit le réfrigérateur pour y chercher du citron mais ne le trouva pas.
- Odda, où est-ce qu'on met le citron ? Je ne le trouve pas, l'appela-t-il.
Mais elle ne lui répondit pas.
- D'accord. Je vais trouver une autre solution.
Il prit une orange, la coupa en tranches, puis posa un sur le bord du verre.
- Et voilà ! S'il n'y a pas de citron, fais ça avec une orange.
Il emmena le verre à la piscine.
- Chérie, je n'ai pas trouvé de citron, donc j'ai...
Il vit Odda, allongé sur la piscine, flottant sur le ventre.
- Odda... qu'est-ce que tu fais ?
Pas de réponse.
- Odda... ce n'est pas drôle.
Toujours pas de réponse.
- Tu commences à me faire peur. Allez, sors de là.
Elle ne bougeait pas.
Il prit la serviette d'Odda qui était posée sur le sol et la jeta sur elle. La serviette tomba sur le dos nu de la jeune femme, puis commença à glisser et après elle tomba dans l'eau.
Alin sentit son coeur qui battait très fort. Une goutte de sueur glissa de sa nuque vers son dos. Il avait peur. Il n'avait jamais eu autant peur devant quelque chose dans sa vie. Il lâcha le verre qui tomba sur le sol et s'explosa en mille morceaux.
Alin ne sut pas quoi faire.
- Odda... s'il te plait. Dis quelque chose. Ce n'est vraiment pas drôle.
En vain.
Il s'approcha du bord de la piscine, il posa son pied sur un morceau de verre brisé qui s'enfonça profondément dans son orteil mais il n'y fit pas attention.
- Odda... j'ai vraiment peur. Je ne peux pas me jeter dans l'eau. S'il te plait, arrête ça.
Alin tremblait de peur. Sauter dans l'eau ou pas. Comment faire ? Et si Odda avait essayé de nager et elle se noya ? Et si elle était morte ? Et si, et si... Tant d'idées terribles qui trottaient dans sa tête.
Allez Alin saute. Papa va te prendre.
Je ne peux pas. J'ai peur.
Sauter ou pas ?
Regarde les autres enfants. Est-ce qu'ils ont peur ? Et pourquoi toi ?
Je ne peux pas sauter papa. Je veux partir d'ici.
Et s'il sautait et se noyait lui aussi ? Et si l'eau l'attirait dans ses profondeurs ? Et ne pourrait plus remonter ?
Alin, saute je te dis. Ou tu vas toujours être un lâche. Une merde. Bon à rien.
Papa, je ne suis pas un lâche.
Tu pleures Alin ? Sérieusement ? Tu dois faire face à ta peur. Je te tiens, c'est promis.
Et si tu ne me tiens pas ?
Je te jure que je te tiendrai. C'est promis. Je suis ton papa. Je ne te laisserai pas te noyer. Ne sois pas un lâche.
Je ne suis pas un lâche.
- Je ne suis pas un lâche. Je viens Odda.
Alin sauta. Son cœur faillit s'arrêter de battre quand il tomba dans l'eau et que sa tête se retrouva submergé. Il sentait l'eau lui entrer par le nez et la bouche.
Le petit Alin sauta. Son père qui était déjà dans la piscine lui tendait ses bras mais quand ce dernier sauta, il retira ses bras en arrière et laissa son enfant tomber dans l'eau. Il sentait l'eau lui entrer par le nez et la bouche. Et il commença à se débattre pour monter à la surface.
Comme dans une scène au ralenti, Alin, sous l'eau, hurlait de peur de se noyer et regardait des bulles qui sortaient de sa bouche et remontaient devant son visage.
Son cœur battait plus fort que jamais, l'eau entrait par sa bouche et il trouvait du mal à respirer.
Il vit le corps de Odda en haut. Il voyait la piscine s'étirer sans limites, les trois mètres de profondeur devinrent cinq, puis dix, puis vingt. L'eau entrait dans ses poumons.
Pa... paaaa...
Le papa prit son fils par son bras et le remonta à la surface. Ce dernier respirait enfin de l'air et il crachait de l'eau par la bouche.
Qu'est-ce qui t'arrive Alin ? Pourquoi tu as essayé de crier sous l'eau ? Personne ne va t'entendre. L'eau va entrer dans ta bouche, arriver à tes poumons, il n'y aura plus d'air, tu vas trouver du mal à respirer et tu vas mourir.
Mourir comme Odda ?
Papa, tu ne m'as pas pris dans tes bras. Tu m'as laissé me noyer.
Je t'ai vu te battre Alin. C'est ça ce qu'on appelle l'instinct de survie. Je veux que tu sois plus fort.
Papa, je ne comprends rien à ça. Je veux partir d'ici.
Ne dis pas à ta maman ce qui s'est passé ici entre nous, d'accord ? Si tu lui dis quelque chose, je vais te faire mal. Très mal. Tu m'entends... Al?
Alin ferma sa bouche. Et essaya de remonter à la surface. Il fallait sauver l'amour de sa vie. Impossible de la perdre. Mais c'était dur, très dur.
NOVEMBER 2011
Alin ferma les yeux, bloqua sa respiration sous l'eau et commença à compter.
Un...
Deux...
Trois...
L'image de Odda à la plage, souriante, ravissante, sa belle princesse. La première fois qu'ils sortaient ensemble. Elle regardait vers la caméra de Alin. Un magnifique couple heureux.
Une minute.
Deux minutes.
Il ouvrit ses yeux et vit à travers l'eau, au-dessus, le visage fantomatique et pas très net de Odda qui approchait sa main. Il sortit sa tête soudainement de l'eau mais ne la vit plus. Encore une hallucination.
Il se vit dans sa baignoire. Il parcourut toute la salle de bains du regard. Elle n'était nulle part. Il se tint la tête dans ses mains, les coudes sur ses jambes qui sortaient de l'eau et commença à pleurer.
A chaque fois qu'il se souvenait de son visage, il commençait à pleurer jusqu'à avoir mal au cœur.
Pourquoi ? Pourquoi elle ? Je l'ai aimée. Et elle m'a aimé aussi. Je ne peux vivre sans elle. Je ne peux pas. Je voulais juste construire une famille avec elle. Nous étions heureux tous les deux.
Il entendit quelqu'un frapper à sa porte.
Il s'essuya les yeux, puis sortit de la baignoire. Il passa devant le miroir et vit son reflet. Une barbe de deux semaines mangeait son visage, des yeux fatigués et un ventre plus gros.
Il s'approcha encore plus du miroir et ouvrit grand ses yeux puis passa sa main sur sa barbe.
Il repoussa les cheveux mouillés qui lui tombaient sur le front, puis sortit de la salle de bains.
Soudain, il se souvint qu'il était encore nu, puis il revint à la salle de bains et prit une serviette pour cacher son intimité. Elle pouvait être déjà entrée et la rencontrer nu comme un ver ce n'était vraiment pas une bonne idée.
Elle frappait toujours à la porte.
- Tu peux entrer, lui dit-il.
Il se rendit dans sa chambre, mit des vêtements sur lui et comme elle n'était toujours pas entrée il alla lui ouvrir la porte, mais avant il lissa ses cheveux sur sa tête et essaya un sourire puis il ouvrit.
Une jeune fille d'une vingtaine d'années se tenait devant sa porte en tenant une boite dans ses mains.
- Hallo Mister Alin.
- Hallo Magna.
Cette dernière essaya de se lever vers Alin pour l'embrasser sur la joue et manqua de tomber, ce dernier la tint par les côtés.
- Forsiktig. Doucement.
- Ça pique. Depuis quand tu te traines avec cette barbe ? J'y ai mis mon rouge à lèvres.
Alin emmena sa main à sa barbe.
- C'est vrai. Tu n'as pas menti. Je t'ai dit tout à l'heure d'entrer. J'étais un petit peu occupé...
Occupé à cacher sa nudité.
- ... tu as perdu les clés ?
Magna entra, il s'effaça pour la laisser passer.
- Non, non je n'ai pas pu les sortir de ma poche arrière, comme tu vois, j'ai les mains occupées.
- Qu'est-ce que tu as apporté avec toi ici ? lui dit-il en tendant son index vers la boite qu'elle tenait toujours.
- Tu vas le découvrir après.
- Tu peux poser ça dans la cuisine, je pense que c'est quelque chose à manger.
- Tu ne peux jamais savoir.
Magna partit vers la cuisine, elle avait une étrange façon de marcher. Elle s'inclinait vers la gauche puis vers la droite, comme si elle allait perdre son équilibre et tomber.
Alin avait de la pitié pour cette fille en la regardant marcher comme ça.
- Tu es venue tôt cette fois, lui dit-il en la suivant vers la cuisine.
- Non. J'ai préparé le petit-déj pour grand-mère et je lui ai laissé un petit mot comme quoi je suis avec toi. Je l'ai laissé encore endormie.
- Comment elle va, la grand-mère ?
- Bien, dit-elle en posant la boite sur l'ilot de la cuisine. Elle est heureuse quand elle sait que je suis avec toi. Que j'aie un ami avec qui passer du temps. Sans qui j'aurais pu être déjà morte comme papa et maman.
Alin prit Magna dans ses bras et cette dernière posa sa tête sur son torse.
- Aujourd'hui c'est le jour de notre jogging, dit-elle. Cette graisse, ajouta-t-elle en lui tapant sur le ventre, on doit la faire disparaitre.
- Quoi ?
- Attends.
Elle essaya de sortir son téléphone de sa poche mais ce dernier lui glissa des mains et tomba sur le sol. Tous les deux sursautèrent en attendant que le téléphone s'écraserait. Mais non.
Magna essaya de se pencher pour le prendre mais Alin retint sa main.
- Je m'en occupe.
Il prit le téléphone puis regarda vers les pieds de Magna.
- Tu commences à t'habituer un peu avec ces prothèses ?
- Oui ça va. Ce sont des nouveaux.
- Oui, je vois.
- Mais j'ai encore des difficultés pour me pencher vers le sol. Le max que je peux faire, c'est de m'asseoir les jambes fléchis.
Alin hocha la tête, un moment de silence s'imposa.
- Eh ben dis donc. Ton téléphone est intact, ajouta-t-il en l'examinant.
- C'est un iPhone, c'est normal.
- Quoi ? Un iPhone ne se casse jamais ? lui dit-il en souriant.
- Regarde mon écran et dis-moi, lui répondit-elle en tendant sa main pour prendre le téléphone.
Alin lui tendit le téléphone et fit semblant de le laisser tomber sur le sol. Magna poussa un cri étouffé.
- Je veux juste m'assurer que tu dis vrai.
- Donne-moi ce téléphone avant que tu ne le transformes en purée et prépare-toi.
- On ne va pas d'abord manger ce que tu as apporté avec toi ?
- Non. Pas maintenant.
- Qui a préparé ça ? Quoique ce soit.
- Min bestemor.
- Ça y est. Si c'est elle qui a fait ça, alors c'est une tarte. J'en suis sûr.
- On ne peut jamais te cacher quelque chose ou te faire une surprise.
- Je suis un enquêteur. Nous sommes connus par notre intelligence pointue.
- Oui. Je sais. Prépare-toi, je vais t'attendre à l'extérieur, lui dit-elle en lui tapant sur l'épaule.
***
Alin ne put terminer les cinq cent mètres qu'avec le cœur qui risquait de sortir de sa cage thoracique. Magna était devant lui, toujours en forme.
- Magna, je ne peux plus. Arrête-toi.
Cette dernière se retourna et revint vers lui.
- Ça y est ? Tu abandonnes ? Ma grand-mère aurait pu faire mieux que ça.
Alin posa une main sur son cœur et s'assit sur un trottoir.
- Oui, mais je ne suis pas ta grand-mère.
Il porta son avant-bras vers son visage pour essuyer la sueur et regarda vers Magna, qui souriait.
- Tu te moques de moi, hein ? Regarde dans quel état je suis maintenant.
- Non, pas du tout. C'est très bien pour toi. Tu dois perdre ce gros ventre que tu traines avec toi.
- Pas à ce point-là. Un gros ventre...
Lui-même, ça ne l'empêchait pas de sourire.
A ce moment-là, son téléphone sonnait dans sa poche.
Il le sortit. Morten.
- Salut Morten.
- Alin, on t'appelle depuis tout à l'heure. Une nouvelle affaire. Cette fois ça a l'air étrange. Très étrange.
- Quoi ? Qu'est-ce qui se passe exactement ?
Magna interrogea Alin mais celui-ci leva sa main pour l'arrêter.
- Je ne peux pas te dire ça au téléphone. Moi, je ne fais que passer le message. Je dois me préparer au cas où il y aura une autopsie.
- Oh... ok.
Ça a l'air très sérieuse cette affaire, dis donc.
- Ses senere.
- Oui, on se revoit plus tard. Merci en tout cas, Morten.
- Pas de problème venn.
Quand il remit son téléphone dans sa poche il tendit ses mains à Magna pour l'aider à se relever.
- Qu'est-ce qu'il y a Alin ?
- Je ne sais pas. Mais le devoir m'appelle.
- C'est parfait. Au moins tu vas pouvoir t'occuper.
- Oui...
Une nouvelle affaire. Cette fois ça a l'air étrange. Très étrange.
Ces mots résonnaient dans sa tête.
- D'accord. Maintenant je dois aller REPRENDRE une douche. Ensuite je t'emmènerai chez ta grand-mère et j'irai après au poste, ok ?
- Okay.
Au moins il allait pouvoir s'occuper.
A SUIVRE...
J'adore Magna, et vous?
Selon vous, qu'est-ce qui a bien pu arriver avant que Alin ne rejoigne sa bien-aimée et la retrouver morte?