Episode 5 : Cauchemar

Par Sin

 

  1. EXT. Pleine mer - JOUR

Amaury est perdu en pleine mer, flottant à la surface, dérivant. Autour de lui, aucune terre à l’horizon. Il se débat pour ne pas couler, fait la planche pour éviter de se fatiguer, malgré un soleil brûlant et aveuglant.
Soudain, un navire approche, un grand voilier faisant de l’ombre à Amaury. Ce dernier ouvre les yeux et distingue la silhouette d’un homme, celui-ci est totalement à contre-jour mais Amaury comprend aux formes qu’il semble porter une armure, comme un uniforme militaire mais on ne distingue pas son visage.
L’inconnu tend sa main vers Amaury et ce dernier l’agrippe pour monter à bord du navire. Une fois monté à bord, Amaury découvre, à la place de l’homme en armure, trois corps sans vie allongés sur le pont du voilier, et voit sa propre main en sang.
Des tintements d’épée se font entendre en fond, qu’Amaury n’entend pas. Il finit par se retourner et voit une épée flamboyante, dont le bout traîne par terre, se diriger vers lui. L’épée se soulève sans que l’on puisse voir son porteur et s’abat sur Amaury d’un coup sec.

  1. INT. Château de Kaamelott : Chambre d’Amaury - NUIT

Amaury se réveille en sursaut de son rêve, torse nu, en sueur et le souffle court. Il regarde immédiatement ses mains et constatent qu’elles n’ont rien, il regarde autour de lui et ne voit que les murs en pierre qui l’entourent et le sol vide. Il se calme, reprend son souffle, se lève de son lit, revêt une tenue de nuit, prend un chandelier avec des bougies allumées et sort de sa chambre.

Générique de début.

  1. INT. Château de Kaamelott : Cuisines – NUIT

Amaury est assis devant une table dans les cuisines du château, un verre d’eau à la main et du pain sur la table. Il boit et mange tranquillement, en silence dans ses pensées.
La porte des cuisines s’ouvre et Karadoc entre dans la pièce, Amaury se retourne et le voit. Karadoc s’avance vers les saucissons, en décroche un et le pose sur la table à côté d’Amaury.

Amaury

Tiens, Seigneur Karadoc ? Qu’est-ce que vous glandez dans les cuisines à cette heure ?

Karadoc

Ahhh, c’est l’heure de mon casse-dalle de minuit, seigneur Amaury. Et vous, alors ?

Amaury

Oh, moi ? Euh... Du mal à dormir, tout simplement. Alors je suis descendu casser une graine.

Karadoc

Et vous comptez mieux dormir avec juste de la flotte, des fruits et un quignon de pain ? Vous avez de drôles de goût.

Amaury

Ce que j’ai surtout, c’est une envie d’être seul. Ma nuit est déjà pas géniale, je vous saurai gré de pas la gâcher avec votre présence. Cassez-vous.

Karadoc

Ah ça, si vous vous sentez pas top, j’ai LA solution. Vous vous trouvez d’ailleurs dans la pièce prévue à cet effet.

Amaury

“LA solution”, carrément ?

Ellipse. Karadoc et Amaury sont toujours devant la table, de nombreux aliments étant disposés dessus. Karadoc tient une assiette avec un ensemble presque écœurant d’aliments. Amaury, le regarde sans trop l’écouter, il est exaspéré à l’entendre.

Karadoc

...Et c’est donc pour ça qu’avec de la terrine de lièvre, mixée à du saucisson bien sec et du foie de canard, le tout enroulé dans une ou deux tranches de jambon frais, dans un bon morceau de pain bien cuit et fourré avec du fromage de chèvre, on peut commencer à parler gastronomie. Et croyez-moi, ça vous requinque sec.

Amaury

Oui c’est super. Seigneur Karadoc, avec tout le respect, si je puis dire, que je vous dois, vous avez conscience que je n’en ai rien à foutre de ce que vous racontez ?

Karadoc repose l’assiette sur la table devant eux.

Karadoc

Bah, ça va, on ne fait que discuter, seigneur Amaury. Comme on se connaît pas bien et que vous avez besoin de vous faire au terrain, autant demander au meilleur.

Amaury prend un ton de plus en plus énervé.

Amaury

"Discuter" ? "Le meilleur" ? Vous en avez de bonnes, vous. Je venais simplement grailler un morceau avant d’aller me pager, et j’avais surtout envie de rester seul. SEUL, vous comprenez ? Et là, vous débaroulez et me cassez les noix depuis près de quinze minutes avec votre terrine à la con. Je suis vanné, Karadoc, vous comprenez ça ?!

Karadoc

Ah bon ? Je pensais que vous étiez d’Armorique.

Amaury

De quoi ?

Karadoc

Bah vous avez dit...

Amaury

Non, vous savez quoi ? J’en ai suffisamment appris pour ce soir. Barrez-vous maintenant ! Ou je dois vous tartinez la mouille avec votre terrine pour amorcer le mouvement ?

Karadoc

Comme vous voudrez.

Amaury

Merci, Seigneur Karadoc. Bonne nuit.

Karadoc commence à aller vers la porte mais se retourne d’un coup et prend l’assiette d’aliments dans la main.

Karadoc

Il n’empêche. La terrine de lièvre, faut y goûter, sinon vous ratez votre vie, mon vieux. Continuez comme ça, dans moins d’un an on vous retrouvera dépressif, complètement desséché. Moi je le dis, le gras, c’est...

Amaury (coupant Karadoc, d’une voix très calme)

Seigneur Karadoc. Pour être franc, j’ai fait un cauchemar qui m’a presque fait sauter de mon plumard. Quand cela se produit, je suis systématiquement d’une humeur massacrante et j’ai limite des envies de violence à en faire pâlir Uther Pendragon lui-même, il se chierait dessus à en perdre ses intestins. Alors, vous vous doutez que depuis quinze minutes que vous me faîtes chier à parler de bouffe, de gras et d’hygiène de vie douteuse, je ne vous cache pas que l’envie de vous décoller la peau, l’accrocher à côté des saucissons et badigeonner le reste de barbaque avec votre sang se fait sentir de plus en plus présente. Alors, pour éviter que cela arrive. Allez. Vous. Coucher. Immédiatement. Suis-je assez clair ou dois-je vous faire un exemple avec votre femme ou un de vos mômes ? Remarquez, avec eux ça irait plus vite, y a moins de matière à décoller.

Karadoc ne bouge plus, tétanisé et fixe Amaury, sa tartine devant la bouche. Il commence doucement à marcher vers la porte, sans prononcer un mot. Il l’ouvre et s’en va, Amaury ne bouge pas et le fixe tout le long. Une fois Karadoc, il retourne à sa coupe d’eau.

Ellipse.

Amaury est toujours dans les cuisines, seul et une pomme à la main, il la mange. La porte de derrière s’ouvre de nouveau et Léodagan entre dans la pièce, une sacoche pleine d’or et de bijoux à la main, un maillet dans l’autre. Amaury se retourne et Léodagan s’arrête net en le voyant et s’empresse de cacher son magot derrière son dos.

Amaury

Seigneur Léodagan ?

Léodagan (bégayant)

Seigneur Amaury ? Ça alors, quel hasard. Que faites-vous ici à une heure pareille ?

Amaury (hésitant, désignant sa pomme)

Bah... J’avais une dalle alors je bouffe. Vous aussi ?

Léodagan reste à l’entrée de la pièce et garde ses mains dans son dos.

Léodagan

Moi ? Mais rien du tout. Je... Je cherchais les chiottes.

Amaury

Sans vouloir vous vexer, vous vous êtes un peu planté, Seigneur Léodagan. Puis c’est quoi, ce que vous avez dans les mains ?

Léodagan (peu crédible)

Mais est-ce que je vous en pose des questions, moi ? Non. J’ai juste dû me gourrer de couloir, voilà. J’ai dû prendre à droite au lieu d’aller à gauche.

Amaury reste dubitatif.

Amaury

Si vous le dites. Enfin bref, vous pouvez vous barrez maintenant ?

Léodagan

Bah qu’est-ce qui vous prend, mon... brave ?

Amaury

“Mon brave” ? Vous avez picolé ?

Léodagan

Comment ça ?

Amaury

Non, laissez tomber. Je veux juste être un peu seul, peinard. C’est possible ?

Léodagan

Ah oui, oui bien sûr. Mais... Tout va pour le mieux ?

Amaury perd son sang-froid.

Amaury (sur un ton de plus en plus méchant)

Oh putain, décarrez ou je vous encastre dans les murs du château ! Vous y vivez les trois quarts du temps alors que vous vivez en Carmélide, d’ordinaire. Le tableau sera complet comme ça ! C’est plus clair, là ? Je veux être peinard j’ai envie et besoin d’être seul.

Léodagan (sur le même ton)

Non, mais ça va bien, oui ?! Qu’est-ce qui vous prend ?

Léodagan brandit son maillet, voulant menacer Amaury.

Léodagan

Vous voulez que je vous remette la cervelle en place à coup dans la gueule ?

Amaury tourne le dos à Léodagan et retourne à sa pomme.

Amaury

Oh c’est bon, je suis de mauvaise humeur, c’est tout ! Un mauvais rêve, ça vous va ? Et pour moi, d’un mauvais rêve il en retombe une envie de buter tout le monde. Alors, à moins de vouloir en faire les frais, décarrez.

Léodagan abaisse son maillet, ignore les paroles d’Amaury et s’avance vers les placards. Il les ouvre sans qu’Amaury ne fasse attention et range sa sacoche dedans. Il se relève et s’avance vers la table à côté d’Amaury. Celui-ci se tourne vers Léodagan.

Amaury

Non, mais vous m’avez écouté ou pas ? Passé minuit, vous avez la feuille en rideau, c’est ça ? Décampez et foutez-moi la paix.

Léodagan

Mais hé, j’ai cinq minutes oui ? Je graille un bout et je me tire. Quoi, ça vous gonfle ?

Amaury

Au début, ça me gonfle. Puis après, ça explose. Et ça risque d’exploser sec dans votre gueule ! Même votre père ne vous reconnaitra pas. Il aura beau avoir passé sa vie à vous foutre des mandales, il se dira que quelqu’un a fait du meilleur boulot.

Léodagan

Eh bah, vous on peut dire que vous savez faire perdre l’appétit aux gens. J’ai plus faim.

Léodagan se retourne et marche vers la sortie des cuisines.

Léodagan

Moi qui vous prenais pour un type qui sortait du lot. Vous venez de baisser dans mon estime.

Amaury

Alors je vous conseille de marcher plus vite si vous voulez pas que je descende encore davantage.

Léodagan sort de la pièce en claquant violemment la porte. Elle s’ouvre à peine quelques secondes plus tard et Bohort entre dans la pièce, en tenue de nuit et un chandelier à la main. Le dos tourné, Amaury ne le voit pas.

Amaury

Non mais c’est trop demandé d’être peinard ici ?! Y en a encore combien des glandus qui vont défiler ?!

Bohort affiche un visage effrayé après ces mots.

Bohort

Enfin, seigneur Amaury, c’est vous qui criiez depuis tout à l’heure ?

Amaury se retourne d’un coup et remarque la présence de Bohort.

Amaury (reprenant son calme)

Seigneur Bohort ! Excusez-moi, j’avais pas vu que c’était vous.

Ellipse

Bohort est à côté d’Amaury, qui a retrouvé son calme, le chandelier posé sur la table.

Bohort

Comme je vous comprends. Moi, à force de faire des cauchemars, j’ai pris l’habitude de dormir une bougie allumée sur la table de chevet.

Amaury

Pour ma part, ils ont l’air si réels que je me pique pour vérifier que je suis bien réveillé. Et cette fois, je vous le dis seigneur Bohort, j’étais encore en train de tanguer même après mon réveil. Ça me foutait presque la gerbe.

Bohort

Si vous souhaitez en parler, n’hésitez pas. Mais tâchez d’éviter les détails... Disons, gênants.

Amaury

En fait, j’ai eu du mal à me dire s’il s’agissait de mon imagination ou... d'autre chose.

Bohort

Autre chose ? Mais... Qu’avez-vous vu ?

Amaury

Je ne sais pas si c’est bon que j’en parle. Sans vouloir vexer, seigneur Bohort.

Bohort

Je comprends tout à fait, seigneur Amaury. Mais si vous vous décidez à en parler, vous savez où me trouver.

Amaury

Je le retiens. Merci beaucoup, seigneur Bohort.

Bohort

Je vous en prie, cela me fait plaisir. Sur ce, je vais prendre congé et retourner me coucher. Vous semblez bien plus calme.

Amaury

Faites. Encore désolé de vous avoir effrayé.

Bohort récupère son chandelier et se retourne. Il s’avance vers la porte des cuisines.

Amaury (d’une voix très calme)

Mon frère.

Bohort s’arrête net à ces mots et regarde en direction d’Amaury, intrigué.

Bohort

Pardon, seigneur Amaury ?

Amaury

Je crois que c’est mon frère que j’ai vu dans ce cauchemar. Je n’en suis pas sûr.

Bohort s’inquiète, mais ne bouge pas de sa place.

Bohort

Votre frère ? Vous en parlez souvent, mais… je me demandais, lui est-il arrivé quelque chose ?

Amaury

Oui.

Bohort

Quoi donc ?

Amaury

Il est mort. Il y a une bonne dizaine d’années de ça.

Bohort affiche un visage effrayé mais compatissant. Amaury ne bouge pas de la table.

Générique de fin. Les crédits défilent.

Quelques instants plus tard, Bohort est de nouveau à côté d’Amaury, les deux amis partagent une coupe de vin. Bohort se sert un nouveau verre.

Bohort

Alors votre pièce de théâtre, le frère désireux de se venger, tout cela s’inspire de cette tragédie ?

Amaury

En partie, oui. Ayant du mal à exprimer ce que je ressens, l’écriture m’a permis de me soulager. J’en veux bien un autre.

Amaury tend sa coupe et Bohort y verse du vin. Ses yeux brillent et des larmes commencent à monter.

Amaury

Parfois, je rêve de lui. D’autres fois, j’en cauchemarde. Et ça me met dans tous mes états. Alors je chercher à m’isoler de tout, le temps que ça passe.

Bohort

Je ne peux qu’imaginer votre peine, seigneur Amaury. Si cela vous a fait du bien d’en parler, tant mieux.

Amaury esquisse un bref sourire malgré les larmes.

Amaury

Ça fait toujours du bien de parler. Merci Bohort. Je vais peut-être aller prendre l’air, me vider davantage la tête.

Bohort

Faites donc. Moi, je vais retourner dormir. Soyez prudent dehors, seigneur Amaury.

Bohort reprend son chandelier et quitte la pièce alors qu’Amaury finit sa coupe.

Amaury (sur un ton un peu plus joyeux)

Je prendrai mon épée alors. Bonne nuit, seigneur Bohort.

En quittant la pièce, Amaury prend la bouteille de vin et la lève.

NOIR

Amaury

Sanitas, frater meum.

FIN

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Maëlys
Posté le 20/11/2022
Coucou !
C'est sûrement mon chapitre préféré depuis le début ! Je me crois vraiment dans la série, c'est incroyable.
La scène avec Léodagan et celle avec Caradoc sont drôles et celle avec Bohort assez touchante.
J'ai hâte de voir la suite :)
Sin
Posté le 22/11/2022
Salut
Content qu'il t'ai plu ça fait plaisir à lire
Hâte moi aussi de publier la suite. Elle est déjà prête mais je me laisse du temps pour peaufiner
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