EPISODE 6 : Le crapaud
Benoît pousse son vélo vers Thomas et s’arrête à sa hauteur.
« Bonjour, dit-il. Je peux t’aider ? Tu cherches quelque chose ?
- J’ai perdu mon cadeau pour ma copine ! répond Thomas en levant vers lui un visage affolé. Des boucles d’oreilles ! La boite est tombée dans cette bouche d’égout et la grille est scellée. Je vois la boîte mais je ne peux pas l’attraper. Quel maladroit je fais !
- Je la vois aussi, dit Benoît qui s’est penché au-dessus de la grille.
- On peut l’aider, murmure Juju pour que seul son ami l’entende. Tu peux me faire descendre le long d’une ficelle ou de quelque chose de long. Mais il ne faut pas que Thomas me voit.
- J’ai peut-être une idée pour l’atteindre, dit Benoît à l’adresse du jeune homme. Est-ce que tu pourrais trouver une ficelle ?
- Je vais en chercher ! » s’écrie Thomas en courant déjà.
Dès qu’il est assez loin, Benoît range son vélo contre la clôture du parc et court jusqu’à l’arbre le plus proche. Il ramasse une longue branche fine.
« Qu’est-ce que tu en penses, demande-t-il à Juju
- Ca peut marcher » répond celui-ci.
Les voici repartis au-dessus de la grille. Benoît introduit la branche à travers la grille jusqu’au fond de la bouche d’égout. Juju se laisse glisser tout le long et pose un pied avec prudence sur la couche d’herbe sèche et de petits détritus qui tapissent le sol. Comme il n’a pas plu depuis longtemps, il n’y a heureusement pas d’eau. Il peut marcher sans problème.
Il court jusqu’à la petite boîte à bijoux, la prend dans ses bras, et revient s’accrocher à la branche avec son chargement.
« Remonte-moi, crie-t-il.
- Ok » confirme Benoît en commençant à tirer lentement sur la branche.
Juju fait passer la boîte entre les barreaux de la grille. Au moment où Benoît l’attrape et la met dans sa poche, un bruit de course se fait entendre. C’est Thomas qui revient.
Surpris, Benoît se retourne en inclinant sans le vouloir la branche à laquelle Juju est toujours accroché. Celle-ci se tord entre les barreaux et… CRAC !
Juju tombe au fond du trou, tenant toujours le morceau de bois cassé. L’herbe amortit sa chute mais il est un peu secoué. Il se redresse péniblement tandis qu’au-dessus de lui, il entend Thomas, essoufflé :
« J’ai la ficelle !
- Ah très bien ! dit Benoît. Mais finalement j’ai réussi à récupérer la boîte avec une branche.
- Oh ! Bravo ! s’exclame Thomas qui a l’air très étonné. Je ne comprends pas comment tu as fait, mais je te remercie ! Vraiment, merci beaucoup ! Tu peux me demander ce que tu veux quand on se reverra ! »
Juju entend de nouveau le pas de course du jeune homme qui doit foncer vers son rendez-vous. Il guette le visage de Benoît au-dessus de lui, quand un froissement d’herbe séchée lui fait tourner la tête. A quelques centimètres de lui se tient le plus énorme, le plus verdâtre, le plus repoussant de tous les crapauds qu’il ait jamais vu.
« Beuuuuuuuuuurk ! crie Juju. Benoît ! Sors-moi vite de ce trou ! Il y a un très gros crapaud, ici !
- La branche est trop courte maintenant, répond Juju. Et la ficelle de Thomas est toute entortillée. J’y attache un caillou et je te l’envoie.
- D’accord mais fais vite, s’il te plait ! »
Juju garde les yeux rivés sur le crapaud. Il est gris marron, son ventre est plus clair, et son dos est couvert de verrues. Le corps de l’animal est tellement gros que ses pattes semblent incapables de le porter.
Comme pour prouver le contraire, il fait trois pas vers Juju. Puis trois autres. Et encore trois.
« Ca devient urgent, Benoît ! » hurle Juju qui commence à paniquer. Il recule sans quitter son gluant voisin des yeux. Il croit savoir que si le crapaud le touche, il va avoir des gros boutons partout.
Jeu du crapaud : cherche sur internet ou sur une encyclopédie si le crapaud peut vraiment donner des boutons à Juju s’il le touche. Combien trouve-t-on d’espèces de crapaud en France ? Quelle est la différence entre un crapaud et une grenouille ? Comment s’appelle la plus grosse espèce de crapauds du monde ?
Pas après pas, en changeant de direction, le crapaud fait reculer Juju jusqu’à l’entrée du tuyau qui évacue l’eau vers les profondeurs des égouts. Sans voir où il va, il finit par tomber assis au milieu d’une touffe de plantes à petites fleurs rose foncé et à feuilles toutes découpées.
Le temps de se remettre debout et de se dégager des tiges, le crapaud a disparu. A croire qu’il voulait juste lui transmettre un message…
« Je t’envoie la ficelle ! », dit la voix de Benoît, qui joint le geste à la parole.
Cette fois, Juju parvient sans encombre à sortir du trou à travers la grille. Benoît lui tend la paume de sa main : « Tope là ! C’était du bon travail d’équipe ! ». Avec un grand sourire, Juju tape dans la main de son ami avec un tout petit Clac ! C’est vrai que c’est agréable d’aider les gens.
Quelques tours de roues et voici les deux garçons devant la boulangerie, Juju de nouveau caché dans la poche de Benoît. Avant qu’il ait pu suggérer qu’ils réfléchissent à une manière discrète d’interroger Caroline sur le Vieux Barbu, ils sont déjà dans la boutique. Quel impatient, ce Benoît ! Il va devoir se débrouiller seul.
« Tiens ! Bonjour, mon grand, dit Caroline. Juju n’est pas avec toi ? Il est rare que je vous voie l’un sans l’autre.
- Euh, non, pas aujourd’hui, répond Benoît en rougissant.
- Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? Marie-Anne t’a envoyé chercher une baguette ?
- Euh… non. »
Benoît est maintenant de la couleur d’une tomate. Comme Juju le craignait, il ne sait pas quoi dire pour justifier sa présence. Le garçon espère que l’imagination habituellement débordante de son copain va se mettre en marche.
Malheureusement, il a l’air de commencer à paniquer : à travers le polo, Juju peut sentir le cœur de Benoît qui bat à grands coups.
« Je suis venu pour… Pour voir Salade ! s’écrie Benoît, au grand soulagement de son ami. Et pour te demander si quelqu’un avait encore débranché la machine à glaces !
- Oh ! C’est gentil de prendre des nouvelles. Figure-toi que c’est justement Salade qui débranchait la vitrine en passant sous le câble. Le problème est résolu, vous aurez des glaces cet été ! annonce Caroline, si réjouie qu’elle en a oublié les hésitations du garçon.
- Ca c’est chouette ! La prochaine fois je prendrai chocolat et citron. »
Nouveau silence, tandis que Benoît se penche pour caresser la tête de la tortue qui traverse tranquillement le magasin. « Il prépare les questions sur le vieil homme » pense Juju.
« Tiens, tout à l’heure j’ai vu le Vieux Barbu sortir de la boulangerie, se lance le garçon. Je le trouve, euh…étrange. Tu le connais ?
- Le « Vieux Barbu » ? C’est comme ça que les enfants l’appellent ? dit Caroline en éclatant de rire. Il s’appelle Léonard Skaros. Oui, je le connais très bien, et depuis longtemps. C’est un homme fascinant et très gentil. S’il n’avait pas été là, je n’aurais pas pu ouvrir la boulangerie. Il m’a beaucoup aidé.
- Moi je croyais qu’il ne parlait à personne.
- Peut-être parce que peu de personnes lui parlent ? lance Caroline avec un clin d’œil.
- Je n’avais pas pensé à ça, avoue Benoît, songeur.
- Parle-lui, la prochaine fois que tu le vois, et tu verras ce qui se passe.
- Euh… il me fait un peu peur.
- Pourquoi ? demande Caroline avec un sourire en coin. Est-ce que ce n’est pas parce qu’il est différent ? »
Benoît réfléchit soigneusement à cette importante question, tout comme Juju dans sa poche. C’est vrai que l’homme a une barbe impressionnante. Et qu’il est habillé tout en noir, avec des vêtements qui ont l’air d’avoir traversé les siècles. Mais finalement ça ne veut rien dire… l’homme n’en est pas pour autant un sorcier. Ça n’existe même pas, les sorciers !
« J’ai quelque chose à te proposer : je voulais apporter des petits fours salés à monsieur Skaros. Je peux te les confier pour que tu les lui amènes avec ton vélo. Tu me rendrais service et tu pourrais faire sa connaissance. Qu’en dis-tu ? »
Juju n’en croit pas ses oreilles : Benoît a réussi à obtenir la solution rêvée pour entrer en contact avec l’homme qui a l’air de savoir ce qui lui est arrivé !
Caroline aide Benoît à attacher la boîte de petits fours sur le porte-bagage de son vélo. Puis elle lui explique comment trouver la maison de monsieur Skaros.
« Tiens, Benoît, prends un petit pain. Avec des petits morceaux de jambon, celui que tu préfères, je crois. »
Sais-tu avec quels ingrédients on fabrique du pain ? Entoure-les dans le dessin. Il y en a un très important qui manque. Peux-tu le deviner ?
« Oh, merci Caroline ! » dit Benoît avec des yeux gourmands, avant de monter sur son vélo.
« Incroyable ! pense Juju. Nous allons rencontrer le Vieux Barbu ! »
Fin de l’épisode