Dès les premières lueurs du jour, Leandro avait regagné le quartier général de la Fiammata, où il retrouva Malaspina qui recevait le rapport du jeune Fabio sur les actions des babyboss. En effet, il fallait maintenir sur ces jeunes aspirants mafieux une autorité sans faille pour les empêcher de faire du grabuge inutile.
Malaspina donna des instructions pour réfréner les uns, rétribuer les autres s’ils avaient fait preuve de loyauté ou de modération. Il portait beaucoup d’attention à ce sujet car c’était un de ses soucis majeurs, avec les incursions des calabrais sur son territoire pour y introduire de la drogue.
Pour couronner le tout, il devait composer avec le boss car tout cela ne devait pas remonter jusqu’à lui, pour cela, il devait garder un contrôle absolu sur la situation.
Se retournant, il salua Leandro et fit un signe pour qu’on lui amène une tasse de café.
« Tu as ramené la fille chez elle ? » demanda-t-il à brûle-pourpoint quand Fabio eut quitté la pièce.
« Oui, je l’ai même déposée directement dans son lit, elle était hors d’état de marcher » répondit Leandro l’air maussade.
Il poursuivit néanmoins, car il avait compris ce que son supérieur attendait : « Drôle de gamine celle-là, on dirait qu’elle sort directement d’un pensionnat, une vraie petite fille modèle. Père mort ou parents divorcés, non, je dirais plutôt que le père est mort ou l’a abandonnée quand elle était petite. Jeunesse classique avec danse, piano et tout le tralala. Elle était bonne élève, est allée jusqu’au Master 1 de lettres, qu’elle a réussi brillamment. J’ai trouvé des factures de soins hospitaliers, sa mère est gravement malade. Je pense donc qu’elle a délaissé ses études pour payer les frais. Au niveau de ses goûts, elle lit des vieux romans neuneus, et écoute de la musique classique et du rock. Voilà, rien à signaler. Pas ton genre ».
Malaspina hocha la tête, sachant qu’il pouvait totalement se fier au jugement de son nervi, qui était particulièrement aguerri aux investigations. Chassant de son esprit des pensées inopportunes, il enjoignit Leandro de réunir son équipe et se plongea dans la lecture de la liasse de papiers posée devant lui.
De son côté, Flavia avait attendu le samedi suivant pour faire un crochet par l’appartement de Chiara, situé en front de mer, sur la Via Partenope.
Elle avait en tête un vague plan de bataille, qui impliquait de regagner les faveurs de Malaspina, mais elle ne savait pas quoi faire dans ce but, elle recherchait donc l’avis éclairé de son amie sur les procédés propres à le séduire.
Chiara avait éclaté de rire à l’exposé des questionnements de Flavia : « Dire qu’il a fallu attendre ça pour que tu commences à faire attention à toi…Bien… Je veux te dire quand même que ça fait longtemps que j’attends de pouvoir t’aider à te pomponner un peu. Comme quoi, il peut y avoir du bon même dans ce genre de situation…Si tu pouvais faire tout cela pour quelqu’un qui en vaille la peine, Madonna… » adjura-t-elle en allant fureter dans sa salle de bains.
Elle en revint les bras chargés de produits cosmétiques en tout genre et déclara d’un ton magistral : « On va commencer avec le maquillage, puis on ira faire les boutiques ensemble pour te débusquer des habits dignes de ce nom, car il faut tout revoir de A à Z ».
Puis, elle attacha les longs cheveux de Flavia en palmier, les relevant au sommet du crâne, en prenant soin de les tirer assez de manière qu’ils ne puissent revenir sur le visage.
A la grimace que fit Flavia, elle répliqua : « Comme si tu n’avais pas lu dans tes bouquins qu’il faut souffrir pour être belle…C’est bien que tu sois un peu confrontée à la réalité, on n’obtient rien sans rien ».
Elle ouvrit toutes sortes de pots et commença à s’affairer avec ses pinceaux, reculant de temps en temps pour juger de l’effet produit, puis tendit d’un air victorieux un miroir à son amie : « Admire le résultat, je ne suis pas peu fière du rendu final, par contre, pour les cheveux, il faudrait aller chez le coiffeur ».
Flavia faillit s’étrangler en apercevant son visage grimé à la manière des modèles de magazine.
— Mais…Je ressemble à un pot de peinture ! Est-ce que tu étais obligée de mettre tout ça à la fois ? Le liner ET le mascara ? Du fard violet en plus ?
— Euh là, tu vas me vexer! Est-ce que tu oserais douter de mon expertise ? Tu n’as pas vérifié l’efficacité de mon savoir-faire tout au long de ces dernières années ? Le nombre de mecs que j’ai attiré dans mes filets ?
— Non… S’ils étaient attirés par toi, c’est grâce à ta beauté…
— Mais la beauté, ça se travaille, qu’est-ce que tu crois ? Que tout tombe tout seul dans le bec ? Est-ce que tu sais combien de temps je passe le matin à me préparer, à me lisser les cheveux ? A me composer le maquillage parfait ? A choisir mes vêtements ? Rien n’est laissé au hasard, c’est tout un art, ma grande.
— Je ne sais pas si j’arriverai à faire tout ça…
— Et c’est pour ça que tu as besoin de ta bonne vieille Chiara pour te guider ! Tu peux compter sur moi, va ! C’est plus un plaisir qu’autre chose pour moi. Je sais déjà quelles boutiques on va dévaliser.
— Bon, ménage quand même mon porte-monnaie, mes moyens ne sont pas illimités.
— Bah, au pire, je peux te faire quelques petits cadeaux… Oh, trois fois rien, ne t’inquiète pas, je vois bien le retour de tes grands airs avec ta fierté mal placée !
A ces mots, Chiara serra le bras de son amie pour l’entraîner au-dehors, car elle avait deviné que Flavia tenterait d’estomper les traits de crayons colorés et les aplats de fard dont elle avait chamarré son visage.
Flavia rendit l’accolade à Chiara :« Je te remercie de jouer ma cicerone, tout ça est inconnu pour moi », mais celle-ci rétorqua, moqueuse : « Par contre, il faut définitivement arrêter avec tes mots ringards, c’est ridicule, fais un peu comme tout le monde pour une fois…Enfin, je te dis ça dans ton intérêt, ça ne me dérange pas mais c’est plus un repoussoir à mecs qu’autre chose, cette façon de parler ».
L’après-midi se passa dans une succession de grands magasins bon marché et de petites boutiques discount afin de débusquer à Flavia quelque chose qui la mette en valeur. De manière générale, c’était des vêtements près du corps, plutôt courts et même une paire de chaussures à talons.
Les sous-vêtements ne furent pas oubliés, et quelques ensembles en dentelle ou transparents à bas coût s’ajoutèrent à la liste des achats. Chiara avait évidemment contribué à ce que la facture finale ne soit pas trop élevée car elle avait vu Flavia se décomposer progressivement à chaque fois qu’on lui présentait un ticket de caisse.
« Maintenant, tout est entre tes mains, à toi de jouer ! Et jette-moi tous tes vieux oripeaux, pour parler comme toi !» conclut Chiara au terme de cette fatigante journée.
Flavia remonta chez elle avec célérité, car elle était toute excitée à l’idée de découvrir sa nouvelle apparence alliant maquillage et tenue sophistiquée.
Elle dut quand même patienter que toutes ses emplettes aient fini de sécher mais elle étrenna le maquillage dès le soir, et reçut des compliments de ses collègues de travail, malgré quelques paquets et coulures.
Elle put enfin arranger sa nouvelle tenue dès le lendemain, et sortit faire un tour d’essai dans la rue en espérant un peu de succès auprès des napolitains, bien connus pour être des dragueurs invétérés.
Mais son manque d’aisance sur les talons lui donna une attitude compassée qui lui attira des regards plus curieux que charmés.
En arpentant les rues, elle se gourmandait en son for intérieur : « Je suis ridicule, ce n’est pas possible d’être aussi maladroite…Il faudrait peut-être que je roule un peu des hanches… non…c’est pire, je vais tomber. Ça doit une question d’entraînement, il faut que je me fasse à tout ça et ça ira mieux ».
Interrompant l’expérience, elle regagna son studio, retirant ses chaussures dans les escaliers, car elle risquait une chute sérieuse.
Les jours passèrent, des jours qui auraient été monotones si Flavia n’avait pas remarqué un changement imperceptible dans les regards masculins, à peine plus appuyés qu’autrefois, qui lui confirmèrent qu’elle était sur la bonne voie.
Le samedi suivant, enfin, M. Giolitti la convoqua dans son bureau avant le service : « Flavia, nos invités de marque sont de retour, je te recommande encore la plus grande attention dans tout ce que tu feras ».
Ainsi donc, ils étaient là ! Pourtant elle savait que Laura travaillait ce jour-là, comment se faisait-il qu’on lui confie cette table ? Flavia courut à la salle de bain pour vérifier sa mise, elle fut satisfaite de constater que ses cheveux étaient joliment ramenés en tresse sur le côté. Ses paupières légèrement tombantes fardées de noir agrandissaient ses yeux et une pointe de rose égayait ses joues et ses lèvres. Son manque d’usage l’empêchait néanmoins de se rendre compte qu’elle avait eu la main lourde et qu’elle ressemblait plutôt à une poupée.
Contente d’elle-même, elle se rua dans la salle de réception, les menus à la main.
Son enthousiasme fut immédiatement douché à la vue de Malaspina, toujours splendide en costume blanc à rayures noires, entouré de ses sbires, notamment Leandro.
Justement, elle avait remarqué un pli dédaigneux sur les lèvres minces de l’homme de main, qui lui donna le sentiment subit et désagréable d’être mal fagotée.
Elle se sermonna intérieurement de cesser d’être aussi faible, mais sa déconvenue augmenta encore quand elle croisa le regard de Malaspina, qui la considéra un moment d’un air narquois, quand elle lui remit le menu.
Liquide, elle tenta d’assurer normalement son service, et réussit à ne commettre aucune maladresse mais ses yeux perpétuellement baissés témoignaient de son malaise.
Le groupe ne semblait pas y prendre garde et la même conversation joyeuse animait les convives, à l’exception de Malaspina et Leandro, beaucoup plus réservés.
Pour fixer son attention sur autre chose que sa cible, elle essaya de se focaliser sur ce qui se disait. Elle parvint à saisir que l’homme aux holsters se nommait Marco, un vrai gourmand, qui comparait en un long monologue les différentes façons d’accommoder les scialatellis, sortes de spaghettis épaisses locales. Elle était loin de s’imaginer, devant un personnage aussi enjoué, qu’il était responsable des exécutions décidées par le capo.
Le plus jeune, Fabio, tournait en dérision son obsession de la nourriture et insinuait qu’il devrait plutôt modérer son intérêt pour elle, car il s’empâtait de plus en plus.
Cela divertissait beaucoup l’homme à la cravate de soie, Lorenzo, qui lui conseillait de s’occuper de ses affaires s’il ne voulait pas encourir les foudres de Marco, qui, très susceptible, avait tendance à jouer nerveusement avec la sangle de l’étui.
Dario, l’homme à la radieuse chevelure blonde, glissait de temps en temps quelques piques sournoises en faisant mine de ne pas y toucher, ce qui ravivait les échanges entre les comparses.
De son côté, Leandro avait l’air de s’ennuyer profondément, mais Flavia comprit qu’en réalité, il surveillait tout attentivement, car il balayait de temps en temps la salle d’un regard vigilant.
Malaspina couvait la joyeuse assemblée d’un air indulgent et parfois amusé . Il devait vraiment les estimer, pensa Flavia, mais un regard irrité vint lui rappeler qu’il fallait se concentrer sur son travail.
A la fin du service, elle salua obséquieusement les mafiosi, outrancièrement inclinée, car elle ne voulait pas percevoir à nouveau le mépris dans les yeux du capocrimine et de son suppôt.
Elle se cacha le visage dans la main. Elle n’était pas à la hauteur, il fallait l’admettre, elle n’arriverait à rien, tous ses efforts semblaient dérisoires.
Minée par la déception, elle quitta le restaurant sans demander son reste, referma la porte arrière doucement après elle, et s’y adossa, glissant à terre.
Mais son oreille s’alarma au bruit que faisaient des bottes de cuir sombre qui s’approchaient d’elle.
L’imposante silhouette de Leandro lui faisait face et Flavia n’avait nul besoin de distinguer son visage pour comprendre qu’il était mécontent d’être là.
« Suis-moi » commanda-t-il laconiquement en tournant les talons.
Flavia avait espéré ce moment mille fois cette semaine et pourtant elle était paralysée par la stupéfaction, car rien ce soir n’augurait de cette invitation.
Un frisson d’appréhension se répandit le long de sa colonne vertébrale, jusqu’à ses mains qui se contractèrent pour en cacher le tressaillement.
« Tu veux de l’aide ? Dépêche-toi !» grommela le gorille, exaspéré de sa lenteur.
Flavia se redressa et trotta jusqu’à la voiture qui attendait au même endroit que la dernière fois, la portière arrière ouverte à son attention.
Celle-ci était vide, à sa surprise, elle était seule avec Leandro : « Prends le bandeau, tu sais quoi faire» lui enjoignit-il.
Elle ceignit le bout de tissu fébrilement, car les idées se bousculaient dans sa tête sur la conduite à tenir. Elle ne pouvait qu’improviser maintenant et saisir sa chance de parler à Malaspina si elle se présentait. Pour cela, elle devait retenir son attention d’une manière ou d’une autre, et dans l’immédiat, se calmer à tout prix car elle serait incapable d’aligner deux mots dans cet état.
Leandro resta silencieux pendant tout le trajet, mais il jetait de temps à autre un regard en arrière, observant à la dérobée la jeune fille dont il percevait l’anxiété.
Il offrit sa main à Flavia pour l’aider à s’extirper du véhicule et l’orienter dans le dédale de couloirs qui desservait le quartier général du groupe criminel, jusqu’à l’appartement du capo, qui occupait une bonne partie du dernier étage.
« Tu peux enlever le bandeau » lui suggéra-t-il à l’oreille avant de l’introduire chez Malaspina.
Puis il se retira, sans que son agacement disparaisse pour autant, constata-t-il courroucé.
Flavia se vit seule dans le grand salon, et fit plusieurs fois le tour de la pièce du regard pour en être bien certaine.
Que devait-elle faire ? Était-elle seulement attendue ? Non, en douter était ridicule, ce Leandro l’avait guidée jusqu’ici malgré son évidente répugnance, ce ne pouvait qu’être sur ordre exprès du capo.
Et si elle en profitait pour fouiner un peu ? Non, elle n’aurait jamais assez de temps pour ce faire, elle risquait plutôt d’être prise la main dans le sac et tout serait fini pour elle.
Ces divagations furent dérangées par la sensation d’une présence derrière elle, ce qui se vérifia car ses cheveux frémirent sous le souffle de Malaspina, posté dans son dos.
Sans un mot, il s’assit sur le canapé de cuir noir, observa silencieusement Flavia, puis ordonna abruptement : « Déshabille-toi ».
« Pas de formule de politesse, pas de préliminaire » constata âprement Flavia « Ma situation ne s’améliore pas ». Mais elle s’exécuta, se défaisant de son uniforme, dévoilant ses nouveaux dessous.
Elle avait choisi ce soir un ensemble de voile noir qui ne cachait rien de ce qu’il recouvrait.
« Bien, tourne sur toi-même, lentement » décréta Malaspina, impénétrable, ce que fit Flavia en tâchant d’étouffer la honte qui la dévorait.
« Pourquoi ce changement, ce maquillage et cet accoutrement ? » déclara le mafieux, sur le même ton.
« C’est pour vous plaire, signore… » commença Flavia, d’une voix mourante.
« Je sais que tu dis la vérité, mais tu ressembles à une pute, enlève ton maquillage et ces dessous ridicules. Si tu veux me faire plaisir, je te donnerai de quoi tout à l’heure. Tu sais où est la salle de bain » répartit-il d’un ton condescendant.
Cette réplique lui fit l’effet d’une gifle, elle s’enfuit vers la salle de bains où elle s’enferma, pour dissimuler les larmes qui lui montaient aux yeux. Cet homme avait le don de l’humilier, quoi qu’elle fasse, ce n’était jamais assez bien pour lui.
En l’absence de démaquillant, elle utilisa du savon pour éliminer jusqu’à la moindre de trace de fond de teint et de ricil, puis jeta rageusement ses sous-vêtements dans la poubelle. Elle était nue désormais, était-ce ainsi qu’il la voulait ?
Elle sortit sur la pointe des pieds et retrouva Malaspina, qui n’avait pas bougé d’un pouce, sûr d’être obéi.
Serrant les poings pour se donner de l’assurance, elle le rejoignit et le confronta.
Il la considéra de la tête aux pieds, et laissa échapper un murmure de satisfaction : « C’est mieux, tu vois, c’est ainsi que je te veux, sans fard, telle que tu es vraiment. Le reste n’est qu’un déguisement pathétique ». « Tu parlais de me faire plaisir, mais tu vas d’abord te donner du plaisir, avant qu’on passe aux choses sérieuses », ajouta-t-il sourdement.
Sur ces paroles, il sortit son membre et l’empoigna dans un mouvement de va-et-vient en fixant Flavia droit dans les yeux : « Viens ici et prends-moi en toi. Je veux que tu te fasses jouir ainsi ».
Le visage enflammé, déjà haletante à l’idée de ce qu’il lui demandait, elle s’avança vers lui. Avec le peu de précaution que lui permettait l’exaltation qui montait en elle, elle se positionna pour s’asseoir à califourchon sur Malaspina.
« Attends une seconde » l’arrêta ce dernier, et il plongea son pouce dans la bouche entrouverte de Flavia, qui le suça doucement, d’instinct. Il reporta ensuite ce doigt en Flavia, pour vérifier qu’elle était prête à être pénétrée.
A son corps défendant, Flavia se sentit transportée par ce doigt qui bougeait en elle, et qui lui faisait désirer davantage.
« Toujours prête, hein ?» la railla-t-il, et il entraîna les hanches de la jeune fille vers lui. Celle-ci s’appesantit sur le membre dressé en le guidant d’une main hésitante. Elle laissa échapper un gémissement alors que la verge se frayait un chemin jusqu’au plus profond d’elle-même.
Elle resta effarée un instant d’avoir réussi à tout prendre en elle, puis se ressaisissant, elle s’agrippa aux épaules solides de Malaspina, pour se soulever et retomber le plus délicatement possible.
Mais Malaspina ne voulait pas de cette douceur, il pressa la taille de la jeune fille pour qu’elle accélère la cadence, l’attirant vigoureusement contre lui. Flavia ajusta donc le rythme sur l’avidité de son partenaire jusqu’à ce que l’extase la fasse chavirer. Il prit alors le relai, la renversant et la martelant de coups de reins.
Quand il eut atteint également l’orgasme, il demeura un moment immobile sur elle, le visage lové au creux de sa nuque.
Puis, il se releva brusquement et soulevant Flavia, il la porta jusqu’à sa chambre où il la laissa tomber sur le lit.
Il se défit de sa veste et de sa chemise, enveloppant Flavia d’un regard qui ne cillait pas, mais plein de concupiscence. Puis, il se départit de sa ceinture, la faisant glisser le long de la paume de sa main pour l’enrouler à moitié.
« Il faut que je te punisse de t’être conduite comme une catin, je crois que tu en as besoin » éructa-t-il avec une intensité que Flavia ne lui avait jamais vue.
Avant que la peur ne la saisisse, un coup s’abattit sur sa cuisse, la terrassant d’une vive brûlure.
Elle se recroquevilla réflexivement, mais ce mouvement de défense fut retenu par une main impérieuse.
« Étends-toi et ne bouge plus » exigea le capo, « Je ne veux plus de ce genre de mouvement, quoiqu’il arrive » ajouta-t-il d’un ton impérieux.
Malgré la douleur, Flavia était subjuguée par l’autorité irrésistible qui émanait de l’homme, aussi ne bougea-t-elle plus, malgré les coups qui cinglèrent ses seins, son ventre, son pubis. Elle se contentait de fermer les yeux en serrant les dents, espérant que la morsure du cuir cesserait bientôt de la tourmenter.
Elle ne savait plus très bien ce qui, de l’appréhension de la douleur ou de la décharge qui la secouait à chaque fois que le ceinturon s’abattait sur elle, était le pire. Elle retenait son souffle, son corps contracté par la crainte. Paradoxalement, la sensation du cuir incendiant sa peau l’aidait à lâcher prise un court laps de temps avant que la crainte ne la saisisse à nouveau.
Enfin, les coups cessèrent et une main compatissante caressa ses cheveux : « C’est bien, continue comme ça ».
Mais cette main la retourna aussitôt, lui passa la ceinture autour du cou et attrapa ses hanches pour les relever. Ce n’était plus la meurtrissure cuisante de la flagellation qui la remplissait mais le membre qui coulissait entre ses cuisses, heurtant ses hanches sans douceur, jusqu’à ce que le plaisir l’emporte une nouvelle fois.
Un grognement rauque se fit entendre et le membre se retira peu après.
Flavia, prise par un frisson que la fraîcheur de l’air fit courir sur sa peau, s’allongea à plat ventre sur les draps de coton, recherchant un peu de réconfort dans ce contact agréable.
La tête vide, elle sentait la torpeur la gagner quand des bras athlétiques la ramenèrent à la salle de bain, réitérant le rituel des ablutions qu’elle avait déjà subi dix jours auparavant.
Elle perçut ensuite le frottement moelleux d’une serviette qui épongeait son corps et enfin, un contact onctueux oignit les ecchymoses qui parsemaient sa peau.
Elle se laissait faire, dolente, à la limite de l’inconscience, jusqu’à ce que la voix de Malaspina la rappelle à elle.
— Est-ce que tu veux te reposer un peu, ou préfères-tu que je demande à Leandro de te raccompagner chez toi, si tu t’en sens la force ?
Elle répondit dans un soupir, en rassemblant ses forces pour se lever.
— Je veux rentrer, s’il vous plait…
Les jambes flageolantes, elle se mit en quête de ses habits éparpillés, et réalisa avec stupeur qu’elle s’était débarrassée de ses sous-vêtements dans la poubelle, et qu’elle resterait donc nue sous son uniforme.
Une fois rhabillée, Malaspina, en peignoir de velours marine, lui désigna sur le comptoir la pilule contraceptive, dont il surveilla attentivement la prise. Il décrocha alors l’interphone pour requérir la présence de Leandro.
Enfin, il se rapprocha de Flavia, qui s’appuyait sur le tabouret pour tenir debout, et lui saisit les deux mains:
— Je te le dis au cas où tu ne l’aurais pas compris : tu n’es pas obligée de monter dans la voiture que je t’envoie. Je n’essaierai pas de te faire du mal, si tu refuses de venir la prochaine fois…En fait, je te conseille de ne pas monter, car je serai de plus en plus brutal, et tu ne le supporteras pas. Il vaut mieux que tu ne reviennes pas.
— Si, je le supporterai, affirma-t-elle avec une force dont elle ne comprit pas l’origine. Que pourrez-vous me faire au pire ? Me tuer ? ironisa-t-elle en se disant en son for intérieur qu’elle dépassait les bornes.
— Ha…Crois-tu que j’ai jamais eu des scrupules à tuer quelqu’un? proféra-t-il avec un sourire mauvais.
— Non, je ne le crois pas, répliqua-t-elle la gorge serrée, pensant à son père qui avait dû être confronté à un tueur aussi impitoyable.
Ce vif échange s’acheva sur ces paroles car Leandro ouvrit la porte de manière sonore, comme s’il essayait de prévenir qu’il entrait.
Une fois sa vue entravée, Flavia ne sentit plus qu’une main, dont elle trouva l’étreinte chaude et douce, jusqu’à la banquette de la voiture, où, désormais seule, elle s’abattit en sanglots, balayée par les émotions de la soirée.
Pourrait-elle supporter davantage ? Elle avait fait une promesse bien difficile à tenir, chaque once de peau se consumait encore dans le brasier du plaisir et de la douleur.
Bercée par les cahots de la route, elle se rasséréna peu à peu.
Cette nuit, elle n’avait pas avancé dans son enquête, mais ce n’était qu’un demi-échec, car Malaspina avait avoué qu’il la solliciterait de nouveau. Son premier objectif était donc rempli, mais elle n’arrivait pas à s’en satisfaire.
Elle en voulait plus, sans savoir vraiment ce qu’elle souhaitait, et elle souffrait, tout en s’en défendant, d’être reléguée au rang d’objet par le capo.
Le vrombissement du moteur se tut alors que la voiture s’immobilisait. Leandro souleva Flavia et l’emmena, sans un mot, directement dans son lit.
Il avait distingué, malgré les ténèbres, les marques caractéristiques laissées par le ceinturon, car elles s’étendaient bien en-dehors des zones recouvertes par le chemiser et la courte jupe de la serveuse.
Enfin, il retourna à la nuit du dehors, étouffant en son cœur un sentiment de réprobation.