Mes yeux ne seront jamais clos.
La paume contre le sol. Je le sens courir. Respirer.
C’est moi qu’il cherche.
Je cours. Un pied après l’autre. Ce bruit me harcèle, il m’aveugle, résonnant à l’intérieur de mon cœur, de tout mon corps en souffrance.
J’aimerais m’effondrer. Mais je ne peux pas.
Ne jamais s’arrêter.
C’est la règle.
Je ne sais pas s’il existe un salut pour les hommes perdus. Pour les hommes qui ont tout perdu. Pour les hommes qui n’ont plus que leur vie à perdre.
Je ne sais pas s’il existe un salut pour les hommes comme moi.
Mais je ferai tout pour qu’il m’accepte.
Pour qu’il m’accueille.
Pour que je puisse enfin souffler.
Les arbres défilent. Les branches craquent. Je crois qu’il me rattrape.
Peut-être que bientôt je la rejoindrai, la plaine étoilée de mes rêves.
Mes rêves ?
Non. Mes cauchemars.
Les horreurs de mes nuits. Les ombres de mes délires en noir et blanc.
En noir, surtout.
Je sens autour de moi la forêt qui s’efface.
Je sens que je nage. Je nage dans le vide.
Le froid de mes visions me transperce, et je coule, petit astronaute perdu dans mes songes.
Parfois, j’ai presque envie de rester enfermé.
Abandonné au plus profond de mon passé.
Lâché dans les courants.
Sans attaches.
Sans repères.
Seul.
Je cours.
La paume contre le sol. Je le sens courir. Respirer.
Et tout recommence.
Et je me vois souffrir.
Et je sais que jamais tout cela ne s’arrêtera.
Pas de salut pour les hommes comme moi.
Pas de pitié.
Non, mes yeux ne seront jamais clos.