Pour la première fois...

La main sur le ventre. Je crois que je pleure.

Tu sais quoi ? Je crois que je souris, aussi. C’est bête. Il m’aura fallu du temps pour apprendre à sourire, hein ?

Mais tu sais quoi ? Je crois que j’aime ça.

L’eau coule, s’infiltre, hante mon corps. La pluie lave mon visage de mes larmes. La pluie me refroidit, me fait souffrir. Elle me rappelle que je suis encore en vie. Que mon cœur plein de trous n’est pas éteint, que mon âme ne s’est pas encore envolée, pâle silhouette noyée sous les pleurs du monde.

Je me mêle à la pluie, et je sens mes sens se diluer dans cette mer verticale. L’œil du monde pleure, et nous sommes ses larmes.

Tu ferais mieux de t’enfuir. C’est ce que j’ai pensé d’abord. Et puis j’ai pensé à toi. Et puis j’ai pensé à moi. Et puis je me suis dit que je n’en valais pas la peine.

Tu sais quoi ? Il m’aura fallu cela pour savoir que j’en valais la peine, finalement.

Suis-je coupable ? Est-ce une infraction que de causer sa propre mort ? De la souhaiter presque, jusqu’au moment où l’on la sent s’échapper ?

Je l’ai sentie s’échapper. Je l’ai vue s’éloigner, légèrement, et alors j’en ai réalisé la valeur. J’ai compris la valeur qu’elle avait. Je l’ai saisie à pleines mains, je l’ai tenue fermement, les mains contre le ventre, contre la plaie béante qui déchire mon ventre.

Tu sais quoi ? Je crois que je vais mourir.

Et pour la première fois, cette pensée me fait peur.

Et pour la première fois, je souris.