Etoiles bleues indigo (3)

Par Pouiny

Quand Aïden repassa le lendemain, nous n’abordâmes ni le sujet de mes cheveux, ni de ses blessures. Pourtant, malgré un évitement soigné, il nous était difficile, l’un comme l’autre, de détacher son regard de ces deux signes de vulnérabilité. Le visage d’Aïden était marqué et le resta longtemps. Parfois, il revenait avec de nouvelles blessures. Je vis également apparaître de temps en temps des bleus, des coupures ou des marques rouges sur ses doigts et ses mains. Mais il refusa toujours de m’expliquer ce qu’il pouvait bien faire avec. Et bien que je lui fasse confiance, ces blessures m’inquiétaient à chaque fois que je les voyais. Elles contribuaient à creuser une tranchée entre sa vie et la mienne, tout comme mes nausées et ma fatigue pouvait le faire pour lui. Pendant ce temps, le traitement continuait ; certains symptômes disparaissaient, puis revenaient plus tard. Tout ceci me donnait l’impression de ne pas avancer. La lenteur du traitement me faisait oublier qu’un jour, j’avais pu vivre dans une pièce avec une fenêtre ouverte sur la lune.

 

« Merci pour ton aide, Aïden ! En voilà un garçon agréable ! »

L’infirmière caressa vivement les cheveux de mon frère en souriant, avant de m’annoncer :

« Et voilà, Béryl ! Tu as désormais la ligne téléphonique dans ta chambre ! J’espère que tu en feras bon usage ! Je reviens pour l’heure du repas. »

Mon frère se redressa. Il s’était presque allongé au sol pour brancher divers fils. Il semblait avoir eu des difficultés, mais désormais il se rassit sur la chaise avec un air satisfait.

« Alors, tu as bien compris comment il marche ?

– Je crois, oui…

– Attention à ne pas laisser sonner trop longtemps, sinon ça va raccrocher automatiquement.

– Oui… »

Il semblait être heureux de cette nouveauté dans la chambre sombre, mais je n’arrivai pas à partager son enthousiasme.

« Dis moi, Aïden…

– Oui ?

« Est-ce que c’est vraiment nécessaire ?

– Comment ça ? Demanda mon frère avec étonnement.

– Si j’ai un soucis, j’ai juste a appuyer sur un bouton pour qu’une infirmière vienne. Pourquoi j’aurais besoin du téléphone ? Pour appeler qui ?

– Et bien, papa pourrait t’appeler de temps en temps ?

– Je préférerai qu’il vienne… »

Mon frère sembla se renfermer.

« Je comprends. Moi aussi, je préférerai qu’il vienne. Mais il t’appellera, il me l’a promis.

– Et maman ? »

Alors qu’il avait semblé si heureux d’installer le téléphone avec l’infirmière, il me sembla presque le voir se transformer en une autre personne. Mais je n’en pouvais plus de garder cette interrogation pour moi.

« Elle ne pourrait même pas me parler ? Juste… Même sans parler ? Pourquoi elle ne veut plus de moi ? Pourquoi…

– Laisse tomber, Béryl. Maman… ce n’est pas important.

– Bien sûr que si, c’est important! Maman, c’est maman ! J’ai besoin d’elle ! Depuis qu’elle n’est plus là, je n’apprend plus rien, je ne peux plus discuter de rien ! Je veux au moins comprendre ce que j’ai pu lui faire pour qu’elle me déteste !

– Maman n’est juste pas une bonne personne. »

Choquée, je ne pus pas croire qu’Aïden pensait vraiment ce qu’il disait. Mais dans ses yeux ne se reflétait aucune lueur de plaisanterie. Son regard sombre n’inspirait que de la colère.

« Tu ne peux pas dire ça ! Maman a des défauts, peut être, mais elle a toujours été là pour nous ! Elle nous a toujours soutenu ! Elle a arrêté de travailler pour s’occuper de moi ! Avec elle, j’ai tout fait, j’ai appris à lire, j’ai fait du yoga, j’ai fait de la méditation… Si elle s’inquiétait, c’était pour moi, c’était pour nous ! Bien sûr que si, maman est quelqu’un de bien !

– Non. Parce qu’elle refuse de te voir, désormais. »

Ses paroles me firent l’effet d’un coup. Je manquai de m’arrêter de respirer. Je ne pouvais même plus regarder mon frère, qui malgré la violence de ses paroles, restait immobile, comme s’il ne ressentait rien. Je sentis tout mon corps se tendre de colère. Tout son mutisme me donnait envie de crier pour lui.

« Et toi, tu crois que tu es quelqu’un de bien, peut-être ? Elles sont où, les fleurs lunaires que tu m’avais promis ? Elles sont où, mes affaires que tu m’avais promis de me récupérer ? Il est où, mon vrai poinçon pour écrire en braille ? Et de toute façon, à quoi ça me sert d’avoir un poinçon si je ne peux pas écrire avec, hein ? Avoue que tu me l’as donné juste pour avoir bonne conscience ! Que tu es juste égoïste ! Tu gardes tout pour toi, tu ne me dis rien… Alors ne viens pas dire que tu es meilleur que maman !

– Je n’ai jamais dit que j’étais meilleur. »

Il se redressa avec colère. Son visage, bien que moins marqué, était encore bleui par les blessures. Mon cœur se serra et je ne pus rien dire de plus, par colère ou par peur. Sans un mot, il quitta la chambre en claquant la porte. Il mis cette fois ci, plus de temps à revenir que d’habitude. Les infirmières s’en étonnèrent, mais elles firent de leur mieux pour certaines de ne pas le relever. Mais quelques unes d’entre elles semblaient presque s’en amuser.

« Alors, ton frère ne vient plus trop en ce moment, non ?

– Peut-être…

– Ce n’est pas peut-être, Béryl ! Qu’est-ce que tu lui as fait, à ce pauvre garçon ? »

Je ne cherchais pas à me défendre. L’infirmière avait un petit sourire en coin en vérifiant les appareils médicaux. Peut-être que pour elle, ses remarques n’étaient que de la taquinerie. Mais dans ma tête, je ne pouvais m’empêcher de voir ses mots comme des couteaux affûtés. Même quand elle sorti de la pièce, j’entendis encore sa remarque siffler lourdement dans l’air. Durant l’absence d’Aïden, je ne pus m’empêcher de me sentir coupable, et de regretté. Avec la solitude, la culpabilité se transforma en une peur brûlante, épidermique, qui me conduit à penser qu’il ne reviendrait jamais.

 

Après plusieurs jours de solitude où je me surpris a essayer de compter les heures de façon précise, le téléphone sonna à coté de moi. Surprise, je décrochais aussitôt. Je reconnus immédiatement la voix de mon père à l’autre bout du fil.

« Comment ça va, Béryl ?

– Papa ! Tu m’as manqué ! »

Il eut un rire gêné.

« Je suis vraiment désolé de ne pas t’avoir appelé plus tôt, ma puce…

– Et tu ne viens plus me voir.

– Je reviendrai dès que je peux, promis… Ne m’en veux pas, s’il te plaît. C’est difficile, en ce moment.

– Je comprends, répondis-je sans me séparer pour autant de ma déception. Mais sinon, ça va ?

– C’est plutôt à moi de demander ! Il paraît que tu t’es disputé avec ton frère ? »

Je restai silencieuse. Je compris instantanément la raison de son appel.

« Est-ce que je peux parler à maman ? Demandai-je alors, le cœur battant.

– Maman ? »

Sa voix sembla instantanément se tendre. Mais cette fois-ci, je refusai de laisser tomber.

« Elle est là, pas vrai ? Tu es à la maison, là ! Donc elle est forcément là, pas très loin. Alors passe la moi ! Je veux lui parler, papa !

– Chérie… S’il te plaît, calme toi…

– Pas avant d’avoir parlé à maman ! Je veux juste lui parler ! Pourquoi elle ne veut pas ? Pourquoi vous refusez tous ça ?! Pourquoi elle ne veut plus de moi, papa ! »

Mes cris alarmèrent une infirmière qui accourra aussitôt.

« Ce n’est pas des manières de crier ainsi sur son père ! Passe moi ce combiné, je vais lui parler.

– Non ! »

Je tirai le téléphone autant que je le pouvais vers moi, faisant tomber la petite lampe sale. J’entendis mon père, impuissant, continuer d’essayer de me parler, mais il ne pouvait plus m’atteindre. Je repensais aux larmes, à la sensation d’étranglement et je commençais à crier en pleurant.

« Je veux juste savoir ! Je veux juste que maman me parle ! Elle peut me détester, je m’en fiche ! Je veux maman !

– Béryl, ça suffit ! »

L’infirmière me prit les poignets avec violence et je hurlais de plus belle, le plus fort possible, à en lâcher le combiné. Tout mon corps hurlait. Jusqu’à ce que l’infirmière me lâcha pour me gifler.

 

Je crus que ma mâchoire allait tomber au sol suite à l’impact. Dans ma tête, dans la pièce, tout fit immédiatement silence. Les yeux grands ouverts, encore suintant de larmes, le plafond me sembla tomber sur mon crâne. N’existait plus rien d’autre que les battements douloureux de mon cœur et une respiration tremblotante. Tout avait fait silence, bien trop vite, bien trop douloureusement. Il m’était désormais même plus possible de bouger. Je ne pouvais plus que regarder la silhouette de l’infirmière qui, s’étant détachée de moi, avait récupéré le téléphone et parlait désormais avec mon père.

« Oui, monsieur ? Oui, elle s’est calmée. Tout va bien, la situation est sous contrôle, ne vous inquiétez pas. Lui parler ? Je ne pense pas que ce soit le bon moment, monsieur. Essayez de la rappeler demain ? Oui. Ne vous inquiétez pas, c’est normal. C’est mon travail. Merci. Au revoir. »

Elle replaça lentement le combiné et reposa la lampe tombée au sol. Elle avait de longs cheveux noirs, lisses et un visage très fin. Elle était sans doute considérée comme une très belle femme.

« Je voulais parler à mon père, réussis-je à dire avant qu’elle sorte de la pièce comme si rien ne s’était passé.

– Dans ton état, je te le déconseille. Ne t’avises pas à l’essayer de l’appeler, d’ailleurs. On peut facilement surveiller les lignes téléphoniques de l’hôpital.

– Vous n’avez pas envie qu’il sache que vous m’avez frappé, hein ?

– Tu comptes le lui dire ? »

J’acquiesçai lentement. Le moindre mouvement me semblait complexe, comme si l’air qui m’entourait s’était transformé en sable.

« Et bien je t’en prie. Dis lui. Tu verras qu’il ne s’en formalisera pas. Après tout, si tu es là, c’est qu’ils ne sont pas apte à s’occuper correctement de toi. Ils s’en remettent donc aux médecins et aux infirmiers de cet hôpital. Et, ne t’en déplaise, je suis infirmière.

– Vous ne me soignez pas. »

La douleur de la gifle me chauffait encore la joue. Dans ma tête, j’installais un minuteur imprécis avant de m’autoriser à pleurer. Elle eut une sorte de rire.

« C’est vrai. Je suis ici pour soigner les gens qui sont soignables et qui veulent être soigné. Je ne suis pas ici pour les personnes handicapées, qui ne sont que des poids morts et des vies inutiles pour la société. Ta place n’est pas ici. »

Elle ferma la porte. Je restai immobile, en silence, seule. Il fallu attendre quelques instants avant que le minuteur intérieur m’autorise à pleurer silencieusement, cachée dans l’obscurité sans fin. Je tenais ma pierre jaune entre mes doigts. Même si je m’empêchais de penser à ma famille, même sans rien y voir, tout me ramenait à elle.

 

« Béryl ? Tout va bien ? »

Je reconnus immédiatement la voix d’Aïden. Mais je restai prostrée, sous ma couverture, a cacher mes larmes séchées.

« Il semblerait que tu n’as rien mangé… Les infirmières s’inquiètent de ton état, aussi… Qu’est-ce qu’il y a ? »

Même si j’avais voulu lui répondre, je n’aurais pas su par quoi commencer. Trop d’éléments de différentes couleurs se bousculaient dans mon crâne. Aucun n’avaient plus d’importance qu’un autre. Mais tous étaient douloureux. J’eus alors juste une simple inspiration, tremblante, un peu plus profonde et sonore que les autres.

« Papa viendra demain, normalement. Il m’a promis qu’il s’y tiendrait. Il m’a dit… Que tu avais eu un moment difficile. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »

J’entendis mon frère prendre la chaise, mais il ne sembla pas s’asseoir dessus. Je restais silencieuse, cachée. J’avais presque envie que l’on m’oublie. Après un moment de silence, je l’entendis soupirer. Parler n’était décidément pas le point fort d’Aïden.

« Tu es sûre que tu ne veux pas me regarder ? J’ai apporté quelque chose. Ça devrait te plaire. »

J’entendis la chaise racler contre le sol. Mais tout ceci n’était pas assez intriguant pour que ma curiosité prenne le dessus.

« Si ce n’est pas maman… Ça ne sert à rien. »

Aïden resta silencieux. Je le sentis s’asseoir au pied du lit, me cherchant de la main.

« Je ne peux pas te ramener maman, mais…

– Alors vas-t-en.

– Non. »

Son refus avait été aussi doux que ferme. Il n’allait manifestement pas partir, et malgré mon envie, je n’osais plus crier.

« Vas-t-en, murmurai-je encore.

– Non. Je ne te laisserai pas comme ça.

– Alors quoi ? Tu vas me forcer à sortir ?

– Non… Ce n’est pas dans mes projets.

– Et si je ne sortais jamais et que je me laissais mourir, tu me forcerai à sortir ? »

Je le sentis se tendre. Il n’avait pas l’air d’avoir envie de répondre à cette question, et je savais ce que je lui disais le blessait. Mais j’avais trop mal pour m’en soucier. Il fini par répondre d’une voix tremblante :

« Non. Si tu considères que c’est mieux pour toi de mourir sans plus jamais me voir, je… Je te ferai confiance. Mais…

– Mais quoi ?

– J’en serai très triste. Non, plus que triste. J’en serai vraiment malheureux.

– Et pourquoi hein ? Qu’est-ce que ça changerait, au fond ? Pas grand-chose, j’imagine, hein ? Tu as déjà ta vie, toi, à l’extérieur.

– Parce que tu es ma sœur. »

Il ne rajouta rien de plus. Malgré la simplicité de ses mots, je pouvais sentir tout ce qu’ils sous-entendaient. Je restai silencieuse. Mais ma douleur s’atténua quelque peu.

« Est-ce que tu veux que je m’en aille ? »

Je gardais le silence. Même moi, je ne savais pas quoi répondre.

« Béryl… Je ne devinerai pas. Réponds moi, s’il te plaît. Est-ce que tu veux que je parte ? Que je revienne plus tard ?

– Non.

– D’accord… Est-ce que tu veux sortir ?

– Non.

– Qu’est-ce que tu veux que je fasse, alors ?

– Parle. »

Aïden eut un soupir.

« Tu sais bien que j’ai du mal à m’exprimer… Et tu veux que je parle tout seul ?

– Oui.

– Bon… »

Il eut un silence de réflexion. Puis, après une grande inspiration, comme s’il plongeait en apnée, il se lança.

« Tu sais, c’est bientôt notre anniversaire. C’est pas encore tout de suite, mais quand même, ce n’est plus dans si longtemps. Je n’ai pas réussi à trouver de peluches qui te plairait… Et puis, je me suis dit que ça te ferait plaisir d’avoir un cadeau tout de suite, et pas dans plus longtemps. Donc j’ai cherché un peu vite. Mais, je pense que ce que j’ai ramené pourrait te plaire.

– C’est quoi ?

– J’aurais préféré que tu le vois par toi-même, mais bon… Si tu ne veux vraiment pas sortir... »

Il resta silencieux. Je restai immobile. Découragé, il reprit :

« Ce sont des fleurs lunaires. Celles que je t’avais déjà données. Elles sont dans une jardinière et j’ai même acheté une toute petite lampe, pour que tu puisses mieux les voir. Je les ai posées sur une chaise. Elles sont à toi et tu pourras t’en occuper…

– Quoi ? »

je sortis timidement la tête de ma couverture. La lumière étrangère me fit fermer les yeux de surprise. Puis, une fois habituée, je vis les petites fleurs bleues et jaunes, scintillante comme des étoiles.Je me rapprochais d‘elles.

« Je les avais presque oubliées… Les myosotis, c’est ça ?

– Oui. C’est ça.

– Elles sont si bleues, en vrai ? Comme tes yeux ? »

Aïden eut un petit rire.

« Mes yeux ne sont pas si foncé. J’ai des yeux bleus, mais… Un bleu différent. Tu vois ?

– Pas vraiment. »

Je regardais Aïden dans les yeux, essayant de distinguer la différence de couleur et de contraste. Gêné, il n’arriva pas à soutenir mon regard.

« Si tu veux, on dit que mes yeux sont bleu clair. Car ils sont assez proche du blanc. Mais ces fleurs là sont d’un bleu foncé, car elles sont plus proche du noir… D’ailleurs, elles tirent même un peu sur le violet, celles là.

– Ça veut dire ?

– Ça veut dire qu’elles sont bleu indigo.

– Indigo…

– Oui. C’est la septième couleur de l’arc-en-ciel. Tu as du étudier ça, il y a longtemps, non ?

– Il y a longtemps, peut-être… »

Perdue dans la contemplation des petites fleurs d’un bleu profond, je les caressai du bout des doigts. Leurs pétales étaient minuscules, mais elles étaient tous regroupées, les unes collées ensemble, frissonnant d’un même corps avec le vent de mon geste fin. Aïden me regardait avec un léger sourire. Il semblait satisfait de son cadeau.

« Et leur cœur… Jaune comme une étoile, c’est ça ?

– Et bien… On a tendance à dire que les étoiles sont jaunes, mais je ne sais pas si tu t’en souviens, elles sont plutôt comme des points blancs, en vérité.

– Peut-être… Mais ça me fait vraiment penser à une étoile. Une étoile dans le ciel sombre.

– Oui. Elles sont très jolies, pour ça. Dis-moi, Béryl…

– Oui ?

– Pourquoi est-ce que tu portes autant d’importance aux couleurs, alors que tu les perçois mal ? »

Surprise, je me rendis compte que je ne m’étais jamais posé la question. Après un instant de réflexion, je tentais :

« Dans ma tête, dans le noir… J’aime visualiser, recréer des couleurs. Parfois même, je visualise des souvenirs de ma mémoire, et je colore tout. Je te redonnes tes yeux bleus, tes cheveux bruns, je redonne aux murs leur blancheur. Comme si j’avais une feuille vierge, et que je pouvais me permettre de colorier comme je le voulais. La couleur me permet de rêver, de m’échapper en dehors de l’obscurité, à ma manière. Et j’aime bien, tout ce que je peux voir. Même si je ne la perçois pas aussi bien que toi, j’arrive quand même à voir des nuances, des contrastes… Presque comme des fragments de lumières ! Et j’aime beaucoup ça. Ça me connecte au reste du monde, tout en enrichissant le mien.

– D’accord…

– Tu vois ce que je veux dire ?

– Je ne suis pas sûr. Mais j’essaie.

– Et puis la couleur donne du sens aussi, elle permet de comparer des choses incomparable… Par exemple, tu as des yeux de la couleur des fleurs !

– Ce n’est pas exactement vrai, mais…

– Pour moi, ça l’est. Ça me suffit. »

Il resta silencieux, mais semblait acquiescer. Je rajoutai en baissant la tête :

« Ce qui est triste, c’est que mes yeux à moi… On ne peut les comparer qu’avec le sang.

– Quoi ? Bien sûr que non ! »

Ce fut à Aïden de me regarder dans les yeux.

« Je les connais très bien, moi, tes yeux. Et ils ne sont pas semblable aux sang. Ils sont rouges, certes, mais ils ont des reflets bleus également, un peu comme les miens. Et ils brillent comme des pierres précieuses. Tes yeux… sont incomparable. Et ça les rend très beaux. »

Il se détourna rapidement. Aïden n’arrivait jamais à maintenir un contact visuel très longtemps. Je me rallongeai correctement dans mon lit. J’étais déjà fatiguée. Aïden me tendit le plateau-repas abandonné.

« Tu ferais mieux de manger ça. Il paraît que la nourriture à l’hôpital n’est pas bonne, mais froid ça ne doit pas être meilleur.

– C’est tellement infect que chaud ou froid, ça ne change rien.

– Béryl, s’il te plaît.

– Très bien, très bien… »

Je commençais à manger, prenant de toutes petites bouchées. Aïden eut un soupir de soulagement. Il resta un peu pour discuter, alors qu’une infirmière entrait pour vérifier que tout allait bien.

« Si ces fleurs te provoquent la moindre réaction, il va falloir que tu nous le dise très vite !

– Comment ça ? Demanda Aïden, étonné.

– Il vaudrait mieux éviter une crise allergique dans son état…

– ça va aller ! »

L’infirmière eut un sourire et n’ajouta rien de plus. Quand elle sorti de la pièce, Aïden se leva lui aussi.

« Je reviens demain, avec papa. D’accord ? »

J’acquiesçai.

« Au revoir, Béryl.

– A demain, Aïden. »

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
dodoreve
Posté le 03/06/2021
"Maman n’est juste pas une bonne personne." wow, ça me choque tellement, et en même temps pas tant que ça venant d'Aïden et vue la situation, mais quand même
"Je ne suis pas ici pour les personnes handicapées, qui ne sont que des poids morts et des vies inutiles pour la société. Ta place n’est pas ici." wow, bah c'est vraiment le chapitre pour me choquer
Et un autre truc que je me demande, c'est pourquoi on ne change pas Aïden de collège si ça se passe si mal que ça... mais c'est parce que c'est le plus proche de l'hôpital, c'est ça ?
Pouiny
Posté le 04/06/2021
Oui, pour le coup c'est même pas quelque chose qu'il pense forcément mais il y a une colère chez Aïden qu'il ne sait pas comment exprimer ^^

Et... oui x) avant d'écrire les fleurs du soleil, j'avais vu des témoignages de maltraitance d'infirmière dans les hôpitaux / EHPAD, je me souviens plus à quel point c'est courant, mais rien que le fait que ça existe et qu'il y a des images de maltraitance sur des personnes âgées/handicapées (voire les deux) dans ce genre de lieu et par ce genre de personne, qui ont des responsabilités médicales, m'avait retourné le cerveau, donc je voulais absolument en parler x') De manière générale après, surtout dans un hôpital, il y a des gens qui deviennent assez "insensible" et ont plus de mal à considérer les patients parce qu'ils ont vu plein de choses horribles, de la pression et l'habitude, qui fait qu'on peut oublier certaines précaution, ce qui a toujours fait de l'hôpital pour moi un lieu que je n'aime vraiment pas en tant que patient xD (par contre j'y suis déjà allé pour jouer de la musique et j'avais été surpris de tomber dans une chambre totalement éteinte parce que la patiente à l'intérieur était beaucoup trop sensible à la lumière et ça lui faisait des douleurs au crâne et aux yeux !

Pour ce qui est du collège, déjà c'est effectivement le plus proche, il n'est pas dit que les parents d'Aïden soient conscient de l'ampleur de ce qui se passe (d'autant plus s'il ne dit rien) et en pour des parents comme ceux d'Aïden, qui sont déjà sous l'eau, les paperasses pour changer de collège c'est pas forcément la priorité tant que ce n'est pas une obligation x)
Vous lisez