Il les attendait, bras croisés, perché sur une haute pierre. Car pour un grand sorcier, il était loin d’atteindre les sommets d’Églantine. Nez crochu, chapeau pointu, vêtu d’une longue robe noire, le magicien ressemblait plutôt à épouvantail. Prudents, les animaux restèrent à l’abri du bois et observèrent la géante princesse déposer à ses pieds l’inestimable trésor. À la vue du chaudron débordant de galettes d’or, le regard du sorcier s’embrasa de convoitise.
- Ah, s’écria-t-il, trépidant d’une joie maléfique, enfin, mon trésor ! Me voilà riche ! Très riche ! Suprêmement riche ! Mon or, mon bel or ! Tout commence pour moi, l’univers m’appartient. Je suis le Maître du MOOONDE ! Désormais, rien ne me résistera. Oh là, coquins, fils et filles de roi, chevaliers, gentes dames, servantes et valets vénérez-moi et vénérez mon or, mon précieux, mon inestimable, la chair de ma chair, ma quête, ma raison…
- Hé ! de quoi est-ce qu'il cause, là-haut ? demanda Edouard l’écureuil qui n’y comprenait rien.
- Quel bruit que tout cela ? grogna Vieux-Gris
- Il parle de son or, traduisit Horace, ce sorcier a perdu la raison.
Églantine souhaitant en placer une, interrompit vivement la tirade :
- Ramenez-moi chez moi, ainsi que vous l’avez promis…
- Comment osez-vous me couper le caquet ! hurla le mage. Et eux ? Ils me regardent et se mettent à rire ! Vite, des archers, des juges, des potences, des bourreaux, qu’on leur coupe la tête, qu’on leur colle un zéro !
- Il est fou ! Pauvre de moi ! s’exclama Églantine aux abois. Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village fumer la cheminée et en quelle saison reverrai-je le clos de ma belle maison ?
- Silence, princesse de mes deux ! Vous allez sur le champ nous épouser, moi et mon or. Puis nous retournerons ensemble conquérir le château, le royaume et la terre et les cieux…
Horace, le Grand-Duc, en avait assez entendu. Il fallait illico arrêter ce dingo. D’un sifflement discret, il rameuta l’armée des ailes défensives de Bois-Doré : freux, crécerelles, éperviers, choucas, pies... Lorsque, perché sur sa haute pierre, le sorcier comprit la nature du danger qui fonçait droit sur lui, il était déjà trop tard.
Les animaux le virent tanguer un peu, beaucoup, à la folie… jusqu’à la bascule finale dans le chaudron.
- Ô rage ! Ô désespoir ! hurlait-il encore tout en se débattant.
Hélas pour sa pomme, l’avide sorcier n’avait rien compris à la nature magique de l’inestimable trésor. Entassées dans la marmite, les précieuses galettes bouillonnaient à présent comme or en fusion. Aveuglé par la cupidité, le mage avait omis une information essentielle : l’or du soleil est matière à cuisson, il brille comme un sou neuf et grille le lardon. Les précieuses galettes n’étaient qu’une illusion destinée à tuer les mauvaises intentions. Cuit dans le chaudron, Sabrazdetro disparut avec le trésor au premier nuage dissimulant l’astre d’or.
Ainsi pourrait s’achever l’histoire, mais Flora May qui avait retrouvé ses personnages avec grande émotion, tenait à les remercier. Et quoi de mieux qu’une fin digne d’un véritable conte.
La jolie forêt de Bois-Doré, promue en un mot : Royaume de Bois-Doré, accueillit le mariage d’Églantine et de son merveilleux prince.
En quelques lignes, la conteuse avait construit pour la circonstance un géant château de cartes baigné de soleil, sans porte ni fenêtre et rempli de courants d’air. Tous les amis de la princesse prirent place sur la royale et gigantesque table - on avait confectionné à leur intention petites écuelles, petites mangeoires et petits râteliers. Maître furet notait tout, jusqu’au moindre détail, afin que personne n’oublie cette heure mémorable. Tandis que la mère Tartempion cassait la graine, Edouard, l’intrépide écureuil, dansait et chantait pour le plus grand bonheur des convives. Gisabelle la gélinotte, battait inlassablement des cils, soupirant devant le merveilleux prince et Horace… Et bien le Grand-Duc ronflait, affalé sur un coussinet de soie. Vaincu par une journée sans nuit, il rattrapait le sommeil perdu.
Fin
Pour la fin du récit, Flora May a pioché l’inspiration dans le registre de Molière, Racine, le Seigneur des Anneaux, du Bellay et Titanic. Espérons qu’elle n’ait pas fait naufrage !
Ça me rappelle Claude Ponti ces livres qui s'entremêlent. J'ai bien aimé.
Ensuite j'ai l'impression que la fin était un peu précipitée, comme si tu voulais vite finir. Même si j'aime bien le fait que le sorcier veut se marier avec son or, il n'y a pas vraiment de logique à sa défaite. Horace appelle ses amis et ils le font tomber dans le chaudron, il n'est pas vaincu par sa cupidité, mais par un dEUS ex machina, c'est un peu dommage je trouve.
Aussi les personnages sont bien developpés durant les premiers chapitres mais cela n'a pas d'importance dans l'histoire, à part pour Gisabelle qui possède des talents que les autres n'ont pas, et qui démontrent qu'elle n'est pas aussi bête que le pensent les animaux du bois. Le fait que les animaux soient developpés les rend vivants, cela rend l'histoire organique, et il n'y a pas forcément besoin que cela aille loin, juste un clin d'oeil pour montrer leurs traits de caractère, mais ils ne sont pas tous nécessaires. Je m'explique : la princesse discute avec tous les animaux, mais ils perdent de leur personnalité car ces personnalités ne sont pas assez exploitées je trouve. Certains des personnages ne sont pas nécessaires et ça m'a laissé un sentiment de déception à la fin de l'histoire.
Sinon l'or qui est recolté à partir des reflets du Soleil je trouve ça très poétique, j'aime trouver des concepts dans les histoires qui peuvent être utilisés de manière physique.
Le furet qui flotte comme un drapeau lors du soupir de la princesse, j'ai bien aimé, ça donne du corps à l'histoire.
Mais c'est vrai que retravaillée et avec des illustrations ça ferait une chouette histoire pour enfant. Je te souhaite de pouvoir la publier, ça a le potentiel de plaire plein de gosses =)
Une fin trop précipitée, j'ai eu quelques remarques à ce sujet. Je n'ai pas encore entrepris une réécriture mais j'en tiendrai compte . Je suis d'accord avec toi, certains animaux sont extrêmement secondaires et leur présence ne sert qu'à étoffer le peuple de la forêt. Est-ce que je peux en développer certains. ? Probablement, mais je n'ai pas encore tranché sur ; est-ce que je dois raccourcir ou rallonger ce conte. J'ai testé sur mes petits-enfants (5/8ans), il est trop long et pas adapté à ce public. Si je l'allonge, je dois viser un public plus âgé mais s'intéressera-t-il à ce genre d'histoire ? Là, c'est pas gagné. Du coup je suis un peu perdue.
Je pense que l'illustration résoudrait certaines de mes questions, puisque lorsque l'on montre, il est moins nécessaire de dire et les mots pourraient être utilisés
ailleurs .
Un grand merci pour toutes ces pistes de réflexion
A bientôt
Ma mère me racontait une histoire patchwork de sa création quand j'étais petit, ça rassemblait plusieurs contes, plusieurs monstres (ogre, mauvaise belle mère), et je l'adorais. Au fait elle me préparait à son départ (cancer du sein), mais je me souviens toujours de son histoire.
C'est un talent d'écrire des histoires, c'en est un autre de les raconter. Mais ça s'apprend =)
J'aime ces petits clins d'yeux ludiques, tout comme cette idée de résoudre la situation en mélangeant deux récits. Mais aussi en glissant ces petites références aux auteurs "classiques". Cela porte un joli message : quelque part, toutes les histoires se rencontrent et forment un imaginaire foisonnant chez quiconque y puise pour concocter son propre univers <3 Jolie célébration de la lecture, avec ses rencontres et mélanges par delà les siècles.
>> "grogna Vieux-Gris" > juste une petite omission du point ici.
Merci pour ce texte si rafraîchissant =)
A bientôt !
Toi qui est de la partie, quelles tranches d'âges seraient susceptibles de lire cette histoire ?
Je corrige toutes les coquilles, à très bientôt sur "Les chemins du repentir" !
Une belle histoire qui donne le sourire, emmenée par une plume qui virevolte avec légèreté. J'ai passé un bon moment, c'est bien écrit et très rafraichissant. Gros bonus pour le sorcier fou dont les dialogues m'ont beaucoup amusé.
Merci pour ce petit moment de soleil dans ma journée.
À bientôt,
Ori'
Bref, j'ai passé un excellent moment!
Deux remarques, si jamais tu reprends ce texte :
- Finalement on ne sait rien du premier conte, celui de la foret, on ne connaît que des bribes du second, et je me suis bien demandé ce que pouvais être ce premier conte de la forêt... Ca pourrait être intéressant à creuser.
- j'ai trouvé la résolution un peu rapide, les personnages s'effacent devant l'action et c'est un peu dommage.
Et merci pour ton retour si gentil. Effectivement je ne développe pas le conte de la forêt et j'ai opté pour une chute courte. J'ai voulu me conformer à l'esprit du conte et faire court. Cependant je suis bien consciente qu'il serait possible de bien plus développer et même de délirer davantage. Je ne ferme aucune porte, mais je garde en tête le public visé 6/8 ans et je me demande si mon histoire n'est pas déjà trop compliquée ?
A bientôt
Rien que dans la fin, râtelier, freux, crécerelles, écuelle me paraissent des mots potentiellement peu familiers ou inconnus à cet âge.
Après peut-être que je me plante complètement, et puis il y a un gouffre entre 6 et 8 ans... (et un gouffre entre certains enfants et d'autres...)
J'ai juste été un peu frustrée que la solution au problème apparaisse aussi rapidement, retirant tout suspens.
Je reste enchantée par ma lecture !
Merci pour ton gentil commentaire, c'est un conte destiné à un jeune public et je voulais demeurer dans ce que l'on en attend : un texte assez court, avec des personnages en danger, un méchant et une chute brève.
Peut-être qu'au moment de la réécriture je reverrai tout cela, c'est vrai que tu n'es pas la seule à me faire cette remarque.
Au plaisir
Bon, et bien j'ai bien aimé cette fin également.
Dans l'ensemble, un joli petit conte (enfin, pas si court que ça d'ailleurs).
Juste une petite remarque : Les deux derniers chapitres m'ont semblé un peu plus rapide que le reste, si jamais tu veux en faire une correction un jour.
A bientôt, dès que Patober est fini, j'irai faire un tour du côté de tes contes.
J'ai bien aimé les petites références à du Bellay et au Cid, elles étaient très bien placées ! Une fin à la hauteur du reste de l'histoire, simple et agréable ! L'épilogue avec la description du château et la destinée finale de toute la petite compagnie des bois conclut très bien tout ça.
J'ai passé une lecture très agréable, rafraîchissante tu as vraiment une très belle plume et un vrai talent pour raconter les contes.
A très bientôt !
à très bientôt pour d'autres aventures !
et là, il y a Eglantine qui se met à citer Du Bellay, et je suis pliée de rire ! et le grand méchant qui se fait une mort digne de l'humiliation de Don Diègue dans le Cid ^^
C'est un conte très réussi, une friandise, une bonheur de lecture ! Merci !!