5 heures du matin, la soirée semblait presque terminée. Ne restait debout que les plus éméchés de tous. Ceux qui à la lueur de leur briquet ont des idées folles à base de départ au Canada par bateau ou qui décide d’aller chercher à boire parce que décidément il manque un peu d’alcool à cette soirée. Les autres ont eu la sagesse de rentrer chez eux, peut-être de s’endormir dans un lieu un peu plus loin de l’épicentre de cette zone d’ébriété massive qu’est devenue la maison de Steeve. Lui-même a disparu, ou alors il est couché sous un tas de bouteille vide, peut-être même dans son lit, allez savoir. Il était sûrement parti en ayant trop bu ne se rappelant plus qu’il organisait cette soirée chez lui, de toute façon avec lui rien ne m’étonne plus. Il pourrait tout aussi bien être en partance pour le Canada. Mais après tout aujourd’hui je m’en fous, demain sera peut-être diffèrent mais aujourd’hui rien ne m’importe, j’aimerai juste être a des km d’ici, je dirais même à 755 km d’ici près de l’océan. Au lieu de ça je suis obligé de subir des paroles de poivrots qui se sentent obligé de te toucher le bras quand il te parle au cas où tu ne les entendent pas crier par-delà leur alcool et mon dieu rien que de leur parler me rend saoul.
Mon téléphone reste désespérément silencieux. Mon cerveau et mes oreilles se sont dissociés, le premier est resté avec moi par sympathie quand aux secondes elles ne font que se balader un peu partout. Je ne parviens pas à les accrocher à une de ses conversations bruyantes de soulard qui laisse parler leur taux d’alcoolémie. Cette soirée n’a pas été la pire, loin de là, mais elle s’éternisait trop et le trop n’est jamais bon surtout quand il s’agit de remplir son verre. Il semblerait que je sois devenu célibataire ce soir je ne sais même pas comment. Ce n’est pas la première fois que cela m’arrive, j’avais espéré que la dernière fois soit la dernière comme à chaque fois mais apparemment j’ai raté mon coup. Mais la je pense avoir un problème plus urgent que le célibat, il me semble avoir vu du coin de l’œil une sorte de grande chose orange apparaître sur ma droite aussi furtivement qu’un flash de radar sur l’autoroute. Au vu de la chaleur qui l'accompagnait, je pense que cette chose était une flamme. Je me tourne de ce côté-là et je vois un cercle de personnes qui s'esclaffent et en criant : « Encore !!! Ouais ça marche !!! »
Je crois reconnaître un de mes amis, David le pompier il me semble, crier plus fort que les autres. On dirait même qu’il jette un liquide incolore qui sera plus tard identifié comme une vodka bon marché de fin de soirée. Oui vous savez, le genre de bouteille que l’on ouvre vraiment quand il ne reste plus rien. Celle qu’on hésite à sortir quand on a des amis à la maison mais qu’on sort avec fierté en enlevant l’étiquette et en disant : « Goûtez-moi celle-là elle est maison ! ». Ce liquide était si immonde que le jour où on fera une étude sur la buvabilité de la chose elle se trouvera juste entre un jus de chaussette ayant macéré au soleil du désert pendant deux semaines et une eau de pluie de l’ex-URSS période avril 1986. Bref je vois ce David le pompier verser le liquide dans une sorte de panier en plastique rouge ou il me semble qu’habituellement Steeve met son linge sale. Il riait comme un savant fou qui va donner naissance à sa plus belle créature tout en jetant une allumette dans la corbeille à linge. Une grande flamme en sortit immédiatement réchauffant l’atmosphère déjà surchauffée de l’appartement et montant lécher le plafond et là j’entendis David dire : « C’est bon, on a le carburant, il nous faut un moteur, des sièges et une destination ! Qui veut aller au Canada ? »
A la vue de cette énorme langue de feu ma première réaction fut, merci l’alcool, nettement ralenti mais je me souviens avoir pensé : c’est quoi ce délire avec le Canada ? Ma seconde réaction fut de me lever du canapé et de crier. Bizarrement quelque chose m’empêchait de me lever et mon étonnement étouffa mon cri en une sorte de « Brouaf » qui sorti de ma bouche en se demandant pourquoi il était là, s’il avait eu une apparence physique je suis sûr qu’il m’aurait regardé en me disant « tue-moi ». Le groupe entourait le panier et quand ils entendirent ce bruit venant d’on ne sait où et ils se retournèrent instantanément vers moi. “Mon dieu ils vont me sacrifier à leur langue de feu” fut une pensée qui me traversa rapidement l’esprit. Mais au lieu de ça ils crièrent tous « Un autre passager !!! » et ils sautèrent partout en renversant le peu d’alcool qui leur restait encore en main. Finalement je réussis à me lever et j’entendis un bruit sourd à mes pieds, je venais de trouver Steeve ou plutôt le sol venait de trouver Steeve ou l’inverse. Mais je doute que ça ait plu à Steeve quand il se réveilla en sursaut. Il avait la figure maculée de bave et les cheveux recouverts d’une sorte de pâté pour chien blanchâtre. Je n’ai pas osé demandé ce que c’était, déjà parce que Steve aurait pu répondre et je ne voulais pas entendre sa réponse. Si ça se trouve c’était un bol de céréales avec du fromage blanc qu’il c’était mis sur la tête pour gagner un pari stupide. En effet il était coutumier du fait, quand il s’agissait de gagner quoi que ce soit il était capable de tout mais uniquement quand il avait bu. Ce qui arrivait fréquemment je dois dire, surtout que même le fait de travailler le lendemain ne lui faisait pas annuler une soirée. Bon d'accord, il l’avoue lui-même ne pas faire grand-chose au boulot. D’ailleurs je pense que quand il y va un lendemain de soirée, mais peut-on appeler ça un lendemain de soirée quand on sort de soirée pour aller bosser, il n’y est présent que physiquement. Je disais donc que ça doit être rigolo pour l’accueil des clients, rigolo n’est peut être pas le mot et cela doit l’être uniquement pour lui. Disons que ça doit être étrange de voir une personne empestant l’alcool être chargée de l’accueil des clients. J’imagine que ces derniers ne doivent pas comprendre déjà pourquoi il travaille encore ici et surtout ce qu’il dit. Parce qu’il est chargé du service après-vente du magasin où il travaille, donc des clients il en voit tous les jours mais le plus souvent il en voit le double. Je me suis toujours demandé comment ça ne se terminait pas systématiquement par « Appeler moi un responsable !!! “. Bah c’est simple c’est là que rentre en jeu le superpouvoir de Steeve. Il se sort de toutes les situations, n’importe lesquelles et ceci sans problèmes. Je l’ai vu une fois se faire menotter par la police se retrouver sur la banquette arrière et finalement s’en sortir sans rien de plus qu’une tape amicale sur l’épaule et au lycée c’était pareil, un élève exemplaire alors qu’il était responsable dans 90% des choses qui s’y passait, le tableau refusait de s’effacer parce qu’un petit malin avait changé les feutres il y était passé 5 min avant, la sonnerie refusait de sonner il n’était pas loin bref il s’en sort toujours. Tout ça pour dire que je me demande comment il va s’en sortir cette fois, les traces noires sur le plafond, bon ok, une échelle un peu de peinture ça passe. Les trous dans les murs parce qu’un mec bourré de 110 kg perd l’équilibre en dansant, sautant en l’air serait mieux, et percute un mur de placo, plusieurs fois, ça c’est déjà un peu plus embêtant mais c’est faisable si on est bien organisé. Par contre, l'évier dans le salon et l’inondation dans la salle de bain , ça risque d’être un peu plus compliqué surtout que la dernière fois que j’y suis passé l’eau coulait toujours. C’est à ce moment-là que moi debout dans le salon l’air perdu et Steeve par terre l’air ailleurs, on a croisé nos regards et on s’est dit sans rien se dire que c’était le moment de virer tout le monde et de laisser partir cette maison a sa nature sauvage. Avec un peu de chance à notre retour tout sera nickel.
Steeve s'est installé contre le canapé, il a fouillé dans sa poche et en a ressorti un briquet et un paquet de cigarette tellement plat que j’aurai pu prendre ça pour la photo d’un paquet de cigarette. Il en a sorti une qu’il a mis à ses lèvres, elle était tellement plate qu’il aurait pu la faxer, il l’a allumé avec le briquet a pris une longue inspiration et au moment où il recracha la fumée il c’est levé comme un diable sortant de sa boite et c’est mis à dire à tout le monde que la soirée était finie et que tout le monde devait sortir d’ici. Bien entendu personne ne l'écouta et tout le monde continua à vaquer à ses occupations, à base de voyage au Canada et de pourquoi Jar-Jar binks était en fait un seigneur sith.
Je n’eus pas plus de succès que Steeve, je le vis s'asseoir et terminer tranquillement sa cigarette qu’il a écrasé sur la moquette. Il n’était plus à ça près, la moquette non plus vue que d’ici quelques heures elle sera toute mouillée. Je vis Steeve sourire, pas du sourire d’une personne qui se rend compte qu’elle ne peut rien changer à la situation qu’elle est en train de vivre. Non... Steeve ne connaissait pas trop ce genre de choses. Ce n’était pas non plus un franc sourire communicatif qui peut contaminer les personnes autour de nous telle une morsure de zombies. C’était plutôt un sourire qui me fait un peu peur, en effet je venais à l’instant de reconnaître le sourire de Steve quand il vient d’avoir une idée et ça c’est rarement bon pour son entourage. Il prit une profonde inspiration et se leva pour se diriger vers sa cuisine, il enjamba plusieurs bouteilles vides et des cendriers renversés, le genre de déco d’une fête pas forcément réussie mais très animée. Il enjamba aussi ce qu’il me sembla être le corps d’un homme allongé par terre, il portait un survêtement et il était accroché à une bouteille vide qu’il avait prise pour un oreiller. Steeve le bouscula et je vis son visage, c’était notre prof de sport du collège. Sans quitter l’homme des yeux j’arrivais à articuler un :« Steeve ! Comment il à atterri la lui ? »
Sans arrêter d’avancer Steeve me répondit : « Il a dû sentir l’alcool, ça lui arrive souvent de débarquer à nos soirées. »
Bonne nouvelle Steeve n’avait pas assez bu pour oublier l’agencement des pièces de sa maison et trouva la cuisine du premier coup. En me faisant cette réflexion je sursautais en entendant un cri qui venait de la cuisine et je retombai lourdement sur le canapé. Et avant que je puisse faire le lien entre l’entrée de Steeve dans la cuisine et le cri qui en est ensuite sortis je vis une femme courir vers la porte d’entrée, cette femme que je ne connaissais pas était habillé d’une robe longue rouge et d’une paire de tong, choses qui ne rendait pas facile le slalom de mobilier de fêtes maisonnière si en plus on ajoute l’alcool on se rend bien compte qu’elle tiendrait pas la distance, résultat elle est tombé sur un prof de sport ivre et moustachu qui se réveilla en criant « En rang bande de sales gosses !!! Elle se releva immédiatement, dérapa sur la moquette pleine d’alcool et de mégots de cigarette et s'enfuit par la porte d’entrée ou par ce qu’elle crut être cette porte. Je n’eus pas le temps de lui dire que ce n’était pas par la que déjà elle tomba dans les escaliers de la cave en criant, c’était bizarre je n’entendais que son cri pendant qu’elle dévalait l’escalier surement en rebondissant à la manière d’un dessin animé. J’allais me précipiter quand soudain je vis sortir de la cuisine, en criant, quelqu’un que je connaissais cette fois. C’était Matthieu, on le connaissait depuis la primaire avec Steve un gars cool qui emmerdait personne mais qui souvent se faisait emmerder, et ce soir c’était Steeve qui l’emmerdait. Il courait sans faire attention ou il marchait, il écrasait les mégots, les cendriers, les bouteilles et le prof de sport qui se plia en deux et qui vomi sans crier gare sur la moquette ainsi que sur son survêtement en un motif qui me fait vaguement penser au logo de Nike. Le Matthieu vit la porte de la cave ouverte et se jeta littéralement dedans, je l’entendis crier lui aussi mais ce fut très court. Peut-être que le bruit était couvert par les explosions que j’entendais venant de la cuisine. Alors que voir des gens passer en criant n’avait apparemment effrayé personne la vision d’horreur qui suivait la pétarade de la cuisine arrêta toutes les conversations. En effet, dans l’embrasure de la porte je pouvais voir Steeve entouré d’une fumée grise qui lui montait le long des jambes comme des serpents qui voulaient manger les œufs d’un nid en haut d’un arbre. Puis je vis que son sourire ne l’avait pas quitté, au contraire de sa chaussure droite. A ce moment-là les agences de voyages spéciales Canada ne trouvèrent pas mieux que de tenter de se délocaliser hors de la maison et sans attendre sous peine d’annulation définitive de leurs vols. Les spécialistes de la théorie JarJaresque annoncèrent la fin du cours et passèrent en vitesse hyperespace sans vraiment avoir le temps de calculer leurs coordonnées d’arrivés direction la rue.
Même le prof de sport réussit à ramper hors du salon sentant le danger trop proche pour lui et ceci sans lâcher sa bouteille, on pouvait suivre sa trace a la trainée qu’il laissait derrière lui, on aurait dit une limace en survêtement. Je regardais Steeve, un sourire de contentement s’affichait sur son visage.
Soudain je lui demandai : « tu sais que t’as 2 personnes qui sont tombées dans la cave ? »
Il me répondit nonchalamment et en soufflant « Ouais…., d’ailleurs je vais aller voir s’ils ont fini de s’amuser. »
Tout d’abord je ne compris pas la phrase, il avait bu et a dû dire qu’ils ont fini de se vider…. »
Il s’approcha de la cave et sur le chemin il s’aperçut qu’il y avait une partie de la moquette qui était sans aucun détritus, rien, pas un mégot, pas une cendre elle était presque immaculé, cette image pourrait faire fureur dans une pub de détachant. Puis je vis le vomi sur le bord de cette tâche propre et je me suis rendu compte que le prof de sport avait dû arriver en début de soirée picoler comme un trou et s’effondrer comme une loque. Pour finir par se faire réveiller brutalement par un ancien élève à lui qui lui courait dessus en traversant le salon bien des heures plus tard. Je vis Steeve s’approcher de la cave, en ouvrir la porte et soudain j’entendis des petits cris de joie, je m’approchais moi aussi de la porte et je me rendis compte que je n’avais pas passé la tête dans la cave depuis longtemps, faut dire que la dernière fois j’étais tombé dedans la tête la première ça m’avait calmé. Il faisait noir et je ne voyais rien, je lançais mon bras à tâtons sur le mur dans l’ouverture obscure et je me rappelait qu’il n’avait pas changé le cordon pour allumer la lumière « Non mais ça fait tellement plus cave hanté comme ça » m’avait dit Steve quand je lui avait fait remarquer. Il avait vraiment été nourri aux séries TV et aux films d’horreur américain. Mais ce que je vis était au-delà de mon imagination, je voyais cette fille que je ne connaissais pas et Matthieu que je connaissais qui s’amusaient comme des fous sur une sorte de ballon gonflable au pied des marches des escaliers, ces dernières était entièrement recouvert d’une sorte de mousse anti-chocs.
J’entendis Steeve : « On ferme, tout le monde dehors !!! » Quand nos deux amateurs de parcs d’attraction virent Steeve ils s’arrêtèrent immédiatement. Réfléchirent deux secondes, regardèrent bien là où ils étaient et durent se dirent que ce n’était pas la peine que Steeve recommence ce qui avait fait dans la cuisine et comme ça sans entraînement après une soirée de débauche je les entendis tous les deux en cœur : « Ok on sort, mais ne t’avise pas de recommencer ce que tu as fait dans la cuisine !!! » J’étais sûr que ça avait un rapport avec le fait qu’il manquait sa chaussure droite à Steeve, peu importe il finira bien par tout me raconter, mais avant tout je devrais le consigner dans mon carnet qui était sobrement intitulé « Secrets Steeve Story » c’était mon carnet ou je notais tout les trucs bizarre qu’avait fait Steve, ça me servait à lui ressortir quand il prenait son air innocent en prétendant être un ange, j’en étais au tome 15 rien que pour cette année. Nos deux clients du parc finirent par monter les escaliers, à la vitesse de gosses à qui on vient de piquer leur jeu préféré et qui doivent aller maintenant mettre la table. Ils se retournèrent plusieurs fois pendant une remontée qui paraissait aussi chiante qu’une manifestation de CRS.
Ce fut les derniers à partir il était maintenant plus de 5h30.
Steeve me dit : « Tu fais quoi mec ? » en allant s’asseoir sur le canapé, je le suivis en m’installant à côté de lui. « J’vais rentrer chez moi je pense » arrive-je à articuler
« Tu es en état de conduire ? » Me demande Steeve
« Ça dépend on est dans quel pays ?» Cette phrase mit plus de 3 secondes à se former dans ma tête avant que je puisse la sortir.
« Je ne sais pas, en France je crois. Enfin comme ce matin »
« Alors je crois que je vais pas prendre la voiture »
A ce moment-là un éclair de génie atteignit Steeve et il me regarda sérieusement « C’est pas grave je vais te conduire chez toi mon ami »
C’est l’étonnement qui je crois à fait que l’alcool a finalement fini de conquérir mon corps, partis depuis le foie il lui en fallait du courage et après ce fut la chute.