L’aube était là. Le monde entier semblait se réveiller tandis qu’une lueur orangée couvrait la forêt comme une caresse. La pluie, l’orage, le chaos avait cessé, et tout paraissait calme autour de Munefusa et des enfants.
Ils marchaient depuis une vingtaine de minutes maintenant. L’obscurité de la nuit avait été chassée et Munefusa pouvait enfin se guider tout seul, sans les flammes bleuâtres d’Ayana. Celle-ci avait ouvert la marche, serpentant à travers les bambous en grognant de douleur jusqu’à ce que Munefusa la prenne délicatement dans ses bras. Ayana avait d’abord protesté puis s’était finalement laissée faire, la fatigue la rattrapant soudainement.
Ils avaient retrouvé le sentier sans encombre, et les enfants marchaient silencieusement devant eux, les yeux habités d’un espoir qu’ils croyaient perdu. Nul yokai n’avait essayé de les arrêter. Ayana avait discrètement expliqué à Munefusa que la Famille n’était plus.
« Je pense que seuls le kami-kakushi et l’ôkubi étaient la Famille, continua Ayana en s’assurant que les enfants ne l’entendent pas. Le Père et la Mère. Tous les autres yokais n’étaient que là pour profiter de la souffrance des enfants.
— Je suis bien content que tu ne sois pas un yokai comme eux, nota Munefusa.
— Ils ne sont pas tant différents de moi, tu sais.
— Tu délires.
— Le kami-kakushi et l’ôkubi m’ont défendue. Ils ont retenu Bojin pour permettre aux enfants de s’enfuir. Ils ont préferé les savoir vivant et loin d’eux plutôt que massacrés par le mimichiri-boji.
— Ce sont des monstres. Bojin était un peu plus horrible, c’est tout. Je veux dire… enlever et séquestrer des enfants ? Les arracher à leur famille pour s’en construire une ? Je ne comprends pas.
— Les yokais sont ainsi, Munefusa. Incompréhensibles. Certains sont des dieux, tandis que d’autres ne cherchent qu’à faire des farces innocentes. Quelques uns sont comme Bojin ou la yamamba, tandis que d’autre sont aussi nobles qu’Amago. »
Un court silence s’ensuivit, hanté par le visage rassurant du pèlerin-crapaud. Puis Munefusa émergea de ses souvenirs et demanda :
« Et toi, Ayana ?
— Moi ?
— Quel genre de yokai es-tu ?
— Je suis un humain. Un enfant de 8 ans.
— Si tu ne veux pas me le dire, je comprends. »
Ayana hésita un court instant, regardant un des enfants trébucher dans la boue et être relevé par un autre. Plus aucun ne pleurait. Elle finit par ajouter :
« J’étais beaucoup de choses, Munefusa, mais rien n’avait vraiment d’importance. J’ai vu des générations apparaitre et disparaitre devant moi ; j’ai traversé les siècles et les âges, mais au fond je ne retiendrais que ces huit petites années passées en tant qu’humaine. Voilà le genre de yokai que je suis, Munefusa. Tu peux me laisser descendre, s’il te plait ? »
Munefusa posa doucement le corps blessé du kasha, une boule naissant dans sa gorge. Ayana reprit son équillibre, jaugeant ses blessures et les forces qui lui restaient. Tous les enfants se tournèrent vers le chat à voix humaine, incertains. Ayana leva la tête et regarda Munefusa. Le poète déclara d’une voix lourde :
« Alors c’est la fin.
— C’était un long voyage, Munefusa-san.
— Ce n’était qu’une nuit, ricana le poète.
— J’espère que tu pourras retourner parmi les tiens sain et sauf.
— Ne t’inquiète pas pour moi. Et je m’occuperais des enfants.
— La plupart viennent probablement du village de pêcheurs. Et le yogama-taki a… »
La voix d’Ayana se brisa. Munefusa se pencha et posa une main sur son épaule :
« Je n’ai pas menti à Bojin : ma réputation ne connait aucune limite. Je leur trouverai une famille à chacun, même si je dois y passer le restant de mes jours.
— Tu es un homme bon et courageux. Ne l’oublie jamais. »
Ayana hocha la tête. Elle se retourna et emprunta le sentier en sens inverse, s’éloignant d’une démarche claudicante. Nise Munefusa la regarda disparaitre parmi les bambous sans rien dire, l’émotion lui serrant la gorge. Il soupira, puis sursauta quand il entendit un enfant pousser un petit cri.
Il fit volte-face : l’enfant pointait un doigt émerveillé vers un petit crapaud marron qui plongea dans une flaque. Munefusa regarda le batracien flotter à la surface, lui renvoyant son regard songeur et s’éloignant rapidement en quelques bonds.
« Amago ? » murmura Munefusa malgré lui.
Après quelques secondes, il sourit. Le poète rejoignit alors les enfants, prenant les plus jeunes dans ses bras. Ils reprirent leur route ainsi, rythmés par le soleil qui se levait et Munefusa qui clamait des poèmes pour relaxer les enfants. De tous les haikais qu’il créa durant le voyage, les enfants ne purent qu’en retenir un seul, qu’ils répétèrent chacun jusqu’à la fin de leur vie :
Paix du vieil étang.
Une grenouille plonge.
Bruit de l’eau.
Il n’y avait plus aucune trace de la pagode.
La puissance maléfique de la Famille avait disparu avec l’aube. Au milieu de la clairière se tenait simplement un amoncellement de corps en décomposition. Aucun n’était humain : les cadavres avaient chacun des dimensions grotesques, des visages démoniaques, des apparences d’outre-monde. La douleur et les regrets peignaient les visages, et tous semblaient disparaitre lentement sous la lumière orangée du soleil levant.
Ayana traversa ce monde de mort, suffoquant à cause de la pestillence cadavérique, à sa place parmi les monstres. Son visage félin demeura impassible alors qu’elle examina tous les corps, cherchant quelque chose. Elle finit par remarquer une silhouette familière, un crâne chauve couvert de cicatrices et sans oreilles, la moitié calcinée. Elle s’approcha tout doucement.
Bojin releva la tête et sourit. Son corps était violacé, ses jambes et ses bras brisés comme des branches arrachées par une tempête. Sa brûlure était si grave qu’Ayana put distinguer l’éclat blanchâtre de son crâne. Il parla, et sa voix rauque résonna dans la plaine :
« Il est où… le poète ?
— Loin. Avec les enfants.
— Alors… tu as gagné… félicitations. »
Ayana se mit en face de Bojin, ses griffes acérés sortant de ses pattes. Le mimichiri-boji ne parut pas le remarquer, et Ayana hésita. Elle avait réfléchi à ce qu’elle pourrait lui dire, préparant un long sermon filé d’insultes triomphantes. Cependant voir Boji vaincu ainsi, sans défense, agonisant au milieu d’un champ de cadavres l’emplit d’un vide sans fond. Qu’elle le torture par rancune ou l’achève par pitié, tout ça lui paraissait vain. Finalement, elle ouvra la bouche et se voix cristalline résonna comme le glas :
« Tu vas mourir comme tu as vécu, Bojin. Au milieu d’un champ de cadavre. Comprends-tu ce que je voulais te dire ?
— La ferme, cracha le mimichiri-boji. J’ai vécu… pleinement…
— Jusqu’au bout, tu n’éprouves aucun remords ?
— … Non. »
Bojin perdit son sourire, et son regard se fit plus lointain, semblant y voir quelque chose que seul lui pouvait percevoir. Ses prunelles se firent plus vitreuses, et Ayana faillit ne pas l’entendre murmurer :
« Mais… je suis content… de ne pas mourir… seul… »
Et il ne bougea plus. Ayana contempla quelques instants le cadavre sans vie du mimichiri-boji. L’idée étrange de prier lui vient à l’esprit, poussée par l’émotion qu’elle ressentait face à cet être qui avait tant de fois essayé de la tuer. Elle demeura finalement silencieuse, ne trouvant pas les mots, les derniers mots de Bojin tournant en boucle dans son esprit.
Quelque chose se mouva derrière Ayana, comme une pression redoutable s’abbatant derrière elle. Ayana soupira, puis clama d’une voix calme qui traversa toute la clairière. « Je sais que tu es là. Je ne te veux aucun mal. »
Le silence lui répondit. Ayana attendit un court instant, puis quelque chose bougea dans le coin de son champ de vision. Une forme ronde et blanchâtre qui émergeait d’un tas de cadavre. Ayana se tourna sans crainte vers la forme haletante et couverte de blessure, puis se rapprocha d’elle d’un pas tranquille.
L’ôkubi ne dit rien, se contentant de fixer vers elle ses deux prunelles percées et ensanglantées. Le sang avait coulé de ses plaies et donnait l’impression de deux flots noirâtres de larmes. Ayana sentit une pointe de pitié percer son cœur.
« Mon nom est Ayana, dit-elle calmement, et je veux juste te parler. La première fois que nous nous sommes vues, tu m’as demandé si c’est moi « qui te l’ais pris ». J’étais terrifiée à ce moment, et je n’ai pas pris le temps de réfléchir à tes paroles. Puis j’ai compris. »
Elle se rapprocha, n’étant plus qu’à un mètre de la tête flottante. Si elle le voulait, l’ôkubi aurait pu la déchiqueter sur-le-champ.
« Tu es un ôkubi. Tu es un esprit vengeur, enchainée par ta colère et ta tristesse en ce monde. On a tué tes enfants quand tu étais encore vivante, c'est ça ? Et tu as cherché à te recréer une famille avec l’aide du kami-kakushi…
— POURQUOI, MON ENFANT ? tonna l’esprit. POURQUOI M’AVOIR FAIT TANT SOUFFRIR ? POURQUOI T’ÊTRE RETOURNÉE CONTRE TA MÈRE ?
— Je ne suis pas votre enfant. Cessez de vous accrocher à ces illusions.
— RESTE AVEC MOI, MAÏ. RESTE AVEC MOI, POUR L’ÉTERNITÉ…
— Maï ? Est-ce le nom de votre enfant ?
— C’EST TON NOM.
— Je m’appelle Ayana.
— NON.
— Mon nom est Ayana, que vous le voulez ou non. C’est le nom que m’ont donné mes parents. C’est avec celui-ci qu’ils m’ont élevé.
— JE SUIS TA MÈRE ! »
Ayana n’en pouvait plus. Elle s’avança à nouveau, puis posa son front sur la peau albâtre du fantôme. L’ôkubi se figea à son tour. Les deux restèrent ainsi, en communion, éclairées par la douce lueur du jour naissant.
« Je sais ce que ça fait d’errer sans but pendant ce qui parait être une éternité. Je sais également ce que c’est de vouloir garder sa famille pour toujours.
— RESTE AVEC MOI, MAÏ.
— Quelle est votre nom ?
— JE SUIS OWARI.
— Enchanté, Owari-san. Je suis justement comme vous, à la recherche d’une nouvelle famille… Quelle est mon nom ?
— RESTE AVEC MOI, MAÏ. JE T’EN SUPPLIE.
— Dîtes mon nom. S’il vous plait.
— RESTE AVEC MOI… AYANA. »
Le kasha se réveilla lentement, profitant du confort relatif de son futon de paille. La lumière du soleil pénétrait lentement à travers les fentes dans les murs en bois, et le kasha pouvait entendre au loin le son des humains qui s’attelaient aux travaux agricoles. Il détendit son nouveau corps humain, à l’aise comme il ne l’avait jamais été depuis longtemps.
C’était si facile. La famille d’Ayana l’avait accepté sans hésiter. Il n’était plus qu’une petite fille de 8 ans qui venait de perdre sa mère : sa famille restante lui avait gardé la meilleure place du futon et l’avait même laissé faire la grasse matinée !
À moi la belle vie, jubila le yokai. Cette stupide Ayana a dû crever quelque part dans d’atroces souffrances. Tant mieux pour moi, je vais mener une vie tranquille dans ce…
« Tu t’es enfin réveillé, monstre-chat. »
Le kasha se redressa d’un coup, son petit corps d’humaine soudainement crispé. Il examina rapidement la pièce du regard : un simple rectangle de bois au plafond de chaume, avec un carré ouvert rempli de cendre au milieu et plusieurs lits de paille posé en cercle autour. Quelques meubles et ustensiles usés étaient rangés dans un coin.
Et une petite silhouette quasi imperceptible regardait calmement le kasha. Le corps de la petite fille trembla légèrement, entre la peur instinctive et la confusion, puis chuchota :
« Ayana ? C’est toi ?
— C’est étrange de voir son corps ainsi, répondit la silhouette. C’est comme être en face d’un miroir.
— Tu as survécu ?
— Disons que ma nuit n’a pas été de tout repos. »
La silhouette sortit de l’ombre, rejoignant le centre de la pièce. Le kasha regarda en grimaçant le corps couvert de blessures de ce chat noir à deux queues. Une de ses pattes évitait de toucher le sol tandis qu’une oreille manquait à son crâne. Son pelage noir était couvert de saleté et de croutes.
Mais Ayana était vivante, envers et contre tout.
« Tu t’es enfuie c’est ça ? interrogea le kasha après avoir surmonté sa surprise. Le premier yokai t’a donné une bonne leçon et tu es rentrée la queue entre les jambes.
— Les démons qui terrorisaient la région ne sont plus, répondit Ayana d’une voix grave.
— Mais…
— Et je suis revenu le matin. J’ai rempli ma part du contrat.
— Comment ?
— Je n’ai pas besoin de te répondre. Mais sache que je n’ai pas été seule, et que j’ai beaucoup risqué ma vie durant cette nuit. »
Oui, cela, le kasha voulait bien le croire.
Il n’avait pas prévu le retour de son corps ainsi, mais tant pis. Le kasha se racla la gorge et se mit debout, cherchant à regarder Ayana de haut avec un dédain qu’il prit grand soin de montrer. Tout était pour le mieux, même : il pouvait trouver quelque utilité à son corps de félin, surtout une fois qu’il se serait lassé du corps humain d’Ayana…
« Je vois. Félicitations, Ayana. Je ne sais pas qui ou qu’est-ce que tu es exactement, mais tu as accompli un exploit remarquable.
— Je t’en remercie.
— Je vais maintenant reprendre mon corps.
— Et moi le mien. »
Le kasha eut un sourire très grotesque sur son visage de jeune fille.
« Je ne crois pas, continua-t-il d’une voix douce. Les termes du contrat étaient clairs : je pouvais choisir de garder les deux corps, peu importe la réussite de ta quête.
— C’est bien vrai, acquiesca Ayana.
— Et il se trouve que j’aime bien ton corps. Il est pratique. Les humains ne fuient pas en me voyant. Au contraire : ils sont prêts à tout pour me consoler et me cajoler.
— J’avais espéré… de la clémence de ta part.
— Je suis un kasha, pauvre idiote ! Il ne faut jamais faire confiance aux yokais dans mon genre. Et tu es mal placée pour négocier vu l’état dans lequel tu me rends mon corps.
— Tu as raison sur tous les points. Que vais-je donc devenir ?
— Ce n’est pas mon problème.
— Je demande juste une chose, et réponds-moi sincèrement : tu es maintenant Ayana, orpheline, petite paysanne de huit ans et sans histoire. Le frère de ton père décédé te loge par bonté et tes cousins te soutiennent de tout leur cœur. Comment vas-tu te comporter avec eux ? »
Quelle question. Je vais utiliser ton corps pour flâner le plus possible. J’en veux bien, de leur bonté ! Je n’aurais qu’à pleurnicher de temps en temps pour les amadouer. Ah, qu’il est pratique d’avoir des parents décédés…
« Ta famille a bon cœur. Je promets de bien me comporter avec eux et d’être digne du nom et du corps d’Ayana. Ça te va ?
— Parfait.
— Allez, finissons-en. Donne-moi mon…
— Tu mens très mal. Je suis contente de ne pas m’être trompée sur toi. »
Le kasha n’eut même pas le temps d’exprimer un « Quoi ? » ahuri qu’il sentit soudainement son sang s’arrêter dans ses veines. Son cœur s’affola, ses jambes commencèrent à trembler et ses yeux écarquillès fixèrent la forme blanchatre qui était apparue en haut de la pièce, flottant dans les airs comme une lune miniature.
Tous les yokais connaissait cet esprit. L’ôkubi avait tourné vers le kasha son visage décapité et crispé par la colère, ses yeux percés et noir desquels le kasha pouvait malgré tout discerner deux lueurs haineuses. Ayana s’approcha tranquillement du corps de la petite fille.
« Je te présente Owari. Beaucoup de choses peuvent être dites sur elle, mais tu n’as besoin de n’en savoir qu’une : je compte pour elle autant qu’elle compte pour moi.
— Tu es folle ? haleta le kasha. Pourquoi as-tu amené un monstre comme elle ici ?
— Parce qu’elle est à la recherche de la même chose que toi et moi.
— …Qui es-tu donc, Ayana ?
— Je ne suis qu’une humaine de huit ans qui veut récupérer son corps.
— Je ne te crois pas ! Tu as eu assez de puissance pour procéder à un échange de corps ! Tu as vaincu les yokais qui terrorisaient la région ! Tu as trouvé un ôkubi comme allié ! Qui es-tu donc ?
— SON NOM EST AYANA, gronda la tête volante.
— Juste une chose, continua Ayana, si tu me contraries, mon amie te le fera chèrement payer. Ne crois pas pouvoir t’échapper en utilisant sa cécité. Son ouïe et sa détermination sont admirables, et tu es piégé dans un simple corps d’humaine…
— Monstre ! piailla le kasha, fou de rage et de peur. Tu es un monstre, tout comme eux !
— Je ne peux le nier. Pour te remercier d’avoir pris soin de mon corps, je vais répondre à ta question. Je vais te dire qui je suis. »
Le kasha trébucha sur son fessier, tremblant. Ayana était maintenant plus haute que lui et le toisait avec ses deux yeux ambrés qui trahissait son âge et ses tourments, recouvert d’un voile d’acceptation et de sagesse. À cet instant, le kasha sut qu’il était défait.
« J’étais toute-puissante autrefois, clama Ayan d’une voix cristalline, maintenant je suis vulnérable et fatiguée. J’étais arrogante et solitaire, maintenant je veux juste vivre honnêtement. J’ai traversé les siècles, et pourtant seules huit années ont vraiment compté. J’ai abandonné la région que j’étais sensée protéger jusqu’à ma mort, et c’est emplie de regrets que j’ai vaincu les démons qui la menaçaient par ma faute. J’étais le dieu protecteur de la vallée, et maintenant je ne suis qu’une simple humaine qui vivra et mourra sous le nom d’Ayana. »
Plus tard, les villageois verront Ayana sortir de la maison, des cernes sous les yeux, et travailler dans les champs toute la journée pour les aider. Les plus superstitieux prétenderont apercevoir un chat noir à deux queues se faufiler parmi les ombres, grièvement blessé et jurant de frustration.
Au nord, le village d’Otari fut retrouvé complètement dévasté, ses habitants réduits à des cadavres calcinés et certaines maisons détruites par une catastrophe divine. On ne put jamais expliquer ce phénonème.
À l’ouest, au sommet de la montagne se tenait un amoncellement de troncs d’arbres que personne ne put comprendre. Certains prétendirent qu’une tornade a arraché ces arbres de la terre, d’autres qu’il s’agissait de l’oeuvre d’un dieu fou. Le temps et l’oubli eurent raison de ces vestiges sans nom.
Au sud, on découvrit non seulement que le pont était entièrement brisé, mais que d’étranges bulles éclataient parfois à la surface, comme si quelque chose hurlait de toutes ses forces dans les profondeurs aqueuses. On évita l’endroit pendant de longues années.
On sait peu de choses sur celle qui se nommait Ayana, tant sa vie fut tranquille et ordinaire. On raconte que le célèbre poète Nise Munefusa l’utilisa comme modèle dans plusieurs de ses haikus, sous la forme d’une chatte noire aux yeux ambrés.
Devenue vieillarde, Ayana disparut soudainement de chez elle sans laisser de trace. Certains prétendirent avoir remarqué sa silhouette parcourant la région, à l’est, la nuit, avec une sihouette albâtre demeurant à ses côtés comme une mère.
Deux petites remarques avant d'enchaîner :
"Un enfant de 8 ans." => Pourquoi pas huit en lettres ?
=> Et comment on peut voir deux lueurs dans les yeux crevés d'Owari ?
Pour le reste, eh bien... Déjà navrée d'avoir pris autant de temps pour lire cette histoire, et doublement navrée car de ce fait, mon commentaire risque de manquer de précision, faute d'avoir la mémoire exacte des évènements
MAIS je dois dire que j'ai passé un excellent moment de lecture, je crois te l'avoir déjà dit, mais tu as un vrai talent de conteur, mon coeur s'est serré lors de la séparation de Munefusa et Ayana (d'ailleurs, bien joué Munefusa pour t'être ratttrapé à la fin de l'histoire, beau gosse de sa part !). Ayana était hyper attachante, les rebondissements nombreux, mais crédibles dans le sens où on se laissait embarquer avec plaisir à ses côtés. J'ai beaucoup aimé ton travail autour du folklore japonais, que je ne connaissais pas du tout et de ton rendu de l'atmosphère, qui faisait écho avec ce que j'ai pu voir du cinéma japonais, faute d'avoir lu des contes. Les adversaires étaient variés, les solutions bien trouvées et la tension narrative toujours présente, que du tout bon !
J'ai juste finalement peut-être un peu déçue qu'Ayana ne soit pas juste une enfant, mais une divinité, car cela l'a un peu détachée de moi et on sort de la compassion des terreurs de l'enfance (même si c'est certain que cela aide à expliquer sa force de caractère, que j'interprétais plutôt comme la licence "contesque" où les enfants sont souvent très futés et très intelligents), mais franchement, c'est sans doute que moi
En tout cas, merci encore pour cette belle lecture, idéale à conclure pour Halloween !