— Vous êtes... ?
— Son mari et vous ?
— Attendez, vous êtes le prétendu mari de Jane ?
— Oui et non.
— Ne tournons pas autour du pot, je vous prie !
— Je suis son mari. Mais détrompez-vous : elle ne s'appelle pas Jane.
— Vous vous vantez de connaître les moindres détails de sa vie mais les révélations se font attendre, si je puis me permettre.
— Je ne confie pas des détails aussi intimes à n'importe qui.
— Je suis son petit-ami. Et vous n'avez jamais rien dit à Jane lorsque vous la harceliez alors qu'elle est tout de même la principale intéressée...
— Elle ne veut pas m'écouter.
— Peut-on le lui reprocher ? Vous avez un petit côté effrayant...
— Effrayant, moi ?
— Oui, par exemple, vous débarquez sans prévenir chez les gens sans leur expliquer ce que vous leur voulez.
— Je veux parler à ma femme. Je veux la récupérer. Je veux que tout redevienne comme avant. Je pensais que mes intentions étaient claires, mon cher...
— Adrien, appelez-moi Adrien. Mais nous ne sommes pas amis pour autant, ne vous faites pas d'illusions.
— Je ne cherche pas un nouvel ami mais mon ancienne femme.
— Elle n'est pas votre ancienne femme et vous n'aurez pas Jane.
— C'est vous qui le dites...
— Ne me provoquez pas !
— Ou sinon ?
— Ou sinon vous aurez affaire à moi, espèce de prétendu mari !
— Je ne m'y connais pas vraiment en insultes mais je ne pense pas que «prétendu mari» en soit une !
— C'est une insulte envers Jane ! Vous insultez son intelligence. Elle a perdu tous ses souvenirs, pas son intelligence.
— J'insulte son intelligence ? Moi ? Alors que vous la poussez à endosser une nouvelle identité qui n'est pas la sienne ? Sans oublier que vous sortez avec ma femme, mon cher monsieur...
— Mais avez-vous des preuves de ce que vous avancez ?
— Des preuves qu'Andréa est ma femme ?
— Andréa ? Mais c'est qui, Andréa ?
— Ma femme.
— Eh bien, voilà ! Laissez Jane tranquille et allez rejoindre cette Andréa !
— Je ne peux pas...
— Pourquoi, je vous prie ?
— Mon Andréa est votre Jane.
— Ah non ! Ça suffit maintenant ! Arrêtez avec ça ou je vais sérieusement me fâcher...
— Votre petite-amie qui n'est autre que ma femme s'appelle Andréa. C'est la vérité, il va falloir s'y faire, mon petit Adrien.
— Encore une fois, avez-vous des preuves de ce que vous avancez ?
— Mes souvenirs...
— Avez-vous un document qui prouve que Jane est bien votre Andréa ?
— J'en aurais une bientôt, très bientôt...
— Vous voulez parler de ce contrat de mariage que vous voulez fabriquer avec la complicité de votre avocat ?
— Comment... Comment vous sav... Non, je ne fabrique rien. Je l'ai juste égaré par mégarde...
— Comme par hasard...
— Qui me dit que ce n'est pas vous qui vous êtes introduit chez moi pour effacer toutes les preuves ?
— Non, mais vous délirez à plein tube là ! Arrêtez de suite !
— Des fois, je me demande même si Andréa ne simule pas son amnésie...
— Encore mieux ! Et le monde entier complote contre vous aussi tant qu'on y est, non ?
— C'est possible... Les complots de cette envergure sont difficiles à déceler, vous savez.
— Mais vous êtes délirant, mon pauvre ami !
— Je croyais que l'on n'était pas ami ?
— C'est une expression, il faut pas s'y fier. Je suis plus proche de vous mettre dehors que de devenir votre ami.
— Andréa est ma femme. Andréa, c'est votre Jane ! Je vous le jure !
— Votre place est à l'asile, franchement ! Mais c'est inquiétant que vous soyez presque convaincant. Pour un fou, vous êtes plutôt doué.
— Je ne suis pas fou ! Je dis la vérité, voilà tout !
— Si vous dites vrai, parlez-moi de votre Andréa. Je vous dirais si ça correspond à ma Jane...
— Andréa, elle se lève tous les matins du mauvais pied, sauf le samedi. Elle a la main verte comme personne. Elle adore les animaux. Elle est allergique au popcorn et elle n'aime pas le thé...
— Jane est l'opposée de l'Andréa que vous décrivez... Elle est toujours de bonne humeur, elle ne sait pas s'y prendre avec les plantes et elle a peur des animaux. Sans oublier qu'elle raffole du popcorn et du thé...
— Non ! Non ! Non ! Comment est-ce possible ?
— Et je le sais parce que je passe beaucoup de temps avec elle. Je suis son petit-ami et comme je vous disais, il va falloir vous faire à l'idée...
— Non ! Ce n'est pas possible !
— J'ignore si votre Andréa existe ailleurs que dans votre tête mais ce n'est pas Jane ! Pour preuve, elle est partie me racheter du thé après avoir vidé toutes mes réserves.
— C'est incroyable !
— Vous allez nous laisser tranquille maintenant ?
— Je suis pourtant sûr de ce que j'avance. Elle n'est pas Jane mais Andréa...
— Il faut vous le dire comment, bon sang ?
— Andréa...
— Non, Jane ! Jane ! Elle s'appelle Jane !
— Andréa...
— Jane !
— Andréa...
— Bon, ça suffit maintenant. Sortez de chez moi, je vous prie !
— Non... Non ! Laissez-moi lui parler !
— Absolument pas. Sortez de chez moi ou j'appelle la police !
— La police ?
— Oui, vous avez raison... Dans votre cas, autant appeler l'asile directement.
— Vous voulez me faire passer pour fou pour vous emparer de ma fortune, n'est-ce pas ?
— Parce que vous êtes riche ?
— Pas vraiment...
— Alors votre théorie vient de tomber à l'eau, mon cher ami...
— Nous sommes amis ?
— Façon de parler, façon de parler... Vous vous souvenez ?
— Ah oui ! Mais Andréa et vous, vous complotez contre moi, j'en suis sûr !
— Vous n'êtes pas riche et vous n'avez aucune preuve du dit mariage, honnêtement... Si j'étais vous, c'est ma santé mentale que je remettrais en question.
— Je vais bien. Je sais que je vais bien...
— C'est pas flagrant.
— Et si vous êtes son amant depuis des années et vous avez aidé Andréa à simuler son amnésie pour qu'elle puisse impunément se marier avec vous ?
— Jane accepte de divorcer de vous alors qu'elle ne vous a pas épousé. Ce n'est pas le divorce qui lui fait peur... De plus, je l'ai rencontrée amnésique.
— Ah...
— Arrêtez avec vos théories de complot ! Ça devient très inquiétant...
— Non... Non... Andréa...
— Arrêtez, vous dis-je !
— Et si un admirateur secret l'avait kidnappée pour lui effacer la mémoire et la reconquérir ?
— C'est absurde.
— Pas tant que ça...
— Vraiment ?
— Réfléchissez... Jane ou Andréa, sa mémoire a bien été effacée. Comment vous expliquez ça, vous ?