Frôler la mémoire - début

Par Andrea

 

C’est l’histoire d’un couple, où l’un des deux fait exprès de les mettre en danger (comme : visiter un pays dangereux), pour que l’épreuve les rapproche, les soude.

Pour qu’ils n’atteignent jamais par la suite le point où ils s’ennuieraient l’un de l’autre, se remémorant, chaque fois que le doute s’immiscerait, l’expérience fondatrice si forte et si incontournable qui lie leur destin.

On a failli mourir ensemble, on a survécu ensemble : on finira nos jours ensemble.

Après ça, les petits tracas de la vie ne pèsent rien face à ce qu’on a déjà vécu.

Après ça, on peut toujours se dire qu’on a connu pire, on relativise.

Et aussi pour qu’ils aient une incroyable aventure à raconter à leurs petits-enfants.

Car vivre dangereusement, sur le moment, ce n’est que pure angoisse. Absolument rien de sexy. Mais après, c’est bien le genre d’évènement qu’on aime appeler de l’« aventure ». Frôler la mort, c’est grisant… une fois mis en histoire…

Ce serait aussi comme des lauriers sur lesquels se reposer.

On a frôlé la mort, on peut se sentir vivant.

"Décidément, j’ai vécu de ces choses !"

"Ah ça. On peut dire qu’on n’a pas peu vécu ! On a fait not’ part, pour sûr !"

Des exploits (si tant est que survivre soit un exploit) dont ils peuvent se sentir fiers jusqu’à leurs derniers jours.

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Élément déclencheur : l’un découvre que l’autre a fait tout ça exprès, et dans ce but.

Crise, trahison, complot, manipulation, aveu ? … Mouais. Bof.

L’histoire me semble plus être : celui des deux qui a manigancé se tait toute sa vie (comme le suggère un film de Woody Allen que je ne cite pas pour ne pas spoiler).

Ou alors : celui des deux qui a manigancé ne l’a fait que semi-consciemment, et sa mémoire des évènements finit par se modifier jusqu’au point où il ne ressent plus aucune honte à avoir manigancé (jusqu’à ne plus savoir qu’il l’a fait, en fait).

Autre possibilité : totalement inconsciemment ! mais le narrateur l’explique quand même, ainsi le lecteur le sait.

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L’avion atterrit sur le tarmac.

John et Sandra descendent, serrés l’un contre l’autre.

Le Président les accueille.

Après ce qu’ils ont enduré, ils ont besoin de repos.

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Ils étaient partis en croisière,

en voilier,

à deux.

Au large de l’Éthiopie, des pirates les ont séquestrés.

Sept jours plus tard, les forces spéciales donnaient l’assaut.

Les douze pirates sont éliminés.

On déplore une perte côté militaire.

Aucune rançon n’aura été versée.

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Un an a passé.

Sandra voudrait aller aux États-Unis.

John n’aime pas voyager.

Elle comprend.

Mais elle voudrait quand même qu’ils fassent ce voyage, comme pour surmonter un cap.

Ne plus avoir peur.

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Puis elle se souvient que John n’aimait pas voyager, avant.

Avant, déjà ?

Oui. Avant, déjà, il n’aimait pas ça.

Mais pourquoi étaient-ils partis, s’il n’aimait pas ça ?

Pourquoi avaient-ils fait cette croisière ?

Était-ce elle qui l’avait entraîné ?

Non ! C’était lui, le fan de voile !

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Les nouveaux voisins viennent dîner chez eux pour la 3e fois.

John et Sandra ont vite sympathisé avec eux.

Elle s’appelle Alanis ; ses parents étaient fans de la chanteuse.

Et lui, George.

Un soir, alors que les deux femmes se retrouvent entre elles, quand l’atmosphère se prête aux confidences, Sandra raconte à Alanis ce qu’elle et John ont vécu.

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Alanis écoute, subjuguée.

Elle ne pose pas de question.

Elle laisse Sandra dérouler toute l’histoire.

Alors Sandra en vient elle-même à la question qui la taraude depuis peu :

Pourquoi ont-ils entrepris ce voyage ?

À quoi bon me poser cette question ! ajoute-t-elle juste après.

Après tout, ce qui est fait est fait, et ils ont survécu.

Qu’est-ce que ça changerait, maintenant.

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Un soir, alors qu’ils sont côte à côte dans le canapé devant le générique de fin d’une comédie romantique, John pose sa tête sur les genoux de Sandra et dit : « Jamais on ne se séparera. »

Sandra comprend.

Elle comprend ce qui l’anime.

Son besoin d’attachement.

De sécurité.

Elle aussi éprouve ce besoin.

Elle comprend, et elle entend bien ces mots invisibles dans ce qu’il dit.

Jamais on ne se séparera.

Jamais plus on ne se séparera.

Jamais plus on ne nous séparera.

Comme on nous a séparés, sur ce bateau, il y a un an.

Elle a les mêmes souvenirs, elle sait sur quoi repose cette conviction.

Elle comprend.

Pourtant… elle-même n’est pas convaincue.

Elle s’en rend compte soudain, et ressent alors comme une gêne.

John lui témoigne un amour sans réserve, et elle n’est pas du tout en phase !

Elle s’en veut.

Comment ose-t-elle douter !

Et quoi ? Elle voudrait lui reprocher d’être partis en croisière ?

C’était l’idée de qui, au fait ?

Elle s’en veut encore plus de se poser cette question, et de se la poser pour la centième fois.

Mais elle se dit qu’après tout, tant que les questions restent dans sa tête à elle, elles ne font de mal à personne.

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Ce n’était pas son idée à elle ?

Mais la voile, c’était son truc à lui !

Mais… il n’aimait pas voyager !

C’est elle qui aimait voir du pays.

Est-ce que ça avait été un compromis ?

Une manière de lui faire apprécier le voyage, et qu’elle apprécie la navigation ?

Tout ça la travaille trop désormais ; il faut qu’elle tire les choses au clair.

 

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Contesse
Posté le 04/06/2023
Bonjour bonjour :)

Le résumé de ton histoire est assez original et j'avoue que j'ai été séduite par le concept de ton histoire ! Ça fait beaucoup réfléchir au couple, à notre vision du couple et à cette sorte de haine envers la routine, la répétition, le quotidien.
C'est une manière extrême très maligne de traiter le sujet et qui a son côté loufoque très appréciable !
Le fait que l'un et l'autre ne sache pas trop si ces choix sont conscients ou inconscients, ni s'ils viennent de l'un ou de l'autre, ça fait totalement sens aussi !
C'est bien joué de ta part en tout cas ;)

Ce fut une lecture atypique et agréable !
A bientôt !
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