Frontières

Notes de l’auteur : Bonjour,
Ceci est ma première publication, de ce fait il se peut que des ajustements ultérieurs soient nécessaires, notamment au niveau de la longueur des parties publiées. J'essaierai de poster de façon hebdomadaire, en attendant j'espère que ce début d'histoire vous plaira.

Le soir et la brume tombaient sur les limites du domaine de la famille Lafuori, l'air était chargé des senteurs de l'hiver approchant, et de la buée s'échappait des naseaux de deux chevaux tirant une voiture. Leur trot rythmé battait régulièrement le sol caillouteux. Ce bruit caractéristique, Noeline Lafuori l'avait guetté une bonne partie de l'après-midi depuis sa chambre. Le départ de ses parents constaté, elle sourit avec satisfaction et s'avança vers la porte avec soulagement. Elle l'ouvrit et ne prêta que peu d'attention au luxe ostentatoire des couloirs auquel elle était habituée depuis son plus jeune âge, descendant d'une famille d'aristocrates fortunés et réputés dans toute la contrée pour leur magie si puissante qu'elle leur permettait de créer quasi instantanément n'importe quel bijou dans n'importe quel métal.

Néanmoins, leur fille n'avait pas hérité de ce don. Elle aurait dû le manifester à l'âge de seize ans, mais rien ne s'était produit. Ses parents en avaient été amèrement déçus, et Noeline plus encore. Bien qu'ils eussent essayé de feindre l'indifférence, une fissure dans leur relation s'était créée, puis agrandie au point qu'aujourd'hui seuls les liens du sang subsistaient entre eux. Comme chaque moment passé ensemble était empreint d'une gêne palpable, leur fille était plus que ravie quand ils quittaient le manoir, pouvant le parcourir à sa guise et tromper sa solitude. Elle finissait juste de tourner à un angle lorsqu'une bonne odeur de viande rôtie en provenance des cuisines l'arrêta. A en juger par son odorat, l'équipe de cuistots était déjà en train de réaliser les premiers essais de plats qu'ils serviraient le soir de Noël, lors d'un traditionnel dîner formel et guindé. Noeline devrait y jouer pour la deuxième année consécutive son rôle de jeune fille épanouie, mais pour l'heure elle laissa de côté la perspective des sourires forcés, préférant suivre le doux fumet d'un air gourmand, ignorantle tournant qu'allait prendre son existence ce soir-là.

Chaque hiver, dans la contrée qui hébergeait les Lafuori, les premières neiges ainsi que toutes celles qui suivaient étaient apportées par un groupe particulier de chevaux ailés, qu'on nommait simplement Nevequis, et qui demeurait la plupart du temps hors de la vue des humains, dans une dimension parallèle. Néanmoins, le couple Lafuori avait trouvé le moyen d'accéder à cette dimension, et l'arpentait à présent avec assurance, ne s'interrompant que brièvement pour vérifier qu'ils allaient dans la bonne direction. Après plusieurs minutes de marche, le groupe des Nevequis fut en vue. Les deux humains s'arrêtèrent et se mirent à scruter chacun des individus. Ils s'étaient rendus dans cette dimension avec le dessein de mettre un terme à la chute des neiges qui chaque hiver était synonyme pour eux d'une perte de leurs capacités magiques, et donc de la fabrication de bijoux. Pour ce faire, ils devaient empêcher la jument de tête de prendre son envol. C'était elle qui guidait les autres,les instiguait à faire tomber la neige, et son absence créerait un désordre suffisant pour les en empêcher. Soudain, ils la virent. Elle était telle son élément, d'un aspect éthéré et duveteux, respirant le calme et l'innocence. Cependant, aucun doute ne passa à travers l'esprit cupide du couple, qui d'un même geste firent de l'animal la proie de leurs flammes. Effrayé, le groupe prit la fuite dans un désordre de sabots et de battements d'ailes. Bien vite, la jument se retrouva isolée, piégée. Le coup fatal fut porté. Dans un rictus cruel, le couple se félicitait de sa réussite et de sa supériorité sur la créature.

Mais, comme la vie quittait l'une et relâchait son âme, la mort en gagnait une autre et enserrait son corps...

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