Mes jours durent des jours.
Je me lève le matin, épuisée déjà, effondrée déjà. Irais bien me recoucher. À n'importe quelle heure de la journée : après le petit déjeuner, après la douche, après pissé, avoir emmené les gosses – les autres – à l'école.
Les heures passent, longues. Elles durent des heures. J'ai perdu ma fille, mais j'ai gagné du temps. Du temps à ne savoir qu'en foutre, à n'en rien foutre, à ne rien vouloir en foutre. Je reste las, là. Mère assise sur canapé, éteinte, inerte, comme un tableau. Je suis assise sur canapé comme accrochée au mur derrière. Je fonds dans le décor.
L'horloge triche, elle tourne deux fois pour une heure, parfois trois quand je ne regarde pas. Ses aiguilles sont des connes, et qui me rient et qui me chient. Elles me moquent, chaque tac est un ah ! pour me dire ta fille est morte. Morte et violée et cramée, en deux cassée et moitié enterrée. Tralalalala. Pour me dire tu ne la reverras pas, on ne la retrouvera pas. Elles me disent, me prenant dans leurs bras, tout le monde s'en fiche d'elle. Tu es bien la seule que ça intéresse.
Je ne les écoute plus, et passe mes journées les oreilles bouchées. Moi mère sur canapé, éteinte, inerte, et les oreilles bouchées. Mes doigts les engorgent. Je ferme les yeux, attendant de les rouvrir et la trouver devant moi, youhouuuu je t'ai bien eu. Je n'aurais pas à me fatiguer à la chercher, elle apparaîtrait. Serait là. Riant, hurlant. Comme les bébés de son âge. J'aurais la tête pleine de ses cris : gueule moi dans l'oreille, chérie, crie dans l'oreille de maman, elle adore ça. Gueule mon cœur, de toutes tes forces, gueule.
S'il te plaît, sois là quand j'ouvrirai les yeux.