HANNAH (2012 -2020)

Notes de l’auteur : Chronique d'une histoire hachée.

Mars 2012

C'est bizarre la façon dont il la connait. Avec un copain, elle vend des vinyles dans une brocante à La Villette. Il passe deux heures à la convaincre qu'elle ne peut pas se séparer de ces choses-là. Au bout du compte, il achète les disques pour qu'elle vienne les écouter avec lui. 

Janvier 2013

Un jour tu voudras des enfants mais moi je ne veux pas. Hannah croit que c'est honnête de lui dire cela au moment où ça commence à flamber tous les deux. C'est trop tard. C'est toujours trop tard car personne ne porte un badge au revers de sa veste « pas d'enfants » « infidèle » ou « radin ». Les turbulences ne sont jamais annoncées sur le tarmac.

Mai 2013

La fête était très belle avant qu'elles n'arrivent. Hannah et Marie sont amies, il le sait mais, les voir débarquer toutes les deux l'a mortifié. Il est en train de tout foutre en l'air. Incapable de l'exprimer, il ressent le chaos, à la manière des chiens qui hurlent pour qu'on les libère car ils savent que quelque chose va se produire.

Août 2013

Il s'est trompé, il n'est pas réellement épris de Marie. Il vit en hésitant, trompé par la vanité que donne l'amour synchrone de deux femmes, il justifie tout : les mots qu'il ne devrait pas employer, les messages qu'il ne devrait pas envoyer, les moments qu'il ne devrait pas laisser vivre.

Septembre 2013

Partir à Manchester avec Hannah a marqué un tournant. Il n'a jamais été heureux à ce point. Elle fend l'armure. Il cesse d'avoir peur. Il arrête de placer la liberté dans la balance, en contrepoids de l'abandon. À Paris, à peine revenus, il lui pose la question à nouveau. Non, elle ne sera pas mère.

Novembre 2013

L'hydrogène brûle longtemps après le passage d'une comète. Elle a le sang aux tempes quand elle reçoit ses courriers. Pas encore sevrée, elle les supprime sans les lire. Elle rejette tout retour en arrière.

Janvier 2014

Il devient étrange, fréquente la nuit et s'abime un peu. Dans son garage, il lui reste une bombe aérosol à séchage rapide. Légèrement destroy, il décide de repeindre sa poubelle en noir brillant. 

Mars 2020

Le lock-down vient d’être décrété. Angoissée à l’extrême, elle regarde La Ruée vers l’or pour se détendre. Alors que Charlie Chaplin danse maladroitement dans un cabaret au fin fond de l'Alaska, elle trouve décidément qu'il ressemble à quelqu’un. Elle cherche longtemps. Jusqu'à ce qu'elle se retrouve téléportée à La Villette. Il porte une casquette cubaine, il parle de Charlie Parker comme si c’était son meilleur pote et il lui promet de lui faire découvrir un merveilleux restaurant végétarien près du Jardin des Plantes. 

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Grde Marguerite
Posté le 20/10/2020
Concis, très bien. C'est à la nouvelle ce que le haïku est à la poésie. On n'a pas besoin d'en savoir plus (en revanche moi je suis obligée d'en écrire plus pour atteindre les 15 caractères, rhâââ...).
Edgar Fabar
Posté le 01/11/2020
Merci pour le compliment. L'histoire de la concision et de la difficulté de l'atteindre, cela me fait penser à une citation de Marc Twain assez juste "I didn't have time to write a short letter, so I wrote a long one instead." où il s'excusait auprès d'un ami de ne pas avoir eu le temps de lui écrit un mot court (même si toi c'est si j'ai bien compris pour des raisons indépendantes de ta volonté de faire court)
Edgar Fabar
Posté le 01/11/2020
oula (même si toi, c'est - si j'ai bien compris - pour des raisons indépendantes de ta volonté... de faire court) #ponctuationmonamie
Grde Marguerite
Posté le 01/11/2020
:-)
J'aime faire court pour plein de raison, pas seulement parce que je suis occupée par d'autres choses. J'aime bien l'ellipse, faire travailler l'imagination du lecteur/ de la lectrice, ne pas tout dévoiler d'un coup...
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