Hommage à Vladimir Maïakovski

Notes de l’auteur : Attention, ce poème est un texte au sens étymologique du terme, il tisse entre eux des passages d'autres poèmes de Maïakovski traduits par Elsa Triolet même s'il ne se résume pas à cela. Ces reprises ne sont pas du plagiat mais une façon de lui rendre hommage. Pour ce faire, il me paraissait essentiel de le signaler.

Ton regard est celui d’un tueur sans pitié

Mais c’est à ta propre fin

Que tu mis le point d’une balle

En plein cœur

C’était le 14 avril 1930

 

La ligne pure que tu traças

Dans ton propre corps

Et qui fit éclater en quatre

Ton ventricule

Qui ouvrit ton dos de géant

Dont purent s’exhaler les parfums de ton sang

Qui fendit tes larges artères

Déversant leur peinture en toi

C’était aussi ton dernier vers

Poète déchiré de paroles

 

Si tu l’avais pu, c’est une grenade

Que tu aurais avalée

Et qui aurait en explosant

Enfoncé chacune de tes dents

Dans le cou de toutes tes maîtresses

Fait de ton cerveau une bouillie

Répandue aux murs, aux plafonds,

Sur les vitres et même dans la rue

Ton palais brisé en morceau

Serait tombé comme du cristal

Et tes membres se seraient accrochés

Aux meubles à proximité

Et ta langue enfin brûlée

Aurait trouvé son treizième apôtre

 

Joaillier des cris tu parlais

Des mots illuminés de souffrance

De Lili que tu habillais

Avec la fumée du tabac

Ton corps était l’instrument

De cette inhumaine magie

Des mots qui te clouaient au papier

Tu as hurlé, Maïakosvki, que Dieu n’existait pas

Et tu voulais fracasser ton crâne sur la pierre

Mais le tapis des étoiles qu’Il cousait

À ta propre peau

C’était le baiser qu’à la guerre

Les hommes ont aux lèvres en mourant

 

Toute ta vie s’est écartelée sur les pages

Rien de toi ne s’en est échappé

Et c’est toi que je mange en lisant

Les traces que tu as laissées

Ton âme s’est tendue comme un câble

Jusque dans ton propre cœur

Et c’est elle bien plus que la balle

Qui t’a ouvert la poitrine

 

Le monde entier au passage de tes mots

Renversait sa sale gueule par terre

Même la mort, tu embrassas ses lèvres de pénitente

Brutale et froide comme un monastère

Tu savais, depuis le début

Que ce serait ton dernier amour

Peut-être que c’était aussi le premier

Car tu disais que les yeux de Lili

Creusaient sa face

Comme les fosses de deux tombeaux

 

Maïakovski, ton corps immense était bien trop petit

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JeannieC.
Posté le 20/02/2024
Salutations !
C'est un très beau tissages que tu nous proposes là, bravo ! J'aime cet exercice de re-composition qui rend en effet un vibrant hommage à ce poète. Il y a de la violence, de l'organique, ça frappe comme un point/poing, bref un texte qui sait me remuer dans ma sensibilité aux images très abruptes et à l'écriture de la corporalité dans ses moindres détails.
Ah et je partage grandement cette vision du texte comme un "textus", un tissu qui entrecroise bien des fils, des regards, des influences. Un tissu à trous du reste, où chacun est convié à mettre de sa propre perception quand il reçoit les mots.
Toujours un plaisir de me poser du côté de tes vers (vers à deux voix en l'occurrence)
Je repasserai !
Paul Genêt
Posté le 20/02/2024
Bonsoir JeannieC. Merci beaucoup pour ton commentaire ! Oui, que ce soit chez Maïakovski ou dans ce poème qui lui rend hommage, il y a une forte dimension organique. C'est sans doute cette poésie qui va chercher ses images dans la dissection du corps qui m'a subjugué quand j'ai lu ce poète qui écrit : "Aujourd'hui je jouerai de la flûte sur ma propre colonne vertébrale." Je pense que je peux dire sans trop me tromper que tu retrouveras, si jamais tu poursuis la lecture de ces gammes, ces tentatives de découvrir la lumière au plus profond de la chair.
Fannie
Posté le 17/06/2020
Trop sensible aux représentations de la violence qui me sont envoyées, que ce soit à travers des écrits, des paroles ou des films, je suis partagée entre la beauté de ce poème et la brutalité des images qu’il fait naître dans mon esprit.
Paul Genêt
Posté le 17/06/2020
Bonsoir Fannie, merci pour ton commentaire. Oui, je reconnais que c'est un texte violent et je comprends tout à fait que certaines images puissent rebuter les lecteurs. Maïakovski a écrit, dans La Flûte des Vertèbres : "Aujourd'hui je jouerai de la flûte / Sur ma propre colonne vertébrale". Je trouve que ces deux vers en disent long sur sa poésie mais aussi sur lui. J'ai toujours trouvé fascinante la façon dont la parole poétique le rongeait physiquement, comme un chaos intérieur. C'est ce sentiment que j'ai voulu restituer dans ce texte.
Liné
Posté le 18/01/2020
Hello,
En quelques mots, tu arrives à donner beaucoup de sens et de couleurs (froides) à ton texte - je suis assez admirative !
Comme pour le précédent poème, je ne me sens pas en mesure de commenter plus mes impressions, ma connaissance de la poésie en vers s'arrête à mes premiers ressentis :-)
Merci de m'avoir fait découvrir ce poète, dont je n'avais pas entendu parler ! J'ai bien fait de faire une petite recherche sur lui avant de lire ton texte, sans quoi je n'aurais pas pu aussi bien m'y plonger.
A très vite !
Paul Genêt
Posté le 18/01/2020
Bonsoir Liné, merci beaucoup pour ton commentaire. Ah ! Maïakovski, c'est un personnage tellement fascinant. Je profite de cette réponse pour te dire que je suis peu actif en ce moment sur PA parce que je passe les écrits de mon concours sous peu. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas encore eu le temps de commenter tes textes mais je n'y manquerai pas dès que j'aurai plus de temps. A bientôt !
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