Ton regard est celui d’un tueur sans pitié
Mais c’est à ta propre fin
Que tu mis le point d’une balle
En plein cœur
C’était le 14 avril 1930
La ligne pure que tu traças
Dans ton propre corps
Et qui fit éclater en quatre
Ton ventricule
Qui ouvrit ton dos de géant
Dont purent s’exhaler les parfums de ton sang
Qui fendit tes larges artères
Déversant leur peinture en toi
C’était aussi ton dernier vers
Poète déchiré de paroles
Si tu l’avais pu, c’est une grenade
Que tu aurais avalée
Et qui aurait en explosant
Enfoncé chacune de tes dents
Dans le cou de toutes tes maîtresses
Fait de ton cerveau une bouillie
Répandue aux murs, aux plafonds,
Sur les vitres et même dans la rue
Ton palais brisé en morceau
Serait tombé comme du cristal
Et tes membres se seraient accrochés
Aux meubles à proximité
Et ta langue enfin brûlée
Aurait trouvé son treizième apôtre
Joaillier des cris tu parlais
Des mots illuminés de souffrance
De Lili que tu habillais
Avec la fumée du tabac
Ton corps était l’instrument
De cette inhumaine magie
Des mots qui te clouaient au papier
Tu as hurlé, Maïakosvki, que Dieu n’existait pas
Et tu voulais fracasser ton crâne sur la pierre
Mais le tapis des étoiles qu’Il cousait
À ta propre peau
C’était le baiser qu’à la guerre
Les hommes ont aux lèvres en mourant
Toute ta vie s’est écartelée sur les pages
Rien de toi ne s’en est échappé
Et c’est toi que je mange en lisant
Les traces que tu as laissées
Ton âme s’est tendue comme un câble
Jusque dans ton propre cœur
Et c’est elle bien plus que la balle
Qui t’a ouvert la poitrine
Le monde entier au passage de tes mots
Renversait sa sale gueule par terre
Même la mort, tu embrassas ses lèvres de pénitente
Brutale et froide comme un monastère
Tu savais, depuis le début
Que ce serait ton dernier amour
Peut-être que c’était aussi le premier
Car tu disais que les yeux de Lili
Creusaient sa face
Comme les fosses de deux tombeaux
Maïakovski, ton corps immense était bien trop petit
C'est un très beau tissages que tu nous proposes là, bravo ! J'aime cet exercice de re-composition qui rend en effet un vibrant hommage à ce poète. Il y a de la violence, de l'organique, ça frappe comme un point/poing, bref un texte qui sait me remuer dans ma sensibilité aux images très abruptes et à l'écriture de la corporalité dans ses moindres détails.
Ah et je partage grandement cette vision du texte comme un "textus", un tissu qui entrecroise bien des fils, des regards, des influences. Un tissu à trous du reste, où chacun est convié à mettre de sa propre perception quand il reçoit les mots.
Toujours un plaisir de me poser du côté de tes vers (vers à deux voix en l'occurrence)
Je repasserai !
En quelques mots, tu arrives à donner beaucoup de sens et de couleurs (froides) à ton texte - je suis assez admirative !
Comme pour le précédent poème, je ne me sens pas en mesure de commenter plus mes impressions, ma connaissance de la poésie en vers s'arrête à mes premiers ressentis :-)
Merci de m'avoir fait découvrir ce poète, dont je n'avais pas entendu parler ! J'ai bien fait de faire une petite recherche sur lui avant de lire ton texte, sans quoi je n'aurais pas pu aussi bien m'y plonger.
A très vite !