Hommes de l'ombre (6/02/2021)

— Lily ? Lily Debruyère ?

Elle manque de s'étouffer avec son chewing-gum. Masque ou pas, elle pourrait reconnaitre cette voix nasillarde entre dix-mille. Chloé Chevallier.

— J'arrive pas à croire que c'est toi, s’écrit la jeune femme. Qu'est-ce que tu fais là ? Putain, t’as vraiment pas changé !

Chloé n'a pas changé non plus, à part son énorme ventre de femme enceinte. Ses yeux noisettes pétillent d’une méchanceté naïve héritée de son adolescence. Fringuée de l’uniforme bleu et blanc du magasin, elle s’appuie sur un chariot de bouteilles à ranger dans le rayon des produits laitiers.

— Bonjour, Chloé, articule Lily.

Elle ose un coup d'œil craintif par-dessus son épaule, s'attend à ce que Laurène, Anaïs et Mélissa surgissent de derrière les étagères.

Ne sois pas stupide. Elles ne viendront pas.

Elle tente un sourire qui s'évanouie sur ses lèvres, se rappelle avec soulagement que Chloé ne voit pas son malaise derrière le masque.

— Alors, qu’est-ce que tu deviens après tout ce temps ? T’avais retapé la terminale, non ?

— Je suis infirmière.

— Infirmière ? C’est-à-dire ? Tu changes les couches des vieux ? Arrête !

— Je suis infirmière, répète Lily après une courte pause. J'assiste les docteurs à l'hôpital.

— Pourquoi t’es pas docteur ? T’as ratée tes études de médecine ?

Lily compte les secondes. Elle doit quitter le magasin. Les souvenirs du lycée se bousculent, la narguent, la catapultent vers la zone enténébrée de son cerveau. Elle y saute à pieds joints, s’y fracasse les dents et les jambes alors que les harpies de ses 15-18 ans dansent autour de sa dignité gisante. Elle avait frôlé la mort un soir, en rentrant du lycée. Son père l’avait retrouvée dans la salle de bain, l’estomac intoxiqué par les comprimés de sa mère.

— C’est… j’ai toujours voulu être infirmière.

— Et bien moi, je travaille ici depuis la remise des diplômes. Ça n'a pas été facile, tu sais, depuis que mes parents sont morts. Et Jennie — tu te souviens de ma soeur, non ? — elle vit à Lille. T’imagines Jennie avec des jumeaux, toi ? J’ai encore du mal. Sinon, j’ai deux filles, Jessica et Pearl. Une autre est en route, ajoute-elle en caressant son ventre rond avec fierté.

M. et Mme Chevallier étaient morts dans l'incendie de leur maison. Une atmosphère macabre avait plané sur Noisiel après la tragédie. Le voisinage avait accusé Morgan, le frère ainé, un type louche qui rôdait la nuit près des habitations et maltraitait les chats des environs.

Finalement, c’était une simple fuite de gaz.

— Toutes mes condoléances.

— Nous n'étions pas si proches. Mais, tu sais, quand tu crois que les gens vont rester dans ta vie pour toujours, c’est là qu’ils disparaissent. Comme Jennie, qui ne donne jamais de nouvelles. Ou Laurène, qui se croit meilleure que tout le monde parce qu'elle vend de la fourrure vegan à Los Angeles. Ils disparaissent tous. C'est comme toi et Christopher. Tout le monde savait que ça ne durerait pas. Le prends pas mal surtout. Mais il était… lui. Enfin, tu te souviens, non ? Toi, t’étais juste Bounty.

Chloé prend une longue bouffée d'air et poursuit son couplet.

— Jennie était tellement en colère quand elle a appris que vous sortiez ensemble ! Tu te souviens ? Je veux dire... Je ne t'aurais jamais forcé à boire l'eau des toilettes, moi. Une vraie peste. D’ailleurs, c’est elle qui a crevé les pneus de la voiture de ton père quand elle a découvert votre secret.

Entendre la vérité après toutes ces années ne la réconforte pas. Le proviseur, M. Juste, l’avait contraint à demander pardon à Jennie. Selon les dires larmoyants de Mlle Chevallier, Lily avait colporté de fausses accusations à son égard. Elle avait aussi profité de sa plainte pour blâmer Lily quant à la chute de ses résultats scolaires. Après cette épisode, Lily n’était retournée au lycée que de façon sporadique, juste pour faire plaisir à ses parents.

— Et tu te souviens de sa tante ? La coiffeuse ? Tu te souviens quand elle a menacée Jennie avec ses chiens ? D’ailleurs, j’ai entendu que Chris a déménagé à New York après le bac. J’ai vu sur Facebook qu’il habite au Japon. J’y crois pas trop. Il n'avait même pas assez d'argent pour quitter Noisiel. Bref, je n'ai pas vérifié son profil depuis un moment mais je parie qu'il vit dans sa voiture comme tous les artistes en début de carrière et...

Ses yeux s’échappent presque de leurs orbites quand Christopher apparait derrière Lily, les bras surchargés de boites d’apéritifs et d’un gâteau aux amandes. Il ne remarque pas leur ancienne camarade de classe, dépose les courses dans le chariot, se penche sur ce qui est déjà à l'intérieur.

— Du lait de vache ? Je croyais que tes parents n’en buvaient plus.

Malgré le fait qu’ils soient en froid depuis quelques jours, Lily n'a jamais été aussi heureuse de le voir. Elle n'aurait pas eu le courage d’esquiver le monologue de son ancienne camarade. Christopher, au contraire, excelle dans l’art de se soustraire aux discussions qu’il juge inutiles.

— Chris, tu... tu te souviens de Chloé Chevallier ?

Christopher examine la femme de la tête aux pieds et, d’un regard furtif, s’assure que Lily n’est trop ébranlée par cette rencontre hasardeuse.

— Ouais. Bonjour.

Un sentiment de satisfaction envahit Lily. Chloé est bouche bée derrière son masque à fleurs, ses yeux ouverts sur leur chariot comme des billes.

— Christopher Larisse ? Mais… Qu’est-ce que tu fais là ? Tu vis dans le coin ? T’aimes toujours dessiner ? Je viens de dire à Bounty que t’étais peut-être au Japon. C'est ce que tout le monde dit.

— Elle s’appelle Lily. Et à quelle question je dois répondre en premier ?

Elle crache un rire forcé.

— Désolée, l’habitude… Je m'attendais pas à vous voir ensemble. Surtout que vous... Je comprends que vous êtes encore... C'est bizarre de vous revoir après toutes ces années. Vous avez des enfants ? Vous habitez toujours à Noisiel ? Et toi, Chris, tu deviens quoi ? Tu te souviens de Jennie ? Elle ne me croira jamais quand je lui dirai — enfin, si j'arrive à la joindre au téléphone…

Christopher tourne la tête vers Lily.

— Il est déjà onze heures et demie. On est en retard.

— Oh, vous partez déjà ? S’exclame-t-elle. Si vous voulez, je vous passe mon numéro et on s’organise un truc plus tard.

— Au revoir Chloé.

Il n’attend pas sa réponse, attrape trois bouteilles de lait de coco et s’éloigne vers les caisses avec le chariot, Lily sur ses talons.

 

Sur le chemin vers la maison des Debruyère, Christopher peine à se satisfaire du silence. Ses doigts dansotent sur le volant au rythme de Money Tree de Kendrick Lamar. Il a hâte d'arriver chez les parents de Lily pour s'asseoir devant la cheminée. Il déteste le froid, particulièrement celui de février, sec et mordant. Sans compter la mauvaise humeur de Lily, Karim qui le harcèle au téléphone avec des « Tu comptes lui expliquer dans trente ans ?» et ses propres pensées qui sont en guerre et tirent à tout-va.

— Pourquoi t’es sorti avec Jennie Chevallier ? Demande Lily en tripotant son porte-clés. C’était pour le sexe ?

Christopher dissimule son étonnement derrière un masque d’indifférence. Il dépasse la station d’essence, tourne à droite sur le boulevard Salvador Allende.

— Qui t'a dit ça ?

— Jennie disait que tu dormais chez elle quand ses parents s’absentaient.

Elle avait mis fin à leur brève relation au bout de trois semaines, l’accusant d’inventer des excuses pour ne pas l’aimer comme elle le méritait.

— J’ai jamais couché avec elle.

Lily tourne la tête vers lui comme un hibou.

— Comment ça ? S’étonne-t-elle.

— J'ai jamais couché avec elle.

Elle ne comprend pas. Elle se souvient des histoires de Jennie. Ses folles nuits avec Christopher dans le jacuzzi de ses parents, sans parler de tous les détails juteux qu'elle partageait à voix haute pour que tout Gérard de Nerval puisse l’entendre.

— Je me trompe alors. C’était Laurène ?

— Pourquoi j'aurais couché avec Laurène ?

— Je ne sais pas. C'est toi qui avais cette réputation.

Ils arrivent dans la rue Henri Menier, pavillonnée de briques blanches et brunes. Les jardins sont bordés de plantes violacées par les froidures hivernales. Des voitures sont garées le long de la rue et en bas, on aperçoit le drapeau tricolore de la mairie. Christopher débranche son téléphone, coince une cigarette derrière son oreille.

— Quelle réputation ?

Lily lève les yeux au ciel avec un soupir.

— Tu sais bien de quoi je parle. Astrid racontait à tout le monde que vous l’aviez fait au CDI.

— C’est qui Astrid ?

— Elle était dans notre classe. Elle est même sortie avec ton ami, Kévin. Ils ont rompu avant la soirée de fin d'année.

— Une blonde ?

Lily hoche la tête. Quelle réponse attend-t-elle de sa part ? Christopher se demande si c’est un piège, un moyen de se conforter dans la rancœur qui la ronge depuis l’épisode de Strasbourg.

— J'ai couché avec une seule fille au lycée.

Il sort de la voiture, allume sa cigarette, ouvre le coffre.

— Je ne comprends pas.

Elle s’est placée à côté de lui.

— Tu ne comprends pas quoi ?

  — Je… ils disaient tous que tu…

— Ils disaient beaucoup de choses à Nerval. Pendant ce temps, je me réveillais pour aller nettoyer la Caribéenne. J'allais au lycée, puis après les cours, j’étais au garage jusqu'à la fermeture. Le week-end, je travaillais chez M. Wanshuzar. À quel moment j’aurais eu le temps de me taper toutes ces filles ?

Il prend le bouquet de jasmins pour Mme Debruyère et la peinture que son beau-père lui a commandée, referme le coffre.

Lily accorde trop d'importance à ce que les gens disent. Ça avait failli la tuer au lycée. Combien de gueules avait-il amoché pour sa défense ? Combien de fois avait-il envoyé Magalie se charger des filles qui la harcelaient ? Ça fait bientôt dix ans et Lily est encore attachée aux ragots qu’ils colportaient.

Et toi, t’es pas encore attaché à ton passé ?

Il garde la main sur la poignée du portail, le regard arrêté sur le tatouage qui marque ses doigts, un entrelacement de muguets et de ronces. Il n'aurait pas dû lui répondre comme ça. Il soupire, se tourne vers Lily.

— Je suis sorti avec Jennie parce que j’étais un petit con en manque d’expérience. J’ai pas d’autre explication pour ça. Mais j’ai pas couché avec elle.

Lily ne semble pas le croire.

— Et bien... Je ne le savais pas. Et avant moi ?

Christopher se crispe, tente de détourner un peu le sujet.

— Après toi, juste Leah.

Il ne s’en souvient pas. Il avait tellement bu cette nuit que le tramway aurait pu lui passer sur le corps sans qu’il ne le réalise.

— Tu ne me l'as jamais dit. Mais du coup, avant moi…

Georgia et London, les énormes chiens berger des Debruyère, s’écrasent contre le portail en aboyant, la langue pendante, la queue frétillante, excités par l'odeur des saucisses qui émane du sac que porte Lily. Elle oublie sa question, sautille comme Laura Ingalls vers le portail. Christopher déglutit lentement, le regard fixé sur elle alors que les chiens commencent à lécher son visage et à renifler le sac. Il glisse sa main tremblante dans la poche de sa doudoune et prend une profonde respiration avant de la suivre.

La maison des Debruyère est singulière et passe-partout. Ils s’y sont installés en 2006, quand Jules Debruyère a ouvert son cabinet médical à Créteil. Le jardin, toujours bien entretenu, est à droite de la résidence, parsemé d’un chemin de cailloux blancs, décoré de nains et de vases. Mme Debruyère, une petite brune à lunettes, leur ouvre la porte et les attire dans une étreinte chaleureuse.

— Vous êtes arrivés plus tôt que j’avais prévu. Je n'ai même pas encore fini le repas. Christopher, honey, darling, are you hungry ?

Elizabeth Debruyère-Zaïtsev a passé sa jeunesse entre le nord de Leicester en Angleterre et l’ouest de Briansk en Russie. Elle a conservé l’accent britannique de sa mère et jongle entre le français et l’anglais.

Elle les précède dans le salon, éclairé par une lumière naturelle et blanche qui traverse la baie vitrée. La décoration est minimaliste, sobre dans un mélange de tons crèmes et boisés. Un tableau de Christopher, Les Enfants Heureux, est accroché au-dessus de la cheminée.

— Où est papa ?

— Dans son bureau, en conférence avec le Canada.

Georgia et London s’incrustent dans un tonnerre d’aboiements joyeux, foncent vers la véranda en renversant les fauteuils d’osier. Mme Debruyère rit à gorge déployée, enlace le bras de son gendre.

— Tu ne m’as pas répondu. Le déjeuner sera prêt dans une heure mais tu peux venir grignoter dans la cuisine. Est-ce que tu dors assez ? J'espère que tu ne sautes pas tes repas. J’ai acheté des clémentines, si tu veux.

— Non, ça va aller, merci.

— N’importe quoi. Cuisine, darling.

Elle l'entraîne dans la pièce attenante, lui verse du jus d’orange, l’oblige à manger des dattes et des bananes du marché. Christopher réapparait, dix minutes après, la bouche pleine de pain d’épice et de guimauve. Lily est assise sur le canapé, feuillète une revue scientifique. Il ne l’a rejoint pas tout de suite, reste debout à l’entrée de la cuisine, pense à ce qu’elle lui a dit au téléphone la veille au soir.

Je ne sais plus comment faire avec toi, Chris. Je n’ai plus cette force.

C’est peut-être pour cette raison qu’il est là. Il avait peur qu’elle trouve la force de le quitter en passant le samedi après-midi avec ses parents. Alors, au lieu de trouver une excuse pour ne pas subir une heure à écouter son silence dans la voiture, il avait filé à la pharmacie pour un rapide test antigénique, avant de la récupérer à Saint-Germain-des-Près.

Jules Debruyère entre dans le salon. Christopher ne l’a pas vu depuis trois mois. Il le trouve pâlot, avec des cernes plus creusées que d’habitude. La promotion de son nouveau livre, sûrement. Ou bien les contrecoups de la pandémie. Comme beaucoup de ses confrères à la retraite, il s’était porté volontaire pour rejoindre les équipes anti-covid du Dôme l’année précédente, avait travaillé d’arrache-pied en réanimation jusqu’à l’épuisement.

Lily délaisse son magazine, se jette dans ses bras, rit aux éclats quand il tente, sans réussir, de la faire tournoyer comme lorsqu’il coiffait ses cheveux en couettes. Christopher les observe, un drôle de pincement au cœur. C’est toujours la même sensation. Toujours le même vide.

T’es con ou quoi ?

C’est stupide. C’est la vie.

— Chris, fiston. Comment ça va ?

Christopher entre dans le salon, lui serre la main. Jules Debruyère a une poigne solide mais amicale, une voix calme, l’apparence d’un homme qui a vécu une vie formidable et turbulente, un côté un peu je-m’en-foutiste qui fait son charme. Il a retroussé les manches de son pull et ses tatouages, retouchés par son beau-fils au cours des dernières années, retracent ses voyages et sa passion pour la musique. Il n’en a pas l’air avec sa barbe poivrée et ses lunettes à la Clark Kent, mais c’est lui qui, à bord de sa caravane Bürstner, roulait sa bosse, fumait la chanvre et entrainait sa famille sur la route, entre festivals kaléidoscopiques et concerts de Black Sabbath. C’est un homme pragmatique, un homme qui vénère son épouse depuis bientôt trente ans, un homme qui fait passer le bien-être des autres avant le sien.

— Tout va bien, merci.

— Désolé pour le retard les enfants. J’étais en appel zoom avec mon éditeur canadien.

— Tu vas y aller ? Demande Lily.

Elle ne lâche pas sa main, gravite autour de lui comme une fille à papa.

— Non, pas d’avion pour moi avant longtemps, Lily-Jolie. Je te préviens, fiston, dit-il en tapotant l’épaule de son gendre. Elzi a insisté pour le gâteau d’anniversaire. Au moins tu es au cou…

— Jules ! Are you kidding me ? Rouspète une voix aiguë depuis la cuisine.

M. Debruyère fait de gros yeux amusés, lance un « Je ne vois pas de quoi tu parles! » et, d’un pas alangui, part se réfugier sur la véranda avec les chiens.

 

— Chris, honey, on m'a dit que tu avais une exposition bientôt à Paris.

Dans la salle à manger, les arômes parfumées d’agneau au curry montent aux voilages, s’étalent sur la nappe moutarde. Georgia et London broient des os sous la table, happent les morceaux de viande que M. Debruyère secoue discrètement.

Christopher pose sa fourchette, se dégage la gorge. Il a toujours eu du mal à se vendre, à pas parler de lui-même. Difficile quand on se revendique artiste. Heureusement, il ne gère pas la promotion de ses œuvres.

— Oui, c'est bien ça.

— Où ça ?

— La galerie erbK.

Mme Debruyère, amatrice de street art depuis toujours, frappe des mains d’un air excité.

Great ! Je vais ramener toutes mes amies. J’appelle Louisette ce soir.

Mme Debruyère et tatie Louisette sont bonnes copines. Elles se retrouvent occasionnellement au marché de Noisiel, autour d’un café à Bay 1 ou, lorsqu’il s’agit d’une occasion spéciale qui requiert leurs talents culinaires, sautent en  voiture jusqu’à Château Rouge.

— Et elle est prévue pour quand cette exposition ? S’enquit M. Debruyère en remuant les haricots rouges dans son plat.

— En janvier.

Le sourire s’évanouie sur les lèvres de Mme Debruyère.

  — Oh… c’est dans longtemps, souffle-t-elle.

Christopher ne commente pas, ne sachant pas quoi dire. Les réactions de sa belle-mère peuvent être étranges, décalées. Il n’est pas le seul à s’en rendre compte. M. Debruyère caresse tendrement le dos de sa main, enlace leurs doigts. Pendant un moment, les époux échangent un regard insondable, des paroles secrètes. Mme Debruyère hoche la tête. Le sourire revient sur ses lèvres.

— Et bien bravo, Chris, déclare M. Debruyère. C’est pas donné à tout le monde de vivre de son talent. Tu devrais être fier. Et toi, Lily-Jolie, qu'est-ce que ça donne à l'hôpital ? Willems est toujours aussi agréable ?

Lily n’a certainement pas l’intention de lui parler de Carline Willems.

— Ça va, répond-elle après s’être essuyée la bouche. Il y a deux jours, un homme a été admis avec une lampe torche coincée où elle ne devrait pas l’être. Je ne vous raconte pas les bêtises que j’ai pu entendre dans les vestiaires.  Et je me suis aussi inscrite à un module de trois jours en IBODE. C’est le mois prochain.

— De quoi s’agit-il ? Demande sa mère en découpant un morceau de viande.

— Infirmière en bloc opératoire.

— C’est ce que tu veux faire ? Je pensais que tu te plaisais aux urgences.

— C’est juste pour voir à quoi ça ressemble. Oh! J’ai oublié de vous dire que le docteur Prévaut prend sa retraite à la fin du mois. Il m’a dit de vous transmettre le message et surtout, papa, qu’il t’attend pour une course à vélo en Ardèche. Sinon, oui, tout va bien à l’hôpital. C’est la routine.

— Dans ce cas, que dirais-tu de m’accompagner à Londres dans deux semaines pour le concert de Shabaka Hutchings ? Je nous ai pris deux billets.

Lily secoue la tête, avale ce qu’elle a dans la bouche.

— Dans deux semaines ? Mais je travaille, papa.

— Pose un RTT.

— Je viens d’en avoir un. Et puis, je n’ai pas le temps avec l’association.

Un air de tristesse passe sur le visage de son père.

— Si tu veux, je peux toucher un mot à…

— Papa, arrête. Vraiment, j’aimerais venir avec toi mais je suis débordée en ce moment. Tu ne peux pas demander à Marco ? Il est tout seul depuis le décès de Janine. Je suis sûre qu’il adorerait t’accompagner.

M. Debruyère lève une main pour la rassurer.

— Je comprends, princesse. Ce n’est pas grave.

Il se mure dans un silence après cet échange, écoute son épouse raconter au jeune couple son projet de voyage au nord de l’Europe.

— Et comment va ton frère, Chris ?

Il ne comprend pas pourquoi les parents de Lily insistent pour avoir des nouvelles de Darnell. Son frère ainé les déteste.

— Il doit venir en septembre.

— C’est une bonne chose, dit Mme Debruyère d’une voix tendre. Il sera toujours le bienvenu à la maison. Tu le lui diras, n’est-ce pas ?

— Ouais…

Lily s’est tue à la mention de Darnell. Son beau-frère ne l’apprécie guère. C’est pour cette raison qu’il ne vient pas souvent à Belleville, à cause des propos violents et amers dont elle est la cible. Christopher n’a jamais hésité à remettre Darnell en place, de manière sèche et brutale, au regret de Lily qui déteste être le sujet de leur mésentente.

— Papa, tu ne manges pas ?

Son père semble sortir de sa rêverie, reprend sa fourchette, la plante dans une rondelle de tomate.

— Désolé, sourit-il. Ton père se fait vieux et son esprit divague.

— Tu n’es pas vieux. Mange. Je vous surveille, toi et ton cholestérol.

Il secoue la tête d’un air amusé avant d’entamer son assiette.

— Je ne sais pas si je dois te plaindre, fiston. Tu dois souffrir le martyr avec cette fille.

Lily le fusille du regard et Mme Debruyère éclate du rire dont a hérité sa plus jeune fille. Christopher retient un sourire. À l’intérieur, ses pensées le démangent. Peut-être que tout n’est pas perdu. Peut-être que tout peut s’arranger entre eux. Mais à quelle condition ?

Nous devons avoir une sérieuse conversation tous les deux. À partir de là, nous serons fixés.

Fixer par rapport à quoi ? C’est à l’issue de cette discussion qu’elle lui dira s’il en vaut la peine, n’est ce pas ? Il en perd son appétit, repose sa fourchette.

— Elle est pire que sa mère (le sourire de son épouse disparait et elle lui lance un bout de pain au visage), à vouloir m’empiffrer toutes les cinq minutes. Excusez-moi, ajoute-il avant de se lever pour aller aux toilettes.

 

— Chris, honey, va voir ce que Jules fait dans son bureau. J'espère qu'il n'est pas encore au téléphone.

Christopher finit sa cigarette, balance une dernière balle aux chiens qui manquent d'enfoncer la porte de la remise et retourne à l’intérieur.

Le bureau de M. Debruyère est à l'étage, entre la bibliothèque et l’ancienne chambre de Lily, entrouverte et tapissée de vieux posters. En face, celle d’Emmy, fermée à clé.

Il frappe à la porte du bureau.

— Jules, appelle-il en poussant la porte, vous êtes attendu en bas pour...

Il se fige dans l'encadrement de la porte. Son beau-père est recroquevillé sur le tapis, le visage tordu par la douleur.

Il se précipite vers lui.

— Lily ! Crie-il. Lily, monte, vite, ton…

Mais son beau-père, le visage rouge et crispé par la souffrance, son corps maigre agité de spasmes, lui fait signe de se taire d'une main tremblante.

— Non… non, halète-il. Pas Lily... pas Lily...

— Quoi ?

— N’appelle pas Lily... S'il te plaît...

Christopher l'aide à s'asseoir, le tire jusqu'au fauteuil. Il passe ses bras autour de sa taille pour le hisser sur le siège. Son beau-père laisse échapper une plainte, un sanglot étouffé.

— Ça ira, fiston... Ça ira…

— Je vais chercher Lily, elle saura quoi faire, dit Christopher en se redressant.

— Non.

Son beau-père est dans un piteux état. Il transpire comme un chien mouillé, se tord contre le mur en se tenant le ventre. C’est trois fois pire que Lily quand elle a ses règles.

— Vraiment Jules, je préfère....

— Laisse-la en dehors de ça! S’étrangle-il. Tout va bien. Sors et ferme la porte derrière toi, fiston. Je descends... Je descends tout de suite.

— Je ne vais pas vous laissez comme ça.

— Ça ira. N'insiste pas.

Christopher, perplexe et inquiet, se contente de fermer la porte. Le père de Lily tente de reprendre contenance, sans succès.

— C’est quoi votre problème exactement ?

— Rien de bien grave.

— On ne dirait pas que c’est rien.

Jules Debruyère prend une profonde respiration, puise dans la réserve de ses forces pour se hisser sur le fauteuil. Il garde la tête baissée, son souffle hachuré par l’effort, essuie ses yeux humides d’un revers de la main.

— Une gastro aiguë, rien de grave. C’est autre chose quand on prend de l’âge, cette saloperie.

— Si ce n'est rien de grave, pourquoi je ne peux pas appeler Lily ?

Les sourcils grisonnants de Jules se plissent.

— On ne va pas inquiéter la petite pour une gastro, tout de même.

— C’est pas une gastro.

— Aurais-tu profité de la pandémie pour t’inscrire en fac de médecine ?

Christopher s'assied sur le canapé face à lui. Son beau-père, agacé par son obstination, passe la main sur son visage trempé de sueur.

— Vous n'avez pas mangé tout à l’heure, remarque Christopher.

— Et alors ? Je n’avais pas faim.

— Vous m'avez dit de ne jamais sauter de repas.

— De quoi tu parles ?

— C’est l’une de vos règles. Et tout à l'heure, vous n'avez pas mangé.

Son beau-père lève les yeux au ciel. Ça lui rappelle quelqu’un. C’est de lui que Lily tient toutes ses expressions faciales.

— Et alors, fiston ? Je ne suis pas un monolithe.

— Quand Lily vous a fait la remarque, vous avez goûté aux légumes. Deux minutes après, vous vous êtes levé pour aller aux toilettes. C’était pour vomir ?

Le médecin tente un rire amusé.

— Et vous avez perdu du poids. Énormément.

— J’ai toujours été un fil de fer.

— La seule personne que j'ai connu comme ça, c'est ma grand-mère. Elle avait le cancer.

À la fin, elle ne mangeait plus et crachait des glaires de sang. Darnell, âgé de sept ans, avait alerté les pompiers. Nana ne respirait déjà plus à leur arrivée.

— Vous avez le cancer?

Le sourire pincé de Jules est une grimace. Il fixe la fenêtre. Dehors, il pleut. On entend Georgia et London qui aboient et renversent tout, trop heureux de prendre l’averse, Mme Debruyère qui leur hurle de rentrer par la porte du jardin.

— Lequel ? Demande-t-il finalement.

— Le pancréas.

Des centaine de questions fusent. À quoi sert le pancréas, déjà ? Quel est le taux de rémission ? Depuis combien de temps est-il malade ? Où est-il soigné ?

— Lily ne m'a rien dit.

— Parce qu'elle ne le sait pas. Et je souhaiterais que ça reste le cas.

— Ça ne va pas être possible.

— Je ne veux pas qu'elle le sache. Pas aujourd'hui. De toutes les façons, elle l'apprendra bien assez tôt.

— Quand vous commencerez à perdre vos cheveux à cause de la chimio ?

Quelque chose passe sur le visage de son beau-père. Une autre vague de douleur, moins intense que la précédente.

— Parce que vous avez commencé la chimio, n'est ce pas ?

Jules soupire. Cette fois, de fatigue. Christopher a l'impression que dix années de durs labeurs sont venues écraser ses épaules.

— Il n'y aura pas de chimio, fiston.

— Comment ça ?

— Le cancer du pancréas est… comme un monstre qui te dévore sans annoncer sa présence. Quand tu réalises qu’il est là, c’est trop tard. Il n'y aura pas de chimio.

Christopher entend ses mots mais son cerveau refuse de les accepter comme informations valables.

— Vous ne comptez pas vous battre contre ce truc ?

— C’est trop tard.

— C'est pas trop tard, c’est… Vous êtes médecin. Vous savez comment ça fonctionne. Vous avez la possibilité de...

— Christopher, l'interrompt-il. Je suis en phase finale. C’est trop tard.

— Vous ne pouvez pas cacher ça à Lily. Elle doit l’apprendre aujourd’hui. Elle ne vous…

Quelqu'un frappe à la porte. C’est elle. Le silence qui l’accueille dans le bureau est assourdissant. Les deux hommes la dévisagent sans rien dire. Son père est épuisé, comme lorsqu’il revenait de ses longues journées au cabinet. Christopher est… en colère ? Ses narines sont rouges et dilatées, l’espace entre ses sourcils creusé par un froncement intense. Sont-ils en train de se disputer ? Ou serait-ce une de leurs discussions animées sur le Franc CFA ou les conséquences de la crise sanitaire ? Elle leur lance un regard suspicieux.

— Qu’est-ce que vous manigancez tous les deux ?

Elle avance jusqu’au bureau.

— Ça fait cinq minutes qu’on ne vous entend pas. Vous avez encore fumé en cachette ?

Christopher, la nuque glacée par l’entrée de Lily, détourne la tête. Le « Ton père est malade » est déjà sur ses lèvres, prêt à tout chambouler. Il se fiche du souhait de son beau-père, mourant ou pas. C’est irresponsable. Cruel. Il ouvre la bouche pour tout avouer. M. Debruyère s’en rend compte et s’élance pour lui couper la parole, son visage illuminé par une gaieté trompeuse.

— Tout de même, Lily-Jolie ! On ne peut plus discuter entre hommes sans être accusés de commettre un crime ?

Sa fille plisse les yeux.

— C’est ce à quoi vous m’avez habitués, tous les deux. Dès qu’on vous laisse seul, vous ne pouvez pas vous empêcher de détruire vos poumons.

— Nous discutons sagement, comme les anges que nous sommes.

— Des anges ? C’est que le paradis se porte mal, alors, plaisante Lily avec un sourire taquin. Je vais installer une autorisation parentale sur ton ordinateur. On verra bien si tu peux toujours acheter tes substances bizarres. Bon, ne tardez pas, maman a sorti le gâteau du four.

— Pas de soucis, princesse. On arrive tout de suite.

Elle referme la porte. Christopher l’entend dévaler les escaliers.

— Jules, je ne peux pas lui cacher ça. J'ai déjà failli me faire griller à Grigny, mais là, c'est différent. Je ne peux pas. Et elle ne le vous pardonnera pas.

Son beau-père a maintenant le regard plus vrillant, plus clair que son bleu naturel. Christopher y perçoit une grande tristesse, des regrets aussi, la honte. À quoi pense-il ? À la mort peut-être. Il en a vu des gens mourir. Son fils, dont la mort a saccagé la famille. Saranëlle, sa filleule. Thérèse, la mère biologique de Lily. Puis les autres, qu’il n’oublie pas et qui vivent au travers de ses souvenirs.

— Je n'aurais pas dû solliciter ton aide pour Grigny. Ce fut lâche de ma part. J'espère que ce n'est pas ce que tu retiendras de moi.

Le médecin se lève avec difficulté, retourne à son bureau, prend un livre sur la table. La couverture est bleue, les écritures dorées. Soyons Humanitaires, de Jules Debruyère, publié aux éditions Gallimard. Il le tend à Christopher.

— Je t'ai gardé une copie. Ton nom apparait dedans.

— Pourquoi ?

— Plumes Bleues. C’était pour ça, toutes mes questions. Attends-toi à recevoir des appels dans les semaines à venir.

— Mais pourquoi ? Je n’ai pas besoin de…

— Tu n’as pas besoin d’aide, je sais. Comptes-tu un jour changer de disque ? Un petit coup de pouce, de temps en temps, ça fait du bien et n’entache en rien la réputation.

— C’est pas une question de réputation. J’ai juste pas envie qu’on me facilite les choses.

— Oui, bon. Tu as fait le gros du travail. Accepte-le comme un don à ton association. Dans quelques semaines, je ne serai probablement plus apte à prendre des décisions. Je sais que tu n’apprécies pas, surtout venant de moi. Mais je sais aussi que c’est important pour toi, plus important que ta difficulté à accepter les faveurs. Je le sais depuis notre première rencontre. Ça fait quoi ? Bientôt dix ans ? Je suis heureux de ne pas t'avoir mal jugé. Les gens sont comme ça, passent leur temps à s'arrêter sur des détails futiles et oublient ce qui compte vraiment. Je savais que ta situation familiale était compliquée, avec ton frère, ta tante… Mais tu étais un battant, un fonceur. Tu l'es toujours. J'espère que tu continueras à te battre pour ce qui compte réellement ici-bas.

Jules tapote son épaule, retourne s’asseoir. Christopher pose le livre sur le guéridon. Il n’aime pas la tournure qu’à pris la discussion.

— C’est quoi ce discours ? Des adieux ?

— Ça se pourrait bien.

— Je ne cacherai pas ça à Lily. Elle a le droit d’être au courant.

— Pourquoi ? Ce ne serait pas la seule chose que tu caches à ma fille.

Christopher réfléchit un instant sur ses paroles. Quelques secondes suffisent pour qu’il comprenne. Un poids invisible l’empêche de respirer.

— Vous avez demandé à Néron d'enquêter sur mon passé ?

Son beau-père secoue la tête.

— Qui alors ?

M. Debruyère se penche pour verser du bourbon dans un verre.

— Vous avez le droit de boire ça ?

— Tu oublies que les condamnés à mort on droit à un dernier repas. On dirait Elzi.

— Elle est au courant ?

— Évidemment. Je ne peux rien lui cacher à celle-là. Elle… Elle me connait par cœur et mieux que moi-même.

Il avale la liqueur d’une traite, remplie le verre à nouveau, le pousse vers Christopher.

Elizabeth. Un prénom qui réchauffe son cœur bien plus qu’une douzaine de shot de tequila. Elle est son navire, sa boussole. Bientôt trente ans d’aventures à ses côtés, avec des épreuves terribles et des moments de joie à en pleurer. Il s’en veut de partir ainsi, de quitter le navire comme un matelot qui craint la tempête. Il n’a pas peur du grand plongeon. C’est surtout pour son épouse qu’il appréhende la fin. Elle a recommencé à prendre ses antidépresseurs le soir-même du diagnostic.

— C’est mon père, ce vieux loup de mer. Tu le connais, rien n’importe plus que la famille à ses yeux. Il voulait protéger sa petite-fille, c'est tout.

Protéger Lily ? C’est leur cause à tous. C’est ce qui lui importe le plus. Il a l’impression de faire le contraire, à chaque fois qu’elle lui rappelle sa solitude émotionnelle.

J’attends plus de cette relation. Et toi, tu ne me donnes pas assez.

Il pourrait penser à cent raisons au moins qui auraient poussé le patriarche de la famille a envoyé Néron sur les traces de son enfance. À commencer par le rang social. Lily a beau prétendre qu’elle s’en contrefiche, il n’empêche que ça compte. Les Debruyère sont riches depuis onze générations. Les enfants de Lily, peu importe leur père, ne souffriront jamais des fins de mois difficiles, des recherches d’emploi chronophages ou des fausses excuses du propriétaire qui vous trouve un peu trop foncé pour la location de son appartement.

Christopher, lui, n’a hérité de rien à part du nom de Nicolas Bertrand Larisse, un béké de Morne-à-l’Eau en Guadeloupe, décédé quinze ans plus tôt dans le champ de coton labouré jadis par les esclaves appartenant à sa famille.

— Si vous savez tout, qu'est-ce que je fais là ?

Ils auraient du le chasser à coups de balai. C’est ce qu’il aurait fait à leur place.

— Tu n’as pas à être puni pour les crimes de tes parents. Et puis, nous te faisons confiance. Tu es quelqu’un de bien.

Christopher ne supporte pas quand les gens disent ça, condescendance involontaire ou pas. Visiblement, son beau-père ne connait pas tout. Il change de sujet.

— Ça ne change rien. Lily doit être mise au courant. C’est votre fille.

— Oui, Lily est ma fille, sourit le médecin. Pas mon infirmière.

Sa voix devient un presque murmure.

— Quand son frère est tombé malade, elle a passé des heures à son chevet. Elle s’est dévouée du début à la fin. Et elle n'avait que dix ans. Peux-tu imaginer le fardeau, pour une petite fille ? Elle a vu son frère dépérir sans pouvoir rien y faire, à part tenter de reproduire les soins de l’infirmière qui venait s’occuper de lui. Et toi ? Ton accident de moto ? Combien de jours a-t-elle manqué pour être à tes cotés, au point où elle faillit être renvoyée de la Salpêtrière ? Lily a ça dans le sang. Elle est infirmière dans l’âme. Et elle est ma plus grande fierté. Mais je ne veux pas d'une infirmière. Je veux ma fille. Je ne veux pas que ses derniers souvenirs de moi soient ceux d'un patient mais ceux d'un père. Alors je t'en prie, fiston, ne lui dis rien. Je sais que je demande beaucoup, mais j'ai besoin de temps avec elle. Juste un peu de temps. Celui qu’il me reste.

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