Au commencement étaient les Enflammeurs. Ils parcouraient la Terre et réduisaient en cendres tout ce qui se présentait à leur regard. Mais très vite, les Enflammeurs finirent avec des brûlures d’estomac. Alors, ils durent trouver des activités plus pacifiques.
Ça, c’était l’histoire préférée de sœur Bérengère, la cuisinière-en-chef de l’école. Elle se plaisait à la raconter aux pensionnaires lors de soirées frisquettes où on se serrait tous autour d’un bon feu de cheminée. Bien sûr, sœur Bérengère ne lésinait pas sur les détails et y mettait plein d’intonations. Si bien qu’à la fin de son histoire, on avait nettement moins froid et on se demandait si les Enflammeurs ne guettaient pas dans les ombres.
Les histoires de sœur Bérengère étaient une chose ; celle des voyageurs de passage, une toute autre. Eux, ils soutenaient que le multivers avait été créé par le grand Ver Stellaire. Ils disaient qu’il ne pouvait pas en être autrement. Suffisait de regarder tous ces trous dans le ciel, nom de nom !
Teo, lui, n’était pas bien certain. Bien sûr, il avait lu des livres, il avait assisté aux cours de sœur Guenièvre, et il avait passé de longs moments à observer le ciel et ces vortex colorés qui s’y baladaient. Mais il n’avait pas réussi à se faire une opinion. Peut-être que tout ça, c’était la création des Enflammeurs. Peut-être qu’on le devait aux Vers Stellaires. Ou peut-être que c’était un peu des deux. Quoi qu’il en soit, c’était là et on s’en fichait finalement pas mal de qui avait fait quoi pour créer le multivers.
Et surtout, Teo avait des soucis plus pressants à l’heure actuelle. Il devait trouver un moyen pour se sortir de la galère dans laquelle il s’était mis.
Assis sur une grosse pierre grise, il réfléchissait en regardant l’immense disque rouge du soleil décliner. En général, dans son monde, les vortex qui se promenaient dans le ciel ne faisaient justement que ça. Ils restaient très haut, si bien qu’on ne pouvait pas vraiment les atteindre. Ce qui fait que les voyageurs qui passaient d’un monde à l’autre ne pouvaient le faire que depuis les plateformes de passage. Ça avait toujours été comme ça et il ne serait pas venu à l’esprit de Teo qu’il pourrait en être autrement.
Il ne lui serait surtout pas venu à l’esprit de regarder sous ses pieds en parcourant le chemin qui séparait la salle de classe de la cantine. Sœur Bérengère l’avait réquisitionné ce jour-là, comme elle le faisait souvent. Sauf que ce jour-là, elle dut se passer de ses services. Il n’avait pas parcouru la moitié du chemin quand il sentit son pied s’enfoncer dans le vide. Il n’eut même pas le temps d’émettre un son que déjà, le vortex finissait de le digérer. Et quelques secondes plus tard, Teo retombait lourdement sur le sol dur d’un monde qui n’était clairement pas le sien.
C’était pour cette raison qu’à présent, il se demandait ce qu’il fallait qu’il fasse.
Bon, après, il fallait aussi relativiser. Les accidents de vortex, ça pouvait arriver n’importe où, n’importe quand et à n’importe qui. Ce n’était pas comme si Teo l’avait sciemment provoqué. Il n’était donc qu’une victime. Voilà. Et les deux autres passages dans les vortex qu’il avait faits depuis n’étaient bien évidemment qu’une tentative de sa part pour retourner dans son monde.
Toujours assis sur sa pierre grise, Teo jeta un regard autour de lui. Le paysage de ce nouveau monde était pour le moins surprenant. Tout, absolument tout, était gris. Les roches, la terre, l’herbe, les habitations. Seul le soleil couchant mettait un peu de couleur. Teo s’était presque attendu à ce que les gens soient aussi gris. Mais non, ils avaient une tête normale. Ils l’avaient d’ailleurs regardé bizarrement quand il leur avait demandé le chemin. Peut-être qu’ils ne voyaient pas passer beaucoup d’explorateurs.
Et le souci avec ces mondes reculés, c’était qu’il leur manquait l’essentiel. Comme par exemple des plateformes de passage. Teo s’était donc mis en quête d’une colline pour se retrouver à la même hauteur que les vortex. Parce que des vortex, ça ne manquait pas tellement ici. Il y en avait de toutes les couleurs et de toutes les tailles ; des verts, des mauves, des petits, des transparents… Le tout, c’était d’arriver jusqu’à eux.
D’ailleurs, le mauve commençait tout doucement sa descente vers Teo. Vraiment tout doucement. Le garçon poussa un soupir. Il fallait que le vortex se dépêche un peu. Le soleil avait presque atteint l’horizon ; ça serait bête qu’il loupe son passage à cause de l’obscurité.
En attendant, Teo revint sur la question qui le taraudait depuis déjà quelques mondes. Que se passerait-il s’il ne retrouvait jamais le chemin de son univers à lui ? Sœur Bérengère devait avoir déjà retourné toute l’école. Peut-être qu’elle avait même lancé les gendarmes à sa recherche. Teo s’imagina un instant à quoi ressemblerait la petite bourgade avec sa tête placardée à tous les poteaux. Puis, il s’imagina les tronches éplorées de ses petits camarades. Il s’attarda surtout sur celle de Max, la terreur locale lui aimait bien lui faire mordre la poussière.
Mais il avait beau tenter d’imaginer ça, il n’arrivait pas tellement à avoir un pincement au cœur. Bien sûr, il aimait bien sœur Bérengère et même sœur Guenièvre quand elle était bien lunée. Il aimait aussi le pensionnat, surtout quand c’était la fin de l’année et qu’il ne fallait plus écouter les leçons. Et puis, il aimait bien la bourgade et ses petites maisons en coquillages. Mais ce qu’il aimait encore plus, c’était les explorations.
Combien de fois il avait regardé passer les voyageurs et combien de fois il avait rêvé de les accompagner. Ils ramenaient toujours plein d’histoires. Ils disaient que le multivers était immense, qu’il n’avait pas de fin, qu’on pouvait explorer toute sa vie sans jamais tomber deux fois sur le même monde. Et ça, ça mettait plein d’étoiles dans les yeux de Teo. Sauf que bien sûr, avant de partir explorer, il fallait finir l’école, il fallait apprendre tout ce qu’il y avait à savoir. Et maintenant, Teo se disait que c’était une occasion inouïe que d’avoir trébuché dans ce vortex. Peut-être qu’il était un peu jeune. Mais après tout, un explorateur de treize ans, c’était carrément possible, non ?
Les rayons rouges du soleil couraient sur la terre grise. Teo se perdit dans la contemplation de ces couleurs ; elles ne lui paraissaient pas du tout naturelles. Ça manquait de vert, de bleu et de jaune. Mais c’était un nouveau monde et au lieu de se concentrer sur le négatif, Teo se dit qu’il allait juste profiter du moment. Combien de garçons de son âge pourraient se vanter d’avoir déjà vu tellement de coins du multivers ?
Il profita d’ailleurs tellement du moment qu’il faillit louper le vortex. Il se ressaisit au dernier moment et se remit debout, l’adrénaline pulsant dans ses veines. Il hésita une fraction de seconde, dansant d’un pied sur l’autre. Le vortex n’était plus qu’à quelques centimètres de lui et il remuait l’air tout autour.
Teo prit une grande inspiration, ferma les yeux… et entendit des cris derrière lui. Le cœur cognant dans les oreilles, il se retourna. Ils étaient là.
L’adrénaline en profita pour rajouter une couche. Il n’allait pas les laisser l’attraper, aucune chance !
Ceux qui couraient et gesticulaient sur la pente de la colline, c’était les méchants pas beaux qui le poursuivaient depuis le dernier monde. Bon, en réalité, Teo ne savait pas s’ils étaient méchants ou pas beaux ; il ne les avait jamais laissés approcher assez près pour glaner des détails. Et dans le doute, il les fuyait comme la peste. C’était d’ailleurs l’occasion ou jamais.
Il posa le pied dans le vortex et le reste suivit immédiatement.
Le voyage entre les mondes, c’était la chose la plus étrange qu’il lui avait jamais été donné de voir. Il avait l’impression de tomber à une vitesse folle et pourtant, il se savait englué dans une épaisse mélasse. Et puis, tout autour de lui, il y avait des couleurs, des myriades de couleurs. Sauf que ce n’était pas de vraies couleurs ; on ne pouvait pas mettre un nom dessus. Teo se demanda si chaque fausse couleur correspondait à la sortie vers un monde.
Et puis, au moment où Teo commençait à s’habituer à cette traversée, le voyage s’arrêta. Il chuta de deux bons mètres sur de la terre meuble. Hébété, il secoua la tête pour se remettre les idées en place et regarda autour de lui.
— La vache…
Si le monde précédent était gris et triste, celui-ci avait fait une sérieuse indigestion d’arcs-en-ciel. Teo passa la main dans l’herbe et se demanda comment il était possible que chaque brindille ait une couleur différente. Un sourire béat en travers du visage, il aurait bien continué son analyse, mais le vortex qui venait de le recracher et repartait tranquillement changea de couleur.
Teo se releva et fixa le trou dans le ciel. Il s’était soudain assombri et crachait quelques éclairs. Soudain, une forme en sortit, puis une seconde. Teo les regarda chuter à leur tour sur l’herbe multicolore. Quelle guigne, ils avaient réussi à le suivre.
Le vortex les avait recrachés assez loin, mais ils ne mirent pas longtemps à le repérer. Teo vit une silhouette se relever et lui crier quelque chose en faisant de grands signes.
Dans le doute, il décida de prendre ses jambes à son cou. Ce n’était pas aujourd’hui qu’il allait y laisser des plumes !
Depuis le temps que je louchais sur cette histoire, me voici enfin. J’avais lu le début pour les Histoires d’Or 2017 (saur erreur) : mieux vaut tard que jamais…
Comme à l’époque, ce début me plaît bien et me donne envie de connaître la suite. Ce garçon qui voyage par inadvertance une première fois et qui est obligé de multiplier les tentatives pour retourner chez lui est touchant. Pour le moment, il n’a pas l’air de paniquer, mais on dirait qu’il n’a pas tout à fait conscience de la galère dans laquelle il s’est fourré.
Coquilles et remarques :
— la cuisinière-en-chef de l’école [cuisinière en chef]
— si les Enflammeurs ne guettaient pas dans les ombres [J’aurais plutôt dit « dans l’ombre ».]
— une toute autre [tout autre ; ici, « tout » a fonction d’adverbe ; on l’accorderait par euphonie si l’adjectif commençait par une consonne]
— en regardant l’immense disque rouge du soleil décliner. [J’aurais plutôt dit « en regardant décliner l’immense disque rouge du soleil ».]
— Sœur Bérengère l’avait réquisitionné ce jour-là, comme elle le faisait souvent. Sauf que ce jour-là, elle dut se passer de ses services. [La répétition de « ce jour-là » est-elle volontaire ?]
— il se demandait ce qu’il fallait qu’il fasse. / Bon, après, il fallait aussi relativiser [« il se demandait ce qu’il devait faire », par exemple, permettrait d’éviter la répétition de « il fallait » et allégerait la phrase]
— Comme par exemple [« Comme par exemple » est considéré comme un pléonasme.]
— Puis, il s’imagina les tronches éplorées [On met une virgule après « Puis » si le passage qui suit est placé entre deux virgules, comme une sorte de parenthèse ; pas autrement.]
— Et puis, il aimait bien la bourgade / Et puis, tout autour de lui, il y avait des couleurs / Et puis, au moment où Teo commençait à s’habituer [« Et puis » doit être suivi dune virgule quand il signifie « d’ailleurs » ; pas autrement.]
Depuis le temps que j'envisageais de commencer ma lecture de cette histoire, bah NFPA l'a fait XD
Bon je suis pas certaine de faire dans le constructif, mais en tout cas ce début me plait bien. C'est fluide, ça se lit sans peine, c'est mystérieux juste ce qu'il faut. Ca donne envie d'aller voir plus loin. Ce que je vais d'ailleurs m'empresser de faire.
A peluche Grenouille.
NFPA est quand même bien foutu :P
Contente de te retrouver ici x)
"Quoi qu’il en soit, c’était là et on s’en fichait finalement pas mal de qui avait fait quoi pour créer le multivers." J'aime beaucoup!
Pourtant, dans cette simplicité, tu parviens à mettre les intonations que tu veux : humour, peur, suspense, ironie, tendresse... et le vocabulaire est riche et varié. J'admire. Je me dis que tu dois posséder un cerveau hyper structuré pour écrire de cette manière. Je suis totalement jalouse : le mien est plein de petits tiroirs qui s'ouvrent de manière intempestive et me font écrire avec toutes les complications citées plus haut !
Ca commence très bien cette histoire : simple, facile à comprendre et déjà passionnante...
Inutile de préciser que je continue !
Détails :
"Toujours assis sur sa pierre grise, Teo jeta un regard autour de lui." : le "toujours" laisse penser que tu as déjà dit qu'il s'y trouvait. Or sauf erreur de ma part, ce n'est pas le cas. Pourquoi pas "Assis sur sa pierre grise" (oui, oui, c'est bien du pinaillage :D)
"Il s’attarda surtout sur celle de Max, la terreur locale lui aimait bien lui faire mordre la poussière." : QUI aimait bien
"c’était les méchants pas beaux" : excellent !
Mon cerveau, structuré ? Haha, va savoir. Faudra le sortir dans une jarre et l'analyser un de ces quatre. Mais je suis quand même contente que le minimalisme du truc t'ait pas fait trop peur x)
Petite question (peut-être qu'elle sera élucidée au fil de la lecture...?): passage d'un monde à l'autre, c'est à dire passage sur des mondes "parallèles" ou bien de planètes en planètes?
Dans tous les cas, bonne continuation et bonne journée!
Moje
Ils sont même rarement fiables xD Mais c'est ce qui pimente le voyage, eh !
Pour ta question... tu m'en veux si je te réponds pas ? :P La réponse viendra un peu plus tard x)
Je crois que tu n'as pas de chance. Tu es tombé dans une histoire de Seja, et je doute sincèrement que tu puisses un jour en réchapper. Si j'étais toi, je cesserais tout de suite de marcher afin de me laisser attraper et tenter d'avoir le fin mot de toute cette histoire. Bon après tu vas peut-être mourir dans d'atroces souffrances ou alors ils vont gentiment t'expliquer que se balader de vortex en vortex ce n'est peut-être pas la meilleure idée du siècle. Peut-être que comme Ophélie, tu vas te retrouver coincer entre deux mondes ? Peut-être qu'il faut attendre un certain nombre d'heures avant d'avoir une chance de rentrer ? Peut-être aussi que Max t'a tout simplement assommé et envouyé dans un coma dont tu ne ressortiras jamais...
Dans tous les cas, je te souhaite bonne chance dans tes aventures, tu vas en avoir besoin !
Signé Jupsy, une lectrice qui ne veut que ton bien même si ta mort la dérangera pas car tu es un ado et que les ado de treize ans, c'est parfois mieux de les regarder mourir dans les livres. "
*va poursuivre l'aventure*
Est-ce que j'ai déjà tué des persos dans d'atroces souffrances ? La réponse est bien sûr non, hein. Je les aime, mes persos, tu le sais bien.
Hahaha, ça serait drôle qu'il se retrouve coincé entre deux vortex :') Han, la théorie comme quoi il est dans le coma est méchante... j'aime :P
Cruelle, Ju, si cruelle...
On entre directement dans le feu de l'action avec ce premier chapitre et c'est pas pour me déplaire. Tu poses suffisamment de pierres pour qu'on ait un bon aperçu de l'univers dans lequel on se trouve et pour qu'on veuille continuer l'aventure et en apprendre plus.
Qui sont ces "ils" ?
Que veulent-ils ?
Comment Téo va-t-il réussir à se sortir de ce pétrin ?
Où sont les grenouilles :p ?
Je reviendrai pour la suite !
Ah bah oui, t'avais déjà mis le nez dans la première version. On va prier très fort pour que celle là soit moins moche xD
Que de questions... Merci d'avoir lu !
Et je ne suis pas déçu du voyage. On sent que tu vas nous le martyriser ce Teo : premier chapitre et déjà en expédition avec des hommes à ses trousses. Il ne faut pas se laisser endormir par les arcs-en-ciel et les brindilles...
Je ne sais pas si on reverra Soeur Bérengère et je ne saurais dire pourquoi mais jai bien aimé ce personnage.
J'ai remarqué un petit détail au cours de ma lecture, je t'en fais part pour t'aider dans ta (future) phase de correction :
Il s’attarda surtout sur celle de Max, la terreur locale lui aimait bien lui faire mordre la poussière. --> Il s'attarda surtout sur celle de Max, la terreur locale qui aimait bien lui faire mordre la poussière.
Roh, moi, martyriser un perso ? On voit que tu me connais mal. Elle sera pleine de petits oiseaux et d'arcs en ciel, cette histoire :P
Pour soeur Bérengère, haha, peut-être, un jour. Elle m'est bien sympathique aussi xD
Merci pour la coquille :))
Ton non-résumé était vraiment tentant, alors me voilà.
Le début est vraiment bien fichu. On rentre directement dans ton, ou plutôt tes, univers et on peut se sentir projeter dedans dès le début. L'ensemble est bien expliqué, c'est nickel!
Et puis vient le premier vortex auquel on ne s'attend pas, et paf Teo change de monde. Puis il parle de vilans méchants pas beaux (comme tu les as si bien nommés :P ), je me demande bien qui ils sont et pourquoi ils le suivent comme ça.
Le deuxième monde n'a pas l'air recommandé pour les épileptique, ça promet pour la suite x)
A bientôt!
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Ah bah, tiens, tu me rassures. J'aime bien les débuts in media res, mais j'ai toujours peur de paumer les lecteurs :)
Pour les méchants pas beaux, je ne dirai rien :P Mais promis, l'explication viendra plus vite que tu ne le penses, hoho.
Quoi, t'aimes pas toute cette jolie couleur partout ? :3
Merciii d'avoir lu <3