I. Dorin

Par BAEZA

Dorin vivait sur une île.

 

Il serait plus juste de dire qu’il vivait sur SON île car il était le seul humain à s’y trouver.

 

Depuis quand y résidait-il ? Il ne le savait pas vraiment.

 

Bien qu’il ait appris à compter, il n’avait jamais eu idée de dénombrer les jours ; en tout cas, il habitait là depuis longtemps

 

Il ne se souvenait pas de son arrivée ; ses parents l’avaient emmené avec eux lorsqu’il était encore très petit.

 

Il se souvenait bien de ses parents ; ils lui avaient tout appris.

 

Comment grimper dans un arbre pour cueillir une noix de coco ou une banane.

 

Comment dénicher des œufs d’oiseaux. Comment pêcher.

 

Comment s’habiller des feuilles et de fibres végétales.

 

En un mot comment survivre sur cette île, sans eux.

 

Ils lui avaient dit très jeune qu’il faudrait qu’il se débrouille tout seul car ils ne resteraient pas éternellement avec lui et ils encourageaient sans cesse ses progrès.

 

Dorin n’avait pas peur de les voir partir car il comprenait chaque jour un peu plus comment se débrouiller sur son îlot.

 

Et un soir, son père lui annonça que ses parents ne seraient plus avec lui le lendemain.

 

  • Pourquoi partez-vous ? Leur demanda-t-il.

 

  • Parce que notre vie n’est pas ici, sur cette île, mais toi, tu y seras heureux.

 

Dorin eut du mal à s’endormir cette nuit là mais lorsqu’il se réveilla aux premiers rayons du soleil, il était seul.

 

Ce matin là, comme tous les jours, il fit le tour de son île ; il marcha sur le sable blanc des plages, il grimpa au sommet des promontoires ; ses parents ne se trouvaient nulle part.

 

Dorin n’était pas triste ; il savait que cela devait arriver.

 

Il déterra quelques racines, ramassa quelques œufs et alluma un feu pour cuire ces aliments.

 

Sa première journée, seul, passa comme un songe, irréel; il ne savait pas encore exactement ce que signifiait de vivre sans sa famille.

 

Après ces premières années d’apprentissage passées entièrement avec ses parents, il avait progressivement appris à vivre de plus en plus seul.

 

Il aimait s’enfoncer dès l’aube dans la forêt pour en retirer nourriture et habillements et ne rentrait que le soir venu, retrouver ses parents dans leur maison de paille.

 

Les contacts avec ses parent étaient devenus au fil du temps de plus en plus distants, jusqu’au jour où ils le quittèrent définitivement.

 

Après leur départ, Dorin ne changea pas ses habitudes. Il se levaient à l’aube, pénétrait dans la forêt, cueillait, chassait et revenait le soir, fatigué à la maison de paille désormais vide.

 

Après le dîner de fruits qu’il consommait désormais seul, il s’asseyait sur le sable devenu froid et regardait l’horizon.

 

Dorin ne regrettait pas ses parents ; c’était dans l’ordre des choses qu’ils partent.

 

Et les journées passèrent et Dorin vivait chaque jour la même routine, sans qu’il ne soit le moins du monde lassé.

 

Cela faisait maintenant plusieurs années que ses parents l’avaient laissé vivre seul sur son île, lorsque Dorin, aperçut à l’horizon qu’il observait comme chaque soir après son repas, un fin filet de fumée noire qui s’élevait.

 

Dorin était intrigué, ses parents ne lui avaient jamais dit qu’il pouvait y avoir un feu quelque part en dehors de son île.

 

Il croyait que son île était la seule terre existante au monde et que le reste du monde était entièrement constitué de l’eau qui l’entourait.

 

Cette nuit là, il s’endormit avec difficulté car la question de l’existence d’une autre terre lointaine au delà de la mer le tenaillait.

 

Le lendemain, il avait oublié l’événement nocturne de la veille et repris sans état d’âme ses activités familières.

 

Lorsqu’il revint à la maison de paille, le soir après avoir passé sa journée en forêt, il posa ses aliments et avant de les préparer, il se dirigea involontairement vers la plage.

 

Il scruta l’horizon, avec l’espoir diffus d’y découvrir quelque chose mais il ne savait plus exactement quoi.

 

L’horizon apparaissait plat et vide comme chacun des jours qu’il avait passé à le contempler depuis qu’il vivait sur cette île.

 

Dorin inspecta encore longtemps cet horizon, espérant sans doute y déceler ce qui avait sans doute été, avec le recul, une simple illusion.

 

 

 

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