Le long de la Seine, les embarcations avançaient mollement.
Barques et élégants esquifs équipés d’une voile étaient de sortie.
C’était dimanche et les Parisiens oubliaient, le temps d’un après-midi, les murs gris de la capitale.
Il faisait beau et Argenteuil avait vu ses auberges envahies de visiteurs en tenue de campagne.
Les repas s'éternisaient. Les plats riches et les bouteilles défilaient mais les plus résistants, égayés par le petit vin des coteaux voisins, retrouvèrent tout de même la direction de l’embarcadère.
Dans une cohue enjouée, les familles nombreuses s'entassaient dans les barques à vingt places, toutes générations confondues, du grand-père cagneux aux derniers bambins turbulents, tandis que les amoureux avaient préféré des barques resserrées autour de leurs petits cœurs.
Les habituelles casquettes des citadins avaient cédé la place aux canotiers blancs ou crème, plus couvrants sous le chaud soleil de juillet.
Madeleine et Augustin s'étaient installés dans l'un de de ces canoés à deux places.
Elle, dans sa large robe blanche, ajustée à la taille par une ceinture de soie bleue et ornée d’une broche argentée en forme de rose et lui dans un costume bleu clair étriqué à fines rayures verticales.
Pour la première fois, ils se retrouvaient ainsi, au milieu de la Seine. La saison avait été fraîche et humide et personne n’avait eu jusqu’alors le courage de quitter la capitale.
Le soleil, qui était réapparu en milieu de semaine, avait alors poussé tous ces habitants dépressifs à se précipiter, dès les premières heures du Dimanche, dans les trains qui partaient de la pimpante gare Saint Lazare à destination des rives fluviales du nord de Paris.
Augustin tirait sur les rames à l'allure parfaite d'un métronome, tandis que Madeleine l'observait tristement.
- Mais enfin, lâcha Augustin agacé, je t’avais demandé de leur en parler.
- Ce n’est pas à moi de leur en parler, lui répondit sèchement, Madeleine.
- Mais, je ne sais pas comment ils accueilleront ma demande ; j’ignore ce qu’ils pensent de moi.
- Tu dois bien t’en douter un peu, depuis le temps que nous nous voyons. Si mes parents ne t’avaient pas apprécié, ils t’en auraient déjà parlé.
- Ce n’est pas si simple que ça.
- Mais si, c’est simple ; il suffit que tu leur demandes, … si tu m’aimes.
- Bien sûr que je t’aime !
- Alors ?
- Alors …, tu sais bien que je n’ai aucune situation. Je viens à peine de commencer mes études de Lettres.
- Ce n’est pas un problème. Tu sais bien que mes parents pourraient t’offrir une très belle position dans leur entreprise.
- Dans l’automobile ?
- Oui, dans l’automobile ; un secteur en plein développement.
- Je n’ai aucun esprit pratique ; seule la poésie m’intéresse. Que veux-tu que je fasse avec des mécaniques ?