I. Septembre

Par BAEZA

Philippe Tourange s’éveilla en sursaut.

 

Le volume de son radio-réveil, programmé comme chaque matin sur cinq heures quarante cinq, avait été déréglé.

 

La femme de ménage, une rude jeune fille, scrupuleuse comme on n'en fait plus, s'était sans doute attelée la veille à dépoussiérer ce vieil appareil électronique décrépit datant de l'ère Mitterrand.

 

Le réveil, épousseté sous toutes ses coutures, avait vu chacune de ses mollettes tournées dans plusieurs directions, ce qui aboutit au résultat sonore qui avait brutalement arraché Philippe Tourange à son sommeil, ce matin là : la chanteuse Many Koré qui hurlait maintenant à tue-tête, sur cette fréquence improvisée, le dernier succès de son bruyant répertoire FolkSoul.

 

Philippe pressa vivement le bouton stop de l’appareil et ressentit un vif plaisir lorsque le silence revint ; ce fut d’ailleurs certainement le plus grand bonheur de sa journée.

 

Philippe n’aimait pas ce genre d’incident. Il avait une vie professionnelle bien réglée et rien ne devait venir perturber son quotidien.

 

Philippe embrassa sa femme, allongée près de lui, encore endormie malgré les vociférations de la chanteuse anglophone.

 

Il écarta la couverture de son lit et se leva.

 

Puis il se rendit à la cuisine, alluma l’ampoule du plafonnier en frôlant du bout des doigts l’interrupteur jaunâtre situé près de l’entrée et s’assit sur la première chaise qu’il trouvât.

 

Comme chaque jour, le café, lancé automatiquement à heure fixe, était prêt, ainsi que les deux toasts qui l’attendaient dans le grill-pain.

 

Il se baissa pour prendre la confiture dans le frigo et tendit le bras pour s’emparer d’une des cuillères entassées pêle-mêle au fond du panier à couverts.

 

Il tourna le couvercle du pot de confiture et à l’aide de la cuillère, tartina son toast de cette marmelade sucrée de prunes écrasées.

 

Il trempa son toast dans le café et engloutit la tartine d'une bouchée, puis il renouvela l’opération avec la seconde tranche de pain noirci.

 

Ensuite, il se leva, passa son bol et sa cuillère, sous le robinet de l’évier, en laissant couler dessus un peu de savon liquide, puis les déposa sur l'égouttoir. Enfin, il rangea le pot de confiture dans le frigo, à la place où il l’avait trouvé.

 

Il se brossa les dents, puis prit une douche rapidement.

 

Il s’habilla, se chaussa et embrassa son épouse qui s'était levée, entre temps, pour l'encourager avant son départ pour le travail.

 

À six heures quarante, il ouvrit la porte de son appartement et appuya sur le bouton de l'ascenseur.

 

Comme la cabine ne bougeait pas, certainement occupée à des tâches plus importantes que de vouloir le transporter, il descendit les quatre étages par l’escalier.

 

Arrivé dans le hall, il salua l'un de ses voisins qui revenait de sa promenade matinale avec son chien.

 

Une fois dans la rue, Philippe marcha environ deux cents mètres pour atteindre la station de bus et y parvint, comme chaque matin, une minute avant l’heure d’arrivée de la rame.

 

Deux personnes attendaient sous l’abri : une femme d’une quarantaine d’années, habillée d’un élégant tailleur à carreaux, vert pâle et crème et un jeune homme, en âge d’être au lycée, qui portait un pantalon noir et une veste serrée grise, habillé certainement selon les dernières tendances de la mode actuelle.

 

Philippe leur adressa un bonjour muet, en hochant la tête, auquel les deux personnes répondirent de la même manière discrète.

 

À l’image des autres jours, le bus prévu à six heures cinquante n’était pas à l’heure ; chaque matin, il prenait un peu plus de retard.

 

Enfin, au bout de six minutes, le transport public s’arrêta devant la station ; il était presque vide.

 

La dame en tailleur et le lycéen montèrent dans le véhicule, puis Philippe les suivit.

 

Ils posèrent en cadence, chacun leur tour, leur carte sur le lecteur magnétique.

 

L’un des passagers du bus, un vieil homme au regard curieux était assis à la première place à droite du chauffeur.

 

Plus loin dans le véhicule, se tenait debout dans le carré central, une maman habillée d’un jean et d’un pull blanc, qui maintenait fermement dans ses mains une poussette bleue, dans laquelle chouinait un petit enfant.

 

Philippe salua le conducteur et l’homme âgé, puis avança jusqu'à la place centrale où se trouvaient la maman et son enfant, à qui il murmura un petit bonjour poli.

 

Il poursuivit ainsi son parcours dans le couloir jusqu’au fond du bus et s'assit à une place située à sa droite, du même côté que le conducteur.

 

Le bus démarra.

 

Le jour n'était pas encore levé. Le soleil n’apparaissait à cette période de l'année que vers sept heures trente.

 

La société pour laquelle travaillait Philippe se trouvait à environ vingt minutes de trajet.

 

Après quelques centaines de mètres, le bus s’arrêta à une première station.

 

Un homme d'une trentaine d'années en costume-cravate gris, comme on n'en voit plus beaucoup, monta.

 

Il portait un casque sur les oreilles et progressa lentement dans le couloir jusqu’à atteindre l’une des places libres situées à sa gauche, deux rangs après l’homme grisonnant au regard curieux.

 

Le chauffeur redémarra.

 

La dame à l'enfant dans la poussette, appuya sur le bouton d'arrêt, pour descendre à la prochaine  station et le signal d’information s’éclaira de rouge.

 

Le chauffeur tourna sur sa droite, ce qui étonna Philippe.

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Ally_LaVrai
Posté le 06/11/2024
Bonjour, j'ai adoré, le texte est super bien écrit et j'ai hâte de lire la suite. Cela m'intrigue. Je n'ai lu que le premier mais, cela me donne envie de continuer.
BAEZA
Posté le 06/11/2024
Bonjour Ally_LaVrai, Je suis vraiment heureux qu'il te plaise. J'ai publié le chapitre suivant; bonne lecture. À bientôt !
alissia
Posté le 06/11/2024
Bonjour, je lirai la suite puisque cette histoire m'intrigue.
Je trouve que le style est impeccable. Je me demande pourquoi autant de paragraphes ? (c'est un détail)
BAEZA
Posté le 06/11/2024
Bonjour Alissia, je suis ravi de te compter parmi les lecteurs de cette histoire. Je publierai le chapitre suivant dès que je le pourrai (il y en a déjà plusieurs publiés, je crois). À bientôt, on reste en contact, si tu le veux bien.
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