II. — I. — DE VALA

Mon cher Scævius, la douceur et la justesse de tes lettres me vont toujours droit au cœur. Je ne manque pas d’esprits brillants pour me guider, mais ta manière particulière d’évoquer la Nuit résonne en moi bien davantage que tout autre « enseignement » prodigué à Ys. Tu as le don pour trouver les bons mots ; des mots qui rendent palpable l’afflux de mes sens.

Désormais, un murmure stellaire berce mon kosmos, un souffle mélodieux rythmé par les protubérances arquées de mes fières étoiles tout juste nées. Il m’est arrivé de deviner au loin la silhouette fuyante de la Voilée. La vision de cette orpheline me noue toujours la gorge. Je voudrais tant la rejoindre, la caresser, la consoler, la dissuader de poursuivre sa vaine quête. Maîtresse et kosmos lui ont été arrachés depuis fort longtemps, nous le savons. Pourquoi l’ignore-t-elle ? Pour se détourne-t-elle de la vérité ?

J’avance donc à pas mesurés sur les routes de la Nuit, mais je ne doute pas qu’un jour, comme tu y es parvenu à force d’expérience et d’intuition, j’invoquerai dans notre monde tangible des Titans, fidèles incarnations de mes Constellations encore balbutiantes.

 Je connais peu la terre d’Astrurie vers laquelle tu vogues. Je n’y ai jamais commercé avec grand-mère Pomponia, pas même lorsque nous faisions partie de la Guilde. Les pirates rendaient déjà la traversée de la mer trop risquée à cette époque. Je suppose que les aléas de la piraterie n’embarrasseront pas une flotte Valaine d’une quarantaine de vaisseaux. À moins qu’une traitresse tempête ne vous surprenne, vous toucherez la côte Astrusque sans encombre.

Je ne peux m’empêcher d’éprouver une pointe d’inquiétude. Cette guerre nimbée d’impérialisme est-elle vraiment nécessaire ? Quels dangers t’attendent sur cette terre lointaine, où le culte de la Nuit n’a jamais perdu sa filiation avec la tradition mère ?

Soit prudent mon cher Scævius. Que tes Constellations te protègent. J’imprègne ton Aigle de toutes mes certitudes, avant de te le renvoyer par-delà la mer poissonneuse.

2 jours après le Beau Solstice, à Ys.