II. Murmures

Par Orfea

La balafre de parfum faillit me rester en travers de la gorge. Pendant que nous remerciions les vents d’Éole de nous avoir évité les griffes de Thyrsée, une chevelure rubis et volumineuse virevolta dans les airs, tels des cumulonimbus qui annonçaient l’orage.

Une noble au rire délicat et dangereux pouffa au nez du fidèle de Dionysos. Sa robe n’était pas la plus remarquable de toutes, mais son col bardot et ses ronces vivantes étaient à couper le souffle. Libres, elles se déplaçaient contre sa poitrine généreuse, pour suivre la pointe de ses épaules et terminer dans son dos creusé à cause du corset.

- Allons, mon cher comte, où alliez-vous comme ça ? Chasser un homme d’Artémis ? Vous semblez un tantinet masochiste.

Le fae aux oreilles de cerf la darda, ses yeux jaunes aux pupilles horizontales s’étaient figés. Digne, il choisit ne rien laisser transparaître et lui offrit un sourire doux à la place.

- Que craigniez-vous Milady ? Qu’une dame autre que la Cour d’Aphrodite vous coupe le sifflet et vous empêche de vous retrouver au bras de sa future Majesté ?

Le retour de flamme de Thyrsée fit tiquer l’aristocrate, qui refusa de se dégonfler. Pour occuper ses mains, elle lissa les motifs de myrte dorés sur ses hanches et lui répondit, aussi acerbe que ses épines.

- Monsieur, je n’ai pas besoin de consulter la Pythie pour savoir que la couronne ne se posera pas sur vos beaux cheveux de corbeau.

- Si cela arrive, je toucherai quelques mots à votre père, pour vous consoler.

Ouch. Celle là faisait mal. Assez de regards s’étaient tournés vers eux, alors je décidai de m’en séparer pour suivre Iro dans ses aventures. Si je m’en rappelais bien, cette fidèle d’Aphrodite portait le nom de Pénélope. Les gazettes et bouches indiscrètes parlaient surtout de son père, dont les infidélités auraient été révélées au grand jour récemment. Certains sous-entendaient que Pénélope n’était pas sa fille légitime à cause de sa gâchette facile. Dans tous les cas, il en allait de son honneur de gagner la couronne, ou d’être à ses côtés, afin de purger son nom de toutes ces ignominies.

Tandis que nous nous en allions vers le buffet, je repensais à son Altesse, et feu sa compagne. Voilà un mois que l’on avait arraché leur dernier souffle. Pour des raisons encore trop obscures, le couple royal avait été froidement assassiné la veille de leur anniversaire de mariage. Absolument aucun détail de cet évènement tragique n’avait fuité. Les grands magistrats s’étaient tous murés dans le silence. Le plus dur que l’on ait connu. D’intenses recherches continuaient d’être menées, pour comprendre qui avait osé s’attaquer à des personnalités aussi importantes que le roi et sa reine.

Je m’étais jurée de mener l’enquête sans en faire part à qui que ce soit, même à Iro. En parlant du loup, la chasseresse me frotta gentiment l’avant-bras, pour me prévenir.

- Je vais retrouver les miens Noctya, je reviens vite. Tâche de ne pas être trop sage, Athéna s’en voudra.

Je lui adressai alors un dernier sourire avant qu’elle ne me fasse dos et s’en aille vers les membres de sa Cour. La pulpe de mes doigts effleura la soie de la grande table, là où tous les mets étaient présentés.

Il y avait là moultes vins, allant d’un merveilleux carmin à une belle robe champagne. Sur des plateaux, de petits canapés généreusement garnis de confiture de figue ou d’une fine couche d’huile d’olive me faisaient signe. Nous pouvions choisir des toasts aux fumets de gibier, iodés par du saumon, ou tout simplement quelques légumes du soleil grillés sur les braises. Je salivais déjà devant tout ce petit monde.

J’en pris un aux poivrons rouges, couchés sur leur lit de tzatziki. En le portant à ma bouche, je remarquai le sceau de ma famille autour de doigt. Il s’agissait d’une bague légère, aux ailes déployées sur ma peau. Elles portaient une chouette gravée dans de la labradorite pure. J’avais choisi d’y infuser du mana, pour contrer les sorts, ainsi que les charmes des faes présents au Grand Palais.

Les bals n’étaient que des jeux de masques, les jeux de masques d'un grand théâtre. Les nobles les plus discrets avaient leur chance, eux aussi. C’était l’opportunité pour moi de devenir le joyau de la saison.

Soudain, le brouhaha général sembla de dissiper. Je sentis un mouvement de foule en ma direction : quelqu’un la séparait comme Poséidon scindait ses flots. Un homme androgyne aux boucles d’or menait un cortège de musiciens à travers la salle. Ils prirent place sur une estrade prévue pour l’occasion. Le meneur s’assit, accompagné d’une magnifique lyre, tandis que les autres arboraient leur aulos, un instrument à vent mystique. En regardant bien, j’en vis des simples et des doubles.

Un noble à mes côtés me précisa que le fae à la lyre se nommait Orfea. L’un des musiciens favoris de notre ancien seigneur. Un sentiment de joie souleva ma poitrine et libéra une nuée de papillons dans mon corps tout entier. J’allais pouvoir profiter de l’orchestre pour danser, et me perdre dans les notes.

Et ce n’était que le début.

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Drak
Posté le 05/05/2023
Mmm. J’ai trouvé l’ensemble un peu plus maladroit dans ses tournures de phrases, par rapport au premier chapitre… mais tout reste plutôt visuel et fluide à lire, j’aime bien !
Je dirais qu’une relecture, pour trouver quelques mots plus justes par moment, est nécessaire… Bien que je n’aie rien vu de choquant non plus !
À voir comment ça évoluera
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