Autrefois, je dormais dans le nid de père et mère. Bien que mon frère, hilare, m'adressait chaque soir un regard moqueur, je m'avançais dans l'obscurité de notre sinistre demeure, à la recherche d'un geste compatissant.
Un secret rongeait tout mon être depuis ma plus tendre enfance. Une chose que je n'ai jamais prononcée lors de nos nocturnes confidences. Mère m'a toujours appris à feindre l'indifférence, de sorte que je puisse rester digne, tout en périssant dans le silence. L'odeur poisseuse empestait notre chambre, alors que le sommeil fuyait avec horreur. Mon cher aîné, lui, dont le visage était couvert de rouge, dormait paisiblement. Ces songes qui hantent encore mes insomnies. Des cris de femmes en pleur, lâchant un râle assourdissant. Une voix qui dans les ténèbres se meurt. Je connais encore ses intonations par cœur.
Et un jour, je la vis. Il m'est impossible de décrire ce que je ressentis à cet instant. Mon âme ardente devint hiver. Ses bras de vapeur, ses yeux écarquillés de terreur. Noyée dans un bain de sang se mêlant à des larmes de désespoir. Jamais je n'eus aussi peur de toute mon éternité.