III – La résurgence des ombres

Par Dan
Notes de l’auteur : Otis Redding – These Arms of Mine

La résurgence des ombres

Tvashtar, Io, satellite de Jupiter

 

— Nous répétons : que personne ne bouge. Restez immobiles le temps du scanner. Ne quittez pas le périmètre. Nous allons procéder à la fouille complète des lieux.

— Ils nous ont trouvés ! s’exclama Disney.

— Parce que vous étiez tellement difficiles à pister avec vos miettes de moutons partout…

— Fermez-la.

— Ce n’est pas nous qu’ils ont trouvés, intervint Guevara.

Elle tenta de discerner l’empreinte des vaisseaux dans le grand flou des parois superposées, finit par les repérer aux nuances de leurs occupants – plus nettes et plus « colorées » que celles des objets inertes – et en compta douze, deux par biplace. Une vingtaine d’esquifs supplémentaires tournoyaient dans le lointain, concentrés autour des amas de population renseignés par leurs radars.

— Si c’était nous qu’ils cherchaient, ils n’auraient pas dépêché une flotte complète, expliqua-t-elle. Les réunions n’ont rien d’illégal, Hawking merci. De plus, avec les terroristes en cavale, les libertaires ne sont pas leur priorité.

— Uff da, après leur délire de solidarité, c’est sûr, ça doit pas les agacer, tiens, vos petites sauteries, répliqua Eastwood. C’est peut-être pas illégal, mais l’indépendance, c’est quand même pas loin de la trahison. Surtout juste après l’explosion de Conamara… s’ils pensaient pas que les Moutons étaient des terroristes à la base, vous voir monter sur scène dans la foulée pour saboter le préservationnisme, ça a pu les faire changer d’avis. Alors c’est peut-être bien les extrémistes en cavale qu’ils cherchent ici : vous.

Une terreur sourde lui empoigna les entrailles, mais Guevara n’eut pas le temps de réfuter.

— C’est nous, lâcha Bowie. Oh … C’est nous qu’ils ont suivis ! On les a amenés jusque-là !

— Comment ils auraient pu nous suivre avec notre nouveau joujou ? fit Eastwood. Ils auraient dû… Oh les crevards !

— Quoi ? fit Disney.

— Les pilleurs ! répondit Bowie. Ils ont dû finir par faire le lien, les fugitifs, et le vaisseau orange et noir… Y en avait sûrement un dans le tas qui était moins myope ou moins bête que les autres… Et vu qu’on avait l’air bœufement intéressés par le rassemblement d’Io, quand ils en ont parlé…

— Dire que je leur ai laissé ma prise de jolies barrettes en dédommagement ! s’exclama Eastwood.

— Ou ils nous avaient flairés dès le début, continuait Bowie, et ils nous ont balancés quand ils ont appris qu’ils pouvaient se nettoyer le casier judiciaire !

— Mais dans ce cas…

— Ne vous battez pas, ils viennent pour vous tous.

Guevara ramena le regard sur… comment devait-elle l’appeler, aujourd’hui ? « Haccan » ? Haccan, qui l’avait appelée « Guillo » et dont la tête et le cœur s’étaient changés en méandres palpitants. Les menottes grésillaient toujours dans une de ses mains, son pistolaser chargé vrombissait dans l’autre.

— Vous êtes tous recherchés comme témoins de l’attentat, précisa-t-il. Ces deux-là – il dut pointer Eastwood et Bowie du canon, car leurs empreintes se contractèrent comme des oursins – sont aussi des fugitifs et les principaux suspects de la PI.

— C’est toi qui les as appelés ? questionna Guevara.

— Non.

Non, en effet, il ne semblait pas avoir anticipé l’arrivée des escadrons. Cela signifiait d’une part que les pilleurs étaient bien à l’origine de leur délation – sans doute avaient-ils sacrifié les Moutons en même temps que les fuyards afin d’acheter le pardon pour leur troupe – et cela signifiait d’autre part qu’Haccan menait en solo une mission qui n’avait aucun rapport avec l’explosion.

Dans ce cas, Guevara saisissait mal pourquoi Haccan prenait le risque d’appréhender trois pirates en pleine foule libertaire alors que le reste des forces de la PI escomptait les écrouer de toute façon. Peut-être était-ce personnel, alors ; elle aurait préféré : elle aurait pu le comprendre.

— J’aimerais vérifier votre avis de mission, officier, dit-elle. C’est mon droit constitutionnel, n’est-ce pas ? Montrez-le à Hadid, s’il vous plaît.

Haccan s’exécuta et il y eut un moment de calme irréel durant lequel l’on ne distingua plus que la sirène des policiers et le chahut de la foule. D’autres clairvoyants et visualiseurs infrarouges devaient maintenant sonder les alentours pour faire face au débarquement des agents. À en croire les exclamations qui éclataient pour organiser la riposte, les luniens n’avaient plus aucune intention de se laisser bousculer.

— C’est en ordre, constata Hadid avec une pointe de frustration. Employé par Aessa Jynne-Lorry Menkalinan. « Investigance pirates ». Pas de précisions.

— Dame Menkalinan elle-même ? fit Guevara, qui se demandait d’où leur venait l’intérêt très exclusif de la ministre. Pas le ministère des Satellites ?

— Je ne suis pas venu là pour débattre des subtilités de la formulation administrative, répliqua Haccan.

Son accent saturnien était irréprochable et il devait manier le langage planétien à la perfection, mais il s’adressait à eux de manière à ce qu’ils s’entendent ; son dialecte lunien ne suffisait cependant pas à gommer la constriction de sa voix et la pauvreté de sa diversion : Guevara avait bien noté l’étrangeté de cette assignation.

L’arrestation de pirates aussi patents que Guevara et ses employés était une affaire classique, pour les policiers. Et puisque l’on n’avait jamais emprisonné un lunien pour ses opinions politiques, la capitaine aurait été curieuse de découvrir comment Menkalinan justifiait le recours à une procédure particulière, si tant est qu’elle l’ait justifié : peut-être s’était-elle contentée de promettre une jolie prime à Haccan afin d’étouffer ses objections.

Quels qu’aient été les outils de la ministre, ils s’avéraient d’une redoutable efficacité : Haccan ne faiblissait pas et d’ailleurs, il n’avait nulle raison de nourrir le moindre scrupule aujourd’hui ; il n’en avait pas eu quand il avait fait encelluler Shelley et il n’en eut pas davantage lorsqu’il s’avança pour indiquer à Guevara de tendre les bras.

— Kapitan, vous allez quand même pas vous laisser faire ! lança Disney. Il faut…

— Non, c’est trop risqué, intervint Hadid. Si on essaye de s’enfuir, les officiers auront le droit d’attaquer. Ça pourrait blesser quelqu’un.

Il disait vrai. Guevara avait subodoré que la PI sévirait après l’explosion, c’était d’ailleurs pour cela qu’elle avait pressé Napoléon et Leia. Comme il était pénible d’envisager la reddition, pourtant ; plus encore après le coup d’éclat de Bowie, alors que ses mots et ses cris toupillaient encore dans son esprit, alors qu’elle songeait encore à Shelley et à son irrecevable captivité, car Bowie avait raison : pour un crime aussi dérisoire que le sien, jamais Shelley n’aurait dû subir d’isolement total.

Guevara n’entrevoyait qu’une seule explication à ce mystère : quelqu’un savait ; quelqu’un savait ce qu’ils avaient appris et tenté d’enterrer en bâtissant des existences normales pour ne plus faire de vagues et s’octroyer le luxe d’oublier.

Si l’on forait dans le passé de Guevara comme dans celui de Shelley, l’on y décèlerait les mêmes activités dérangeantes, les mêmes audaces qui méritaient de reconduire les mêmes condamnations sans preuves, ni annonce, ni procès, car leurs gouvernements taiseux ou ignorants n’avaient toujours aucun argument à avancer pour sanctionner leurs errances et leurs découvertes. Ajoutée à ses forfaits de pirate, son ancienne soif de savoir lui ouvrirait ainsi les portes du cœur noir de Charon sans plus de cérémonie et sans espoir de sortie.

Pourtant, Guevara obtempéra ; les menottes claquèrent autour de ses poignets et diffusèrent une vibration étrange à travers ses doigts.

— Je suis navrée, dears, dit-elle. Nous ne sommes pas de taille et je crois que personne ici ne supporterait de subir davantage de dommages collatéraux. Nous n’avons guère d’autre choix que d’obéir à l’officier.

L’allusion à Teresa eut l’effet attendu et même Eastwood retint ses commentaires – ce qui signifiait sans doute qu’il ne se sentait pas concerné ou qu’il était trop occupé à chercher une issue pour l’écouter. Guevara en cherchait une pour eux, elle aussi, car Bowie méritait d’en réchapper : peu importait qu’il se soit enfui d’une zone close et que la PI l’ait sacré suspect numéro un en désespoir de cause, au fond ; Bowie n’était pas plus terroriste qu’elle.

Jadis, c’était pour protéger leurs enfants que Shelley et Elion avaient sacrifié leur appétit de voyage et muselé leurs vieilles frayeurs, alors si Guevara mettait Bowie en danger aujourd’hui, tout aurait été vain.

— Mais kapitan… et le plan ? fit Disney, déconfit.

Haccan se détourna de Guevara pour entraver son chimiste ; par pur esprit de contestation, le Protéen amorça un tour de passe-passe de son cru, mais sa tentative se solda par un échec : l’officier, qui s’était renseigné sur leurs pouvoirs respectifs, lui fit comprendre que la première fragrance suspecte lui vaudrait un tir de laser et Disney n’insista pas.

— Leia se chargera du plan, dit Guevara en priant pour que la jeune Callistienne ne lui en veuille pas trop de lui léguer ce fardeau – si parler devant tous ces inconnus avait été une épreuve, mener la barque en solitaire tiendrait sûrement de la torture. Elle n’est coupable d’aucun délit, elle, elle n’est que vendeuse ; alors même s’il prend l’envie aux officiers d’alpaguer tous les moonshiners venus nous écouter, ils n’ont aucune raison valable de l’arrêter. Elle saura reprendre le flambeau.

Guevara espérait simplement que cette descente de police ne refroidirait pas les ardeurs de leurs sympathisants : ils ignoraient que les accointances d’Eastwood et Bowie étaient responsables de la venue de la PI sur Io, et si les libertaires devaient craindre un assaut à chaque réunion d’information, le nombre de militants prêts à défendre l’indépendance allait décroître à vue d’œil. Malheureusement, en l’état, Guevara était impuissante et tout reposait désormais sur les frêles épaules de Leia.

— Y a-t-il un accès secondaire au hangar ? demanda Haccan en terminant de menotter Hadid, puis Eastwood, puis Bowie.

Guevara haussa un sourcil ; voilà qui ravivait ses entêtants questionnements à son sujet. Dans l’espace contraint de l’atelier, Haccan pouvait aisément maîtriser les pirates ; une fois en mouvement, néanmoins, la tâche serait sans doute bien plus ardue et hasardeuse pour lui, alors il avait tout intérêt à demeurer sur place jusqu’à l’arrivée des officiers qui convoieraient ses captifs.

Ça n’avait guère de sens et Guevara fut bien forcée de considérer l’unique supposition restante : il ne s’agissait pas de rejoindre ses collègues ou d’éviter la foule, mais de les esquiver, et elle n’osait pas se demander dans quel embrouillamini Haccan s’était empêtré pour en arriver là.

— Répondez-moi vite.

Il avait aligné les cinq moonshiners et, au cliquetis sinistre qui flottait à hauteur de son nez, Guevara devinait qu’il les tenait en joue.

— Vite ! les pressa Haccan.

— Au fond, dit Guevara. À gauche, juste après les ateliers.

— Passez devant.

Elle obéit, sentant Hadid et Disney lui emboîter le pas.

— Vous aussi, dit Haccan à l’adresse de Bowie et Eastwood.

— Pourquoi eux ? lança Guevara en espérant les mettre à l’abri. Ton avis concerne uniquement les Moutons.

— Ça ne regarde que moi.

— Mais…, tenta Bowie.

— Discute pas, coco, le monsieur a l’air remonté.

Ils quittèrent l’atelier. Haccan semblait déterminé à les arrêter, mais en cherchant à éviter ses confrères, il les tenait aussi à distance – ce qui était somme toute très positif.

Les pilleurs ne s’étaient apparemment pas privés de fournir un signalement des fuyards et la vérification avait débuté avec le recensement des luniens piégés dans le hangar. Une procédure qui semblait moins aisée et rapide que prévu : un agent s’escrimait à crier « Restez calmes ! » dans le micro de Leia, mais les huées et le fracas des chaînes de montage chahutées allaient crescendo. Guevara s’autorisa une pointe de soulagement : voilà des ardeurs qui ne semblaient pas refroidies, au contraire ; elle espérait simplement que la PI ne sévirait pas trop durement quand les libertaires commenceraient à répliquer avec leurs pouvoirs psys.

En attendant, la mêlée leur faisait une diversion bienvenue. Si Eastwood et Bowie avaient tenté de se fondre dans la masse, ils seraient tombés aux griffes des autorités en moins de dix minutes. En revanche, si les patrouilles terrestres quadrillaient en priorité les foyers de concentration humaine repérés par les vaisseaux, ils avaient une mince chance de s’éclipser par les usines. En attendant de comprendre les machinations d’Haccan, Guevara se consolait des petites victoires.

— Où nous emmènes-tu ? tenta-t-elle sans trop y croire.

Haccan garda le silence, mais il les fit stopper aux portes de l’entrepôt, là où la lumière gagnait un peu en intensité et soulignait les nuances avec plus de clarté ; cinq vaisseaux couvraient la zone, un autre s’était posé dans la cour, de l’autre côté.

Immobilisés en rang, dos à la paroi rouillée, Haccan et son chapelet de prisonniers patientèrent. Hadid et Disney tentaient sûrement de repérer les trajectoires de repli et Guevara déplorait de ne pas avoir matérialisé la ville de Tvashtar sur le play-doh avant d’atterrir : elle aurait pu découvrir et dompter le relief des couronnes de volcans, les points d’éruption qui auraient fait diversion et les crachats de soufre qui auraient fait bouclier. Baliser le terrain était une simple caution de pirate aguerri, mais Guevara s’était trop reposée sur ses lauriers ; s’ils se lançaient à l’aveuglette, désormais, Haccan leur tirerait dans le dos sans sourciller.

Et peut-être ne fallait-il pas trop s’éloigner de lui : Guevara l’entendait manipuler son bracelet, esquisser un pas vers l’angle de la bâtisse, revenir à couvert. Elle ne comprenait pas pourquoi un officier éviterait d’autres officiers, surtout pas en possession du quinté gagnant de moonshiners recherchés, mais si Haccan réfléchissait à un plan d’évasion, le mieux pour eux était encore de le laisser faire le travail. Il possédait une arme et des accréditations, alors si quelqu’un pouvait s’en tirer, c’était bien lui ; et eux en profiter. Ne resterait plus ensuite qu’à lui fausser compagnie.

— Vous deux, allez-y, dit Haccan. Traversez directement et arrêtez-vous en face, juste au coin de l’appentis.

— Genre… éclaireurs ou appâts ? demanda Eastwood.

— Faites ce que je dis.

Eastwood et Bowie obtempérèrent. Grâce aux estimations d’Haccan, leur départ précipité passa inaperçu des surveillants ; quelques secondes plus tard, il envoya Hadid et Disney dans leur sillage en accompagnant le mouvement d’un geste du pistolaser – inutile, puisque ni l’un ni l’autre ne tenterait de décamper sans leur capitaine. Haccan s’apprêtait à entraîner Guevara à leur suite quand l’empreinte noueuse d’un vaisseau reparut très doucement dans le ciel.

L’espace d’un court instant, Guevara songea à s’ensauver en laissant Haccan se ruer sous le nez des biplaces qui les survoleraient bientôt. Si elle jouait de finesse, elle pourrait anticiper et éluder les contrôles d’identité ; certes, elle devrait ensuite gérer les contraintes de la vie de proscrite et toutes les anicroches qu’elles causeraient dans ses plans avec Leia ; se poserait le problème d’Hadid et Disney, également. Hadid et Disney qu’elle jurait incapables de la déserter, elle…

C’était injuste ; Guevara était injuste et Bowie ne savait même pas à quel point. L’hommage adressé à Teresa par leur venue sur Io n’était qu’une tentative désespérée pour se racheter auprès de ses employés, car elle l’avait abandonnée, exactement comme Shelley, en se raccrochant à ses projets, encore ses projets, toujours ses grands projets si importants ; et oui, pragmatiquement, ils étaient plus cruciaux qu’eux tous.

En tout cas, ils l’avaient été jusqu’à ce qu’elle s’aperçoive que Shelley, comme Haccan, avait pris une importance insoupçonnée pendant qu’elle reniait ses amis.

Le fait que Menkalinan ait mis Haccan sur leurs traces était on ne peut plus alarmant – le fait qu’elle s’y emploie en secret, surtout, alors que les Moutons étaient déjà recherchés comme témoins dans l’explosion et que ce seul motif aurait pu justifier l’enquête. Guevara avait besoin de comprendre, et peut-être parviendrait-elle à se persuader que c’était uniquement la singularité de la mission d’Haccan qui, après une année de monomaniaquerie libertaire absolue, la fit plutôt rester là et dire :

— Attends.

Le vrombissement des moteurs s’intensifia et le véritable vaisseau arriva. Guevara avait saisi le bras d’Haccan de ses mains jointes ; ses doigts contenaient la contracture intense des muscles de son ancien camarade, prêts à se détendre ou à le dégager brutalement de sa prise. Mais Haccan ne fit ni l’un ni l’autre et attendit simplement que le vaisseau ait terminé sa lente boucle au-dessus de l’usine.

— Tu ne vas vraiment rien lui dire ?

Elle n’arrivait pas à écarter cette idée ; elle saisissait la dimension de l’instant, elle sentait la menace planer, mais elle était incapable d’y résister. Voilà qu’il débarquait vingt ans après leur énigmatique séparation, investi d’une corvée que même la PI semblait ignorer, et les choses allaient se conclure ainsi : lui le policier, elle la pirate, rien qu’un chasseur et sa proie et Bowie au milieu de tout ça ?

— Rien leur dire, à lui, à Shelley, à Austen ? Et à nous ? À Elion, Nick et Kahlo ? Tu as été le dernier à voir Lennon. Vous avez disparu tous les deux et nous vous avons attendus, mais vous n’êtes jamais rentrés. Puis, par hasard, trois ans plus tard, nous avons appris où tu… où tu t’étais réfugié, mais nous n’avons jamais compris pourquoi. Pourquoi ne nous as-tu pas contactées ? Pourquoi nous as-tu fuies tout ce temps ? Ne crois-tu pas que nous méritons des explications ? Que s’est-il passé ? Est-ce à cause de ce que nous avions…

— Tais-toi.

Guevara frémit ; elle l’entendait dans sa voix : elle entendait combien il avait vieilli. Ses mains menottées lâchèrent alors le bras d’Haccan et trouvèrent le relief anguleux de son visage avec une facilité déconcertante. Il tremblait, lui aussi, et il se moquait autant qu’elle des regards de leurs quatre spectateurs. Du bout des doigts, Guevara traça alors la ligne de ses pommettes saillantes, passa sur ses arcades sourcilières, finit par son nez ; tout était plus rêche, plus ridé et plus fatigué que dans ses souvenirs. Ses phalanges achevèrent de peindre son portrait devant son regard trouble ; là, les nuances se figèrent, l’aura se changea en argile et Guevara le vit comme elle l’avait vu autrefois.

Elle s’était souvent interrogée ; parfois, elle croyait en éprouver un écho, un substitut, mais souvent, ça lui paraissait être arrivé à quelqu’un d’autre et dans une autre vie. Elle en était sûre, désormais : elle n’avait jamais cessé de l’aimer.

— Ce n’est pas trop tard, dit-elle tout bas. Nous avons simplement besoin d’une conclusion. Nous nous sommes tous faits à l’idée, au fond : quoiqu’il se soit passé entre vous ce jour-là, Lennon ne reviendra plus.

Haccan demeura silencieux, mais ses yeux qui l’avaient fuie trouvèrent enfin les siens et Guevara n’avait pas besoin de vue pour le savoir : c’était un chatouillis, un fourmillement, comme lorsque l’on se sent épié.

— Tu mens, dit-il, presque suppliant. C’est trop tard.

Oui, elle lui mentait ; ils avaient vécu des vies entières depuis que Lennon et lui s’étaient envolés, les enfants avaient grandi sans père, leurs visages s’étaient estompés et ni Shelley, ni Elion ni Guevara n’avaient jamais su ce qui s’était produit. Elles avaient simplement appris à ne plus en parler, comme de tant d’autres choses. Quoi qu’ils aient fait, aussi nobles ou complexes qu’aient été leurs motivations, le silence et l’absence restaient impardonnables.

— S’il te plaît, commença-t-elle, essaie seulement de… Morbleu !

— Quoi ?

— Les patrouilles terrestres, elles viennent par ici !

Droit devant, Eastwood tentait de profiter de la diversion-nostalgie de Guevara pour entraîner Bowie avec lui ; chose que Bowie, à en croire les nœuds fixes de son empreinte, refusait aussi catégoriquement qu’Hadid et Disney. Les quatre moonshiners se confondaient en un brouillon d’empreintes affolées ; plus loin, deux nouvelles taches approchaient au-delà du voile indescriptible des cloisons de tôle gaufrée. Haccan et Guevara s’élancèrent.

— Qu’est-ce qui se passe ? s’exclama Disney.

— Les patrouilles ! Elles vont arriver !

— Je croyais qu’ils commençaient par passer au crible les gros rassemblements ?

— Par là ! s’exclama Eastwood.

Guevara ignorait si le chef receleur avait été plus prévoyant qu’elle en matière de repérage, s’il faisait confiance à son instinct ou si ses yeux de Ganymédien lui laissaient entrevoir des échappatoires cachées, mais elle le suivit sans atermoyer et Haccan également ; de toute évidence, sa mission était d’une telle gravité qu’il valait mieux s’en remettre à un moonshiner pour s’échapper que d’affronter d’autres policiers.

Il n’était pas évident pour Guevara de courir en temps normal, puisqu’elle était aussi gênée par sa cécité que par son embonpoint, mais courir hors du tracé des guides au sol avec les mains menottées s’avérait être un tout autre défi et les empreintes des vaisseaux de faction n’arrangeaient rien. Alors quand Haccan l’attrapa par le coude – sans doute pour s’assurer qu’elle ne détale pas en le privant de « radar » –, elle se calqua sur sa course sans plus réfléchir. Il y avait peut-être une minuscule probabilité pour qu’ils y arrivent, ensemble.

Guevara sentit les mailles d’une grille s’imprimer dans la chair de son bras quand elle négocia un virage serré ; la sortie de l’usine, sûrement. Là, elle fit ralentir le groupe, sonda les environs, puis lança :

— Vers la droite !

— Vers les lacs de soufre, tu veux dire ? railla Eastwood.

— Je préfère le soufre que les canards ! répliqua Disney. On y va !

L’air devint presque aussitôt irrespirable : les mares et les étangs émettaient des gargouillis de ragoût bouillonnant ; çà et là, Guevara entendait de grosses bulles grasses éclater et, parfois, un peu de soufre visqueux lui maculait les bottes alors qu’elle foulait les berges encombrées de carcasses de droïdes. C’était un terrain parfait pour semer des officiers à pieds, mais dangereusement ouvert aux attaques aériennes ; ils s’empressèrent alors de trouver un semblant de couvert et, quelques minutes plus tard, firent halte au carrefour de deux rues dans ce que Disney décrivit comme un petit lotissement.

— Quel est le chemin le plus court et le plus sûr vers Chalybes ? demanda Haccan.

Évidemment, un agent sous couverture n’avait pas posé son vaisseau noir en plein parking public.

— Si tu crois que je vais gentiment te conduire à ton rafiot pour que tu nous coffres…, répondit Eastwood.

— Vous n’êtes pas exactement en position de négocier.

— Je pourrais pas te dire, même si je voulais.

— Allons-y petit à petit, proposa Guevara avant qu’Haccan ne se résolve à la brusquerie. Il suffira que je m’arrête régulièrement pour tenter de prévoir. Je ne garantis pas que ce sera sans…

Guevara vit la salve du coin de l’œil : une salve qui filait droit dans le dos de Bowie, ramassé contre le mur d’une boutique, tellement tremblant de peur qu’il n’osait plus parler. Oui, Guevara sentait sa terreur exubérante, parce que malgré tout ce qui s’était dit et tout ce qui ne s’était pas fait, leurs cœurs aussi étaient liés. Alors cette fois, dans la fraction de seconde impartie à Guevara pour décider, il lui sembla que la chose la plus juste était la seule chose à faire : elle se décala de quelques centimètres à peine et la fin de sa phrase mourut dans une exclamation de douleur.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Laure
Posté le 27/02/2017
C'est vraiment fou cette ambiance que tu donnes avec une personne aveugle comme narratrice. Tu arrives super bien à montrer même sans qu'elle voie ! 
Et ah là là j'espère qu'elle va s'en sortir :'( C'est trop triste ! Mais Bowie méritait encore moins de mourir donc bon. Et puis elle va s'en remettre, n'est-ce pas ? :D Enfin c'est très joli qu'elle se soit sacrifiée comme ça. 
Le mystère avec Haccan et les temps anciens est très mystérieux. Mais je pense que je n'arrive pas à être impatiente de comprendre ce qui s'est passé, je pense que je l'aurais été plus si, par exemple, on avait appris plus tôt que leur ami avait disparu. Avant, je me disais juste ah tiens il s'est passé quelque chose dans le passé, eh bien. On saura peut-être tout un jour. Maintenant je me dis ah eh bien ils avaient un ami qui a disparu, oh. Mais il ne me dit rien, cet ami, du coup je suis pas tellement émue ni rien. J'ai un peu plus envie de savoir ce qui s'est passé, mais pas tellement ; je pense que l'effet aurait été plus fort pour moi si depuis le début je savais qu'il y avait un mystère avec un ami disparu, comme ça chaque fois que ça aurait été évoqué, ça m'aurait fait un petit piquant d'enthousiasme. Mais tout ça c'est vraiment personnel, je pense que tout ça rejoint ma préférence de savoir tout ce que le personnage pense, et je sais que volontairement tu nous caches une partie de ce qu'ils pensent et tout et tout et que ça plaît à la plupart des lecteurs. Donc bon, il faut rien changer juste pour moi.
J'aime encore beaucoup ton univers et je le vois toujours comme tout plein de tout petits tubes (comme des petites pailles en fait) dorés. Comme les économiseurs d'écran du passé, tu vois, ceux qui construisaient des décors de lignes. J'arrive pas à trouver des images sur google. 
Voilà voilà, j'espère que tu posteras la suite bientôt ^^ 
Dan Administratrice
Posté le 27/02/2017
Coucou Ethelounette et désolée pour mon retard v.v
Ca me fait super plaisir ce que tu dis sur l'ambiance malgré l'aveuglitude de Guevara parce que j'ai galéré teeeellement longtemps et j'ai l'impression que c'est encore tellement "léger" comme traitement que je m'attendais vraiment pas à un compliment là-dessus, mirci !
Mais évidemment qu'elle va s'en remettre, personne ne va mourir dans cette histoire ! MouhahahaHAHAHAHAHA *kof kof*
Je vois bien ce que tu veux dire concernant le mystère mystérieux ; il faudrait que je relise tout d'un coup, parce que je ne sais plus exactement quels indices j'ai semés quand (oui c'est une honte) et que je voudrais pas spoiler un truc que t'es pas censée savoir. Du coup j'ai peur de trop en dire en essayant de m'expliquer, et en même temps, je comprends bien que c'est une question d'appréciation personnelle. L'ami disparu n'est pas tout, dans le mystère, en fait, et normalement il devrait t'évoquer quelque chose je crois ? Raaah j'ai peur de faire une boulette x'D Enfin j'espère que ce n'est quand même pas trop casse-pied pour toi, et oui, sois rassurée, un jour vous saurez tout ^^
C'est vraiment trop drôle ce que tu dis sur ces petits tubes dorés, je vois EXACTEMENT les tuyaux dont tu parles huhuhu ça me ramène en enfance ♥ Merci tout plein pour ta lecture et ton commentaire, la suite ne devrait plus tarder !
Nethy
Posté le 21/02/2017
Bonbonbon. Vu que tu n'as pas pu me conseiller de lectures saines et distrayantes, comme la piètre admine que tu es, et puisque j'avais adoré GG, je me suis enfiladé tout Moonshine d'un coup.
Quoi en dire ? Je sais pas si je peux m'exprimer clairement, j'ai fini de lire hier et j'ai pas encore fini de baver. J'aime ! J'aime tout. L'humour, l'univers, les personnages, le mystère, l'histoire, les modifications langagières reflétant une évolution vers une écriture simplifiée... Tout quoi. Du coup je vais vite vite aller stalker ton JdB pour te faire cracher la suite.
Peluche, Danouille ! 
Dan Administratrice
Posté le 21/02/2017
Noooooon je sais pas pourquoi je reçois plus les annonces de commentaire et j'avais zappé le tien ! Mille excuses, il s'est faufilé tout discrètement entre deux autres et j'ai bien failli le rater complètement...
Je suis bien navrée pour mes piètres talents de lectrice-conseil mais très flattée cela dit que t'aies finalement jeté ton dévolu sur Moonshine ! Vache, t'as pas fait d'indigestion, quand même ?
Merci beaucoup en tout cas, ça me fait super-plaisir ♥ Ta bave est un honneur pour moi, je suis vraiment heureuse que ça t'ait plu, et j'espère que la suite saura être à la hauteur (oui oui, ceci est une promesse de suite imminente !)
A bientôt, et merci encore !
itchane
Posté le 10/02/2017
Bonjour !
Comme Rimeko, j'ai voulu lire ce chapitre 16 avant le début du PaCNo, car je ne suis pas sûre d'avoir le temps de lire/commenter beaucoup pendant le prochain mois ^^
waow, il s'en est passé des choses depuis le chapitre 13, nous sommes vraiment dans le feu de l'action maintenant, et la lecture se passe vraiment très bien, j'adore toujours autant ! Les personnages sont toujours aussi touchants (de plus en plus même). Plus on en apprend sur eux, plus le mystère s'épaissit, c'est trop cool. <3
Comme Rimeko, je me suis un peu perdue dans la phrase "La crispation de sa voix laissait deviner qu'il ne s'agissait pas uniquement d'une erreur de titrage, cela dit". Je n'ai pas bien saisi le sous-entendu.
Par ailleurs, un mini détail un peu idiot, mais j'ai été surprise qu'une paire de menottes puisse "diffuser une chaleur étrange". Ces menottes sont manifestement électriques d'une manière ou d'une autre (puisqu'elles grésillent), mais une paire de menottes c'est un objet à la connotation tellement dure et froide que l'image m'a perturbée : des menottes chaleureuses... même si c'est justifié connaissant la manière de voir de Guevara, ça m'a fait tout de même bizarre ^^"
Et pour revenir à ton retour sur mon commentaire précédant, concernant le passage explicatif de la langue Planétienne, peux être que j'ai été plus embarquée dans le "trip" car j'ai pu lire les premiers chapitres d'affilée en quelques jours, comme un vrai livre, donc j'étais plongée dans l'histoire. Ce n'était peut-être pas le cas de la lectrice qui t'avait conseillé d'ajouter un paragraphe un peu pédagogique. Si elle suivait les sorties de chapitre un par un sur FPA, peut-être que le manque de continuité l'empêchait d'avoir la vue d'ensemble ? Je pense que la réponse te sera apportée par la BL en cours (par Ery si j'ai bien suivi ?). Car c'est en condition de lecture "roman complet et imprimé" que les ressentis sont les plus forts et les plus proches de ce que de "vrais" futurs lecteurs pourront percevoir. 
Vivement la suite ! Quel cliffhanger encore xD 
Dan Administratrice
Posté le 10/02/2017
Coucou Itchane !
Désolée du coup, j'ai pas trop sorti la tête de l'eau ces derniers temps et j'ai laissé ton commentaire dans le vent v.v
Oui j'ai vraiment essayé de mettre un coup d'accélérateur après la mise en place un peu chaotique et fastidieuse ^^' Je suis vraiment contente si ça fonctionne, et encore plus si tu aimes toujours, merci beaucoup !
Je vais décidément reprendre cette phrase, je sais plus moi-même ce que j'ai voulu dire x'D Ahlala... Tiens, pour les menottes je n'y avais vraiment pas réfléchi mais c'est intéressant ! Je vais me creuser un peu le ciboulot, et je vais sans doute opter pour autre chose, du coup ; merci de l'avoir relevé !
Je comprends tout à fait pour ce passage explicatif, c'est clair que la lecture d'affilée et la lecture chapitre par chapitre ne font pas du tout le même effet, je penserai à demander un retour sur ce point à ceux qui liront tout d'une traite, tu as raison ;) Merci encore pour tout et à bientôt j'espère !
Rimeko
Posté le 05/02/2017
Coucou Danah !Je me suis dépêchée de lire avant que la PaCNo commence sinon j'allais totalement oublier XD Quelques suggestions :"Guevara ramena le regard sur Haccan, tout du moins sur les nœuds palpitants qu'elle discernait là où auraient dû se trouver sa tête et son cœur." Hein ? Pourquoi ce conditionnel ?<br />"Ils rejoignirent Eastwood et Bowie sans encombres (encombre)" <br />"il se moquait autant qu'elle des regards de leur(s) quatre spectateurs""« Investigance pirates ». Pas de précisions (précision).""Il avait un accent saturnien irréprochable, et il devait savoir manier le langage planétien à la perfection ; pourtant, il s'adressait à eux de manière à ce qu'ils s'entendent. La crispation de sa voix laissait deviner qu'il ne s'agissait pas uniquement d'une erreur de titrage, cela dit." Cette histoire de langue m'a perdue XD<br />"on y trouverait les mêmes activités dérangeantes, les mêmes audaces qui méritaient de reconduire des condamnations sans preuves, ni annonce, ni procès – car quels arguments des gouvernements taiseux ou ignorants pourraient-ils avancer ?" ... ça aussi ça m'a perdue. (Je me demande si mes neurones se sont pas mises en grève ce matin en fait XD)  MAIS POURQUOI EST-CE QUE TU NOUS FAIS TOUJOURS DES FINS COMME ÇA !! Ça devrait être interdit, moi j'dis. J'espère en tous cas que Guevara elle va aller bien :( (Même si ce "sacrifice" était super beau !)
Hum, je vois que tu continues à cultiver le mystère XD On a beau avoir eu le point de vue des forces en présence, et même celui d'Aessan, on ne sait toujours pas pourquoi Haccan vient les arrêter ! Et je suis de plus en plus persuadée qu'il est le père de Bowie ; enfin, quoi qu'il en soit, j'attends avec beaucoup d'impatience d'en savoir plus à ce sujet ! La scène entre lui et Guevara était très touchante, par ailleurs <3
Vivement la suite, comme à chaque fois !!
Dan Administratrice
Posté le 05/02/2017
Coucou Rimrim !
Eh ben comme d'hab j'aurais encore mis des plombes à répondre... Pour tout ce que tu relèves, hm, il faudrait que je remette le nez dans le chapitre, je suis pas sûre de me comprendre moi-même xD J'avais changé plusieurs fois la façon dont Haccan s'adressait à eux (lunien puis planétien puis lunien puis je ne sais plus) d'où la confusion, peut-être ; je vais me pencher là-dessus ! Pour le dernier point, c'est que Guevara parle d'un truc dont on ne sait pas grand-chose pour le moment, mais je vais voir si y'a pas moyen de rendre ça un peu plus clair quand même...
Ahah oui honnêtement je me dis qu'il faudrait que je ralentisse un peu sur les cliffhangers de temps en temps. Par contre, heu, on ne sait pas exactement quel est le plan d'Aessa et du conseil avec leur mystérieux équipement, mais on sait quand même qu'Haccan a été envoyé sur les traces des Moutons pour découvrir si le plan avait marché ou non (même si lui-même ne sait pas très précisément ce qu'il cherche). Pour le reste, je serai muette comme une tombe !
Encore désolée pour le délai et merci comme toujours d'être au rendez-vous, ça me fait moult plaisir ♥ A bientôt pour la suite !
Quine
Posté le 06/08/2018
MAIS NON. MAIS NON. MAIS NON C'EST PAS POSSIBLE. JSJZKSJZKZKD S J'AI ENVIE D'ÉCRIRE TOUT CE COMMENTAIRE EN MAJUSCULES. 
 En vérité je ne saurais même pas vraiment quoi écrire à tel point que je trouve tout absolument formidable. C'est beau, c'est drole, c'est croustillang. Et vu que je suis très mauvaise pour analyser les trucs et essayer de comprendre tout ce qui se trame, j'ai juste envie de tout dévorer pour trouver les réponses aux questions qui me turlupinent. Et puis j'ai clairement envie de m'abreuver de toujours plus de néologismes (et de Bowie hiiiii <3)
Bravö digne Tröll pour cette merveille, et sur ce, j'y retourne ! 
Dan Administratrice
Posté le 06/08/2018
COUCOU MON QUIGNON.
Alors pour commencer, "Bluqlsdj", comme il se doit, mais je vais élaborer un peu. Je te remercie beaucoup pour tous ces compliments ♥ Je ne te jette pas la pierre, je suis aussi du genre à me laisser porter par les histoires que je lis sans chercher à les décortiquer, et ma foi si Moonshine arrive à te porter c'est déjà fabuleüx ♥
Vous lisez