III – La course de collision

Par Dan
Notes de l’auteur : Andrew Jackson Jihad – Kokopelli Face Tattoo

La course de collision

Tvashtar, Io, satellite de Jupiter

 

Bowie pensait avoir persuadé Woody de fermer sa boîte à camembert. À force d’insistance, de « siouplé » et de crises de panique, il était parvenu à grappiller un petit sursis : pas de règlement de compte d’entrée de jeu ni de prises de bec en public. Ils allaient faire coucou à Guevara, lui demander cinq minutes pour papoter tranquillou et se conduire en adultes. Bien sûr, Bowie aurait dû se douter que ça pétouillerait, puisqu’on ne pouvait considérer Woody et lui comme des adultes qu’en comptant leurs dents définitives.

Maintenant, tous les attroupés du devant les regardaient et ceux de derrière gigotaient en jetant des regards loucheux pour voir ce qui se passait. Bowie était plus petit, moins vert et moins braillard que Woody, il aurait pu se faire oublier ; mais les drôles d’yeux de Guevara étaient tombés sur lui et ses paupières s’étaient levées comme des rideaux.

— Bo… Bowie ? fit-elle d’une petite voix. Que fais-tu ici ?

— Oh, heu… Salut Shĕnshen ! On… On passait juste te voir, mais… ça attendra. On voudrait pas…

— Si, si, on veut.

La foule commençait à s’impatienter – pas autant que Woody, cela dit.

— Que… Je ne… Il faut que je…, bredouilla Guevara.

Sur scène, Leia s’empressa de faire tourner ses jolis diagrammes pour recentrer la curiosité du public. Quelques secondes plus tard, les auditeurs s’étaient souvenus qu’ils attendaient encore des réponses à une foultitude de questions ; sa pauvre collègue essuyait les plâtres en solo pendant que Guevara continuait à cafouiller. Ses mirettes se posaient partout sauf sur Bowie, désormais.

— On va y aller, dit-il, de plus en plus embêté. On se verra plus tard. Venez, Woody…

— Ah no !

— Kapitan, y a un problème ?

Deux hommes s’étaient avancés. Le plus petit passa dans une tache de lumière et Bowie fit une cabriole en s’emmêlant les pieds : il avait des bras tellement énormes qu’il aurait pu le décapiter d’une chiquenaude. Pas grand-chose ne dépassait de son mètre soixante-dix de musculature carrée, à peine une tête aux cheveux ras et aux oreilles coiffées de clopes, plantée sans cou sur un torse de barrique. Ça n’était pas vraiment son allure qui l’effrayait, pourtant ; ni le fait qu’il était sapé comme Guevara, qu’il l’appelait « capitaine » et qu’il était sans doute aussi pirate que redoutable à l’écrase-tête.

Non, c’était autre chose. Une chose sur laquelle Bowie n’arrivait pas à mettre le doigt et qu’il n’avait pas trop envie de chercher non plus. La chanson de Johnny Cash venait de poper dans son crâne, comme un petit drapeau à ressort.

Le pirate esquissa un autre pas menaçant ; en reculant, Bowie se heurta aux luniens amassés derrière eux. Mais il s’avéra que le malabar ne venait pas leur apprendre la politesse à coups de pogne : la mine préoccupée, il se contenta de tendre une main galante à Guevara pour l’aider à regagner le plancher des droïdes. À ses côtés, son grand coéquipier à la silhouette molle et aux yeux bridés scrutait les perturbateurs sans rien dire, son visage large et plat légèrement incliné.

— Tout va bien, Disney, dit Guevara. Ce sont des… amis.

Le dénommé Disney les lorgna, plissa un peu les yeux en examinant Bowie qui s’inclinait dans un salut maladroit, mais ne protesta pas. Bowie pouvait sentir l’odeur de fleurs pourries qui flottait autour de lui, maintenant ; et bizarrement, ça le calma comme une bonne inhalation de pavot.

— Amis mes grelots, oui ! meugla Woody, qui était visiblement aussi insensible au parfum du lunien qu’à la vue de ses gros bras. Tu vas me dire pourquoi…

— Allons ailleurs, coupa Guevara d’une voix dure qui contredisait un peu leur soi-disant amitié.

— Je suis désolé, Shĕnshen, je voulais pas…

— Laissons Leia terminer ; inutile de gâcher tout son travail avec nos querelles. Marvin, reste là.

Le robot rétropédala et baissa ses membres articulés dans un mouvement de déception. Guevara dépassa le pirate cubique sans considérer aucun de ses invités et contourna les pinces géantes en direction des ateliers. Woody lui emboîta le pas après avoir craché quelques grossièretés, mais Bowie resta immobile, aussi penaud et peiné que Marvin.

Il comprenait qu’ils avaient mis les pieds dans le plat ; ils avaient carrément cacaboudé la réunion de Guevara en débarquant comme ça. Mais c’était la faute de Woody. Bowie ne méritait pas d’être privé des bécots baveux et des palpages de retrouvailles parce que cette vieille crevure ne savait pas se tenir en société.

— On vous suit, dit Disney pour le remuer.

Bowie traîna les savates derrière Woody en cherchant sa tresse pour la retricoter. Ils marchèrent jusqu’aux établis dressés près des grands containers à déchets. Dans le contre-jour, on en voyait dépasser quelques antennes et quelques petons de droïdes déglingués, comme des vieux jouets dans une malle d’enfant devenu grand. Woody y jetait des coups d’œil intéressé – déformation professionnelle, sans doute –, mais Bowie préférait ne pas trop les observer.

Quand ils furent assez éloignés pour ne plus comprendre ni les exclamations des luniens ni les réponses frileuses de Leia, Guevara s’installa sur un tabouret devant une table de soudure. Ses deux acolytes restèrent campés dans son dos comme des vigiles pendant que Woody et Bowie prenaient place sur un escabeau et une caisse retournée. Le silence s’éternisa, seulement troublé par le tintement des écrous que Bowie tripotait pour ne pas avoir à zieuter sa marraine. Finalement, ce fut Woody qui brisa l’attente :

— Bon, on va pas regarder la tige rouiller, si ? Tu sais pourquoi je suis venu te trouver.

— Dear Eastwood…

— Ah non, me donne pas du « dear », je suis pas d’humeur.

— Je suis sûre que nous pouvons…

— Uff da, je la sens venir, ton entourloupe. Le coco a voulu te défendre, aussi, mais ça a pas suffi.

Guevara ne dit rien, elle n’orienta pas son regard mort sur Bowie ; c’était comme s’il n’existait pas. Il lâcha les vis pour gratter ce qui restait de vernis bleu sur ses ongles. Les choses ne se passaient décidément pas du tout comme prévu. Oké, Woody n’avait pas encore essayé de casser les dents de Guevara, mais ça, cette ignorance, c’était pire finalement.

— Tu vois, d’un côté, je le crois, reprit Woody. Pourquoi t’aurais fait ça ? Pourquoi t’aurais fait péter un cargo en dégommant des gens avec qui tu bossais bien ? C’est son argument, au neveu-neuneu, et il se tient.

Woody le pointa du pouce, mais ça ne changea rien ; il aurait aussi bien pu parler d’un paysan marsien. Bowie ne saisissait pas ; il avait eu envie de revoir Guevara, lui, même s’il aurait préféré que ce soit ailleurs, autrement – pas dans un hangar plein de luniens surexcités, pour lui dire que Māma avait besoin d’eux. Mais maintenant qu’il avait retrouvé Shĕnshen, il éprouvait tout sauf de la joie, et il commençait à comprendre qu’il n’obtiendrait sûrement pas son aide. Pas parce que c’était trop compliqué, ou trop dangereux, ou trop fou ; juste parce qu’elle s’en fichait.

— Mais en fait, je m’en fous, continua Woody. Parce que les arguments changent rien au résultat.

— Écoutez, Eastwood, dit Guevara avec fermeté, je suis sincèrement navrée pour ce qui est arrivé à vos hommes.

Woody faillit intervenir, comme pour la corriger, mais il se ravisa et la laissa continuer :

— Je ne vais pas vous exposer ce même raisonnement logique, mais en tant qu’employeur et ami amputé de personnes précieuses par cette explosion, peut-être serez-vous plus enclin à entendre ce qui va suivre.

Woody patienta.

— Vous pensez sans doute que Leia et moi avons choisi ce lieu pour notre sommet parce qu’il permet l’accueil d’un grand public et une relative intimité.

— Je pense rien, je m’en tape.

— Vous auriez raison, en partie, poursuivit Guevara sans se laisser démonter. Nous aurions pu lui préférer un magasin de Callisto, puisque Leia et moi sommes natives de Valhalla ; ç’aurait été plus pratique et moins aventureux. Si nous avons pris le risque de voyager dans une zone infestée d’escadrons de policiers pour nous établir là en dépit du bon sens, c’est seulement parce que j’ai insisté.

— Abrège.

— Le quatrième membre de notre équipage travaillait ici avant de nous rejoindre. Teresa, vous vous souvenez ?

Bowie releva le nez pour voir les deux pirates baisser le leur sur leurs bottes crottées. Il y eut un petit bruit du côté des containers et Bowie ne put s’empêcher d’imaginer que les droïdes tendaient leurs récepteurs cassés pour ne pas rater la suite.

— La… La jeunette avec le cache-œil et les mains peinturlurées, toujours en train de rire comme une sirène de pompier ? fit Woody, trop absorbé pour avoir remarqué quoi que ce soit.

— Elle a été gravement blessée et nous… J’ai… Nous ignorons ce qu’il est advenu d’elle. Nulle trace d’elle dans les registres de luniens soignés sur Jupiter, nulle non plus dans les listes de décédés. Si je suis venue là, c’était en espérant qu’elle nous rejoigne. Et si elle est perdue, en espérant qu’elle me pardonne.

Bowie regarda Guevara ; il la regarda vraiment. Ils ne s’étaient pas vus depuis un bout de temps, mais il lui semblait qu’elle avait vieilli très vite. Elle paraissait épuisée et triste aussi. En fait, Bowie ne la reconnaissait pas.

Il se souvenait d’elle à la grande table tirée derrière la maison d’Elsinore, quand il faisait assez chaud pour rester dehors avec quelques braseros. Elle pouvait secouer bébé Austen à dada pendant des heures sans se lasser, picorant les restes du dessert d’un repas et les débuts de l’apéro du suivant. Elle lui faisait les pires croche-pattes quand Bowie courait partout pour échapper à Bàba et c’était elle qui riait le plus fort quand Māma s’amusait à lui coiffer les nattes en bretzel. Elle réussissait toujours à persuader Nick de jouer avec Bowie. Elle s’endormait avec Kahlo dans les bras.

Bowie n’avait pas gobé l’histoire des pilleurs, sur Ganymède, quand ils avaient parlé des holotracts décorés de moutons électriques, des libertaires et de la révolution. Il ne pouvait pas y croire, parce que si sa tata discutait parfois de choses graves autour de cette même table, éclairée par les feux mourants, un verre à la main, près de Bàba, Māma, Cézanne et Elion qui pensaient tous que les enfants dormaient à poings fermés, elle n’avait jamais été une vraie rebelle.

Bowie devait se rendre à l’évidence, désormais : la Guevara qu’il voyait là, ça n’était plus sa tata. La Guevara qu’il voyait là, c’était la capitaine d’un équipage de pirates qui allaient peut-être bouleverser l’Union et qui avaient déjà perdu un soldat dans la bataille.

— Je ne sais pas si je suis responsable, j’aimerais penser que nay, mais peut-être que je le suis, continua-t-elle à voix basse. Peut-être que les terroristes le sont. Dans tous les cas, je suis désolée pour vos amis. Je suis désolée pour tout. Quant à vos coupons, je vous les rends immédiatement.

Elle manipula son bracelet pour lui rendre la récompense du cargo et Woody en eut la chique coupée. Bowie aurait dû être soulagé : ça allait s’arranger sans effusion de sang. Pourtant, il n’avait jamais été aussi énervé :

— C’est pas juste.

Les yeux vides de Guevara se tournèrent finalement vers Bowie, à contrecœur. Derrière elle, les pirates échangèrent un regard nerveux.

— Qu’est-ce que t’as, coco ?

— C’est pas juste, répéta sourdement Bowie. D’accord, c’est affreux pour Teresa. Mais c’est pas juste. Elle, tu lui fais toute une conférence. Tu vas retourner tout le système et tu fais ça en son hommage. Alors que tu la connais depuis quoi ? Un an ? Et Māma, hein ? Māma, dans sa prison, elle mérite pas que tu fasses la révolution, elle ?

Sans s’en rendre compte, Bowie s’était levé.

— Baisse d’un ton, lui dit le pirate sans nom.

— Bù ! Je m’en fiche ! Qu’on nous entende !

— Tu vas nous…

— Hadid, ne vous en mêlez pas, dit Guevara. Bo…

— Je venais là pour que tu m’aides ! Pour que tu m’aides à comprendre ce qui se trame sur Charon ! Mais t’as même pas remarqué qu’il se passait un truc bizarre, hein ? T’as même pas essayé de nous appeler depuis que Māma s’est fait arrêter ! T’aurais su qu’on a pas la moindre foutue idée de comment elle va, parce que personne nous laisse lui parler ! Mais tu t’en fiches ! T’es trop occupée à traficoter tes plans mégalomanes pour penser à elle ou à nous !

— Bowie…

Il se prit la tête dans les mains en s’écartant de l’établi. Il les avait vus, tous : Disney avait serré les poings, faisant saillir de grosses veines sur ses biceps et Hadid avait arrêté de flageoler comme une algue. Les oreilles de Woody fumaient presque et les sourcils bleus de Guevara s’étaient froncés à l’extrême au-dessus de ses peintures.

— Il faut que tu te calmes, Bo, dit-elle. Avant de causer des dégâts.

Et là, avec ces petits mots, la colère se changea en fureur. Des dégâts ? Qu’est-ce qu’il pourrait bien faire ? Pire que ça ? Même s’ils s’étripaient, même s’ils s’entre-tuaient, où serait le problème ? Y aurait toujours personne pour se soucier de Māma. Personne pour prendre Bowie au sérieux. Personne pour l’écouter. Toute cette mission, tous ces efforts, ça ne servait à rien.

Bowie bouillonnait. Ses émotions irradiaient de lui comme des vagues de chaleur. Il pariait sur Woody pour craquer le premier. Il attraperait une tenaille ou un fer à souder et sûrement qu’il commencerait par en mettre un bon revers dans le pif de Guevara. Hadid se joindrait peut-être à la mêlée une fois que Disney aurait écrabouillé le vioque et, en deux minutes, l’affaire serait pliée.

Sauf qu’au moment où la rage allait déborder pour de bon, le bruit de ferraille se répéta, plus proche, plus clinquant, et un homme en combi à carreaux apparut en brandissant un pistolaser.

La colère zappa du cœur de Bowie encore plus vite qu’elle était apparue, mais rien ne la remplaça. Pas de frayeur, pas de surprise, juste un grand vide dans lequel il avait l’impression de basculer. Oui, c’était ça : il tombait à l’intérieur de lui-même. Il observait le gonze sans ciller, sans paniquer non plus, comme s’ils avaient été interrompus par le concierge. Au détail près qu’il tenait une arme à la place d’un balai.

— Sainte…

Hadid et Disney levèrent les mains en parade, incapables de déterminer si ce type aux cheveux mauves était fou, perdu ou dangereux. Bowie penchait pour la troisième option. À la façon dont il avançait, souple, silencieux et implacable, quelque chose lui disait qu’il pourrait leur avoir troué la tête à tous les cinq avant que Woody ait eu le temps de dire « merde ».

L’inconnu fit un geste en direction de Guevara. C’était elle qu’il visait depuis le départ, évidemment – c’était elle la grande pirate et l’amie indigne, ici. De toute façon, que ce gars vienne l’arrêter ou venger d’autres victimes de ses croisades, ça ne les concernait pas, eux. Peut-être même que Bowie le laisserait faire.

L’homme ralentit à la lisière des ombres que les grandes visseuses jetaient sur les dalles. Il était grand, lui aussi. Grand et menaçant. Bowie aurait dû éprouver quelque chose, depuis le temps, mais c’était comme si on l’avait court-circuité.

— Eh, fella, agite ton zinzin ailleurs, lança Woody, tu voudrais pas blesser quelqu’un.

L’inconnu restait tourné vers Guevara. Avec ses lunettes noires, il était impossible de dire s’il avait accordé le moindre coup d’œil au receleur en salopette.

— Explique ce que tu veux, au moins, insista Woody en ignorant l’air alarmé de Disney.

L’homme ne dit pas un mot, mais il fit un pas supplémentaire. Quand il ne fut plus qu’à deux mètres de Guevara, il lâcha son arme d’une main et se pencha vers la pirate en allongeant le bras dans un geste hésitant, comme s’il voulait l’attraper sans oser la toucher.

— Ah, aye. Je reconnais ton empreinte, maintenant, dit Guevara. Je n’osais pas y croire.

Bowie battit des cils. Il tanguait encore un peu, mais enfin, la peur avait commencé à le remplir et c’était presque rassurant.

— Depuis combien de temps nous écoutes-tu ?

— Kapitan… qu’est-ce qui se passe ?

— C’est qui, ce zarbi ? Il est muet, ou quoi ?

— Il aurait pu l’être, dit Guevara. Mais non, il parle. J’imagine qu’il espérait simplement ne pas se faire démasquer en s’adressant à moi, pour ne pas que je reconnaisse sa voix. Et si personne ne s’inquiète de voir un uniforme sur lui, j’imagine qu’il s’est habillé comme nous.

— Uniforme ? répéta Woody. Comme dans…

— C’est l’embêtant, tu vois, reprit-elle pour l’intrus, je suis l’une des rares personnes avec qui les déguisements ne fonctionnent pas.

Le type se raidit.

— Enlève donc cet accoutrement, fit Guevara. Si tu viens me tuer, je veux que ce soit en tant qu’ancien ami, pas en tant qu’officier de la PI.

— Oh putain !

Woody bondit comme une puce, chopa Bowie par le poncho, tira, jura et le supplia de se remuer l’oignon, mais Bowie ne bougea pas d’un iota. Le flic ne s’intéressait toujours pas à eux et maintenant, Bowie était plus curieux qu’affolé – un comble pour lui qui avait tant redouté que la PI les pince. D’où Guevara le connaissait-elle, celui-là ? Est-ce qu’il lui courait après depuis longtemps ? Est-ce que c’était pour lui mettre enfin la main dessus qu’il s’était fagoté en lunien et mêlé à la populace ?

Après un instant d’hésitation, l’inconnu plongea sa main libre dans sa combi et en sortit deux petits bracelets. Bowie eut à peine le temps de se demander si c’était une coutume locale, une méthode d’intimidation ou une demande en mariage. Enfin, le type parlait :

— Guillo Liddi-Vallen Tegmine, vous êtes en état d’arrestation pour vol, recel de matériel unionaire et suspicion de terrorisme.

Elle se leva quand il actionna le mécanisme des menottes qui se mirent à luire entre ses doigts. Les yeux voilés de Guevara ne lâchaient pas ceux du policier, invisibles, comme s’il fallait être aveugle pour les lire. Guillo. Guillo. Oui, Bowie se souvenait des leçons, à l’école et à la maison : les planétiens n’aimaient pas les noms terriens et leurs petits sobriquets, les Voltaire, les Spock, les Gandhi, ils n’avaient aucune réalité dans la grande administration de l’Union. Bowie n’avait jamais connu le vrai prénom de Guevara ; il n’était pas sûr de se souvenir de celui d’Austen. Pour celui de Māma, c’était plus facile : avec celui de Bàba, il composait le nom de famille de leurs enfants.

— Pourquoi fais-tu ça ? lui demanda Guevara.

Hadid et Disney semblaient regretter de ne pas avoir de crosse sur laquelle jouer des phalanges. Les pirates n’avaient jamais eu besoin d’armes, aucun moonshiner n’en avait jamais eu besoin. Même les policiers les portaient plus pour la frime que pour l’effet.

— Parce que c’est mon métier, répondit-il.

Sa voix était rauque, cassée, comme un éboulis de rochers.

— Je crois qu’on s’est manqués de peu, à Inverness, l’année passée, continua-t-il. Je viens réparer ça.

Inverness… Alors c’était lui ? C’était lui qui avait pris Māma ?

— Et tu oses te montrer là ? répliqua Guevara entre ses grandes dents. Sans la moindre explication ? Devant son fils, qui plus est ?

Elle montra Bowie du menton et Woody arrêta de lui ronfler des « Barrons-nous, coco » au creux de l’oreille. Hadid fronça les sourcils. Disney le dévisagea comme s’il comprenait tout, subitement. La peur le grignotait et Bowie, lui, ne pigeait pas un broc à ce qui se passait. Est-ce que c’était à cause de Shelley ? Est-ce que c’était parce qu’il l’avait coffrée que cet officier aurait dû éviter de se pavaner devant son fiston ? Et Guevara, alors ? Elle avait abandonné Māma, elle aurait dû avoir honte, elle aussi ; plus qu’un policier qui avait seulement exécuté les ordres.

— Mais tu n’oses pas, non. Tu te caches encore. Tu aurais préféré partir d’ici, n’est-ce pas ? Ne pas avoir à faire ton devoir en venant m’aappréhender ? Ce n’est pas de nous voir qui t’en coûte ; c’est de nous laisser te regarder.

— Ne me force pas à te faire du mal.

— Pourrais-tu ? Pourrais-tu m’en faire encore davantage ? N’y a-t-il donc aucune limite ?

Bowie se libéra enfin des doigts cagneux de Woody. Il voulut faire un pas, dans un sens ou dans l’autre, pour les écarter ou pour s’enfuir, pour ramener la colère ou laisser la terreur commander. Mais un grondement le coupa dans son élan.

Guevara braqua les yeux vers le haut – des yeux écarquillés par l’avenir. Quelques secondes plus tard, le sifflement strident des moteurs déchira le ciel. On entendit la foule des luniens s’épouvanter, puis l’alarme résonna :

— Ceci est une intervenance officielle de la Police Interastrale. Que personne ne bouge.

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Rimeko
Posté le 22/12/2016
Coucou Danah !
Un nouveau chapitre, c'est toujours une bonne nouvelle <3
 
Une petite coquillette à la fin (enfin je crois) :
"Que personne ne boug(e)."
 
Cette description de Dabos et de Disney était quand même pas mal, entre l'asperge molle et le grand baraqué, c'est vrai qu'avant je les visualisais pas beaucoup XD
Par contre ce chapitre, non, Danah, mais non... Mais qu'est-ce que c'est que cette fin ! Autant le début me faisait pas mal ricaner, parce que ce vocabulaire est quand même magique (tu dois bien t'amuser par moments XD), et que Woody était pas mal non plus ; autant la fin... J'ai comme l'impression que Guevara s'en sortira pas trop mal, mais quand même. Puis Haccan, j'aurais espéré qu'il ne les trahisse pas :( (Mais bêtement, je l'aime quand même *sifflote*)
Voilà, maintenant, tu ne peux pas nous laisser sur cette fin... T'as intérêt à poster vite la suite !! (Je vais faire du harcèlement à la Léthé XD) 
Dan Administratrice
Posté le 22/12/2016
Coucou Rim =)
Ah oui, bien vu pour la faute ; j'ai hésité entre le point et le point d'exclamation du coup j'ai effacé un "e" par mégarde ><"
Eh oui, faut dire qu'avant on les voyait que du point de vue de Guevara, et comme elle est aveugle, difficile de donner une vraie description (mais Disney n'est pas bien grand, en réalité ; il a une forme de carré).
Mais si, mais si :P Oui c'est vrai que le vocabulaire c'est fun même si plus ça va moins j'ai d'idées (et des fois j'oublie carrément de lui donner des mots bizarres ou des expressions modifiées v.v). Quant à la fin, ma foi, qui lira saura ! Haccan est très flatté de savoir qu'on peut continuer à l'apprécier malgré ses crasses ; ça va pas le convaincre d'arrêter d'être vilain, ça...
Harcelez, harcelez xD La suite bientôt ! Merci pour ta lecture et ton commentaire ♥
Léthé
Posté le 20/12/2016
NOOOOOONNNNNNNNNNNNNNN<br />:'''(((((
Bon je m'inquiète pas pour Guevara parce que c'est la meilleure, et qu'il y aura bien un membre de son équipe (ou même de l'ancienne, parce qu'il me semble qu'Hepburn est toujours dans les parages) pour venir lui prêter main forte (et si jamais elle revoit mon hibou préféré ? Gniiiii bon je sais pas si Wilde serait super contente, mais je crois qu'elle sait que Guevara avait pas le choix à Inverness, bref).
Je suis sûre que Haccan a fait un truc, et maintenant je suis certaine que ça a un lien avec Bowie. Je pense toujours que c'est son père, malgré le fait que tu m'aies sorti un Bà-Bà du chapeau (que j'ai traduit par papa (ou alors grand-mère mais quand même, on en a jamais entendu parler de la vioque, ça me semble bizarre)).
EN TOUT CAS IL LES A TOUS TRAHI. Vilain Haccan (mais jtm quand même)(on va s'épouser ensemble quand tu seras moins vieux)(j'espère que tu ne meurs pas à la fin).
Et Dabos m'a définitivement émoustillée (désolée Cricri si tu lis ça, CET n'a pas de souci à se faire) <3
LA SUIIIITEEEEEEEEEE<br />Là t'es obligée de la mettre, il y a trop de suspens :'( 
Dan Administratrice
Posté le 20/12/2016
Guevara l'invincible xD Elle pourrait te surprendre... (mais c'est bien de te souvenir d'Hepburn, elle est effectivement toujours dans la nature... quelque part... (j'aime faire du suspens pour rien)). Et pour le hibou, je ne dirai rien (si ce n'est que le WIP que tu m'as envoyé par MP veut plus s'afficher et j'avais pas pensé à l'enregistrer tu me le renverrais dis dis dis dis dis steupléééé ?)
Bowie avait jamais utilisé "Bà-bà" jusque-là ? (c'est bien "papa) C'est ça qui t'étonne ? Ou c'est le fait qu'il appelle pas Haccan comme ça et qu'il le reconnait pas en tant que papa ? En tout cas oui, Haccan a fait des trucs. Il adore faire des trucs qui font bobo aux autres, tu remarqueras :P Et ça va je vois que tu lui as vite pardonné ses méthodes avec ta fiancée xD Indigne ! Quand tu seras moins vieux xD Ca va, ça t'engage pas à grand-chose, du coup :P
C'est le côté asperge molle qui t'émoustille ? (désolée pour ça aussi Cricri, j'ai peu de BG et Dabos n'a pas été un des heureux élus)
Obligée, obligée, me mets pas au défi ! Merci d'être passée, en tout cas ♥ Je suis contente si ça continue à te plaire et j'espère que la suite ne te décevra pas ♥
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