« Impuissants remplisseurs, voici venues nos fins ! »
Dit un jour le bédoin quand nous crevions de peur,
De soif et de douleur ! N'ayant plus pour chemin
Qu'un erg de sables fins. N'ayant plus pour nos pleurs
Assez d'eau dans le corps. On ne se parlait pas,
Hormis lui qui osa pour annoncer nos morts.
Le vide de l'amphore pour Dieu arbitra
Et il nous condamna : tel était notre sort.
Cent jours que nous marchions - peut-être mille en fait ?
Le soleil sur la tête et l'esprit vagabond.
L'infinie sudation acheva les athlètes,
Car leur absurde quête et leur respiration
Ne furent qu'un soupir, quand le bédouin nous dit :
« Heureux qui aujourd'hui ne peut connaître pire ! »
Sa voix nous accablait mais elle était si douce
Que sans autre secousse, au zénith acculé,
Nous avons tout lâché, nos espoirs et nos frousses.
Bientôt notre peau rousse eût enfin respiré !
Tant nous avons courru, périr là est l'aubaine
Qu'on baise, âme sereine, et le bédouin mourut.