L’écran du téléphone affichait 03 : 27. Elle se retourna pour la énième fois dans son lit. Impossible de dormir. Elle rejeta rageusement les draps et se leva. La température de la pièce contrastait brusquement avec la tiédeur de sa couche. Elle frissonna, s’approcha de la baie vitrée. Elle embrassa du regard le calme de la nuit, faiblement éclairé par un réverbère en contrebas. Elle soupira longuement. Son regard s’arrêta sur la tablette d’aluminium posée sur sa table de travail. Elle secoua la tête, comme pour chasser cette idée, et fit machinalement défiler ses contacts sur l’écran tactile. Pas une âme n’est éveillée à cette heure. Evidemment. Elle envoya l’appareil voler à travers la pièce avec humeur. Le bruit de la chute fut étouffé par l’épaisseur moelleuse de la couverture. Elle prit soudain conscience du silence qui l’enveloppait. L’agitation de ses pensées jurait avec l’atmosphère paisible de la pièce. Elle demeura un instant immobile, le front appuyé contre la vitre glacée. Une forme sombre fendait gracieusement le halo de lumière à intervalles irréguliers. Le ciel nocturne était lourd et encombré de nuages. Le silence commençait à l’oppresser. Elle se dit qu’un orage aurait été préférable à cette atmosphère de plomb, et se prit à rêver de violence. Elle aurait voulu que les éléments se déchaînent au-dehors, que le vent hurle, que la pluie martèle, à l’unisson avec son bouillonnement intérieur. L’espace d’une fraction de seconde, elle se vit faire table rase de son bureau dans une impulsion délicieuse et libératrice. Mais rien. Le calme plat. Contenance et retenue de rigueur. Elle tenta d’effacer l’impression fugace et nerveuse en massant sa nuque, puis se laissa tomber en arrière de tout son poids sur le matelas, les jambes dans le vide, les bras écartés. Elle ferma les yeux. Sa conscience fut immédiatement happée par la masse grouillante et informe de son subconscient. De temps en temps, des souvenirs décousus faisaient surface et s’imposaient à elle. Le temps suspendit son cours. Elle se laissait couler sans plus se débattre dans un demi-sommeil sans repos. Des larmes perlaient librement de ses yeux clos. Elle attendait le levé du matin suivant.
En tout cas, c'est un très beau texte qui m'a beaucoup parlé, on sent que c'est personnel et c'est ce qui rend cette atmosphère encore plus émouvante. Les sentiments, les émotions, toutes les pensées sont très bien retranscrites dans leur poésie nostalgique des insomnies. J'ai passé un très bon moment à me plonger là-dedans en tout cas!