Interlude 1.
Île de Gavr’in — Halloween
Le vent soufflait en rafales inquiétantes et hurlantes, couvrant le martèlement régulier de la pluie contre les vitres noircies du château. C’était un début de soirée d’automne, morne et humide, comme il en existait toujours dans ces contrées battues par l’océan. La nuit tombait déjà, alors que l’heure du souper n’avait pas encore sonné. La bâtisse colossale, entourée d’un parc gigantesque, semblait désertée par ses propriétaires. Aucun mouvement ne permettait de prétendre que le lieu était habité.
Soudain, l’ombre d’un intrus s’allongea au cœur du grand hall, silencieuse et longiligne. L’oreille aux aguets, il avait les manières douteuses d’un voleur. Il furetait, çà et là, à la recherche de quelque chose de bien précis. Finalement, le bourdonnement ténu et entêtant d’une chansonnette d’enfant le guida à travers la semi-obscurité. Sans heurt, il repoussa un lourd battant en bois massif qui laissait échapper un rai de lumière. Une cascade de boucles rousses l’accueillit, en même temps que la comptine fredonnée.
La fillette tournait le dos à la porte, concentrée sur la poupée qu’elle manipulait, la contraignant à danser et virevolter. Le visiteur gela sa progression, incertain. Était-ce vraiment cette si petite chose qui faisait trembler les Clans dominants ? Elle avait été abandonnée sur l’île déchue, comme un sacrifice volontaire à la guerre, une offrande aux ennemis.
L’homme avança d’un pas dans la pièce et le parquet grinça sous ses pieds, affolant l’enfant dont le visage pivota vers le bruit. L’or en fusion de son regard percuta de plein fouet l’iris pâle et fixe de celui qui était venu l’exécuter. Il possédait peu de scrupules et c’était cette réputation qui l’amenait aujourd’hui à assassiner, selon les directives — officieuses — des membres très respectables du nouveau gouvernement.
— Tu es seule, plomba sa voix de rocaille.
La petite confirma d’un signe de tête effrayé. Un instant, l’assassin se demanda si elle avait l’âge pour parler. Il se secoua et lui tendit la main. Inutile de l’effaroucher davantage. S’il manquait de cœur, il avait néanmoins la décence de tuer sans douleur.
— Viens.
L’enfant ne se rebella guère, consciente que crier ne lui servirait à rien. Personne ne la sauverait. Les derniers fidèles à la cause de son Clan s’étaient volatilisés, tels des rats abandonnant un navire en perdition, juste après la victoire du Cercle lumineux.
Le « mercenaire » enveloppa la fillette dans une couverture qui garnissait le lit à baldaquin et quitta souplement le château avant que d’autres que lui ne la réclament. Il était désormais impossible de revenir en arrière. La mort venait de s’emparer de l’unique représentante du Clan des Sloane.
Bien que tu ne sois apparemment plus dans les parages, j’ai eu envie de venir voir ton histoire.
Ce prologue ne révèle pas grand-chose, mais il accroche le lecteur en éveillant sa curiosité. Malgré la détermination apparente du mercenaire, un espoir subsiste qu’il ne tue pas la petite fille.
Ton écriture est fluide, travaillée sans perdre son naturel ; tu as une belle plume.
Coquilles et remarques :
au coeur du grand hall / S’il manquait de coeur [cœur ; à mettre dans les corrections automatiques de ton traitement de texte]
Il furetait, ça et là [çà et là ; çà est un adverbe de lieu, qu’on n’emploie guère que dans cette expression]
Etait-ce vraiment cette si petite chose qui faisait [Était-ce ; l’Académie française et Grevisse recommandent de mettre les accents, le tréma et la cédille aux majuscules, parce qu’ils ont pleine valeur orthographique]
Le « mercenaire » enveloppa la fillette dans une couverture et disparut avec son fardeau, avant que d’autres que lui ne viennent réclamer la fillette. [La répétition du mot « fillette » ne me paraît pas très heureuse ; je propose : « la réclamer »]
Après tout ce temps, j’ai dû relire ton histoire depuis le début pour pouvoir continuer à la commenter, parce que j’ai oublié trop de choses. Je ne sais pas si je suis plus exigeante qu’à l’époque, si j’ai oublié de noter certaines choses ou si tu as fait de changements entre-temps, mais je vais ajouter quelques remarques dans les chapitres déjà commentés.
— Tu es seule, plomba sa voix de rocaille. [Le verbe « plomber » ne me semble pas adéquat pour une incise. Ce n’est pas un verbe de parole ni un verbe auquel se superpose l’idée de parole. Je propose « asséna » ou « proféra ».]
Que voilà un prologue bien intriguant. J'aime beaucoup l'ambiance qu'il dégage, même si au final on en apprend très peu. Par contre, je me demandais si ce vilain mercenaire avait vraiment assassiné la petite fille. D'un côté, comme tu le précises ses intentions sont claires, mais de l'autre, la façon dont il "enveloppe la fillette pour disparaitre avec" laisse supposer le contraire. Bon, il est plus que probable que la suite réponde à cette question de manière claire, mais voilà, ta façon de le dire laisse à mon sens planer un doute (qui d'ailleurs est peut-être volontaire de ta part). Quoi qu'il en soit, pour un premier contact avec ta plume, c'est une belle découverte. J'aime bien ton style, travaillé mais sans tomber dans la lourdeur. Bref une jolie entrée en matière, espérons que la suite soit dans le même genre.
A peluche
Shaoˆˆ
J'ose espérer que tu as une suite sous le coude (ah, ah, c'est si bon de te harceler, ça m'avait manqué !):'D
Ce petit commentaire et pour ça. Pour te remercier. Te dire:
MERCI