IUL

Iul remontait le col de son anorak, pris par un horrible frisson dans le dos. Il soufflait de lassitude aujourd'hui. Il n'aimait pas la pluie et l'aura humide qu'elle déployait dans l'atmosphère. Comme toujours à cette époque de l'année, elle était une compagne présente à chaque instant. C'était une ambiance déprimante et étouffante. C'était certainement la raison pourquoi il ne l'aimait pas. Elle était trop collante, trop ponctuelle et lui ruissellerait bientôt carrément sur la peau. Elle lui collait aux basques, commençant à humidifier ses rebords de chaussettes. Il avait beau se couvrir les arrières pour lui couper toute entrée, elle finissait toujours par s'engouffrer.


 

Pourtant, il ne voulait que le calme, à peine le bruissement des feuilles dans le vent. Aucunement le tambourinement de la pluie faisant une fine pellicule sur les troncs. Souvent, il partait flâner dans ce bois voisin qui jouxtait son lotissement et qu'il connaissait si bien. Il marchait lentement entre les feuilles jaunes et rouges, s'extasiant sur ces couleurs mordorées et respirant l'air oxygéné. Parfois, il tendait l'oreille pour écouter le joli chant des oiseaux dans la futaie ou le croassement des grenouilles de la mare. D'autres fois, il se perdait dans ses rêveries et ses pensées, à contempler les milles nuances de gris du ciel noyé.


 

« Va donc ! Arrête de faire pâle figure ! On pourrait te confondre avec le ciel, mon gars. »

 

Sur la grosse branche du chêne en face de lui, se tenait toujours son oiseau de mauvais augure. Son regard enflammée d'une taquinerie rageuse lui faisait perdre toute contenance. Il lui rappelait le poids de ses souvenirs et le coût de ses certitudes. Ces deux-là étaient telles des entraves qui le menaient il ne savait où. Dans un chemin de lumière ou dans une impasse pleine de boue. Quand il arpentait ces sentiers à peine dessinés, il se souvenait de cette maxime ressentie dans sa chair et que ce volatile s'évertuait à ré-imprimer.


 

« Aucun cœur ne peut oublier. »


 

Oui. Il ne pourrait pas se défaire de ses réminiscences mais il pouvait les enfouir bien profondément dans sa mémoire. Il se jurait à cet instant de ne pas se laisser aller à la facilité de la mélancolie et du renoncement. Il ne changerait si abruptement comme le temps.


 

Soudain, une grosse goutte de pluie plus volumineuse que les autres trouva le chemin de son cou et dévala le long de son corps. Le choc glacé lui donna la chair de poule et lui remit de l'ordre dans ses idées. Ce fut une avalanche de gouttes de la taille de poings qui l'incita à partir, après une énième gifle du vent mouillé. Il se dit qu'il faisait trop froid dans son cœur pour y habiter au dedans. Il décida donc de rentrer là où il était un peu mieux lui-même, à la maison.


 


 

Le sifflement d'une théière coupa le couinement d'une porte qu'on avait passé depuis longtemps. Emmitouflé dans un plaid moelleux aux reflets automnaux, Iul fit couler un peu de l'infusion dans sa tasse de porcelaine. De suite, le liquide versé le rasséréna. Il fut comme le brasillement d'une mer calme après avoir été déchaînée. Il sirotait cette quiétude gorgée après gorgée. Le mélange d'herbes au parfum ambré délivrait toute la puissance de ses bienfaits dans son corps.


 

Il se coucha de tout son long sur le parquet en bois brut et écouta les bruits de sa maison. Le tic-tac de l'horloge comtoise, le craquèlement du chalet qui se dilatait et le bruit de sa respiration qui l'accompagnait. Cette dernière se faisait de plus en plus lente au vu que le sommeil le gagnait. Bientôt, tout fut noir. Il ne perçut plus rien. À peine une sensation de chute dans les bras de Morphée et un goût âcre dans la bouche amené par une phrase.


 

« Aucun cœur ne peut oublier. »

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JeannieC.
Posté le 09/12/2024
Brrrrr, on ressent très bien tout au long du chapitre cette se sensation hyper désagréable de l'humidité. La goutte qui s'engouffre et rampe tout le long du cou puis du dos x) Les vêtements et les pieds trempés x)
On n'apprécie que d'autant plus la bonne tasse de thé à la fin du passage ! C'est tout cosy ce dernier passage <3 Cosy, mais non sans mélancolie portée par la réflexion autour de ce qu'un coeur ne saurait oublier.
Edouard PArle
Posté le 08/12/2024
Coucou Mimi !
Le pdv de Iul diffère beaucoup des deux précédents, même au niveau thématique. Je suis curieux de voir le lien qu'il y a entre eux. J'ai eu aussi un peu plus de mal à saisir la personnalité de Iul par rapport à celles des autres personnages.
J'ai bien aimé le jeu autour de la phrase de chute, cette idée de l'oubli impossible. Ce chapitre réussit bien à retranscrire l'ambiance pluvieuse dans laquelle évolue Iul, on arrive à s'imaginer les scènes grâce à des détails comme la tasse de thé etc...
Ptite remarque :
"pourquoi il ne l'aimait pas." -> la détestait ?
Un plaisir,
A bientôt !!
Rimeko
Posté le 07/12/2024
Hello Mimi !
Le titre m’a intrigué’e, et comme ton histoire est nominée pour les HOs, je me suis dit que c’était le parfait moment pour venir la découvrir !

Quelques remarques au fil de ma lecture :
Chapitre 1
« Elle se sentait coulée (couler) »
« loin du chemin des douaniers » Euh... comment on peut être loin du chemin des douaniers en étant sur la côte ?
« Noyée dans le bruit, les sensations remuantes et le froid, l’avalée bleutée faisait disparaître son corps. » Rupture syntaxique : « noyée » se rapport à Rabi, et la proposition principale à la mer... à moins que l’anacoluthe soit voulue ?
« elle avait compris qu'il y avait une sorte entre elle et lui » Une sorte de quoi ?

Chapitre 2
« Elle ne supportait pas la chaleur car il paraissait qu’elle était né sous un ciel d'hiver » Comment ça, il paraissait ??
« de ne jamais se reposer sur les (ses) lauriers »
« elle (ne) s’en occupait guère de cet attrait »
« Elle, leur souriait, ça lui importe (importait) peu »
« elle entendait la sonnette de la boutique [...] reconnaissait ainsi l'intrus » Tout ce passage devrait être au passé simple, je pense, et non à l’imparfait... (et tout le passage avec Damien, en fait)

Chapitre 3
« d'une porte qu'on avait passé(e) depuis longtemps »
« Cette dernière se faisait de plus en plus lente au vu que (alors que ?) le sommeil le gagnait »

Tu as une plume très poétique, c’est indéniable – et la lecture est agréable, les tournures sont jolies... J’apprécie tout particulièrement la place que tu laisses aux sensations dans ton écriture, ça aide à ancrer le lecteur aux perceptions de tes personnages !
Par contre, et c’est peut-être dû en partie à ce que tu changes de narrateur à chaque chapitre (alors qu’ils sont plutôt courts), sans pour le moment qu’on ne comprenne en quoi ces trois morceaux de vie se répondent... mais j’ai une impression globale de confusion. Je ne comprends pas trop qui sont tes personnages, où ils sont, pourquoi, ce qu’ils veulent ou ce qu’ils font. La narration saute d’un moment à l’autre dans leurs histoires de vie, survole et suggère des évènements... C’est peut-être moi qui ai besoin d’un cadre assez clair pour « entrer » dans une nouvelle histoire, mais ici je garde un goût un peu vague en bouche. J’ai du coup plus l’impression de lire de la poésie en prose, parce que c’est beau, donc, plutôt qu’un début de roman...
Il faudra que je revienne voir si ça s’éclaircit un peu pour moi dans les chapitres suivants, tiens ^^
Lealaparisienne
Posté le 04/08/2024
Toujours ces descriptions qui appellent des sensations très variées. Tu arrives vraiment à créer des atmosphères, à les rendre palpables, à permettre de s'imaginer dedans via les impressions quasiment physiques auxquelles tu fais appel. J'aime.
Mimi Sourie
Posté le 05/08/2024
Merci pour tes bons mots. Les descriptions sont mon fort, après on verra pour l'action. :)
Leyslav
Posté le 27/07/2024
Je trouve que tu as une belle plume, ça donne envie.
Je suis d’accord avec Iul concernant la pluie. Je n’aime pas la pluie qui te mouille les chausettes par contre, je l’aime uniquement lorsque je suis au chaud chez moi xD
En tout cas continues comme ça !
Mimi Sourie
Posté le 30/07/2024
Ah oui ! Que c'est gonflant quand on est tout mouillé. Tu as bien raison. :)
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