I . IV
Venise – 1432
La nuit se faisait compacte. Juché sur la marche supérieure d'un escalier, un fossoyeur attendait.
Il attendait dans le silence, insensible aux belles façades de marbre qui déployaient leur faste autour de lui. Deux personnes drapées de vêtements qui brillaient sous le ciel étoilé surgirent d'une rue parallèle dans un bouquet d'éclats de rire et passèrent tout près de lui, grimpant quatre à quatre l'escalier jusqu'à rejoindre le pont de pierre qui dessinait un arc au-dessus d'un canal à l'odeur doucereuse. Le fossoyeur ne bougea pas d'un pouce alors que le courant d'air soulevé par leur course effleurait le matériau de son habit - un long vêtement brun dont s'échappait encore l'odeur presque sucrée de la pourriture de l'eau. Il voyait tout mais ne pouvait être vu, replié dans un pan d'ombres tissé par ses soins autour de sa silhouette maigre et effilochée.
Bientôt, son long bâton frappa deux fois la marche sur laquelle il était assis. Le couvre-feu venait de jeter son cri de cloche dans l'atmosphère marine de Venise. Tous les soirs à minuit, ce même son ébranlait les fondations de la ville et appelait les derniers flâneurs à regagner leurs demeures.
Il ne resterait bientôt plus dehors que les cadavres et les miséreux noyés dans l'alcool : ceux-ci ne poseraient pas problème.
Le fossoyeur entrouvrit les lèvres et souffla lentement, libérant un filet d'air blanc et glacé qui dissipa la masse d'ombres tricotées lui recouvrant le visage et le corps. Même ainsi, sa silhouette restait à peine visible dans le noir. Il semblait se fondre dans la texture de son habit. Une texture presque aqueuse, pareille à un rideau d'eau boueuse et sans reflets plaqué sur ses membres et enveloppant son crâne. De sa main, les doigts déliés pour en effleurer les contours changeants, il accompagna le souffle condensé en nuage et le fit s'élever jusqu'au ciel. Il écarta les poignets et le nuage se dilua peu à peu, déployant un sifflement ténu autour de lui. La tête levée vers les cieux, il l'observa s'iriser de noir et lentement s'étioler. Bientôt le sifflement se propagea sur tous les toits de Venise ; le signal était lancé.
Quatre ombres ruisselantes d'eau se hissèrent hors du canal derrière lui et glissèrent silencieusement au-dessus du sol marbré des escaliers. L'odeur de l'eau brodait sel et nappes sucrées dans l’atmosphère de la nuit. Le fossoyeur délia sa silhouette dans un geste lent, presque irréel, et tendit son bâton vers elles. Quatre volutes paresseuses et fraîches s'échappèrent de sa gorge invisible et vinrent serpenter autour du corps de ses congénères.
Cadavera, avait-il grondé.
Les cinq ombres glissèrent de concert entre les rues désertées de la République et arrivèrent sur les berges, happées par les lumières vertes de Murano qui scintillaient comme un essaim de lucioles.
Les fossoyeurs disparurent dans l'étendue ridée de l'eau.
Ils avaient émergé un à un dans le halo vert. Engloutis dans leur tapisserie d'ombres, ils avaient attendu que les badauds autour de la place se dispersent et s'évaporent définitivement, lassés de ce spectacle comme d'un autre et ramenés à l'instant présent par le son du couvre-feu.
Quelques temps s'écoulèrent encore. Enfin, les fossoyeurs s'avancèrent et se regroupèrent en essaim près du carnage. Ils s'étaient subitement redressés de toute leur hauteur au terme de leur course, maigres carcasses qui s'enroulaient dans l'étoffe opaque de leur habit. À leur côté leurs grandes lances, pointe vers le ciel, frappaient le sol en suivant la cadence de leurs pas. Ils se penchèrent méticuleusement sur les premiers vestiges humains baignés de sang. Le plus grand tourna la tête à droite puis à gauche, et releva enfin le cou vers le ciel comme pour s'assurer qu'il n'y avait personne. Il libéra un murmure plus profond. Un nuage ample et cendré s'extirpa de sa gorge et se précipita aux limites de la place. Son tourbillon virevoltant s'engouffra dans les ruelles les plus tortueuses et il disparut bientôt tout entier, fracturé en dizaines de volutes qui parcouraient les environs à la recherche d'une conscience encore bien alerte, libérée du sommeil ou de l'emprise de l'alcool.
Les fossoyeurs attendirent. Tout à coup un cri suivi d'un sanglot retentirent dans le silence : un esprit en éveil, heurté par l'étau du souffle. Des paroles absurdes s'élevèrent au-dessus des toits ; elles avaient tout d'une litanie répétée sans le cœur et même sans y penser. Une roue lancée dans le vide et continuant sa course vers nulle-part. Puis les marmonnements se muèrent en gémissements de détresse. Les accents se firent plus incisifs, plus profonds ; ils jetèrent bientôt des hurlements de douleur comme une salve de couteaux tranchants dans l'atmosphère statique.
Il y avait encore une étrangère quelque-part dans les environs. Les fossoyeurs avaient levé chacun leur lance à hauteur de leur tête, aux aguets. Ce fut encore le plus grand qui agit avant tous les autres. Il se redressa d'un bond agile et traversa la place en sens inverse, suivant la piste des cris désespérés. L'air semblait s'écarter par rideaux entiers sur son passage. Bientôt un autre lui emboîta le pas.
Une jeune fille était recroquevillée contre un mur, les bras passés autour de ses genoux. Son corps était parcouru de tremblements violents et sa bouche ouverte sur un cri intarissable. Le nuage s'était rassemblé en nid impénétrable autour d'elle. À l'arrivée des fossoyeurs celui-ci s'évanouit brutalement et entraîna les hurlements dans son sillage.
Elle ne les sentit pas approcher. Ils levèrent le bout en bois de leur lance et l'abattirent violemment, chacune d'un côté du crâne. Elle bascula en arrière. Ils réitérèrent leur coup pour plus de sécurité puis, s'adressant des murmures insondables et rampants, la saisirent par les épaules et la traînèrent loin de la place, toujours glissant à une vitesse folle comme si le poids mort ne représentait rien.
Les trois fossoyeurs sur la place avaient perçu le bruit mat des coups de lance. Ils attendirent encore mais ne reçurent que le silence ; alors ils surent que la voie était libre et collectèrent les restes de corps. Les extrémités pointues de leurs armes servaient à piquer profondément dans les déchets qu'ils étaient chargées de faire disparaître. Lentement, mais sûrement, la place fut nettoyée de ses débris. Après leur départ il ne restait plus que les pavés maculés de sang. La pluie, un jour ou l'autre, se chargerait du reste.
0 ~ * ~ 0
Luca s'était laissé guider par ses pas et avait retrouvé le chemin de son grenier. Il arpenta l'artère léchée par une ou deux vagues, où un vent noir soufflait et le giflait de plein fouet. La pluie s'était arrêtée, en revanche.
La porte ne lui résista pas. Il monta les escaliers dans l'obscurité, faisant confiance à ses pieds et aux paumes de ses mains tendues devant lui, effleurant les murs humides. Il était essoufflé lorsqu'il arriva enfin devant chez lui. Il se laissa tomber sur le tas de draps froids et posa sa tête contre le mur. Son crâne le lançait et précipitait des vagues de couleur sanguine sur le voile de ses paupières. Il resta un moment assis à ressasser les horreurs de la soirée. Puis il se laissa glisser de tout son long et enfouit sa tête dans ses bras repliés.
Le visage pris dans la chaleur étouffante de son souffle et la peau nimbée de sueur, il écoutait les courbatures rancunières ancrées à son dos et ses jambes. Il avait beaucoup cavalé, dans un sens puis dans l'autre ; il avait manqué se faire assassiner, avait défié les ponts les plus branlants pour rejoindre la taverne, s'était défait de l'étau malveillant d'un incendie... il n'avait pas cessé de marcher, de courir, d'escalader. La routine à Murano avait un côté nerveux et fébrile auquel, curieusement, on ne s'habituait jamais.
Il regrettait soudain de voir le temps s'étirer devant lui. Il n'y avait aucune embûche, rien mis à part le choc encore diffus, rien de vraiment concret qui puisse le couper du sommeil. Pourtant quelque chose le maintenait dans l'éveil avec une ténacité incroyable. Des souvenirs en fouillis en profitaient pour façonner un monde de pensées désagréables dans son esprit. Il en devenait presque impossible de confronter ces vestiges de réalité brute et prêts à étendre leur malaise partout où ils passeraient. Luca avait souvent espéré briser le quotidien, se fichant bien de savoir comment ; l'essentiel étant de le briser une bonne fois pour toutes. Il s'en voulait à présent, même si c'était stupide. Il s'en voulait d'avoir jamais souhaité connaître autre chose...
Il repensait aux paroles de cette fille. Les fossoyeurs vont sortir...
D'ordinaire personne ne prononçait leur nom ; on restait lové dans son incertitude, et on la préférait à toute forme de réalité. Luca ne faisait pas exception à la règle, il avait passé des années et des années à tenter de les oublier, eux, et les fables bancales que sa mère lui avait contées. Une histoire à dormir debout. Sans aucun doute.
Pour être tout à fait honnête, il n'avait jamais vraiment réussi à s'en persuader.
Il secoua la tête. Il repensa alors au directeur et revit la forme anguleuse de son visage, souriant dans le vague d'un air étrangement sinistre. Sinistre ? Non, le directeur ne l'était pas. Pas directement. Il préférait se cacher sous un maquillage discret de politesse et de moquerie savamment distillées.
Et ce collier qu'il lui avait présenté entre les mains. Sa proposition informulée.
Le noir se faisait plus compact, plus épais. Luca aurait voulu s'endormir sur le champ et faire taire les pensées difformes qu'il sentait naître dans son esprit. Il pouvait presque les entendre lui murmurer à l'oreille sur des tons proches de l'étouffement, du silence le plus complet. Parfois juste dans un souffle.
La vision cauchemardesque de la place lui réapparaissait dans tout son éclat et n'en finissait plus de se propager. Un peu comme un plateau de jeux que l'on aurait laissé librement se dérouler sur la surface d'une table.
Le plancher s'était mis à grincer dans le silence. Il lui semblait que de petits objets, une poignée de dés peut-être, ou des morceaux d'os de petits animaux roulaient en cascade sous son lit. Le bruit s'intensifiait et grouillait. Grouillait, plus qu'autre chose. Dans son hébétude, il se sentit hausser un sourcil mais fut incapable de bouger.
Le grouillement se rapprocha et lui érafla les tympans.
Tout à coup, Luca se retrouva sur la place. Quelqu'un s'était saisi des os humains éparpillés là et s'amusait à les entrechoquer, à les jeter ou les briser d'un violent coup de pied. Luca voyait une paire de dents luisantes se refermer soudain sur un tendon et le trancher net, puis se resserrer sur un long tibia comme pour le ronger. Un rire désagréable montait d'une gorge invisible. Il songea qu'il aurait fallu dire quelque chose à cet étrange individu. Le réprimander. Mais il se détourna, comme inexorablement attiré ailleurs, sans savoir par quoi. Il marchait... il regardait la place de haut, et voyait le sang se muer en noirceur impénétrable. L'air se rafraîchissait et lui piquait les os. Il s'avançait au gré des courants d'air, la tête emplie de ce bruit morcelé et remuant sans cesse. Il marmonnait des protestations en voulant porter une main à son crâne.
Il ouvrit lentement les yeux, la tête renversée sur le côté dans ses draps emmêlés, entre les murs de sa mansarde. Sa main s'était plaquée sur son front.
Il n'y avait rien, ni personne. Ni aucun bruit. Son visage et le bout de ses doigts étaient parcourus de fourmillements désagréables, il comprit qu'il s'était simplement assoupi quelques instants.
Ce fut à ce moment précis qu'une porte s'ouvrit et se referma dans le silence.
Il tendit l'oreille, prudent. Le son du canal lui parvenait depuis sa lucarne entrouverte. Cela faisait quelques jours qu'elle refusait catégoriquement de se refermer. C'était un doux roulis, reposant. Dommage que cette odeur putride ne lui fasse vraiment pas honneur. Quelques insectes ailés virevoltaient au-dessus de sa tête dans un unique rayon de lune et produisaient un bruissement souple, presque apaisant.
Quelqu'un montait les escaliers… plusieurs personnes, qui ne prenaient pas de précaution particulière.
Le hurlement d'un ivrogne retentit depuis la rue. Il bafouilla quelques paroles incompréhensibles, noyées dans l'alcool. Et très vite, sa voix s'estompa.
Les pas martelaient toujours les marches et se rapprochaient. Ils se rendaient chez lui… une vérité qui le frappa et jeta le trouble dans ses pensées. La place, le directeur, les fossoyeurs… tout partit en fumée. Il ne savait pas trop comment réagir, encore totalement incrédule. Il referma les yeux et enfouit sa tête sous les couvertures. Peut-être était-il encore pris dans un rêve inextricable.
Mais le miracle ne se produisit pas. La porte s'ouvrit soudain à la volée, si brusquement que quelqu'un avait dû y mettre un coup de pied. Un coup de pied très décidé. Deux – ou trois – autres respirations que la sienne rythmaient à présent le silence. Il était comme happé par chacune des inspirations que les étrangers prenaient.
Un pas sur le plancher. Puis un deuxième. Un soupir semblable à un tremblement de terre, et un bruit avoisinant le plissement du cuir neuf.
— Il n'est pas…
— Attends.
Luca fit de son mieux pour rester immobile. Ils étaient deux. Ses draps n'étaient pas loin de la porte. Bientôt, il suffoquerait sous la couverture. Il sortirait au grand air et ils le remarqueraient.
Il n'eut pas besoin de bouger. Une main petite mais agile agrippa le drap et le fit glisser au sol. Maintenant que sa tête n'était plus recouverte de rien, la lune lui brûlait abondamment la rétine. Deux visages cachés sous des masques ternes et inexpressifs étaient penchés sur lui. L'éclat des yeux braqués sur lui le transperçait de part en part. En une fraction de seconde, peut-être moins, la même main lui enserrait le bras, suivie d'une deuxième, et deux de plus se jetèrent sur sa gorge. Luca se débattit, cria, s'étouffa.
— Non ! Pas ça ! entendit-il.
Une protestation de colère entre le sifflement et le crachement retentit. Les deux paumes les plus puissantes relâchèrent leur étreinte meurtrière mais emprisonnèrent sa taille pour mieux le traîner, hors du lit puis finalement jusque dans les escaliers.
— Arrêtez ! réussit-il à hurler.
Il leur intima de le laisser. Il les menaça, s'enquit de leur identité, les informa qu'ils n'avaient pas le droit. Et puis le directeur lui revint en mémoire. Le directeur allait le protéger, il l'avait promis.
— Le directeur va vous casser la figure !
Un ricanement retenu, étonnamment poli, lui fit office de réponse. La porte se referma sur eux. Il tenta encore de leur échapper mais ne réussit qu'à se tordre le cou.
— Laisse-toi faire maintenant, lui intima le plus petit de ses ravisseurs.
Luca eut un hoquet estomaqué. Il avait déjà entendu cette voix. Haletant, il laissait glisser le bout de ses doigts sur les murs, ne rencontrant que de maigres fissures. Il ne trouvait aucune prise. À l'étage en-dessous, la porte était grande ouverte. Luca saisit par terre l'éclat d'un coloris rouge, sombre et compact ; les reflets à sa surface lui avaient instantanément fait penser à une étendue de liquide épais. Du sang? Il se débattit de plus belle mais ses agresseurs ne lâchèrent pas prise. Le plus menu semblait tout de même éprouver des difficultés, sa respiration commençait à se faire courte.
— Qu'est-ce que vous avez fait ? s'exclama Luca d'un ton plus furieux qu'apeuré.
Il ne daignèrent pas répondre, cette fois. Ils ne faisaient que descendre les étages, un à un, l'amenant toujours plus près de son destin inéluctable. Ils se retrouvèrent dans la rue baignée d'obscurité, où un vent froid soufflait toujours. Luca était tout endolori et ankylosé. Il s'était taché la main de sang mais ne pensa pas à l'essuyer. Peut-être qu'un peu du sien s'y était glissé, il ne saurait dire s'il était blessé. Une odeur étrangement cendrée, très discrète, flottait dans l'air. Luca la décela pourtant et en ressentit un malaise sur lequel il ne put mettre aucun mot. Il se plia en deux, comme sous l'emprise d'un gaz mortel, et toussa à s'en recracher les poumons. Ses pensées se brouillèrent soudain et des bribes de paroles incertaines se pressèrent contre ses lèvres. Derrière ce flot de mots, un cri de douleur s'agitait, menaçait de s'extraire de sa prison et d'éclater dans l'air immobile.
Tout à coup l'odeur de cendres et la sensation désagréable disparurent. Luca se redressa et comprit que ses agresseurs avaient été pris du même mal : leur silhouette était encore prostrée. Ils se reprirent à leur tour, à bout de souffle.
— C'était quoi, ça ? marmonna le plus grand.
L'autre ne lui répondit d'abord pas, tournant la tête de tous les côtés pour inspecter les environs. L'espace d'un instant son masque passa devant la lune et en absorba toute la couleur ; puis il se fondit à nouveau dans le noir.
— Aucune idée... murmura-t-il enfin.
Luca se laissa traîner jusqu'à la place ; les corps avaient disparu. Envolés. Mais leurs pas effleuraient encore l'hémoglobine séchée accumulée au sol.
Où étaient les morts à présent ?
Les fossoyeurs vont sortir ! Avec tous ces morts…
Il serra les poings, prêt à se débattre de nouveau, mais le plus petit lui flanqua un coup sur la tempe. Il rapprocha ensuite son visage dissimulé sous la chape protectrice du masque et pointa le doigt vers le sol rougi.
— Tu vois ? Laisse-toi faire, si tu tiens encore à la vie.
Ils l'emmenèrent jusqu'à la rive.
De grandes ombres, qui vivent sous le niveau de l'eau la journée, et qui s'extirpent de leur tanière la nuit pour répandre la mort et voler les cadavres.
Il se mit à jeter des coups d’œil discrets dans toutes les directions, s'attendant presque à saisir l'image d'une de ces grandes ombres émergeant des vagues mourantes, vêtues d'un noir profond ruisselant d'eau et portant les stries grises du sel.
On le poussa soudain en avant et il bascula au-dessus de l'eau. Il tomba dans le fond d'une barque étroite qui se mit à tanguer sous son poids. Il eut le tournis. Puis, recouvrant momentanément un semblant de raison, il comprit ce que les deux ravisseurs avaient en tête, du moins pour le moment. Ils cherchaient à sortir de Murano. Et à l'emmener avec eux.
— Ne faites pas ça, avertit-il d'une voix pâteuse et détachée, comme si plus rien ne le concernait.
Le petit se mit à rire. Il grimpa sur l'embarcation et ôta enfin le masque dont il avait emprunté les traits inexpressifs. Il jeta l'objet aux pieds de Luca, qui poussa un soupir. Il avait reconnu cette même voix, et voilà qu'il voyait également les mêmes cheveux, les mêmes yeux que ceux du jeune inconnu rencontré à la taverne un peu plus tôt. Le visage à l'air presque joueur était renversé au-dessus de lui. Sous cet angle étrange, Luca remarqua qu'une petite tache en forme de nuage filandreux s'étalait sur sa pommette droite.
— Ne faites pas quoi ? s'enquit la bouche inversée.
Luca se redressa péniblement.
— On ne sort pas d'ici, on ne peut pas. On va nous tuer depuis la terre… là-bas.
Il désigna le ruban de terre au large, rescapé de la brume. C'était un fait connu. Quiconque avait voulu quitter Murano à la nage ou en barque avait fini avalé sous les eaux troubles, un carreau d'arbalète fiché dans la gorge ou juste sous le cœur.
— On va tous nous tuer, observa-t-il encore.
Un autre rire, empreint de mépris celui-ci, fit office de réponse.
— Pas nous, non.
— Et pourquoi ça ?
Le garçon le gratifia d'un de ses sourires coupants et éphémères. Puis il détourna les yeux en disant simplement :
— On ne tue pas les Lions de Cendres.
La barque s'arracha à la rive.
Alors, je ne sais pas si c'est parce que je ne suis pas venue depuis quelques temps, mais je trouve la première partie de ce chapitre un peu plus obscure, plus floue.
Les descriptions des fossoyeurs (qui me font penser aux détraqueurs d'Harry Potter, si ce n'est qu'ils viennet de l'eau et non des airs) me semblent floues parfois. J'ai eu un peu de mal à imaginer de quelle façon ils s'y prennent (les nuages et tout ça).
Je me demande si tu n'aurais pas intérêt à retravailler les descriptions de leurs gestes, quitte à les faire très longues au départ, pour les raccourcir ensuite.
Quelques détails aussi :
Il voyait tout mais : Il voyait tout, mais (virgule)
et sans reflets plaqué : et sans reflets, plaqué (idem)
Le nuage s'était rassemblé en nid impénétrable autour d'elle. Les fossoyeurs tracèrent un motif complexe du bout des doigts et il s'évanouit brutalement, entraînant les hurlements dans son sillage. : Tracèrent où ? Qu'est-ce qui s'évanouit ? Le nid impénétrable ne m'évoque pas d'image particulière, même si je comprends ce que tu veux dire. ("tissé serré", m'aurait plus parlé)
Bref l'ambiance y est, pas de soucis, mais les descriptions me semblent insufisamment précises et un peu emmêlées.
La seconde partie est nettement plus claire et le suspens est bien maintenu jusqu'au départ sur la barque.
Ce sont certaines images qui me dérangent un peu, car très floues à nouveau, et il faut faire un effort de compréhension. Ex : Ses pensées se brouillèrent soudain et des bribes de paroles incertaines se pressèrent contre ses lèvres. Derrière ce flot de mots, un cri de douleur s'agitait, menaçait de s'extraire de sa prison et d'éclater dans l'air immobile. (ceci est très abstarit, et même s'il s'agit de son ressenti propre, il est important que le lecteur puisse partager le malaise aussi.
Quelques remarques :
La pluie s'était arrêtée, en revanche. En revanche, la pluie... passerait mieux me semble-t-il
plateau de jeux que : Tapis plutôt, c'est plus souple qu'un plateau (? chépas en fait...)
Pour conclure, l'ambiance est toujours aussi saisissante, le décor est posé et on se l'imagine bien, mais ce sont les impressions et ressentis des personnages qui me semblent encore flous.
Je ne sais plus si tu viens à l'IRL, mais on pourra en parler de vive voix si tu veux, je pourrai temontrer plus facilement ce qui me semble être améliorable.
Quand à l'histoire, je la trouve toujours aussi accrocheuse, et tes personnages sont à la fois consistants et attachants. Il est certain qu'on a envie d'en apprendre plus sur tous ces personnages et sur le destin de Luca (qui semble d'ailleurs si particulier !).
Il a été fait mention des fossoyeurs dans le chapitre II, ça remonte peut-être un peu mais si tu as trouvé la première partie floue c'est peut-être à cause de l'écriture. C'est vrai que ces fossoyeurs font un peu penser aux détraqueurs, en fait j'y avais pas du tout pensé sur le moment mais comme à retardement. C'est certain, leurs manigances et leurs gestes ne sont pas très clairs mais je dois en reparler bien plus loin, car il y a encore des choses à dire sur eux. Seulement je me suis dit que les "montrer" ne serait pas si mal, avant que le lecteur ne se lasse on ne se dise que j'ai laissé tombé quelques chemins d'intrigue. Donc du point de vue de leur fonctionnement c'est normal si tu n'as pas tout compris ^^' mais certains gestes mériteraient peut-être plus de descriptions et de précisions tu as raison. merci aussi pour tes autres relevés !
Pour les soucis d'emplois de mots, les passages qui te semblent flous, imprécis ou emmêlés, j'utilise des mots ou des tournures "décalés" comme par exemple un "nid impénétrable" ou d'autres choses. C'est peut-être moi qui suis assez tortueuse de nature au niveau des perceptions, je n'aime pas dire ça parce que ça fait facile et un peu prétentieux mais ça "fait partie de moi". J'ai longuement réfléchi pour me séparer de, pas tous, mais beaucoup de passages dans le texte. Parce que c'est vrai qu'il y a d'une part ce qu'on est et ce qu'on veut faire soi, et d'autre-part le lecteur puisqu'écrire pour soi seulement n'a pas trop de sens (pas quand on publie en ligne en tout cas) et c'est dur de trouver un équilibre satisfaisant. Des fois de penser à tout ça c'est presque une tristesse O.o mais j'espère en tout cas que c'est pour le mieux ^^
AH lala excuse-moi de t'avoir embarquée dans mes confilts intérieurs xD. ce que tu dis est vrai aussi, c'est certainement difficile de s'identifier ou de "ressentir" quand les images sont trop floues. Je viens à l'IRL oui (bon je te semblerai un peu timide :p), si tu veux bien en discuter ce sera avec plaisir en tout cas !
Et je suis vraiment contente si l'ambiance te plaît toujours et si tu trouves les personnages attachants ! Merci pour tes conseils et ta lecture <3 et à bientôt!
Les agissements des fossoyeurs, brrrrrr ! ça fout les miquettes. Mais dis moi, les cadavres, là, c'est l'incendie de la taverne ou autre chose ? Dommage que j'aie laissé passer du temps dans ma lecture, je ne me souviens plus. Dans la première partie, la description est très bien, mais je trouve qu'il manque un truc, parce que l'observateur scrute tellement la scène qu'on aimerai vraiment qu'il soit nommé, cité, personnifié. Enfin, il me semble que ... ça me faisait tellement l'effet du regard de Luca que j'ai cru que c'était vraiment lui qui observait.
Surtout que la deuxième partie parle de lui mais là, ça ne confirme pas tout à fait que c'était lui qui observait. Enfin, j'ai comme un doute au final. A part, cette petite chose de rien du tout, on sent Luca vraiment pas tranquille. Il a beau être chez lui, ce n'est pas pour autant que ce soit acquit et pour cause. On entre chez lui comme dans un moulin. Je serais morte de peur si j'étais lui. d'autant plus si je reconnaissais la voix de mon ravisseur et sachant que je n'ai aucune maîtrise de la situation. Aaaaaaaaaah, c'est affreux ! Achille et Léo, n'est-ce pas ? ... si je ne m'abuse...
En tous cas, on sent que tu as pris plaisir à écrire ce chapitre, vilaine sadique que tu es ! Si si. Il est bon ! Et la fin est superbe. Un cliffhanger de toute beauté ! J'adore cette fin. "On ne tue pas les Lions de Cendres" ... lourd de sens et profondeur. Et une telle assurance dans un monde politique fait de complots, de pactes, de traîtrises, il y a de quoi s'inquiéter pour cette affirmation.
Bref, assez bavardé, encore bravo, Jam' et à bientôt pour la suite.
Biz Vef'
Ah ben, je crois bien que Luca est mort de peur, ça oui. Mais pas que: ils sont allés jusqu'à lui dire qu'il était la cible des meurtriers, et en plus de ça, à la fin, ils représentent une chance de franchir enfin la frontière de Murano. Donc, ça doit pas être facile à gérer pour lui. Et il s'agit bien d'Achille et de Leo, qui d'autre :P
Oh oui j'avoue, j'ai beaucoup aimé remanier tout ça. Principalement à partir de ce chapitre parce que les trois premiers diffèrent quand même un peu mois de leurs ancêtres. Là je me suis dit que j'allais montrer plus de choses, faire un chouïa moins dans les non-dits, et puis réserver un peu moins de "révélations" pour les dialogues futurs aussi. Je n'ai jamais été trop à l'aise avec les dialogues. Ce que je préfère encore c'est décrire (sans m'arrêter >.< ). Oh et puis, tes compliments sur la fin me font vraiment plaisir! :D
Merci à toi d'avoir lu ... et si l'histoire te plaît mieux I'm happy! :)
Je n'ai aucun reproche à te faire sur le style et la forme.
Pour moi c'est parfait.
Je suis désolé par mon manque d'inspirations dans mes commentaires.
De ce que je m'en souviens, le passage concernant l'enlèvement de Luca n'a pas l'air d'avoir subi d'importantes modifications.
En revanche, l'ajout de cette scène avec les fossoyeurs avait un vrai parfum de nouveauté. Je l'ai beaucoup appréciée d'ailleurs ! Pouvoir observer les cauchemars prendre vie, découvrir de quelle façon ils s'y prennent pour emmener les cadavres et la raison pour laquelle il ne vaut mieux pas rester pour espérer les voir... Oui, vraiment, j'ai été très contente de pouvoir assister à tout ça (malgré le caractère morbide de cette scène), c'était une excellente idée de ta part de nous le montrer !
De plus, je trouve que ça apporte un éclairage nouveau à cette histoire. A partir d'ici, on ne peut plus concevoir les fossoyeurs comme un mythe, ils existent bel et bien. Ce passage que tu as ajouté leur donne corps et je crois que c'est très important. On comprend aussi bien mieux l'angoisse de Luca à ce sujet : il y a vraiment de quoi être nerveux !
Le passage de l'enlèvement a un peu changé au niveau de la forme mais c'est tout. C'est ensuite que ça diffère ... hum raisonnablement.
Mais non, la scène n'est pas morbide, mais non ^^. C'est ce qui me faisait le plus de peine auparavant : ne pas avoir montré suffisamment de choses. Et puis un beau jour il est trop tard. Bon, bien sûr ce n'est pas à faire systématiquement, mais les fossoyeurs ont quand même une assez grande importance, donc les voici en chair et en os, ils prennent corps, exactement. Contente que ça t'ait plu :)
Merci. Merci beaucoup, Slyth :)