IV – La première fissure

Par Dan
Notes de l’auteur : The Smashing Pumpinks – Tonight Tonight

La première fissure

Au large de Saturne

 

— A-t-elle dit quelquechose d’inhabituel ? Vous a-t-elle paru… différente ? Souciée ?

— Je… Oui, elle était souciée, mais je n’ai pas… Avec l’arrivée des luniens blessés à l’hopital de Nehara, j’ai songé que… Vous pensez que… J’aurais dû… Par tous les astres, j’aurais dû… J’aurais pu…

L’holo de Pollin plongea le visage dans ses mains. Assis aux commandes, Haccan demeura silencieux, les doigts suspendus audessus du clavier tactile. Ça n’était pas en pleurnichant que Pollin l’aiderait à retrouver sa femme. Mais ça n’était pas en le brusquant qu’Haccan lui soutirerait des informances. Il patienta.

— Je suis allé rendre visite à Megge, continua Pollin entre ses doigts. Megge Morrez-Hannig. J’espérais qu’elle me parlerait, faute d’avoir parlé aux officiers, mais… elle était tellement troublée. Encore en choc, c’est compréhensible.

Haccan jeta un coup d’œil au rapport d’interrogatoire que lesdits officiers avaient mené avec l’assisteuse de la ministre. « Troublée » était un bel eufémisme. On l’avait retrouvée errant dans une contrallée, au bord de la crise, détroussée de son bracelet. Sur le revers de son uniforme, les ravisseurs d’Aessa avaient épinglé un morceau de papier. Du vrai papier comme on n’en utilisait plus que dans les cérémonies. De vraies fibres issues de vrais arbres marsiens. Écrit au stylo, décliné par d’innombrables mains en d’innombrables grafies, un message disait : « À demain ! »

— Les enfants sont terrifiés, dit Pollin. Je ne crois pas qu’ils pourront…

— Merci pour votre aide, sieur, interrompit Haccan. Je vous recontacterai.

Il coupa la transmettance. Il était clair que Pollin ne possédait aucune piste tangible et Haccan n’avait pas de temps à perdre avec les cauchemars de leur marmaille. Il en avait bien assez des siens.

« À demain ». « À demain ». Une promesse qui aurait pu ètre rassureuse, si elle n’avait pas été formulée par un groupe de terroristes incontrolables. Entretemps, il y avait eu la vidéo, qu’Haccan aurait préféré ne jamais regarder. Puis l’explosance d’un deuxième cargo d’hydrogène jupitérien près d’ici, dans l’environnance de Saturne. Ce mème cargo qu’on l’avait chargé de retrouver.

Haccan ne s’était jamais présenté à la garnison, mais quelquechose lui disait que sa prise de responsableté làbas n’aurait rien changé à l’actuelleté. L’officier qui l’avait remplacé n’était pas parvenu à mettre la main sur le vaisseau, encore moins à prévoir ou stopper l’attentat. Haccan n’aurait pas mieux fait. Il ne connaissait pas davantage le dossier que ses collègues et il n’aurait pas su le gérer désormais. Le journaliste dont Megge avait parlé restait introuvable. Leur seul élément concret tenait dans l’empreinte thermique d’un appareil de gros calibre à procheté de la carrière qui avait explosé. Autant dire riendutout.

Toutes les pistes évidentes, ses collègues les suivraient. Haccan quant à lui pouvait suivre les chemins de traverse, les détours, les raccourcis. Car s’il ne connaissait pas mieux le dossier que les autres officiers, il connaissait mieux Aessa.

Elle l’avait missionné, lui seul, dans le plus grand secret. Elle savait qu’il la cherchait. Elle s’en doutait, dumoins. Peutètre avait-elle laissé des indices à son intention. Peutètre Haccan en avait-il glané sans le savoir en étant impliqué dans son enquète discrète. Il avait besoin d’y croire, entoucas. « À demain », c’était hui, maintenant. Et il ne supporterait pas que ce soit le cadavre d’Aessa que les terroristes leur rendent.

Alors Haccan avait supprimé toutes les alertes de son bracelet et déconnecté le positionneur de son vaisseau. Il trouverait une excuse plutard, s’il s’en tirait.

— Des progrès ?

Haccan ferma brusquement tous les documents. Un geste inutile, puisque ça n’était pas Guevara qui pourrait y jeter un œil fouineur. Il lui fit face en pivotant dans son siège.

— Non, aucun.

— Nous avons terminé nos prises de sang, comme tu l’avais demandé, dit-elle. Disney s’occupe de les centrifuger.

— Très bien.

Ça pouvait sembler absurde, mais poursuivre la mission qu’Aessa lui avait confiée le consolait un peu. Haccan avait la sensation de l’aider en exécutant ses ordres, mème s’il ne savait pas ce qu’il cherchait. Il se souvenait simplement qu’Aessa avait réclamé le dossier médical de Teresa. Alors faute de mieux, il avait débuté un diagnosanté des pirates, limité par l’équipance restreinte de son biplace.

Il n’avait rien décelé chez Hadid et Disney, pourlemoment. Guevara montrait encore des séquelles du tir de choqueur qu’elle avait reçu pour protéger Bowie. Des tressautances, des tics nerveux. Beaucoup de complicances pour rien. Son élan avait été aussi vain que les réflexes d’Haccan pour dissimuler ses dossiers : Bowie ne ressentait pas la douleur, alors à quoi bon ? Àmoins que le discours enflammé du jeune homme ait réveillé quelquechose en Guevara. Qu’elle ait héroïquement essayé de se faire pardonner.

— Il n’est pas mort, tu sais ? dit-elle.

Haccan se leva et la dépassa pour se fairer devant le minuscule coin repas. Il entendit Guevara se procher derrière lui pendant qu’il faisait couler un filet d’eau recyclée dans un gobelet.

— Bowie, il n’est pas mort. J’ignore si Marvin lui a permis d’en réchapper ou si la chance lui a souri, mais il est en vie. Je le sais. Si je me concentre et que je le cherche, je le sens. Tu comprends ce que ça veut dire ?

— C’est toi que je ne comprends pas.

— Moi ?

— Pourquoi l’as-tu encouragé ?

Sa croisade était vouée à l’échec. Mème si Bowie était parvenu à s’enfuir, il ne joindrait jamais Shelley. Elle était confinée dans les quartiers de sécureté maximale de Charon, privée de visites et d’appels. Si ce qu’Haccan avait suspecté à son arrètance se vérifiait belébien, rien de ce que son fils pourrait tenter n’y changerait quoiquecesoit.

— Si tu te doutes des raisons de la captivité particulière de Shelley, tu sais à quel point c’est dangereux d’envoyer Bowie là-bas, expliqua-t-il entre deux longues gorgées. Tu aurais dû le dissuader, quitte à le blesser.

— C’est donc ça, ta tactique ? répliqua-t-elle, pleine d’ironie. Toutes ces horreurs que tu dis et que tu fais, c’est pour nous préserver ? Depuis quand te soucies-tu de ce qui arrivera à Bowie ?

— Je ne m’en soucie pas, je dis simplement que tu devrais, toi. Il n’arrivera à rien, si ce n’est à se retrouver piégé. J’aurais cru que tu voudrais l’éviter. Mais après tout, ça doit être nouveau pour toi, tout ça.

— Tout ça ?

— L’altruisme et la préoccupation. Tu n’as pas fait autant de caprices quand il s’agissait de Shelley, il me semble.

— Je pensais qu’elle sortirait au bout de quelques mois ! s’exclama Guevara. Des boules à neige, voilà ce qu’elle vendait ! Comment aurais-je pu prévoir qu’ils… Et comment oses-tu me faire la leçon ? Sans toi, la question ne se serait même pas posée ! Elle n’aurait jamais été arrêtée ! Tu… regarde-moi quand je m’adresse à toi !

Il fit volteface pour tomber nezànez avec le visage fulmineux de Guevara. Le décor était différent, ils étaient différents. Mais il y avait quelquechose de terriblement familier dans cette scène. Eux dans la coquerie d’un vaisseau, eux se disputant. C’était à se demander comment Guevara avait pu tomber amoureuse de lui. C’était parfois à se demander pourquoi il avait fui, aussi, parce que d’une drole de manière, mème si c’était trotard, tout ceci lui manquait.

Du coin de l’œil, il pouvait imaginer Shelley aux manettes. Lennon en copilote. Elion et ses jeux de coordonnées. Et Cézanne… Cézanne. Les séances de karaoké, les rires, les siestes inopinées, les repas interminables, les verres remplis et vidés. Les paysages, ces centaines de paysages. Ces milliers d’heures d’espace noir, ces silences terrifiés, ces larmes, ces ventres ronds, ces regrets.

— Tu savais qu’elle risquait de se trouver à Inverness ce jour-là, siffla Guevara. Tu t’es rendu très clair lorsqu’il s’est agi de tirer un trait sur notre passé, mais à ce point ? Qu’est-ce que cela te coûtait de repousser l’assaut d’une journée ? Si elle te voyait…

— Elle m’a vu.

Guevara cilla frénétiquement, comme si elle espérait que cela suffise à vaincre sa cécité pour chercher le mensonge dans les yeux fuyeux d’Haccan.

— J’ai voulu assister à son procès, il y a neuf mois. J’assiste toujours aux procès des moonshiners que j’arrête. Mais on m’en a empêché. Il s’est déroulé à huis clos, sans retranscription. Je n’ai jamais pu trouver de chef d’accusation officiel qui justifiait qu’elle soit enfermée au niveau 3. Je l’ai vue hier, sur Charon.

Guevara chancela et chercha la paroi à tatons pour s’y appuyer. D’innombrables reproches fusaient dans ses yeux. Il aurait dû dire quelquechose. Aumoins envoyer une onde anonyme s’il craignait de perdre son poste en caftant. Il aurait dû enquèter pour découvrir si les suspectances des juges allaient pluloin que Shelley, jusqu’à ses amis, peutètre. Mais non. Il avait continué sa petite vie de parfait policier en sachant qu’ils l’avaient percée à jour. En sachant que, totoutard, ses anciens camarades de virées secrètes risquaient de tomber. Peutètre Guevara était-elle en danger en ce moment-mème.

De toutes ces déchirances, une seule franchit ses lèvres trembleuses :

— Comment allait-elle ?

— Mal, répondit-il. Elle m’a confirmé qu’on lui avait interdit toute visite. Elle a été plutôt encline à te croire capable de piraterie révolutionnaire, également, voire de terrorisme. Et pourtant, tu sais ce qui me fascine ?

Guevara ouvrit la bouche et la referma.

— Tu es encore libre – enfin, tu l’étais jusqu’il y a peu – et je suis encore officier. Ce qui signifie qu’elle ne nous a pas dénoncés. Elle a toujours été la meilleure d’entre nous.

— Lennon était le meilleur d’entre nous.

Il y avait plus de tristesse que de rancune dans sa voix. Tellement, tellement de tristesse. Et de vraieté aussi. Lennon était le meilleur, le plus attentionné, le plus vailleux. C’était lui qui avait essayé le plus fort. Qui avait insisté. Qui avait défendu ce qui était juste et nécessaire, jusqu’au bout. Jusqu’à ce jour que Shelley et Guevara auraient voulu qu’Haccan leur raconte.

Il se demandait parfois comment elles avaient pu imaginer un seul instant que Lennon les avait abandonnés.

— Ça suffit, déclara Haccan. J’ai des priorités.

Il s’échappa en dirigeance de la soute où Hadid et Disney étaient séquestrés. Sonnée, Guevara commença par se laisser distancer avant de trotter dans son sillage.

— Retrouver cette dear Aessa ? demanda-t-elle quand elle l’eut rattrapé. Nous ponctionner du sang est-il censé faire progresser ton enquête ?

— Je t’ai promis que votre participation allégerait votre peine, c’est tout ce que tu dois savoir.

— J’ai comme l’impression que tri tubes d’hémoglobine suffiront plus pour ça, lança Disney en tirant sur une cigarette quand Haccan déverrouilla la porte pneumatique et entra.

Hadid avait apparentement piraté l’écran de consultance, mais Haccan n’eut pas le temps de s’en offusquer : en lieu des habituelles fenètres de vérifiance, le moniteur affichait une fréquence d’informances interastrales. On y voyait le Preministre saturnien, mandataire de la Chambre unionaire, debout au pupitre devant les micros et les caméras de tout le système.

« L’enlevance de la ministre des Satellites jupitériens Aessa Jynne-Lorry Menkalinan est un outrage à l’Union, disait-il. C’est un acte impardonnable de la part des terroristes et il sera puni en conséquence. »

Encore faudrait-il les dénicher, songea Haccan. Comme ils devaient se délecter du spectacle…

D’autant que la plupart des moonshiners ne devaient plus trouver son kidnapping si outrageux. Dans la vidéo, Aessa disait clairement que leurs querelles ne valaient pas mieux qu’une dispute d’enfants. Ça, Haccan préférait ne pas trop y penser. Il lui réclamerait des comptes quand il l’aurait retrouvée.

« Nous avons pris des mesures pour contrer nos ennemis, continua le Preministre. Nous avons demandé à tous nos citoyens de s’unir face à eux, car c’est en divisant que la terreur règne. Pourtant, certains administrés semblent prendre cette menace à la légère. Comptenu des victimes déjà dénombrées et du rapt de dame Menkalinan, nous ne pouvons plus tolérer cette insouciance qui pourrait nous couter cher, voire nous détruire tousautant que nous sommes. »

Hadid augmenta le volume. La rumeur de la foule incarnait des planètes entières dans le ventre du vaisseau.

« C’est pour cela que la Chambre a voté à l’unanimeté la mise en place du délit de séparance. Dorénavant, toute personne surprise à des actes mettant en péril la solidaireté vitale de nos peuplances sera imposable d’une amende de coupons et d’une peine de prisonnance. »

Ses homologues des autres planétats avaient baissé le nez sur leurs chausses. Du Preministre jupitérien, complètement plié sur luimème, on ne distinguait qu’un crane auréolé de cheveux blancs et vaporeux.

— Par Hawking…, lacha Guevara.

Haccan fit abstrayance des jurons de Disney. Des grognances d’Hadid. De la ronronnance de la centrifugeuse et de la vrombissance des moteurs. Entièrement concentré sur les paroles du Preministre saturnien, il essayait de comprendre.

Mais plus il comprenait, plus le vertige l’étourdissait. Délit de séparance. Peine de prisonnance. Une telle énormeté ne pouvait pas ètre possible. Leurs dirigeux ne pouvaient pas avoir choisi de condamner tous les libertaires qui oseraient seulement exprimer leurs opinions.

— Leia…, souffla Guevara. Leia va être incarcérée.

Haccan ne l’écoutait pas. Il se fichait bien de leurs acolytes, dans l’immédiat. Car c’était tout un monde, toute une filosofie, toute une vie qui s’effondraient. Pas les siens : Haccan n’adhérait pas aveuglement aux préceptes des planétiens. Il ne feignait pas son exctinctionnisme. Pour lui, les règles des uns et les rebellances des autres étaient vaines et absurdes, car l’Humanité n’aurait jamais dû survivre. Elle n’aurait jamais dû coloniser. Elle aurait dû admettre sa défaite et disparaitre avec sa planètemère pour ne pas mettre en danger le reste du système solaire.

Alors non, ça n’étaient pas ses croyances qui vacillaient avec les mots du Preministre. C’était l’Union ellemème, atteinte dans ses fondances et ébranlée pourtoujours. Aussi bien intentionnée soit-elle, une civilisance qui prisonnait des innocents sur le seul motif d’avis divergents était corrompue. Déjà morte. En réelleté, Haccan était simplement déçu d’avoir eu raison toudulong.

— Alors le plan…, commença Hadid.

— Tu dois nous amener en prison, tout de suite, lança Guevara en se tournant vers Haccan.

— Quoi ? lacha Disney.

Leia allait ètre incarcérée, oui. Une simple vendeuse callistienne qui n’avait commis aucun crime, si ce n’était celui de parler – à contrecœur, qui plus est. Le relais des pirates indépendantistes n’était plus suré par personne. Plus personne n’oserait transmettre leurs idées, plus personne n’oserait les penser, et elles se noieraient dans l’éther.

Haccan comprenait l’initiative de Guevara. Son dernier espoir résidait dans les moonshiners qui n’avaient plus rien à craindre ni à perdre. Les moonshiners qui avaient déjà tout perdu.

— C’est là que nous allons finir de toute façon, non ?

Disney et Hadid semblèrent sur le point de protester. Ils n’avaient visiblement pas abandonné l’espoir de se soustraire à l’officier, preuve en était l’écran saboté et des instruments contondeux que Disney avait rassemblés plusoumoins discrètement.

— Je ne peux pas me permettre un crochet par Charon maintenant, dit Haccan. Nos seules images exploitables montrent une activité thermique à proximité de notre position actuelle, juste avant l’explosion de la carrière. Un vaisseau camouflé, sûrement.

— Qui peut se trouver à cent parsecs d’ici, désormais, répliqua Guevara. Qui aurait tout intérêt à l’être, d’ailleurs. Pourquoi les terroristes resteraient-ils dans les parages ?

— Pour nous duper, justement ; pour nous observer ; pour s’amuser à nous voir tourner en rond pendant qu’ils restent cachés. Je peux penser à une dizaine de raisons supplémentaires. Tu n’as pas idée de la sournoiserie de leur esprit. Et tu n’es pas enquêtrice, je n’ai pas à me justifier.

Guevara avait probablement raison, celadit. Aussi retors et arrogants soient-ils, les terroristes n’étaient pas stupides au point de demeurer à portée des patrouilles qui quadrillaient les décombres de la carrière. Pour bien faire, Haccan aurait dû reprendre l’investigance à la racine. Rencontrer Pollin enpersonne. Questionner luimème Megge. Emprunter cette allée où Aessa avait été enlevée et y chercher des témoins qui auraient échappé aux officiers mobilisés surplace. Retourner sur Jupiter, donc, et déposer sa chargeance de moonshiners au Palais de Justice. Ou mème effectuer un saut de puce en suplum vers Charon. Mais les autres policiers avaient déjà bien fait et Haccan…

— Qu’est-ce que…

Il releva les yeux vers l’écran. Une figure encapuchée avait remplacé le visage contrit du Preministre saturnien.

— C’est toi qui as fait ça ? marmonna Disney en bousculant Hadid, qui absorba le choc comme un élastique.

— Quoi « ça » ? demanda Guevara, inquiète, tandis que le hackeur secouait silencieusement la tète en signe de niance.

— Un terroriste, répondit Haccan. Fréquence large ?

— Non, c’est seulement dans le vaisseau, dit Hadid – la concentrance réduisait ses yeux bridés à deux fentes.

Un frisson remonta l’échine du policier. Il s’était préparé à les traquer pendant des heures, des jours. Certainement pas à ce qu’ils toquent gentillement à sa porte. Il aurait pu y voir un bon coté. La moindre renseignance supplémentaire était précieuse et cette entrevue pourrait peutètre lui en apporter quelquesunes. Mais son sang s’était figé et son pouls battait un tempo sourd à ses tympans.

— Coucou. Vous m’entendez ?

Hadid et Disney orientèrent un regard effroyé vers Haccan.

— Transmettez au cockpit, ordonna-t-il à Hadid.

Il préférait éviter que ses prisonniers assistent à l’échange. Il n’avait pas renoncé à se servir de leurs pouvoirs psy pour faciliter son enquète et mieux valait décider soimème de la quantité d’informances à leur dévoiler. Devant son air insisteux, Hadid fit de nouveau un « non » souple de la tète.

— Vous allez…, commença Haccan, dangereux.

— Non, je ne peux pas, coupa Hadid. Ils m’en empêchent.

— On vous voit bidouiller les fréquences, c’est inutile, ne ga-âchez pas votre temps, dit le terroriste comme pour confirmer.

Haccan se pressa de menotter les trois pirates aux maincourantes, à bonne distance du poste de communicance auquel il s’assit raidement.

— Eho, du bateau ? Ne soyez pas timides. On lit quatre empreintes, dans votre petit vaisseau. Montrez-nous votre beau visage, officier Ogma.

L’esprit d’Haccan s’activait à plein régime. Les terroristes étaient proches s’ils parvenaient à une analyse thermique aussi précise. Et ils le connaissaient personnellement. Aessa avait dû donner son nom. Aessa était peutètre là, elle aussi. Si près de lui qu’il pouvait presque la toucher des doigts.

Il actionna le transfert et la vidéo.

— Ah, oui, je comprends maintenant, dit le terroriste – derrière son voilage, on entendait un sourire.

Il déglutit. Il n’était pas toutàfait certain que se montrer était la meilleure optance. Mais si Aessa était avec eux, dans l’hypothèse dérisoire qu’ils la laissent voir la rencontre comme Haccan la laissait voir à ses captifs, il voulait qu’elle ait une image conforteuse à laquelle se crocher.

Il n’osa pas lancer de programme d’enregistrance directement sur la console. Detouteévidence, les terroristes étaient des hackeurs aussi efficaces qu’Hadid. Alors il appliqua son bracelet contre l’émetteur et lança une nouvelle piste à la suite du discours de Guevara. Stratégie inutile, pourlemoment. L’individu masqué ne disait rien. Il inclinait simplement le visage, une gestuelle joueuse. Haccan pouvait encore deviner son rictus derrière les lignes brouilleuses de l’holo.

Derrière, rien de remarquable. Seulement une cloison lisse qui aurait pu ètre celle d’une navette détachable recevant les informances du vaisseaumère. Ou celle des cabinets d’un autre batiment. Une flotte entière les cerclait peutètre, invisible. Prète à faire feu sur les escadrons de la PI et le biplace furtif d’Haccan.

Ils avaient contourné la planète, comme lui. Haccan aurait sandoute dû rétablir son transmetteur. Appeler les renforts pour que les esquifs équipés repèrent la trace chaude de leur vaisseau et ripostent au canon. Non… Il serait réduit en miettes à la minute où il enclencherait la balise. Il n’était mème pas certain que les renforts locaux suffiraient. Les terroristes avaient assez de ressources pour se cacher et pour scanner. Personne ne savait de quel niveau était leur armance. Ni combien ils étaient.

— Je vois que vous è-êtes prudent, lacha finalement l’encapuchae. En dire le moins possible, c’est le plus su-ûr. Trè-s bien, alors c’est moi qui vais parler. Vous voulez retrouver Aessa, nes-t-ce pas ?

Haccan contint sa mouvance in extremis.

— Bien, alors c’est très simple. On va vous la rendre.

— En échange de quoi ?

— Vous è-êtes aussi malin qu’on nous l’a dit.

Il serra les dents.

— En échange de petites choses insignifieuses-antes. Toudabord, les résultats d’analyses de vos trois passagers clandestins – non, ne vous demandez pas comment on le sait ; on le sait, c’est tout.

Haccan se retint de jeter un coup d’œil aux pirates. Il préférait que le terroriste ignore leur présence.

— Ensuite, un petit voyage en leur compagnie, avant de les confier à la PI pour qu’on les conduise enfin là où ils ont leur place.

Guevara faillit s’étrangler de colère en s’avançant. Sous la console, Haccan lui signifia de se taire et de ne plus bouger. Il comprenait ce qu’elle ressentait, cependant. Où ils avaient leur place ? C’était culotté de leur part. Les pires forbans du système ne représentaient pas un dixième du danger et de la fourberie des terroristes.

— Quescequi me garantit que vous les déléguerez bien à la PI ? demanda Haccan.

— Rien. Sachez seulement que pour nous, ils sont l’exemple mè-ême de ce qu’on dénonce.

— Vous pourriez les tuer, alors.

— Ça vous poserait problème ?

Haccan médita. Il devait réfléchir, et vite. Envisager toutes les issues avant de trancher.

— D’accord, déclara-t-il.

Un vent de révolte souffla dans la soute. Haccan entendit les menottes magnétiques vrombir furieusement contre le métal des maincourantes.

— Parfait, parfait ! chantonna le terroriste. On va vous escorter jusqu’au lieu de l’échange, on vous transmettra la manœuvre. À tou-t de suite, officier !

Et la capuche disparut.

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