J-3
Il n’y avait plus de mur à poncer, juste des litres et des litres de peinture à étaler. Dégager les angles, passer le rouleau… Tristan observait Julie faire depuis un moment. Il allait devoir intervenir.
— Julie ?
— Hum...
— Ma chérie ?
— Hum…
— C’est la deuxième fois que tu peins ce mur.
Julie s’immobilisa et fit un pas en arrière. Mortifiée elle dut admettre que Tristan avait raison, elle avait déjà peint ce mur, mais il avait tort sur un point, ce n’était pas la deuxième fois, mais la troisième fois…
— Tu as la tête ailleurs, lui fit-on remarquer.
Julie posa le rouleau qu’elle tenait.
— À quoi tu penses ?
De: Jolijuju< Juliebokanech@fondationbokanech.com >
Objet: Re : Re : A propos d’Ellis
À: Kami-sama < orangeverte@framsize.fr >
Date: Dimanche 21 mars 2010, 12h34
Nous pourrions lui rendre visite, apporter un gâteau… Il est important qu’elle sente qu’elle n’est pas seule. Si te trouver face à elle t’effraie viens accompagné.
Julie
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Bérénice regarda longuement Joachim. Elle ne la connaissait même pas cette fille et sérieusement elle n’avait aucune envie d’aller faire un tour dans un hôpital psychiatrique. Les dingues ce n’était pas son truc.
Joachim gardait les yeux baissés. Il avait l’air profondément malheureux.
Le voir comme ça lui brisait le cœur. Bérénice soupira.
— Oui, je viendrai.
Joachim murmura un merci.
De: Kami-sama < orangeverte@framsize.fr >
Objet: Re : Re : Re : A propos d’Ellis
À: Jolijuju< Juliebokanech@fondationbokanech.com >
Date: Dimanche 21 mars 2010, 17h12
OK. Quand ? Où ?
Joachim
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La clé tourna dans la serrure, la porte s’ouvrit.
Caroline attendait depuis plus d’une heure, depuis plus de deux journées, le retour de son mari. Il était parti subrepticement quelques jours plus tôt, prétextant des problèmes à régler d’urgence sur un de ses chantiers. La tempête Xynthia ayant fait de lourds dégâts sur divers sites dont s’occupait Julien, Caroline n’avait eu ni méfiance ni doute. Et même maintenant, il était tout à fait probable qu’il s’agissait là de la raison de ce départ précipité qui avait dû bien l’arranger.
Julien Marcellin posa son sac de voyage dans l’entrée avant de se rendre au salon. Caroline ne bougea pas. Elle resta assise dans le canapé, faussement intéressée par la série que diffusait la neuvième chaine.
Julien se pencha vers elle pour l’embrasser. Elle eut un léger mouvement de recul qui le surprit.
— Line ?
Elle joua machinalement avec la télécommande.
— Une certaine Julie Bokanech est passée.
Sa voix était détachée mais déterminée. Julien attendit de savoir où elle voulait en venir avant de répondre.
— Elle a appelé aussi… plusieurs fois. Je lui ai dit que tu étais parti pour ton travail. Elle ne m’a pas dit ce qu’elle voulait.
Julien s’assit dans le fauteuil face à sa femme.
— Elle a laissé un numéro, il faudrait que tu la rappelles.
Caroline changea de chaine plusieurs fois.
— Il y a aussi une assistante sociale dont je n’ai pas compris le nom qui a appelé. Elle n’a pas laissé de numéro mais il faut que tu la rappelles aussi.
Elle éteignit la télévision.
— Et un employé de la DDASS. Lui il n’a pas demandé que tu rappelles, juste que tu renvoies les papiers signés au plus vite. Et puis…
Elle prit la lettre qu’elle avait posée sur la table basse. Elle la jeta sur les genoux de son mari.
— Tu comptais me le dire quand ?
Julien garda le silence. Il déplia la lettre, la balaya du regard avant de la poser sur la table basse.
— Quand ? insista Caroline.
Elle attendait une réponse.
— Je ne comptais pas te le dire.
— Quoi ?
— Ce n’est pas important.
— Pas important ? Comment ça pas important ? Ton ex-femme est morte, ta fille a essayé de se suicider et pour toi ce n’est pas important ?
Julien l’observa attentivement.
— Comment tu sais pour…
— C’est ta fille !
— Et alors ?
— Quoi et alors ? Tu ne peux pas te débarrasser d’elle comme ça. Tu…
Caroline faisait les cents pas.
— Il est hors de question que je m’occupe de la fille de cette pu…
— Julien ! le coupa-t-elle, C’est aussi TA fille.
— Je ne vais pas m’encombrer avec ça !
Caroline s’arrêta net et se planta devant son mari.
— Ça ? Et notre fils aussi ce ne serait qu’un ça encombrant ?
De: Jolijuju< Juliebokanech@fondationbokanech.com >
Objet: Re : Re : Re : Re : A propos d’Ellis
À: Kami-sama < orangeverte@framsize.fr >
Date: Dimanche 21 mars 2010, 18h45
Je m’occupe d’organiser ça. Je te donne plus de détail demain.
Julie
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Une fille d’une maigreur affolante se tenait assise devant Ellis et fumait cigarette sur cigarette depuis un moment. L’infirmière de service vaquait à ses occupations dans son dos.
— J’peux en avoir une ? demanda Ellis à l’autre fille.
Cette dernière lui jeta un regard comme si elle venait de se rendre compte de cette présence. Elle prit son paquet et lui tendit ce qu’on lui demandait.
— Du feu ?
Evidement elle n’en avait pas, comme aucun pensionnaire, trop dangereux. Il fallait demander au personnel ou se débrouiller autrement. L’autre fille lui tendit sa cigarette fumante. Ellis s’en servit pour allumer la sienne et la rendit.
Les deux filles retombèrent dans leur apathie. Ellis regarda longuement la braise de tabac qui rougeoyait. Sur sa peau la braise grésilla et s’éteignît dans une odeur acre.
Plus que trois jours.
Et Caroline aussi :
— Ça ? Et notre fils aussi ce ne serait qu’un ça encombrant ?
Du coup ça confirme mes soupçons : Julien est un enfoiré qui enchaîne les femmes, et Alma, Ellis et bébé-de-Caroline sont trois enfants qu'il a eus avec trois femmes différentes
(P.S. J'adore comment Uluno décrit Julien)
Hate de lire la suite ! :D
Mais c'est un sale type, ça c'est sûr.
Bonne lecture de la suite. :)
Non, sérieusement, je le vois bien pendant son déplacement professionnel venir voir tout le monde pour leur demander s'il n'y a VRAIMENT rien qui ne justifierait qu'il reste très longtemps !
C'est assez étonnant de voir que même sa femme, qui n'a jamais rencontré Ellis, se sent plus concerné que lui ! Même Alma a l'air douce et aimante, comparée à lui...
Sinon, c'est toujours assez perturbant pour moi de voir des personnages se mettre a fumer, pour des raisons personnelles. Dans ce cas précis, je trouve que ça illustre bien la chute d'Ellis, étant donné que même en 2010 les effets négatifs de la cigarette étaient déjà connus du grand public. Le fait qu'elle n'articule pas totalement et évite les phrases trop complexe m'inquiète également un peu...
Et cette phase de fin... Magnifiquement stressant !
Merci pour ce chapitre ! J'ai hâte de lire le suivant !
Techniquement, Ellis ne fume pas dans la scène, elle demande un cigarette, l'allume et se brûle avec.
Sinon, il y a là une réalité de l'hôpital psy quand on est en service fermé : l'effet "abrutissant" des médicaments et le fait de n'avoir rien à faire à par fumer.
Merci d'être fidèle au poste. Merci de commenter. :)
Merci pour cet précision sur l'hôpital psychiatrique, c'est très intéressant !
Et ce compte à rebours angoissant qui continue. Je pensais que le pire était derrière nous, mais je commence de nouveau à m'inquiéter pour Ellis. (L'espoir d'une fin en demi-teinte s'envole de plus en plus loin. x,))
Sinon j'ai de la peine aussi pour Joachim. Il a voulu faire de son mieux depuis le début, mais il s'est retrouvé embarqué dans une histoire qui le dépasse complètement et qui risque de lui laisser des marques.
Pour le père, je crois que même juste le mettre dans la même pièce qu'Ellis n'est pas une bonne idée...
Merci de continuer à lire, merci de commenter. :)