Lena décida effectivement de rejoindre Morgan mais après réflexion, elle préféra ne pas s’afficher en maillot et elle troqua son débardeur et son short de randonnée pour un top dos nu et une jupe-short.
La jeune femme hésita en s’approchant de la piscine car, lorsqu’elle aperçut le Parisien sur un transat, elle manqua défaillir : la salle de sport ce n’était manifestement pas que pour la frime et draguer les filles. On ne se sculptait pas un corps pareil en restant assis les bras croisés devant la télé.
- C’est nouveau ça, tu mates les touristes ?
Lena se retourna et elle se retrouva presque collée au torse de Rafael, l’un de ses meilleurs amis, mais également le second guide qu’elle avait choisi pour effectuer le GR20 avec Morgan.
- C’est notre nouveau client.
- Je ne savais pas que tu avais remplacé le critère de la condition physique par le physique.
- T’es con Raf. Et figure-toi qu’il a réussi le test haut la main ce matin.
- Sérieux ? A le voir ainsi on dirait plutôt qu’il est adepte de la bronzette sur la plage.
- C’est un cas. Il est…vraiment lourd. Et con aussi.
- Bon, et bien il faudra songer à ajouter un test d’intelligence alors.
- C’est LE pinzutu dans toute sa splendeur. Et en plus, il est parisien.
- Merde, tu les choisis toi !
- Ah non, c’est lui qui est venu me chercher ! Et je m’en serai bien passé je te jure. Même pour le prix qu’il paie.
- Vu que tu m’as demandé de rappliquer, il a choisi ta formule la plus chère ?
- Oui. L’argent n’est pas un problème pour lui. Bon, viens, que je te présente.
- Ah, Raf…
- Oui ?
- S’il te plait…ferme ta gueule si jamais il…déconne. Laisse-moi gérer.
Tout en essayant de ne pas se focaliser sur le torse nu de Morgan, Lena s’avança vers lui d’un pas assuré. Lorsque le Parisien remarqua la jeune femme il se leva lentement en la fixant bien droit dans les yeux. Puis, quand il se rendit compte qu’elle n’était pas seule, Morgan se renfrogna légèrement.
- Morgan, je te présente Rafael, un ami qui nous accompagnera sur le GR.
Les deux hommes se serrèrent cordialement la main puis Lena proposa d’aller chercher quelques rafraichissements au bar pour que le Parisien puisse faire connaissance avec Rafael.
- Alors, qu’est-ce qui vous amène chez nous ? Vous avez l’habitude des randos ?
- Absolument pas. En fait, ce n’était pas prévu. J’ai perdu un pari avec des amis, venir ici c’était…mon gage.
- Ils ne plaisantent pas vos potes…
- C’était quoi le pari ?
- Oh…hum…peu importe. Une connerie.
- Du genre draguer la fille du patron et passer la nuit avec elle ?
- Pire que ça.
- Ouhlà…ok finalement, on va se concentrer sur le GR. Donc vous n’êtes pas sportif ?
- J’ai commencé il y a quatre mois. J’ai engagé un coach privé et manifestement, votre amie pense que je ne suis pas trop mauvais.
- Elle a raison de vérifier vos capacités. Il y a beaucoup trop de touristes qui se lancent sur le GR sans réaliser réellement à quoi ils s’engagent. Au moins, vous avez eu la présence d’esprit de solliciter un guide. Tout seul, en n’ayant jamais fait la moindre rando, c’était du suicide.
- Pour reprendre les mots de Lena, je suis con mais quand même. Jamais je ne me serais risqué à faire un truc pareil tout seul.
- Heureusement.
Dites, vous êtes plutôt du genre à fréquenter des endroits branchés et draguer tout ce qui bouge non ?
- En quoi ça vous concerne ?
- Parce que, et c’est un conseil d’ami, si vous aviez l’intention de vous attaquer à Lena, c’est peine perdue.
- Oh, je vois : chasse gardée ?
- Du tout. C’est juste que, du peu qu’elle m’a dit de vous…
- Lena est une de mes meilleures amies. Je ne tiens pas à ce qu’un mec lui fasse croire monts et merveilles pour ensuite la jeter comme de la merde.
- Oh ça va hein, relax ! De toute façon, je ne suis pas comme ça. Même si, je ne vois pas ce qu’il a de mal à profiter de la vie moi. De toute façon, ce débat n’a pas lieu d’être. Je ne suis pas ici pour ça. J’ai un pari à tenir.
- En même temps, sans vouloir vous vexer, même si vous seriez tenté par Lena, vous ne savez pas à quoi vous vous attaquez.
- Oh…je crois que si en réalité. Cette fille,…c’est une vraie tigresse. Elle n’a vraiment pas la langue dans sa poche et…pffff c’est une une vraie caractérielle.
Bref, je tiens à la vie moi alors…si ça peut vous rassurer, je la laisserai tranquille.
Lena revint ensuite avec les sodas qu’elle avait commandé au bar et Morgan, malgré sa discussion avec Rafael, ne put s’empêcher de la reluquer discrètement en songeant que dans un autre contexte, il n’aurait pas hésité deux secondes.
En plus, ce genre de fille, avec un vrai sale caractère comme elle, il en avait déjà rencontrées quelques-unes et au lit… elles étaient vraiment parfaites.
Morgan prit son verre et il observa Lena discuter avec Rafael comme s’il n’existait pas. Etrangement, la complicité entre les deux amis le dérangeait. Et ce gars…il avait beau le nier, mais il n’était clairement pas insensible au charme de la jeune femme.
L’arrivée d’un résident de l’hôtel à la piscine fit un instant diversion : l’homme discutait avec le propriétaire de l’hôtel et en le voyant, Lena se tourna en souriant vers Rafael. Elle se mit à lui parler en corse et, se sentant totalement exclu, Morgan se leva pour retourner dans sa chambre. Il eut cependant le temps d’entendre ce que le client disait au gérant et il sourit bien malgré lui :
- Alors monsieur, vous passez un bon séjour ?
- Pas vraiment. Y’a trop de parisiens dans votre pays ! En plus ce matin, j’ai dû supporter les jérémiades de l’un d’entre eux. Figurez-vous qu’il a eu le cran de se rendre à la gendarmerie pour porter plainte contre les cigales qui font trop de bruit. C’est à se demander de quelle planète ils viennent ces gens-là !
En arrivant dans le hall de l’hôtel, Morgan croisa un client qui l’interpella :
- Dites, vous savez où il y a un distributeur de la Société Générale ? J’ai vu qu’on pouvait quand même payer en euros ici donc…
- Je viens d’arriver je regrette je ne peux pas vous aider.
- Tout de même, j’avais peur de me retrouver au beau milieu de nulle part et je suis surpris d’avoir du wifi dans ma chambre.
Morgan s’apprêtait à répondre quand Lena fit son apparition avec Rafael.
- Bah tu étais passé où ? Ça fait dix minutes que je te cherche !
- Je vais dans ma chambre. J’aimerais…me reposer.
- Morgan…est-ce que ça va ?
- Ouais…ouais t’inquiète pas.
- N’oublie pas ce soir, nous mangeons ici, j’ai réservé une table à vingt heures.
- Ok.
Le jeune homme s’affala sur son lit en soupirant : ça ne lui ressemblait pas cette jalousie qu’il avait un instant éprouvée à l’encontre de Rafael. Ce n’était pas comme s’il voulait une fille pour empêcher un de ses potes de se la faire.
En plus, Lena ne l’intéressait pas. Le parisien, même s’il devait reconnaître que physiquement elle était vraiment à son goût, savait qu’ils n’avaient pas du tout la même mentalité et qu’il allait se casser les dents avec elle.
Mais cette complicité entre Rafael et Lena et cette façon dont ils l’avaient totalement oublié alors qu’il était assis juste à côté, ça ne lui avait pas plu du tout.
Morgan avait toujours été le centre de l’attention jusqu’à présent : il était le plus âgé d’une famille de quatre enfants et celui qui devrait succéder à son père comme directeur du cabinet d’expertise et de conseil financier qu’il avait fondé vingt ans auparavant.
A l’école, ses origines aristocratiques en faisaient le compagnon que tout le monde s’arrachait, son physique avenant attirait les filles sans qu’il ne doive faire quoi que ce soit et son aisance à s’exprimer devant des groupes importants faisait de lui un expert très demandé lors de séminaires d’entreprises.
Il ne connaissait pas cette sensation d’être tout à coup transparent et d’être relégué au second plan.
Morgan sentit alors une bouffée de colère l’envahir. D’accord, Lena était celle qui allait le guider dans la montagne mais ça ne lui donnait pas tous les droits.
Piqué au vif, le jeune homme décida de ne pas se rendre au restaurant comme la corse le lui avait demandé. Puis, il changea d’avis et choisit d’y aller mais d’arriver en retard.
L’indifférence de Lena à son sujet le poussa également à faire un effort vestimentaire. Il avait prévu quelques tenues décontractées pour la fin du GR20 car il resterait en Corse encore trois jours après la fin supposée de la randonnée et il choisit celle qui mettait le plus sa silhouette en valeur.
Lorsqu’il s’approcha des tables placées non loin de la piscine, il repéra très vite sa guide qui était une nouvelle fois en compagnie de Rafael et qui parlait avec animation avec lui. L’autre crétin pouvait dire ce qu’il voulait, ils donnaient l’apparence d’un couple très amoureux.
Une nouvelle fois, Morgan se sentit de trop et il était hors de question pour lui qu’il tienne la chandelle face aux deux corses.
D’un air qu’il voulait blasé et indifférent, le parisien fixa Lena droit dans les yeux et dit :
- Désolé d’interrompre votre dîner romantique, je voulais juste te dire que je vais manger dans ma chambre et faire appel au room service. Vu les prévisions météos, on part toujours après-demain ?
Interloquée et surprise, la jeune femme se contenta d’un petit hochement de tête.