Lena retrouva une certaine contenance après le départ de Morgan et assez fâchée elle s’énerva contre Rafael :
- Mais qu’est-ce que tu lui as dit putain ? J’avais prévu de discuter avec lui, de lui expliquer comment ça se passait dans les refuges vu qu’il n’y connait rien.
- Hey, on se calme Lena, j’ai rien fait moi !
- Pourquoi pense-t-il que nous sommes ensemble alors que ce n’est pas le cas ?
- Hum…je lui ai dit de ne pas s’approcher de toi.
- De ne pas s’approcher de moi ? Mais Raf !
- Enfin quoi Lena ouvre les yeux ! Ce mec doit avoir l’habitude d’avoir toutes les filles à ses pieds. Je ne veux pas qu’il t’utilise et qu’il te balance ensuite comme une vieille chaussette. Je n’ai pas oublié l’état dans lequel tu te trouvais après ta rupture avec Ghjuvan.
- Comment veux-tu qu’il fasse quoi que ce soit ? On va passer nos journées à marcher et quand on sera au refuge, il sera tellement crevé que dès qu’il se sera lavé et qu’il aura mangé, il s’effondrera dans son lit pour roupiller.
- Et les trois jours après le GR ?
- Il les consacrera à sortir à la Via Notte, à s’envoyer en l’air avec des filles à la plastique parfaite et à cuver tout l’alcool qu’il aura ingurgité. Moi je serai rentrée à Evisa depuis longtemps.
Rafael éclata de rire :
- En fait, j’aimerai bien qu’il essaie quelque chose avec toi. Juste pour le voir se prendre le râteau le plus mémorable de son existence.
- T’es con.
Les petites rougeurs qui apparurent sur le visage de Lena n’échappèrent pas à son ami :
- Attends un peu…ne me dit pas que…
- Il faudrait vraiment être de très mauvaise foi pour ne pas reconnaître qu’il est canon. Mais…ça s’arrête là.
Lena évita ensuite de parler de Morgan et pour ne pas faire durer le repas, elle ne prit pas un menu complet et se contenta de choisir un plat sur la carte.
Après avoir terminé, la jeune femme se leva et dit :
- Bon, je vais aller voir Morgan. Il faut vraiment que je lui explique comment ça va se passer dans les refuges car je ne pense pas qu’il a l’habitude des douches glacées et du manque de confort.
- Bah, il doit le savoir non ?
- Justement. Je n’en suis pas certaine.
- Mon dieu, il est vraiment…
- Con. Tu peux le dire Raf. Non, en fait, ce n’est pas ça. Il est…déconnecté du monde réel. Oui, voilà. A cause de l’environnement familial dans lequel il vit et à cause de la fortune de ses parents. Et c’est cela qui me fait peur. Tu vois, avec mes autres clients, eux au moins savent à quoi ils s’engagent. Lui…
- Je n’ai pas envie qu’il me fasse une crise de panique ou un caca nerveux en pleine montagne.
- Je le vois bien réclamer une coupe de champagne et du caviar. Tu imagines la tête de François ?
- Mais trop ! Le pire c’est que je le pense sincèrement capable de le faire.
- C’est un gros bourge en fait ?
- Il est issu d’une famille aux origines aristocratiques. Il a les mêmes ancêtres que certains rois de France. Bref nous ne faisons pas partie du même monde…
- Mon dieu…Ecoute princesse, je ne vais pas pouvoir garder mon sérieux pendant seize jours. Je te promets que je vais faire des efforts mais là, on peut dire que tu as tiré le gros lot…
Lena embrassa rapidement son ami sur la joue puis elle se dirigea vers la chambre qu’occupait Morgan. Elle ne comprenait pas l’attitude du parisien car il s’était habillé de manière très classe et donc, il avait manifestement eu l’intention de venir manger au restaurant.
Que lui était-il passé par la tête ?
Le jeune homme mit quelques instants pour ouvrir la porte. Il portait un simple t-shirt et un short et ses cheveux étaient légèrement humides.
Lena, un instant déstabilisée, lui indiqua qu’elle pouvait revenir un peu plus tard mais Morgan l’invita à entrer dans sa chambre.
Il était pieds nus et la jeune femme comprit qu’il était sur le point de se coucher.
- Hum…j’avais prévu de t’expliquer comment cela fonctionnait dans les refuges et je…
- Rafael a dit un truc tout à l’heure ? Pourquoi tu n’es pas resté avec nous ?
- Tu aurais dû me dire que c’était ton petit-ami. Je n’avais pas envie de m’incruster.
- Hein ? Raf et moi nous ne sommes pas ensemble !
- Pourtant…c’est l’impression que vous m’avez donnée.
Lena dévisagea le parisien assez étonnée puis elle secoua lentement la tête.
Je rêve ou il est jaloux ?
Morgan, qui avait remarqué l’embarras de la Corse, se tourna pour ne plus l’observer et négligemment il retira son t-shirt qu’il balança sur le lit. Puis il prit une petite bouteille d’eau qu’il porta à ses lèvres.
Lena ne savait pas comment se comporter avec lui mais, pour dissiper le silence pesant qui s’était installé entre Morgan et elle, elle s’assit sur le bord du lit et commença à expliquer le fonctionnement des refuges et elle indiqua que le confort était bien souvent sommaire.
- Ouais, en même temps, j’aurais été un peu surpris si tu m’avais dit qu’il y avait des hôtels cinq étoiles sur le parcours.
- J’espère que tu n’as pas oublié ton sac de couchage. Il n’y a pas de couvertures à disposition et les nuits peuvent être très fraiches.
- Et bien si j’ai froid tu viendras me réchauffer alors.
En voyant l’air effaré de la jeune femme le parisien se reprit aussitôt :
- Non mais Lena voyons je plaisante. Respire quoi !
- T’es bizarre quand même comme mec. Bon, je suppose que tu as l’habitude de manger des trucs gastronomiques donc, autant que tu saches, les repas seront peu variés.
- Du genre ?
- Omelette, pâtes, soupe corse, assiette de charcuteries, sandwichs,… Rien d’exceptionnel mais au moins de quoi remplir un estomac avant une nouvelle journée de marche.
- Je survivrai si c’est ça qui t’inquiète. Et tu sais, ça m’arrive bien plus souvent que tu ne le crois d’aller me goinfrer au McDo ou de bouffer d’autres crasses avec mes potes. Ça fait chier mes parents. Mais par contre, tu peux me dire ce qu’il y a dans la soupe corse ? Et les charcuteries c’est quoi exactement ? Je veux dire, pas de risque que je sois malade ?
- Quoi, t’as peur que je cherche à t’empoisonner ? C’est pas la jungle ici Morgan, on est dans un pays civilisé. Civilisé, ok ?
- Mais arrête de t’énerver comme ça tout le temps. Tu es soulante tu sais.
- Je suis soulante ? Ok. Bah tu sais quoi, je me demande si je ne vais pas demander à un ami de me remplacer.
Lena se leva d’un bon et elle se précipita vers la porte de la chambre. Elle n’eut cependant pas l’occasion de l’ouvrir car Morgan la retient par le bras.
- Je m’excuse Lena. Tu sais que je suis ici contre ma volonté. Je n’avais pas envie de venir et…
- Rien ne t’obligeait à accepter ce stupide gage.
- J’ai parié, j’ai perdu. Je connaissais les règles, mes potes se sont fait avoir aussi avant moi donc il était hors de question que je me défile.
- Ton égo démesuré en aurait pris un sale coup.
- Mon…égo démesuré ? C’est parce que j’ai beaucoup d’argent que tu dis ça ? Parce que ma famille a des origines aristocratiques ? Ou parce que j’ai la malchance de venir de Paris, l’endroit que tu sembles détester le plus au monde ? Tu as peut-être raison en fait : ce serait mieux que tu trouves quelqu’un pour te remplacer.
Comme pour faire comprendre à Lena qu’il n’avait plus envie de continuer la conversation, Morgan s’approcha du lit et il replaça un oreiller correctement.
Lena comprit le message et, en murmurant un bref « bonne nuit » elle sortit rapidement de la chambre.
Pendant qu’elle se préparait pour la nuit, la jeune femme se dit que Rafael avait raison : elle avait décidément tiré le gros lot avec Morgan.
Le lendemain matin, Lena retrouva le parisien sur la terrasse du restaurant pour y prendre le petit déjeuner. Consciente qu’elle ne pouvait pas perdre un client comme lui, elle s’excusa d’avoir été aussi agressive avec lui.
Morgan la dévisagea un instant avec un certain agacement puis il fit un petit signe de tête et il se concentra sur sa tasse de café.
- Ecoute, je suis vraiment désolée pour hier soir. Tu…tu es un peu différent de mes clients habituels et je…
- C’est bon Lena, pas besoin de te justifier. C’est quoi le programme de la journée ?
- Je vérifie nos sacs c’est tout. Je te conseille de te reposer, de faire une bonne sieste et de te coucher très tôt ce soir.
- Tu ne restes pas ici ?
- Je vais voir une amie à Calvi et je reviens dans l’après-midi.
- Tu es du coin en fait ?
- Non, j’habite Evisa pour le plus grand mécontentement de mes arrière-grands-parents qui auraient voulu que je m’installe sur la terre de mes ancêtres, pour reprendre leur expression.
- Et tu en es loin ?
- Deux heures de route. Mais en hiver, quand il neige où qu’il gèle je ne prends pas le risque d’aller jusqu’à leur village. Les routes de montagne sont dangereuses.
- Bon, rien de dramatique alors.
- Tu ne connais pas mes arrières grands parents ! Ils ont quatre-vingt-quatorze et quatre-vingt-douze ans mais…ils sont terribles !
- Ah oui ?
- Tu as déjà entendu parler de la vendetta ?
- Un peu oui. Ta famille en a été victime ?
- C’est plus compliqué que cela. Oh, désolé je dois y aller, mon amie m’attend devant l’hôtel.
- Tu m’expliqueras ces histoires de vendetta ?
- Si tu veux.
- Ça m’intéresse.
Lena quitta la chambre du parisien tout en se demandant pour la énième fois si elle ne devait pas trouver d’urgence quelqu’un pour la remplacer auprès de Morgan.