Je suis "écri-veine"

Notes de l’auteur : Premier jet, soumis à des corrections, et ajouts ou suppressions de bouts de textes. En cours d'écriture. Votre avis est bienvenu! Merci de me lire.

Dire "je" est pour moi un exercice difficile auquel je souhaite me confronter, en livrant mes expériences de vie marquants, et en commençant par l'inceste subi. Je fus victime dans mon enfance d'abus sexuels par mon grand frère. Je ne veux continuer à subir cette malchance qu'a été mon enfance! Me raconter et livrer mes secrets, afin de m'en sortir et de me dire, m'est nécessaire.

Je souhaite dépasser ce traumatisme, avec tous les cauchemars que cela implique et qui ont si souvent peuplés mes nuits d'enfer. Je me saoûle pour tenter d'oublier, mais "oublier" est vain quand les images de ce passé refont si souvent surface et m'empêchent d'avancer sereinement.

Ce passé si douloureux, je le paye aujourd'hui au prix fort. Je réalise une psychanalyse personnelle depuis plus de dix ans, et je reviens souvent sur le divan, sur mes premiers pas qui furent difficiles, avec ce frère hors-norme.

Je me suis créé une carapace invisible, mais puissante, pour me protéger de mes émotions trop fortes et pénibles. Du coup, impossible pour moi de pleurer comme avant. Je suis devenue cette femme mosaïque, à multiples facettes, qui cherche son identité. J'ai plusieurs modèles féminins que je puise dans l'art et la littérature, comme Niki-de-Saint-Phalle et Colette. J'adore les chats, et ce furent mes meilleurs compagnons dans la vie, et particulièrement lors de mon enfance. Accorder sa confiance aux autres m'est difficile, chose qu'on peut aisément comprendre dès lors où je fus trahie par ma propre famille!

J'aimerais dire sans en passer par le silence ou le cri. Mais dire je avec toute la poésie des mots et leur pouvoir guérisseur sur mon âme. Je me shoote aux mots, et j'écris comme je respire pour opérer une catharsis et éprouver du bien-être. Ne plus souffrir. Que les mots me délivrent enfin de la torpeur! Je prie pour m'en sortir et dire combien les viols répétés par ces doigts de fer m'ont blessés à jamais. Ils laissent une cicatrice invisible, où l'autre peut voir qu'à la seule condition de savoir vraiment écouter mes maux. Ceux qui ne veulent entendre l'inceste sont nombreux, à commencer par l'instance judiciaire...

J'ai en effet porté plainte, mais il y a eu un classement sans suite, sans véritablemennt d'enquête sérieuse, à mon sens. Les policiers ne sont pas suffisamment bien formés à ce genre d'affaires sexuelles, il me semble. J'aimerais que justice soit faite et qu'un jour je puisse pardonner. Mais à présent, je dois me protéger. Tout en ressentant les choses de façon plus acceptables et soutenables. Apprendre à se protéger dans mon cas est histoire de toute une vie! Apprendre à mieux se respecter et s'aimer va avec évidemment, et je tente de trouver une meilleure estime de moi-même. Cela demande tout un travail et ne se fait pas naturellement.

 

J'ai commencé à dire "je" en utilisant la troisième personne du singulier, et en inventant une auto-fiction sur une pianiste schizophrène, que je n'ai jamais publié. Mais cette histoire était sacrément importante pour moi. Puis, je me suis rendue compte que je disais souvent "on" ou "nous" à la place du "je". Je suis probablement multiple et plurielle, mais quand même, je me suis dit que je me cachais derrière ce "on" vague. Cela m'a posé problème. Qui suis-je au juste? Vais-je un jour trouver réponse à cette question fondamentale qui touche mon être?

Je suis en quête de mon identité. Je l'ai toujours été. Je sais que je fus victime d'inceste, mais cela ne doit pas résumer qui je suis. La réalité est bien souvent plus complexe que les étiquettes que les autres veulent nous coller, par simplicité ou simplement par bêtise et ignorance.

 

Je suis "écri-veine" et puise ma force dans les mots et la littérature. C'est ma seconde peau, et si j'en ai un besoin vital, je trouve que c'est une chance et une délivrance. Je danse avec les mots sur le rythme de la musique.

Les mots-fleuves ruissellent en moi et lavent la souillure passée, le crime commis, soignent l'âme blessée et meurtrie. Je soigne mes migraines et raconte mes cauchemars, pour vivre et réaliser mes rêves les plus fous. Ma douleur m'inspire et je tente de la transformer en or qui pépite. Ces joillaux qui sont en moi, ma richesse intérieure et mon monde imaginaire, me sauvent.

Je suis avant tout une personne qui écrit tous les jours dans son journal, comme Virginia Woolf, pour traiter sa folie. Je suis en partie folle, mais le fait de le savoir et de cerner les causes de ma folie, m'aide un peu. Je tente de m'analyser à travers l'écriture et la psychanalyse.

 

Si écrire est ma chance, l'acte de tracer ces lignes comme le sang qui coule dans mes veines est une preuve de mon existence et de mon passage sur terre. Je suis un être humain avec ses failles, mais aussi avec ses forces, et je ne veux qu'on me réduise à un numéro comme on en tatouait sur les juifs! L'inceste a été une expérience de déshumanisation extrême pour moi, une sorte de lavage de cerveau aussi. Cependant, si je souhaite être sauvée, je pense que je ne pourrais l'être que par l'écriture, l'art et la psychanalyse. Ce sont les solutions que j'ai pu trouver durant ma vie, et qui ont un effet apaisant ou parfois stimulant.

 

J'ai commencé à tenir un journal intime à l'âge de quatorze ans, et depuis je ne cesse d'écrire.

 

Enfant, je me débattais comme je pouvais... Je regardais beaucoup la télévision, et parfois allait me balader dans la nature, ou je passais du temps avec mes chats. Ecrire n'est apparu qu'un peu plus tard, à l'adolescence. Depuis cette trouvaille, j'ai évité bien des hospitalisations psychiatriques! C'est une sorte de suppléance au sens lacanien du terme. J'écris comme Joyce pouvait le faire, sans son génie en revanche, mais d'où je viens. Mes racines et ma source sont la déchirure de mon être. Je m'écorche dans la vie aux ronces du passé. Ces ronces que ma mère tente d'arracher mais qui ne cessent de repousser comme ces mauvaises herbes. Les ronces existent: je ne l'oublie pas, et pour le supporter je survis en écrivant. Coulent dans mes veines les mots qui me font voyager.

Enfant, je parlais seule sur le chemin de l'école. Etrange... Les gens qui me surpenaient, souriaient l'air amusés.

Ecrire pour survivre et raconter sa vie amoureuse fut vite devenu un impératif. J'étais amoureuse d'un toxicomane, et hélas les ennuis commencèrent. J'étais littéralement folle de lui! J'humais son parfum sur l'écharpe qu'il oubliait souvent à la maison. Je rêvais de faire ma vie avec. Il avait les yeux bleus et était de taille moyenne. Assez beau gosse à mes yeux! Il se baladait en scooter, et chipait l'essence dans les voitures. Un beau petit voyou.

J'écrivais donc sur lui et sur mes "débuts" de ma vie sexuelle et amoureuse. J'écrivais chaque soir mes journées. C'était devenu mon petit rituel. C'était comme si Dieu m'intimait l'ordre d'écrire.

C'est ma tante paternelle (la femme du frère de mon père) qui m'avait offert un journal intime, en forme de chat avec un coeur, bleu et rose pâles, à un Noël.

L'exercice de se dire dans mon journal, quotidiennement, me plût et me plaît encore aujourd'hui, alors que j'ai trente-neuf ans maintenant.

 

Je m'essayais également à l'écriture de nouvelles, de contes, de poésie et d'autofiction par la suite. J'ai même écrit un début d'essai de psychanalyse! Oui, mais voilà, les premiers jets se faisaient aisément, mais tous n'étaient pas retravaillé et certains avortés. Manque d'estime? Faut y croire, me répétais-je...

J'écrivais sans relâche et sans penser sérieusement à la publication, tout en l'espérant secrètement comme on attend un miracle. Croyante? Oui et non...

Je persévérais en tout cas, et ce parce que j'en avais littéralement besoin. J'éprouvais une sorte de soulagement et écrire m'aidait à structurer ma pensée et à poser mes émotions.

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Antarctique
Posté le 14/09/2023
Après avoir lu vos poèmes j'ai regardé un peu ce que vous écriviez d'autre et je trouve ce texte extrêmement touchant. Le on, le nous à la place du je, je comprends quand j'écris de la poésie je fais pareil et la fin aussi je ressens la même chose : d'abord on se dit "C'est pas du Rimbaud mais c'est pas mal quand même" et puis relecture, relecture, relecture, comparaison avec Baudelaire et abandon. L'écriture aussi a un effet positif sur moi et souvent j'écris le mieux quand je laisse juste parler ce que je ressens ou ce qui remonte. J'espère en tout cas que ton "or qui pépite" continuera de briller et d'illuminer encore beaucoup d'autres textes
Vous lisez