Journal de bord : Extrait 6

Journal de bord d’Anselme Dubois

15 février 2222

 

« Les Contrariés ». Le Dr. Davis n’est peut-être pas le plus brillant d’entre nous, mais il a le sens de la formule.

Je consens qu’il faille imaginer toutes les possibles faiblesses de notre nouveau système, mais je n’en peux plus d’inventer toujours plus de cases et de mots pour les qualifier. Je laisse donc volontiers ces aspects sémantiques à mon homologue américain qui semble se réjouir d’une telle responsabilité.

En partant du principe vérifié que l’humanité éprouve du plaisir à effectuer les tâches pour lesquelles elle est douée, nous avons établi une société donnant les moyens à chacun d’être heureux professionnellement.

J’ai personnellement du mal à imaginer que certains puissent préférer une vie faite de médiocrité alors même que le chemin de l’excellence et de la reconnaissance leur tend les bras. Mais en tant que comité scientifique nous devons envisager l’être humain dans toute sa complexité.

En les nommant « Contrariés », le Dr. Davis faisait référence à leur Talent. En allant à l’encontre de ce pour quoi ils sont faits, ils contrarieraient leur Talent. Cependant, ce terme peut tout aussi bien être interprété sous un angle différent. Celui de la personne, contrariée par une nature lui ayant offert un Talent contraire à ses centres d’intérêt.

Si l’humour avait sa place au sein du Comité, j’aurais plutôt proposé qu’on les nommât les Contrariants. Après avoir consacré ma vie à bâtir un monde meilleur, imaginer que certains puissent me dire « Mouais, bof, non merci » m’horripile. Pourtant, je dois me résigner. Cela s’appelle le libre-arbitre, et je ne peux imaginer de monde meilleur qui en soit privé. Nous n’éradiquerons ni la flemme de l’adolescent, ni la crise de la quarantaine, ni les fluctuations d’hormones, ni la bêtise !

Rien ne sera fait pour encourager ce choix-là, évidemment, mais il restera possible. Or, lorsqu’une personne est à contre-courant de la norme établie au sein d’une société, cela se traduit malheureusement très souvent par l’apparition de discriminations, d’intimidations, de jugements. Moi qui souhaitais abolir toute forme de stigmatisation, je me suis certainement cru plus puissant que je ne le suis.

Afin d’accepter mon impuissance, je me console avec des arguments dont j’ai moi-même honte …

Dans toute dynamique de groupe, et ce dès notre plus jeune âge, le bouc émissaire joue un rôle primordial. Il est celui qui, au prix de sa stigmatisation, fédère et consolide la dynamique du groupe dont il est exclu. Rien de tel, pour unifier une société, qu’un ennemi commun. Contrairement aux discriminations que nous observons dans notre monde actuel, au moins les Contrariés auront choisi en leurs âmes et consciences cette voie là … et auront toujours la possibilité d’en sortir.

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arno_01
Posté le 28/12/2020
Je suis mitigé par ces extraits de journal de bord. Jusqu'à celui-ci, je les trouvais carrément de trop dans le livre.
J'avais trouvé la compréhension du monde, à travers l'immersion dans la vie de Solola, amplement suffisant. Et l'exposé, un peu académique, des découverte d'Anslème, par lui-même, m'avait franchement pas emballé.
(ainsi, dans ce chapitre on parle des Contrariés, mais il est bien mieu expliqué dans le chapitre d'avant)

On y découvrait un personnage un peu hautain - je trouve - qui n'a (ou n'avait) que peu d'intérêt pour l'histoire de Solola. J'avais l'impression qu'on me donnait à lire une histoire passé 20 ans auparavant, mais qui n'avait pas trop d'impact sur l'histoire actuelle (je parle là de la petite histoire des personnages, et non de l'Histoire et du monde qu'il façonnait). Je me disais que je lisais plus les notes de l'auteur, qu'il écrit pour lui même, pour consolider son monde, que l'histoire que je voulais lire.

Ce chapitre donne un peu plus de profondeur à Anselme. Lui donnant une plus grande finesse - par la compréhension des travers de l'âme humaine, également en lui faisant éviter la création d'une utopie à tout prix - tout en lui donnant un aspect un peu machiavélique - comment il va faire gérer les contrariés, pour mieux asseoir et définir son utopie.
J'espère que ce n'est pas juste pour nous expliquer que les contrariés sont marginalisé / mis de côté / refusé par la société. Je l'avais compris / deviné aux chapitres précédents.

Cela arrive peut-être un peu tardivement. ou condenser les autres extraits, quitte à les étaler dans le livre pour ne parler des contrariés que maintenant.

En tout cas, je lis toujours avec plaisir la suite des aventures de Solola, Marcelin, et désormais Palmyre.
MadelinePerlef
Posté le 17/01/2021
Merci beaucoup pour ton commentaire ! Les extraits du journal d'Anselme vont en effet apparaître dans l'histoire de Solola à un moment donné, ils n'existent donc pas juste pour expliquer comment s'est passé la création de la nouvelle société ;)

Mais pour le moment mon but est quand même d'apporter un éclairage nouveau sur la transformation d'une utopie en un monde réel avec ses avantages et ses défauts. Je note cependant que pour l'instant tu ne trouves pas ça très passionnant et je vais tenter de faire mieux sur les suivants.

Merci beaucoup pour ton avis et j'espère que la suite des chapitres t'emporteront plus !
MariKy
Posté le 08/12/2020
"Mouais bof, non merci " ha ha ! Je ne pensais pas qu'Anselme Dubois parviendrait à me faire rire dans son journal de bord ;-)
Cet extrait arrive à pic pour répondre à la problématique Palmyre, et apporte beaucoup de nuance à ton univers. Effectivement, l'humain est contrariant, le monde parfait n'existe pas.... Mais Anselme a fait de son mieux pour y arriver !
MadelinePerlef
Posté le 13/12/2020
Hehe en effet ce n'est pas le plus grand bout en train mais je suis contente qu'il ait pu te faire rire quand même ;)
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