Le voyageur avait quitté le havre pour remonter le fleuve jusqu’à la Source. Le cœur en feu et plein d’espoir, il marcha, froissant ses muscles, usant son dos, craquant ses os sans soin de sa personne. A mesure que la rivière s’amenuisait en ruisseau, il grimpa, trébuchant sur les pierres, barbotant dans les algues qui lièrent sa cheville et qu’il cassa d’un coup sec. Enfin, sa course à contre-courant le mena au dernier tournant, premier méandre du lit de l’eau, écharpe dans le cou de la Source. Là, dans la nuit glaciale, l’arpenteur la découvrit, bien plus belle et imposante qu’il l’avait rêvée.
Le marcheur tomba à genoux, haletant. Elle resta impassible. Monumentale, elle était silence et patience, sans sourire ou rictus. Il n’était qu’englobé dans son regard tandis qu’elle appréciait toute l’étendue de son propre corps qui serpentait à travers monts et plaines jusqu’à la mer. Distraitement, elle dit :
« Je t’ai vu venir, tête folle, pleine de vent. Je vous connais, conquérants, croisés, explorateurs de tout crin. Tu cherches l’Amour, Dieu, la Réponse à ta question ou peut-être quelque cookie en récompense de ton long voyage.
As-tu apprécié la beauté du chemin ? Les pierres moussues, les herbes vivaces et les ronds dans l’eau ? Car c’était le seul prix à gagner dans ta quête.
Je ne t’attendais pas, ainsi n’espère rien de moi. Désormais, tu peux repartir ou poursuivre dans la nuit, à la lumière des étoiles, feu d'allumettes vite flambées. Tu peux rester ici tant que tu veux, à me contempler ou me conspuer. Tu es libre, prends une décision et habite-la comme la plus belle des maisons. »
Elle se tut et l’homme pleura, ajoutant quelques gouttes qui se fondirent parmi leur flot frère, de la montagne jusqu’à l’estuaire.
Au plaisir de te lire le mois prochain !