Pour aller en ville, les passagers de Scintillam se revêtaient avec le comble de l'élégance. Par dessous sa redingote, Varid avait enfilé une chemise si blanche que ses favoris rouges semblaient encore plus aveuglants qu'à l'accoutumée. Au bras de son époux, Solveig rayonnait, très charmante dans sa robe de soie pervenche. Blanchie derrière la dentelle de son ombrelle, Xia avait accumulée tellement de breloques, de fanfreluches et de perles dans sa broderie qu'Annie aurait cru qu'elle peinerait à marcher. Mais comme pour la contredire, la jeune coquette se déplaçait avec la légèreté d'une plume dans le vent.
Pour sa part, Annie se cramponnait à son ombrelle comme si sa vie en dépendait. Pour sortir, elle avait vidé et rangé toute la garde-robe de sa compagne en quête de décence. Elle s'était finalement empêtrée dans une étoffe aussi bleue que velouteuse, gracieuse et ruisselant jusqu'à ses maigres genoux.
Dans la Wolken, se rendait-elle compte, les personnes recherchaient en priorité le raffinement. Annie, elle, s'habillait au reflet de son âme, de son caractère. Indépendante, rêveuse, mélancolique et distante. Jamais elle n'avait réellement prêté attention à être élégante.
Un long reniflement lui échappa, tandis qu'elle redressait tristement son béret. Son rhume ne s'améliorait vraiment pas et se déplacer entre les bourrasques glacées n'était peut-être pas le meilleur des remèdes. Cela faisait un bon vingt minutes qu'ils marchaient sur des nuages et à ses yeux, les archipels se trouvaient encore loin. Parfois, ils croisaient une demeure en balade, dont le fameux Pluviam, une architecture en forme de gigantesque goutte d'eau. La bonne partie de ses murs étaient une impressionnante baie vitrée, si bien que l'entier du salon leur paraissait de l'extérieur. Annie songea immédiatement qu'elle aurait détesté posséder une maison pareillement érigée.
Cependant, ses rêveries furent vite interrompues. Perdu aux milieu des cumulus fluctuants, une cabine toute en argent et chatoiements surgissait devant eux. Un guichet lui tenait compagnie. Accoudée derrière lui, une femme aussi ronde qu'un disque les dévisageait avec un sourire faux, presque moqueur. Annie en fut impressionnée. En vérité, il y avait tout de gonflé chez cette dame. De son nez bulbeux jusqu’à ses chevilles éléphantesques.
Son œil scrutateur ricocha de Solveig à Annie, de Varid à Xia, puis pivota de nouveau vers l'humaine, sourcil droit cambré. Heureusement, elle ne fit qu'une courte observation de sa silhouette et revint rapidement à son poste.
- Avez-vous votre passe ? Demanda-elle d'une jolie voix fluette qui jurait avec son embonpoint.
- Évidemment, répliqua Varid avec son ton autoritaire.
- Évidemment, roucoula Pudubec.
D'un geste délicat, le père extirpa de sa poche un bout de papier encré d'or. La guichetière farfouilla dans son triple menton en lisant ce qu'il y était marqué, puis elle eut un mouvement désinvolte.
- Allez-y, je vous prie.
Elle disparut un moment puis Annie réalisa, hébétée, que le lourd guichet dissimulait un laborieux système plein de complexes. En revanche, la femme l'activa facilement, presque méthodiquement, et aussitôt le moteur en marche, aussitôt la manivelle tournée, Annie se dit qu'elle n'aurait pas dû s'émerveiller pour si peu.
Brutalement, tout devint lumineux, aveuglant.
Jaillissement soudain de couleurs qui plongeaient dans le vide, un arc-en-ciel naissait devant elle. Les yeux écarquillés, la mâchoire quasiment décrochée, Annie observa le pinceau imaginaire coudre, allonger puis préciser son œuvre avec une délicatesse inimaginable. Aucune maladresse, aucun tremblement, aucun défaut ne troublait le pinceau invisible. C'était la pure et limpide perfection. Les larmes brouillèrent lentement la vue de la jeune fille. Si autrefois elle aurait su que la vie d'un arc-en-ciel n'était pas un élément naturel et que cette magnificence dépendait d'une étrange machine ! De la technologie Wolkenaise.
- Par la moustache de Mr. Limitrof..., murmura-elle.
En voyant la merveille germer, puis s'épanouir sous ses yeux, Annie n'aurait pour rien au monde cédé sa place. La Terre débordait de spectacles grandioses, mais rien n'égalait la naissance d'un arc-en-ciel. Brûlante d'émerveillement, Annie aurait pu rester des heures et des heures ici, admirant les nuages torrentiels, le soleil pâle, les ombres discrètes des architectures derrière la brume, et les oiseaux qui passaient gracieusement au-dessus de sa tête. Mais hélas, la famille qui l'accompagnait avait d'autres tapis à battre.
Se retournant difficilement vers ses compagnons restés impassibles, Annie trouva enfin usage à la cabine argentée. C'était une cabine de téléphérique.
Si assister à la naissance d'un arc-en-ciel était un rêve, grimper dans un téléphérique accroché à ses couleurs était un cauchemar. Annie pâlit en se mordant la lèvre. Elle ne souffrait pas spécialement de vertige, mais une telle altitude ne lui inspirait pas confiance non plus.
A force d'écarquiller tant les yeux, elle se demandait encore pourquoi ils ne tombaient pas de ses orbites. Elle déglutit, tritura nerveusement une mèche de cheveux, puis se pencha vers Xia :
- On va vraiment grimper là-dedans ?
Xia tintinnabula bruyamment en se retournant vers la jeune humaine. Ses superbes bouclettes encadraient son froncement de sourcils.
- Naturellement. C'est un chemin beaucoup plus rapide pour accéder à la Cité Bleue. Si Scintillam peut nous conduire directement jusqu'aux frontières de la Blanche et de la Verte, l'accès à la Bleue est beaucoup plus périlleux pour une demeure. Le vide est particulièrement conséquent, par ici, mais c'est une façon de protéger les trésors de la cité.
Annie essaya de ne pas trop paraître affolée.
- Je vois, fut sa réponse.
Ce matin-là, Annie apprit beaucoup de choses. Sa première affirmation fut qu'elle ne remonterait plus jamais dans un téléphérique. A chaque fois qu'il s'agitait un peu trop à son goût, elle avait l'impression de revivre son accident d'avion. A chaque fois qu'il accélérait, elle posait une main terrifiée sur son cœur. A chaque fois qu'il rebondissait sur un nuage, un petit cri s'évadait de sa gorge. A chaque fois qu'elle jetait un œil vers le vide, elle lâchait son ombrelle. A chaque fois qu'il glissait doucement, elle gémissait. A chaque fois qu'il se faisait trop calme, elle s'agitait nerveusement sur la banquette de velours rouge. Et elle se demandait continuellement comment, autour d'elle, ses compagnons pouvaient faire la conversation gaiement.
Mais c'est en les écoutant qu'elle s'informa correctement du Monde des Nuages.
Pendant que le téléphérique descendait rigoureusement le long de l'arc-en-ciel, les passagers de Scintillam lui enseignèrent tellement de choses sur la Wolken qu'Annie en oublia près de la moitié. Mais elle retenu que chaque habitant avait pour possession un oiseau domestique. Ceux de Solveig et Varid étaient actuellement partis apporter un message à l'un de leur grand cousin.
Annie avait également bien mémorisé la paie de ce monde. Ils payaient en plumes. La plume de paon ou de phénix faisaient parties des plus coûteuses tandis que la plume de moineau ou de pigeon étaient d'une valeur pauvre. Or, il ne s'agissait pas d'une monnaie très précise. Certaines personnes étaient bien plus attirées par les plumes d'oies que par les plumes de phénix.
Harcelée de questions par Xia, Annie fut également obligée de décrire la monnaie humaine, en essayant d'oublier son envie de restituer son repas. Quand Xia désirait quelque chose, ses yeux pétillaient comme une limonade bon marché. Il était alors impossible de lui résister.
- Tout cela m'a l'air for intéressant, commenta Varid d'un ton qui signifiait tout le contraire.
Annie eut un soupir exaspéré. L'exaspération avait un goût très fort, sulfureux, abominable et épicé. La jeune fille détestait goûter à cette saveur, mais le père ne perdait pas une seconde pour la ramener à l'ordre. Elle enfonça furieusement son béret sur ses oreilles.
- Humm, marmonna-elle en guise de réponse.
- Hum, radota Pudubec d'un air moqueur.
Et sur ce, après un doux et gracieux glissement, avec un court et mélodieux cliquetis, le téléphérique atteignit la Cité Bleue. Il était temps. Annie avait le teint verdâtre.
- Mesdames et monsieur.
Un homme à la moustache en guidon venait de leur ouvrir la porte de l'extérieur. Et de vert, la peau d'Annie devint d'un blanc cadavérique.
La Cité Bleue était plongée dans une lumière bleutée et tamisée. Les pavés sableux se compensaient par divers ornements dorés et de lourds réverbères de cristal noir. Roulant fougueusement dessus, des fiacres bien équipés mais sans cocher ajoutaient au lieu un charme bien particulier. Ils étaient tirés par de majestueuses pégases qui, tantôt volant, tantôt galopant, semblaient rebondir sur le sol moelleux. Quant aux bâtiments... Sertis dans une grâce confuse de parois montagneuses, leurs sommets devaient se noyer dans la Voie Lactée.
Annie déglutit en blêmissant davantage. Des fils d'émotions se muaient dans sa poitrine. Encore une fois, des milliard de questions l'assaillirent. Que faisait-elle donc là ? Pourquoi ne mourrait-elle toujours pas d'émerveillement ? Pourquoi Ambud et Hauata l'avait choisi, elle, et pas un autre ?
- Mademoiselle ?
Annie sursauta. Une paume épaisse et crasseuse se déployait sous son nez, comme un drôle d'oiseau à cinq ailes. Elle leva doucement les yeux vers son propriétaire et croisa le regard soucieux de l'homme moustachu.
- Une tracasserie, mademoiselle ?
- Euh, non. Tout va pour le mieux, merci, répliqua Annie en déclinant poliment la main qu'il lui tendait.
Pourtant, l'homme saisit la sienne pour la hisser à l'extérieur. Annie ouvrit la bouche, déboussolée.
- Désolé, mademoiselle. Les rebords des cités sont de vraies glissoires et bien que je ne doute pas de votre force, (En disant cela, il fixait ses bras sans chair.) je dois assurer votre sécurité. C'est mon boulot, mademoiselle.
Annie hocha la tête distraitement. Hauata l'avait aussi mise en garde là-dessus et elle n'osait imaginé ce que cela faisait de dégringoler dans le vide. Elle s'accrocha de tout son crû au visage de son « secoureur » pour éviter de regarder ce qui se déroulait sous ses pieds.
- Merci, déclara-elle une fois dehors.
Elle réajusta son béret et rejoignit timidement ses compagnons qui l'attendaient. Xia avec sourire lumineux, Pudubec avec ses piailleries assourdissantes, Solveig avec sa jolie pipe en porcelaine et Varid avec sa crinière si rousse qu'elle évoquait des chutes de lave en fusion.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Interrogea Xia, qui comptait consciencieusement ses jupons.
- Ce n'est pas important.
Ses paroles furent distraites. Le goût acide de la peur lui chatouillait les papilles. C'était un arôme si fade, si répugnant, qu'on jugerait nos ongles meilleurs. Pâlissante, Annie jeta un coup d’œil circulaire autour d'elle. Cette Cité semblait immense. Les fiacres devaient parfois céder le passage à des tours qui traversaient la route. Ils freinaient, les pégases hennissaient, les oiseaux croassaient, les bâtiments riaient, les clochers sonnaient, et un petit tas d'hommes polissons sifflaient avec appréciation une femme à la chevelure violette.
Ce brouhaha était assourdissant mais étrangement, il ajoutait au lieu une dose encore plus conséquente de charme.
Annie tourna tellement la tête qu'un abominable torticolis prit l'emprise de son cou. A droite, une femme au visage bleuâtre fermait ses volets d'un air digne. Un vieil homme au bouc impressionnant tirait sans cesse et moqueusement son haut-de-forme dès que quelqu'un passait devant lui. A gauche, un adolescent dégingandé plantait un panneau qui indiquait « ATTENTION A HIER ». Plus loin, une minuscule créature qui ressemblait étrangement à un chihuahua doté d'ailes forçait sur une laisse, les yeux fous.
Xia redressa fièrement son ombrelle et ils se mirent en route. Solveig et Varid ouvrait la marche, côte à côte, tandis que les deux jeunes filles la fermaient, à l'abri sous leurs parapluies de dentelle.
- Détends-toi, chuchota Xia à l'oreille de sa compagne.
Plus facile à dire qu'à faire ! En vérité, si Annie avait réussi à adapter une marche globalement assurée dans les pavés de la Cité Blanche, ici, elle était tellement rétractée que ses épaules s'attachaient presque à son cou. La lumière bleutée la dérangeait.
- Tu as peur ? Poursuivit-elle.
- Un peu.
Xia éclata d'un rire aigu, que ses breloques acclamèrent de toutes leurs forces.
- C'est normal au début, mais je pense que tu t'habitueras vite ! Tu es forte, Annie.
La concernée n'y croyait pas un mot mais ces paroles lui firent chaud au cœur. « Tu es forte, Annie. » Elle sourit à la jeune fille, reconnaissante. Elles faisaient bien un drôle de duo, toutes les deux. Xia avait toutes ses sophistications et elle, avec son visage fade et sans caractère, les personnages se retournaient sur leur passage en sourcillant.
C'était deux choses qui écœuraient Annie chez les Wolkenais. L'orgueil et l'amour du paraître. Quand elles passaient dans les différentes ruelles, ce n'était pas sans croiser une femme qui se poudrât le nez ou se laquât les cheveux, et un homme qui époussetât son veston ou consultât son miroir de poche. Ils étouffaient sous leurs apparences bien brossées. Annie fronça tellement les sourcils qu'une larme noire se creusa entre eux. Et si, sous leurs maquillages grandiloquents, ils cachaient un cruel manque de confiance en soi ?
La jeune fille grignota nerveusement une mèche de ses cheveux obscurs. Cela n'expliquait pas pourquoi ils la regardaient tous ainsi. Des œillades enflammées, méprisantes, vulgaires, apeurées ou stupéfaites l'accompagnaient sur son chemin. Et, une fois encore, pourquoi elle ? Pourquoi pas Xia ? La charmante et visible Xia sous sa tempête de bouclettes délicates, sous ses sourires lumineux, sous ses intimidantes breloques, sous son interminable épaisseur de jupons et sous sa gracieuse ombrelle ? Diable, pourquoi elle ?
N'y tenant plus, Annie tapota l'épaule de sa compagne d'une main tremblante.
- Tu as remarqué ? Ils m'observent tous. Comme si j'étais une collection d'objets particulièrement incongrue dans un cabinet de curiosité... Ou alors comme... (Annie reprit laborieusement sa respiration) comme si j'étais une horrible limace écrasée sur le rebord d'une route.
Xia se tourna tranquillement vers elle. Au lieu de s'inquiéter à son tour, des étincelles crépitaient dans son regard.
- Qu'est-ce qu'une limace ?
- Quelque chose de visqueux et dégoûtant, répondit Annie impatiemment. Alors ? Pourquoi tant de mépris ?
Cette fois-ci, malgré son sourire, le visage de Xia avait relui. Ses cils papillonnaient de nervosité refoulée.
- Je... je ne sais pas... C'est peut-être à cause de ta maigreur. Tu es aussi fine qu'une cuillère !
Annie n'en doutait plus, présentement. On lui cachait quelque chose. D'un geste agacé, elle indiqua une femme squelettique qui pourtant, ne s'attirait aucun regard. Xia blêmit aussitôt, et son sourire s'écroula dans un fracas silencieux.
- Euh... Laissa-elle échappé, tandis qu'elle déboutonnait et reboutonnait ses gants de dentelle avec embarras. Disons qu'à la Wolken, le nombre de gens avec des cheveux aussi sombres et une peau aussi pâle est très limité.
Annie oscilla la tête, bien qu'elle restât certaine que sa compagne ne lui avait dit qu'une part de la vérité. Mais elle n'insista pas. Elle avait reçu une réponse assez satisfaisante, c'était déjà ça.
Que très légèrement rassurée, elle essaya de dissimuler sa tignasse le mieux qu'elle pouvait sous son ombrelle et son béret. Occupée à sa tâche, elle n'aperçut que trop tard que Varid et Solveig s'étaient arrêtés. Elle percuta le dos du père en plein fouet.
- Et elle ose se moucher dans ma redingote par dessus le marché ! S'indigna-il théâtralement.
- Désolé, marmonna Annie en reniflant.
Mais elle n'en fit pas des tonnes. En vérité, elle en était incapable. A quelques mètres d'elle soufflait une chatoyante créature de plumes et de poils, de sabots et de puissance, de grâce et de dangereuse beauté. C'était une terrible pégase au crin de flammes, et aux incommensurables ailes d'un or moucheté de luxe, un fiacre accroché à ses flancs. Il marchandait des plumes avec Solveig qui, déjà très à l'aise, fumer en plein sous ses naseaux.
- Cinq plumes de mésanges et huit plumes de cygnes et n'en parlons plus, commanda-elle sur une note presque menaçante.
Si Annie n'aurait pas été si impressionnée de se retrouver nez à naseaux avec une pégase, elle aurait trouvé à la scène de l'absurdité. Si la créature désirait tellement des plumes, il pouvait toujours en arracher à ses ailes, après tout.
- Cinq plumes de flamants, répliqua la pégase.
- Quatre plumes de flamants.
La pégase frappa le sol de son sabot doré, comme pour se vider de son agacement.
- Quatre plumes de flamants et une plume de mouette.
Solveig haussa ses longs sourcils bien maquillés, se recoiffa, souffla une profonde bouffée de tabac et interrogea son mari du regard avant de répondre enfin :
- Marché conclu.
Elle extirpa de son élégant porte-monnaie la somme réclamée et la rajouta à la bourse que portait la pégase autour du cou. Le cheval renâcla de satisfaction.
- Je suis Hubert. Montez, prochaine destination : MajHabie !
Ombrelle repliées, politesses échangées, jupes soulevés, marchepied franchi, la petite troupe se retrouva dans une étroite étendue de velours rouge, les vitraux ornés d'or et un parfum de qualité flottant dans l'air. Annie renifla discrètement. C'était sans doute le lieu le plus petit et le plus luxueux qu'elle n'ait jamais été. L'orphelinat entier ne devait pas coûter plus que ce fiacre.
Elle s'installa maladroitement sur la banquette velouteuse, et Solveig s'assit devant elle avec la dignité d'une duchesse. Xia se posa à son côté dans un fouillis de jupons, de tintements cristallins et de roucoulades signées Pudubec. Varid prit place près de sa femme.
Dès que le martèlement des sabots contre le sable se fit entendre, Annie s’agrippa le mieux qu'elle put à son siège. Elle sentait que les cahots allaient bien les secouer.
- Nous avons fichtrement tardé à trouver un fiacre disponible, grimaça le père en intensément l'intérieur de sa montre à gousset. Je ne crois pas que nous serons de retour avant deux heures...
- Deux heures ? Répéta l'humaine dans un murmure inaudible.
Elle ne savait qu'on mettait autant de temps pour dégoter un vêtement satisfaisant. A moins que ce monde ne lui cacha encore des coutumes inattendues ? Elle soupira en écrasant sa joue contre la vitre. De longues écharpes de brume camouflaient paresseusement le paysage pourtant si agité. Un immeuble rouge carmin baillait tellement qu'il se serrait sans doute décroché la mâchoire s'il en avait une. Quelques mètres plus loin, une boutique d'un gris fissuré courait, crachait, houspillait et jurait derrière un jeune voleur, des écrins à bout de main.
- Ne t'en fais pas, Varid, l'amadoua Solveig avec un sourire velouté. Nous déjeunerons dans le restaurant du quartier. A chaque problèmes, ses solutions !
Annie observa le voleur qui, terrifié, frappait de toutes ses forces contre la porte d'un autre bâtiment. Mais comme Hubert trottait de bon train, la vision s'éloigna et ce spectacle ne connut pas de fin.
- J'adore le Kiosque Rose, s'enquit Xia. Leur nourriture est très parfumée et si vous nous conduisez là-bas, vous serez des anges !
- Allons, Xia... La rabroua sèchement Varid. J'ai l'impression que tu t'exprimes toujours de cette façon. « Tu serais un ange », « Vous serez des anges » La barbe à la fin !
Pour une fois, Annie était bien de son avis. A présent, elle observait un immense arbre dont les branches regorgeaient de saphirs. Ils tombèrent comme des grelots lorsque le fiacre passa dessous.
- S'il vous plaît, père...
- Nom d'un gavroche ! Tu n'es qu'une tête de dragon, fille ! Mais c'est entendu... Non, ne me regarde pas avec ce petit sourire en coin, tu ne t'en tireras pas éternellement comme ça ! Ton éducation est...
Une secousse l'interrompit. Hubert avait agité ses ailes quelques instants dans les airs avant de retomber lourdement sur les pavés. Sous le choc, trois des perles de Xia dégringolèrent au sol. La crinière de Varid s'ébouriffa. Solveig lâcha un petit cri surpris, et Annie se cogna violemment contre la vitre.
Il eut un instant de stupeur puis le petit train-train reprit comme si rien ne s'était passé. Poudrage de visage, rires aigus, dispute sans conviction, claquements de petits objets ouverts et rangés, froissements de jupons... Un raffinement tel qu'Annie réprimait à grand peine son agacement. De son côté, elle contenait son gémissement de douleur. D'une main elle se massait le front avec nervosité, de l'autre, elle appliquait un mouchoir contre ses narines. Elles écumaient du rouge. Cependant, personne dans le fiacre ne s'était rendu compte qu'elle saignait du nez. Babillages et plaisanteries couvrirent le son plaintif de son nez.
- Si je pouvais également me procurer une robe, vous serez des anges ! Déclarait joyeusement Xia.
- Si tel est ton souhait...
- Non, Solveig ! L'interrompit Varid, sur le ton de celui qui se retenait de s'arracher les cheveux. Je lui disais tout à l'heure que...
Excédée, Annie retourna son attention vers la vitre. Le fiacre avait emprunté une route mal pavée, dont le chemin en colimaçon grimpait jusqu'à une énième bâtisse au toit plat comme un plancher. Soufflant de tout son nez sang et morve, la jeune fille s'accrocha à cette vision. Il ne s'agissait pas d'une demeure très grande, et ses diverses parois lissaient une teinte d'azur. Elle ne semblait pas très réactive par l'arrivée du fiacre. Ses ronflements prouvaient qu'elle s'était aventurée dans ce lieu isolé dans le seul et unique but de piquer un roupillon. L'impact de sa profonde respiration gonflaient ses rideaux coquets.
Enfin, Hubert ralentit. Et, comme il tournait, la vue d'Annie bascula dans le vide. Comme elle. Dès que l'animal retomba au sol dans un craquement sonore, l'humaine s'effondra en avant, entraînant dans sa chute mouchoir, béret, ombrelle et Pudubec.
- Aucune tenue, désapprouva Varid en frayant un difficile passage jusqu'à la portière.
Des coquilles dans ce chapitre mais déjà cités dans les commentaires plus bas. Donc je ne m'étends pas et je poursuis. Tu aimerais lire "La Passe-miroir" de Christelle Dabos
Pouh, excuse-moi pour les coquilles… Je prévoyais les corriger lors de la réécriture mais, comme l'ai-je dit précédemment, elle me tarde.
Haha, ce ne sera pas la peine - j'ai déjà lu La Passe-Miroir, et j'admire infiniment la plume de Christelle Dabos. Je pense qu'elle fait partie de mes (grandes) inspirations pour ce récit ;)
Merci à toi,
Pluma.
Les impressions sont parfaitement décrites!
Et tu utilises bien le décalage entre deux mondes, tout ce que ressent Annie comme inquiétude dans une société où elle ne sait pas comment se comporter. Elle devine et tente d'en comprendre les codes.
Un peu comme les gens réservés qui ne savent pas trop les mots ou les gestes à avoir en société et qui se font discrets ou transparents...
Vraiment très contente que les impressions sont bien décrites, c'est quelque chose d'assez compliqué à gérer !
Un immense Merci ; en espérant que la suite soit concluante !
Elle est très attachante. Réservée certes, mais c'est une caisse de résonnance à tout ce qui l'entoure. On le voit quand elle ne supporte pas le contact, les regards, tout s'amplifie en elle. Je pense qu'elle est réservée car au fond elle est hypersensible et que tout l'atteint de plein fouet.
J'ai trouvé ces erreurs (et attention, il y en a pas mal en rapport avec les conjugaisons)
qu'Annie aurait cru qu'elle peinerait à marcher = qu’Annie avait cru
Cela faisait un bon vingt minutes qu'ils marchaient = phrase maladroite. Essaye plutôt « Cela faisait une bonne vingtaine de minutes »
si bien que l'entier du salon = si bien que le salon entier OU si bien que l’entièreté du salon
Perdu aux milieu des cumulus fluctuants, une cabine = Perdue au milieu des cumulus fluctuants
une cabine toute en argent et chatoiements surgissait devant eux = une cabine toute en argent et chatoiements surgit devant eux CAR c’est une action soudaine au passé qui arrive
Annie avait également bien mémorisé la paie de ce monde. = je n’aurais pas dit la « paie » mais plutôt la « monnaie »
La plume de paon ou de phénix faisaient parties des plus coûteuses tandis que la plume de moineau ou de pigeon étaient d'une valeur pauvre. = La plume de paon ou de phénix faisait partie des plus coûteuses tandis que la plume de moineau ou de pigeon était d'une valeur pauvre.
- Tout cela m'a l'air for intéressant = - Tout cela m'a l'air fort intéressant
Encore une fois, des milliard de questions l'assaillirent. = des milliards de questions l'assaillirent.
Pourquoi Ambud et Hauata l'avait choisi, elle, et pas un autre ? = Pourquoi Ambud et Hauata l'avaient choisi, elle, et pas un autre ?
elle n'osait imaginé ce que cela faisait = elle n’osait imaginer
Elle s'accrocha de tout son crû au visage de son « secoureur » pour éviter de regarder = Elle s'accrocha de tout son cru au visage de son « sauveur » pour éviter de regarder
Xia avec sourire lumineux, = Xia avec un sourire lumineux
C'était un arôme si fade, si répugnant, qu'on jugerait nos ongles meilleurs. = c’est une expression maladroite sur ce coup, je te suggère de changer
Que très légèrement rassurée, = Très légèrement rassurée
elle essaya de dissimuler sa tignasse le mieux qu'elle pouvait = elle essaya de dissimuler sa tignasse du mieux qu'elle pouvait
- Désolé, marmonna Annie en reniflant. = - Désolée, marmonna Annie
Solveig qui, déjà très à l'aise, fumer en plein sous ses naseaux. = Solveig qui, déjà très à l'aise, fumait en plein sous ses naseaux
Si Annie n'aurait pas été si impressionnée de se retrouver nez à naseaux avec une pégase = Si Annie n'avait pas été si impressionnée de se retrouver nez à naseaux avec une pégase
Ombrelle repliées, politesses échangées, jupes soulevés = Ombrelles repliées, politesses échangées, jupes soulevées
- Nous avons fichtrement tardé à trouver un fiacre disponible, grimaça le père en intensément l'intérieur de sa montre à gousset. = il doit y avoir un problème avec la formulation cette incise
Elle ne savait qu'on mettait autant de temps pour = Elle ne savait pas qu'on mettait autant de temps pour
Un immeuble rouge carmin baillait tellement = Un immeuble rouge carmin bâillait tellement
A chaque problèmes, ses solutions ! = A chaque problème, ses solutions !
Il eut un instant de stupeur puis = Il y eut un instant
Dans l'ensemble, c'est un bon chapitre : on en apprend plus sur l'univers (l'arc-en-ciel, le téléphérique, le service Hubert, la monnaie, les us et coutumes...) et en plus, l'amitié entre Xia et Annie évolue et leur échange était si mignon :)
Par contre je déteste de plus en plus Varid qui est juste insupportable avec ses remarques (j'ai lu les commentaires précédent et les autres semblent l'apprécier mdr) et Xia qui me rappelle une princesse avec ses manières :) finalement, j'hésite encore sur elle ^^
Ensuite, j'apprécie fortement qu'Annie ait peur du téléphérique après l'accident d'avion, parce que c'est réaliste et cohérent. Enfin un personnage qui subit les conséquences de l'histoire et qui n'a pas la vie facile !
Toutefois, le fait qu'Annie s'évanouisse à la fin du chapitre était inattendu et ça casse le rythme de l'histoire. Enfin, je trouve que c'était... forcé. Et étrange. Je ne sais pas comment le dire mais voilà.
Pour enrichir le texte, pourquoi ne pas employer d'autres figures de style ? Jusque là, tu utilises fréquemment les mêmes mais d'une très bonne manière j'avoue.
Sache que c'est toujours un régale de te lire ! Je trouve très original (et exquis) qu'Annie assimile les émotions à des odeurs et des saveurs. C'est unique et ça se marie très bien avec l'univers. C'est comme la touche qui différencie Annie des autres héroïnes que j'ai pu lire jusque-là.
A plus, Cherry !
Pour les personnages, j'avoue avoir essayé de les rendre les plus nuancés possible, et que le lecteur ne devine jamais de quel côté ils sont vraiment (parce qu'ils servent prioritairement leurs propres envies) Trop heureuse qu'ils te fassent ressentir de telles émotions, du coup <3
Oh, et en fait, Annie ne s'évanouit pas dans le fiacre, elle se contente seulement de tomber de la banquette (et c'est déjà pas mal !) ; j'ai du mal formuler...
Voilà-voilà ;)
Pluma.
perso j'adore les personnages nuancés qui ont un objectif caché ;)
Je disais que j'aime ce chapitre. Les habitants de la Wolken ont les défauts des humains. Chez les éléments masculins , une part inquiétante revient régulièrement, mais je l'ai déjà dit.
Le personnage de Annie est attachant.
Une cabine perdue (… au milieu des cumulus...) (e, accord)
Une jolie voix fluette qui jurait avec son embonpoint = le terme « jurer » dans cette phrase fait péjoratif, je trouve. Je comprends l’idée (on ne s’attend pas à ce qu’une femme de cette stature ait une voix pareille) mais là on dirait que c’est négatif d’être « volumineux ». « Une jolie voix fluette surprenante chez une personne de cette stature ? » Je sais pas trop comment le tourner.
Tu as des expressions marrantes (d’autres tapis à battre!), et sinon, c’est joli cet arc en ciel – téléphérique.
« elle retenu » = elle retint
« bien mémorisé la paie de ce monde » = pas très joliment formulé / J’aurai mis « bien mémorisé le fonctionnement économique de ce monde » ou bien « s’étonnait qu’on ne paie pas avec des pièces, mais avec... »
Elle n’osait imaginer / Secoureur ça n’existe pas je crois/ « sauveteur »
C’est quoi ces hommes qui sifflent une femme à la chevelure violette ? Ma conscience féministe se sent comme des crissures d’ongles sur un tableau quand je lis ça… polisson fait passer le harcèlement de rue pour quelque chose de drôle. Ce n’est pas drôle.
Ça doit être frustrant pour Annie de ne pas savoir pourquoi on la dévisage ! Je comprends parfaitement l’effet que ça fait ^^
J'ai trouvé encore une fois les découvertes sur ton univers très belles, par contre je trouve qu'à la fin de ton chapitre, le suspense retombe un peu, c'est pas très "dynamique", peut être que c'est juste le découpage du chapitre qui veut ça, ou alors ce passage est trop long, j'ai envie que ça avance ! Sinon, c'est un beau texte.
A + !
Une nouvelle fois, je ne sais pas combien de mercis je te dois pour ce commentaire constructif et ta lecture avisée ! Merci <3 Désolé que mon texte soit autant semé de coquilles, cela doit nuire un peu à la lecture...
Effectivement, ce n'est pas drôle. Je ne veux pas que ça porte à confusion, je changerai donc le terme !
OK, je réfléchirais au dynamisme ^^ Trop heureuse que tu lises mon histoire, et j'espère te revoir bientôt ! <3
Pluma.
Petites coquilles que j'ai remarqué :
"Demanda-elle d'une jolie voix fluette qui jurait avec son embonpoint." demanda-t-elle. Je pense que je ne vais plus te relever ces coquilles avec la fin en "a" et le mot "elle" qui suit directement. Je crois que tu as compris ce qu'il fallait régler ahah.
"Il marchandait des plumes avec Solveig qui, déjà très à l'aise, fumer en plein sous ses naseaux." fumait
Tout tes commentaires sont supers sympathiques, ça me fait ultra plaisir !
En vérité, Annie ne court pas vraiment de danger en passant au dessus du vide. Le métier du monsieur à la moustache en guidon consiste à la securiser. Mais bon, je note ta remarque, j'essayerai de mon mieux d'y remédier !!!!!
Merci encore !
Xia aussi qui mène ses parents par le bout du nez est assez amusante à suivre ! ^^ (Solveig également).
A plus tard !
PS : Le roman est déjà écrit ou en cours d'écriture ? Petite question innocente... :-)
Merci pour ton commentaire ! Oui, l'intrigue principale ne tardera plus, maintenant ! Et désolé pour la lenteur... j'espère que je n'en ai pas trop fait...
Réponse à la petite question innocente XD : J'ai bien toute l'histoire en tête mais elle reste en cours d'écriture. L'idée de ce monde m'est venue à mes cinq ans, et j'ai déjà recommencé ce récit quatre fois (à mes sept ans, à mes neuf, à mes dix, à mes onze) Cette fois-ci la bonne, j'espère ! :)
N'hésite pas à commenter les chapitres à venir !
Pluma.
Annie est, oui, très attachante, ses maladresses, ses reniflements, m'ont fait sourire. ;-)
Moi non plus, à 5 ans je ne savais pas lire. En revanche, j'adorais le film le Magicien d'Oz et mes frères et sœurs me lisaient pleins d'histoires avec de la magie, des dragons, des pégases et des princesses...
Donc voilà ;)
L'imagination est une sacrée merveille ! :-D