La Fenêtre

Est-ce un rituel amoureux ou un fantasme qu'ils réalisent ?

Une routine bien huilée dans leur agenda ?

Est-ce que l'idée d'être vus les excite ?

En ont-ils seulement conscience ?

La frénésie de leur étreinte leur fait-elle oublier le reste du monde ?

Je ne connais pas la réponse à ces questions, ne comptez pas sur moi pour leur demander.

La première fois que j'ai surpris leurs ébats j'ai détourné les yeux, je suis retournée à mes occupations comme si de rien n'était.

La récurrence et la ponctualité ont fini par piquer ma curiosité.

Grâce au hasard architectural propre aux grandes villes qui nous permet, habitants du dernier étage, de les voir sans être vue, peu à peu, ils sont entrés dans mon quotidien.

Les soirs d'été j'installe ma chaise sur mon balcon pour me rincer l'œil. Je suppose qu'ils ont une banquette ou un lit devant leur fenêtre, ce qui n'est pas pour me déplaire.

C'est devenu ma distraction favorite en fin de semaine, une sorte d’oasis dans mon désert sensuel.

Un vendredi soir, me délectant de leur rendez-vous hebdomadaire, j'entends la porte-fenêtre du balcon voisin au mien s'ouvrir.

Je salue le nouvel arrivant d'un signe de tête.

Son regard suit le mien.

Lorsqu'il découvre les réjouissances il s’étonne :

     — Quel accueil ! C’est toujours aussi animé par ici ?

Devrais-je me sentir gênée ? Comme ce n'est pas le cas, je lui réponds avec flegme.

     — Seulement les vendredis soir de 21h07 à 21h39.

     — Cela dure depuis combien de temps ?

     — Presque un an.

     — Ça vous ennuie si je reste profiter du spectacle ?

     — Bien sûr que non, dis-je en souriant, c'est une scène ouverte et la performance est gratuite. Nous rigolons de bon cœur.

     — Vous les connaissez ?

     — Non je n'ai jamais eu l'occasion de les croiser

     — Vous leur avez donné un nom ?

     — Même pas !

    — J'ai l'impression qu'on va avoir du son ce soir, me fait-il remarquer. Après plusieurs minutes à voir leurs corps s'entrelacer à travers la vitre, voilà qu'elle ouvre la fenêtre.

     — Je m'attendais à ce qu'ils soient plus bruyants.

Leurs gémissements sont en fait très doux, très tendres, à peine audibles.

La séance prend fin, il est 21h39 très précisément et comme à chaque fois je ressens une pointe d'excitation parcourir mon corps. Je me lève pour aller chercher des verres et trinquer à l’eau gazeuse avec mon nouveau voisin à leur santé.

     — Bienvenu au rendez-vous du vendredi !

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Komakai
Posté le 29/01/2022
J'ai moins aimé que les autres, car au lieu d'y trouver de l'érotisme j'y vois plus de la moquerie ? Dans le sens où elle assiste chaque soir et en rit, le commente avec ce nouveau voisin comme si c'était un spectacle anodin humoristique et non érotique/sensuel.
Le fait que tu emploies des puces au lieu des tirets me gênent énormément. Encore plus quand dans les lignes de dialogues, on retrouve des éléments narratifs (ex : Bien sûr que non, dis-je en souriant, c'est une scène ouverte et la performance est gratuite. Nous rigolons de bon cœur.).
PaulineMlts
Posté le 29/01/2022
Merci, je dois mettre en avant dans mon texte, que si ils rigolent c'est d'eux-même, qu'ils ont conscience que ce qu'ils voient est de l'ordre du privé, mais qu'ils en tirent un plaisir, parce que la réalité c'est que leur vie est bien vide de sexe, au point d'en être réduit à être spectateurs.
AGL
Posté le 23/01/2022
Intéressante la perspective du voyeur. Encore davantage lorsqu'ils sont deux ! Je crois qu'on assume jamais qu'on l'est tous au fond de nous : chapeau pour l'audace du sujet ! Belle teinte d'humour aussi. Je lis jamais de l'érotique, alors je commence par celui-ci, qui, je crois, est ton plus "soft". Belle plume, sujet piquant. Bref, bien hâte de lire la suite !
PaulineMlts
Posté le 24/01/2022
Merci pour ton message. Je voulais mettre en lumière le voyeurisme de la vraie vie, sans tomber dans la déviance ou le morbide, avec des personnages capable d'autodérision sur ce qu'ils font et ce qu'ils voient.
Ravie que cela t'es donné envie d'en lire plus.
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