La folie de Saint-Omer

Le soir du vingt-deux juillet 2033, Un homme que je n'avais jamais entendu auparavant interrompit l'émission de radio que j'écoutais alors. Il y avait eu un laps de temps ou l'on n'avait entendu qu'un léger grésillement, le même bruit que faisaient les parasites sur les anciens postes TV. Puis après un long silence  de sa voix pleine et tonitruante, qui m'avait Semblée être celle d'un homme immense à la cage thoracique puissante, L'inconnu commença son élocution :  

"Concitoyens, Nous sommes aujourd'hui devant l'impensable et l'imprévisible " 

 Etrangement, L'on s'attend très peu à annonce grave. Je n'avais pas véritablement réagi d’ailleurs. Continuant de ranger les assiettes, je pensais qu'il s'agissait d'une Énième Campagne d'alerte sur le climat ou la consommation d'eau. Tout était urgence. Si bien que personne ne prêtait plus attention aux alertes. Quand bien même de Nombreux périls nous guettaient et qu'il y eu été facile et raisonnable d'imaginer Que, le ciel nous tomba sur la tête, jamais je n'aurai imaginé que cette Expression si usitée qu'elle soit, puisse s'avérer être si littéralement possible. J'avais trouvé le monde fou bien avant ça. Mais l'Ouverture avait de particulier Qu'elle touchait à ce qu'il y avait de plus profond chez les êtres humains : 

 L'entendement. 

 Une guerre aurait mieux passé. Car quoi que l'on en dise, l'entendement est délicat et fragile. Si l'on se plait à imaginer des choses extraordinaires par fantaisie où  Besoin d'évasion, peu d'entre les hommes sont capables de les Appréhender lorsqu’elles arrivent. Certains restaient inertes, choqués. Les bras ballants et les yeux ronds. Plantés devant un poste de télé ou à leur fenêtre. Puis parfois, quelques jours plus tard,  recommençaient à vivre du mieux qu'ils pouvaient. Mais rien n'est jamais simple. La panique gagne le peuple bien plus aisément que la sagesse. Et si la vie suivait son cours, et que tout semblait reprendre forme en apparences,  comme à chaque fois qu'un truc se passe, les rumeurs allaient bon Train. L'on entendait tout et n'importe quoi.  D'une expérience ratée de l'armée à une invasion extraterrestre. Tout y passait. Tout n'était que supputation sur des hypothèses grotesques. Peut-être fallait il mettre un nom coûte que coute sur ce malheur, pour lui donner Une forme. Une fois qu'un nom est posé peut-être que les peurs se dessinent plutôt Que de rester tapies dans l'obscurité. Peut-être est-il plus facile d’avoir peur d’un loup que de son souffle ou de son ombre. 

Toujours est il que si la panique avait scindé la population par endroit, des groupes s’étaient pourtant formés à d’autres. Certains se réunissaient dans les écoles ou les gymnases pour s’entraider et se soutenir. Quant aux autres, ils étaient de loin les plus inquiétants. Ceux que l’on n'avait pas tardé à surnommer “ les Tous Blanc “ étaient les apôtres de la fin du monde. Le crâne rasé et couverts d’une Grande capuche qui leur Cachait le front, ils arpentaient les rues. Ils arboraient de grandes robes blanches. Robes que ne Portaient Normalement que les prêtres. Ils se déplaçaient en groupe de cinq ou six, Une bible et un chapelet à la main. Ils prêchaient pour sauver les âmes.  Les Adeptes de l’apocalypse avaient de fatiguant qu’ils avaient attendu pendant des siècles une catastrophe, repoussant soigneusement chaque échéances pour mieux la réinventer. 

 Et aujourd'hui, non contents qu'elle advienne, ils rajoutaient de la peur sur de la peur. Faisant ressortir les angoisses souvent de fois démesurées chez les gens. Ces angoisses n'ayant pour limite que celle qu'à L'imagination, à savoir aucune. C'est penser avoir peur avant même d'avoir peur. Je ne comprenais réellement que maintenant l’expression “ avoir la peur au ventre “.  Ça n’en finissait jamais. C’était lattent, étouffant. Et malheureusement contagieux. C'était comme s'il leur fallait trouver un sens à toutes ces années d'errance, d'attente. Une continuité dans la peur, une logique, une Raison d'être qui ne pouvait se trouver que dans l'avènement de la chose crainte. 

J'évitais de les croiser la plupart du Temps. Quitte à me cacher derrière les tas de déchets. Les sermons étaient ennuyeux et même s'ils n'étaient  pas connus pour être violents, l'homme silencieux me faisait peur. Il n'était pas toujours de sortie, mais je l'apercevais de Temps à autre. De tous,  c'était le seul dont le visage était entièrement caché. Il était très grand, et se tenait toujours derrière les autres. Dès qu'il bougeait, les autres le suivaient et ce, sans qu'il n'ai rien à dire. Un soir alors que j'étais sur le toit de la maison à regarder le ciel, Il était là, seul. La tête baissée, je n'avais entrevu que le bas de son visage, cette fois découvert. Sa bouche et son nez étaient difformes, et semblaient avoir étés brulés. Sa peau luisait sous l'éclairage. Je n'avais pas osé crier ou l'interpeller.  J'étais rentrée penaude et un peu effrayée.  Lorsque j'avais atteint ma chambre à quatre  pattes , en prenant soin de n'allumer aucune lumière, je m'étais  rapprochée de ma fenêtre. Je m'étais hissée doucement  au carreau à hauteur de yeux : Il était Parti. 

 L’endroit où je vivais n’avait rien de très particulier. C’était une banlieue bourgeoise, ou toutes les maisons se ressemblent un peu. Des espèces de villa toutes blanches aux toits orange et aux volets bleus. Certaines étaient des bâtisses luxueuses, d'autres, de simples maisons de vacances. Saint-Omer, situé à deux kilomètres du bassin méditerranéen, avait eu la côte, fut Un temps. Dorénavant, soit les gens étaient partis, soit ils se calfeutraient chez eux.  Le quartier avait de particulier qu'il était circulaire, et disposait de quatre sorties :La mer, la forêt, la ville où la montagne.Il y avait du monde partout les jours heureux . Si l'on croise quelqu'un aujourd'hui , on s'en inquiéte .Quelque chose planait dans les airs , quelque chose d'impalpable et de prenant .

La route qui  traversait le quartier avait été  refaite  juste avant l'annonce de l'Evénement .Le sol collait aux chaussures par endroit. L'air était lourd et Les émanations de goudron frais se mêlaient à l’odeur de sel qui flottait dans l’air. Plus il faisait chaud et plus il était difficile de respirer sans tousser. Les grands lampadaires blancs ne s’allumaient plus que jusqu’à vingt-deux heures. Au-delà de cet horaire, la rue était un no mans land. 

 D’un quartier sécurisé ou il faisait bon vivre, nous étions maintenant dans l’antre de la folie. Et , Si tous n'avaient pas rejoint les rangs des fanatiques, je trouvais tous les gens bizarres , comme avec une ombre sur le visage  .Une sorte de tourment qu'ils portaient sur leurs traits .  Les survivalistes fleurissaient à tous les coins de rues. Creusant parfois à la pelleteuse ou à la sueur de leur front des abris de fortunes. D’autres se refugiaient dans leurs caves ou les bouches de métros. Ce que je sais aujourd’hui, c’est que lorsque les gens ont peur ils creusent, Se cachent et s’enterrent.  

 
Les voisins sortaient peu. Par exemple, Une famille vivait au bout de la rue. Les Cournaveu . Du moment où l'ouverture avait été officiellement annoncée, les gosses n'étaient plus  Sortis. Même pour jouer dans leur jardin. Le père faisait mille et un Aller-retour ramenant  une fois des pelles, Une perceuse, du ciment, et des gros blocs de pierre. Un jour alors qu'il rentrait, je l'avais Croisé. Au volant de son Pick up, il s'était arrêté à ma hauteur : 

- Vous ne devriez pas vous promener à cette heure … Ce n'est pas prudent. M'avait-il dit. 

J'avais jeté un coup à d'œil à l'arrière de sa voiture. Je l'avais brièvement questionné sur ce qu'il transportait. Tout l'arrière était recouvert d'une grande bâche de plastique opaque. Des formes tout à fait singulières ressortaient par endroit sans que je ne puisse déduire  sur le moment de quoi il s’agissait. 

 
 -Oh. Quelques bricoles avait-il répondu en tournant la tête.  

 
 
Les quelques bricoles prenaient quand même beaucoup de place. Et au boucan que ça avait fait dans le virage, je misais sur encore plus de pelles et peut-être même Une Bétonnière. Il n'avait jamais été très bavard, mais j'avais senti une certaine gêne dans sa voix. Quelque chose clochait. Plus le temps avançait,  plus il était secret. Chaque fois qu'il sortait, IL était habillé de couleurs sombres à la façon des militaires. Pull vert et treillis noir. Une casquette vissée sur la tête il avait les traits tirés et des poches sous les yeux . Souvent,  il portait aux pieds de grosses chaussures noires aux pieds . De celle qu'on voit sur les chantiers. Sur le qui-vive, il jetait des coups d'œil à la dérobée .il regardait à gauche puis à droite puis encore à gauche, comme s'il se sentait traqué. Ces allers retours étaient de plus en plus tardifs. Et bientôt, il ne se déplaçait plus que la nuit. Je m'étais bien sur gardée de le lui faire remarquer. S'il se sentait menacé par mon insistance, avec tout l'attirail qu'il se trimballait depuis des semaines, il n'aurait pas eu de mal à me mettre un coup de pelle, puis à m'enterrer ici ou là. 

Comme à chaque panique générale, les magasins avaient étés pris d'assaut. La nourriture était devenue une denrée prisée. Les gens ne voulaient pas manquer , Ce qui créait le manque. Il n'était désormais pas rare de se faire arrêter par n'importe qui et de se faire dépouiller sous menace d'une arme. Bien que les forces de l'ordre eues étés toujours en service, ils ne pouvaient suppléer au vent de panique qui gagnait les quartiers. Ils n'intervenaient qu'à des points stratégiques comme les supermarchés ou les pharmacies. Les lignes téléphoniques étaient la plupart du temps hors service, il ne fallait pas compter sur eux si vous étiez dans une ruelle ou à la sortie de la ville. Le marchand de légume n'était plus un commerçant mais un homme à soudoyer. Une infirmière ou un médecin des outils et les médicaments de l'or. Personne n'était plus gentil que par intérêt. L'éthique et la morale n'avaient certainement jamais étés aussi bas ici à Saint-Omer. L'air calme des quartiers résidentiels était un leurre. Les gens n'étaient plus qui ils étaient avant. Règle d'or : Ne jamais sous-estimer personne. 

 

SI j’avais d’abord cru que ma famille avait été épargnée par ce vent de panique,  il n’en était rien. On sauvait les apparences .  Ma mère avait gentiment continué à aller au travail. Agent immobilier, elle n’avait plus guère de client. Et chaque matin, sa routine était de planter des panneaux en bois laqués avec écrit “ A vendre “. Devant les mêmes villas qu’elle avait vendues l’année précédente. 

“ Mais où vont tous ces gens ?” . Chaque soirs de chaque semaines, voilà ce qu’elle demandait en rentrant . Et mon père de lui répondre : “ Peut-être ont-ils de la famille ailleurs…" 

Et c’était reparti pour encore un autre soir à faire comme  si rien n’était jamais arrivé. Un semblant de stabilité, une normalité qu’ils s’efforçaient de maintenir, pour moi.  Et même si je leur devais de faire semblant d’y croire, ma tête était ailleurs.  Avant que N ne disparaisse, quoi qu’il arrive je me racontais que ça irait, puisqu’il était là. Il n'y avait qu'avec lui que je pouvais parler de comment Mr Cournaveu courait les rues, ou de pourquoi le vieil Augustin ne m'inviter jamais à entrer  lorsque je lui apportais des fruits. Autant de choses que je ne partageais plus qu'avec moi même . Maintenant, j’éraies dans la ville , pour essayer de comprendre.  C’était comme si son absence était écrite sur les murs que je longeais. Les endroits où nous allions avaient comme gardés une part de nos moments. Souvent, Je m’asseyais au milieu de la grange brulée. Ce Qui était  autrefois un bar, n'était plus que chaises cassées et Courants d'airs. Mais j'espérais toujours  me concentrer assez pour arriver à me souvenir .Tout au milieu, je m'asseyais donc et fermais les yeux. Je prenais de grandes inspirations pour tenter de capter une odeur comme celle du café en grains ou de l’anis.  Pour me souvenir des verres qui tintent, des gens qui rient. Comme pour capter un souvenir flottant dans les airs qui me ramènerait à avant.

Avant l’ouverture. 

Chaque petite chose me rappelait qu’il n’était pas là.Je pleurais puis  la minute d'après je le maudissais . Pire encore Je ressemblais à mère. Toutes les heures de chaque jours qui venaient;  je me demandais où il pouvait être allé et pourquoi. 

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