La légende

La jeune femme s’y intéresse depuis le lendemain de cet acte qui a tout fait basculer. Elle en a déjà entendu parler avant, bien sûr. Qui ne connaît pas, dans la région, ce mythe qu’on raconte autour d’un feu de camp ? Armenn se souvient encore de sa première soirée d’Halloween, au pied de la tour. Sa porte était fermée. 

- La légende raconte qu’il y a très longtemps, une belle demoiselle tenta d’échapper à la mort. Elle avait pactisé avec le diable, et avait rompu sa promesse. Alors, celui-ci, rougeoyant de fureur, le bout de sa queue enflammé, fit appel à son amie la mort. A l’aide de sa fourche, elle poursuivit la demoiselle. Pendant trois jours et deux nuits, la belle courut aussi vite que possible, sans jamais s’arrêter. La mort n’était jamais très loin, mais ne pouvait capturer la jeune fille. Pourtant celle-ci, épuisée, alla finalement se réfugier en haut de la tour. 

- Quelle tour ? avait demandé l’idiot de la bande.  

- A ton avis ? avait rétorqué le conteur. 

Puis il a pris une voix mystérieuse qui faisait frissonner, et avait terminé sa tirade en chuchotant : 

- La belle demoiselle gravit les escaliers de bois, espérant quelques minutes de répit, mais très vite, la mort la retrouva. Acculée, elle s’échappa par la fenêtre… et se jeta dans les bras de la mortelle déesse. 

Cette légende n’a jamais réellement quitté l’esprit d’Armenn, car les personnes désirant la mort viennent fréquemment se jeter du haut de cette tour de pierre. Cela devient de plus en plus étrange, car jamais les corps ne sont retrouvés.  

Voilà pourquoi ç’a été la première pensée à jaillir de son esprit alors que l’homme l’immobilisait. Cette échappatoire impossible. Cette impasse remplie d’ombres où ce prétendu peintre l’a emmenée. Ses hurlements quand elle a compris. La peau froide et rugueuse sur son corps, une main pour l’immobiliser, l’autre pour… Armenn est incapable de repenser à cet instant où elle a cru mourir. Même si elle en a la certitude, maintenant.  

Elle préfère oublier, même si c’est la dernière fois qu’elle pourra y penser. Peut-être la jeune femme était déjà fragile avant que cet homme n’abuse d’elle puis cherche à l’assassiner. Mais peu importe, à présent ; elle s’apprête à disparaître de la même façon que ces cadavres perdus à jamais.  

Dès sa plus jeune enfance, Armenn a effacé par réflexe toutes traces de ses émotions sur son visage. Ce n’est pas par hasard que son prénom signifie la pierre dans une langue oubliée. La jeune femme s’est polie au fil des années et a toujours gardé ses sentiments cachés. Pourtant, Armenn ne ressent plus rien, aussi lisse qu’une pierre au-dedans comme en dehors. Rien que le vide, et un gouffre duquel elle ne parvient plus à remonter. C’est tellement insoutenable que la jeune femme a décidé, au bout d’un petit mois, de mettre fin à ses jours.

***

Un retentissant coup de cloche annonce la pause de midi ; tout le monde se lève et se disperse pour aller manger un morceau de pain, ou ce qu’il a réussi à gagner avec son misérable salaire. Voilà un an que Kélio travaille dans cette usine de pièces de ferraille. Depuis ce jour où une femme a disparu de la circulation en s’évaporant comme par magie, alors qu’il fêtait ses dix-huit ans.

Le jeune homme sort de l’usine et se rend dans le parc pour déjeuner. Alors qu’il observe les gamins sur la balançoire, quelqu’un vient lui tapoter l’épaule et le soulève par le col de son sweat ; les images du paysage volent devant le garçon.

- Alors, comment ça va, morveux ? lui lance l’homme d’une voix traînante.

Ce début d’après-midi d’automne n’aurait pas pu être pire. Kélio espère que les enfants ne l’ont pas remarqué ; ils ne méritent pas d’être témoins de ce sordide spectacle.

- Tu me veux quoi ?

- Ton repas, idiot ! Je n’ai plus rien à manger et mon estomac crie famine, alors donne, petit con.

- Laisse tomber, répond-il en se relevant.

Une droite part se loger dans la mâchoire de Kélio.

- Alors tu me le donnes ?

- Non !

Kélio lui fait face et fait semblant de frapper par la droite, mais lui donne un violent coup de pied dans les testicules, ce qui plie l’homme en deux. Puis il réitéra ses coups jusqu’à ce que deux vigiles les séparent.

- Filez ! Et qu’on ne vous y reprenne plus !

Pourtant, Kélio semble heureux de cette entrevue. « Quelle agréable sensation de faire du mal aux autres et de ne pas être le battu. » pense-t-il. Une nouvelle partie du garçon se découvre à lui, une part cachée depuis toujours au fond de son être. Il retourne à son travail.

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Portequigrince
Posté le 17/04/2024
Je doute d'un coup sur la première partie car je croyais que Armenn au départ se souvenait d'un homme avec qui elle avait vécu, mais dans ce chapitre, elle parle d'un prétendu peintre, elle s'est faite agressée par plusieurs personne, c'est ça?

Pour la deuxième partie, c'est pas mal de voir ce jeune homme se défendre!
coeurfracassé
Posté le 18/04/2024
Rebonjour !
Désolée pour l'incohérence, on a changé cela en cours de route et visiblement, on a oublié quelques phrases ':D
Je dois demander confirmation à mon ami, avec qui j'ai écrit. Je te redis dès qu'on a tranché sur la question, mais nous prenons note de changer tout ça !
Et pour Kélio : =)
Merci pour ton commentaire <3
coeurfracassé
Posté le 19/04/2024
C'est effectivement son petit ami...
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