Vers la brume

Et la voilà, face à cette fenêtre. Des larmes coulent de ses yeux, brûlent son visage. Peu importe. Armenn remarque alors une clef près de la poignée. Elle la saisit délicatement, la jeune femme a des gestes sûrs, décidés ; elle ne reculera pas. L’objet glisse dans la serrure, qui se déverrouille dans un clic. Le vent s’engouffre en rafale et fait voler les cheveux châtains d’Armenn. Il ne murmure plus mais rugit. 

- Approche, Armenn. Saute ! 

La jeune adulte se demande si elle a rêvé, hypnotisée. Elle passe ses jambes dans le dormant de la fenêtre, qui sont fouettées par l’air. Une dernière inspiration, une dernière pensée pour cet homme qui a ruiné sa vie. Armenn prend appui sur ses mains et se propulse dans le vide. 

C’est agréable, cette sensation de chute. Tout ce qui tourbillonnait dans sa tête disparaît peu à peu. Armenn se calme, même son cœur ralentit, comme s’il connaissait déjà la fin de cette histoire. La jeune femme n’esquisse pas un geste, ne regrette rien. Seulement cet homme qui cavale en liberté, alors qu’il a emprisonné Armenn dans une cage de honte et de fragilité. Elle aurait aimé que ce soit différent. Mais c’est impossible. 

La jeune femme heurte la surface du sol. Il est dur, mais Armenn a l’impression qu’il l’engloutit. Puis c’est le trou noir. 

Elle se réveille. Depuis combien de temps est-elle inconsciente ? Armenn entrouvre ses yeux. Tout semble brumeux, la jeune femme ne distingue qu’un grand arbre mort. Un vieux corbeau croasse sur la plus haute branche. Son cri devient de plus en plus flou, jusqu’à disparaître complètement. L’arbre et le brouillard s’évanouissent aussi. C’est à nouveau le noir.

La jeune femme heurte la surface du sol. Il est dur, mais Armenn a l’impression qu’il l’engloutit. Puis c’est le trou noir.

***

Sa journée terminée, il retourne chez lui pour dîner avec sa mère. En effet, son père est décédé quelques années auparavant, c’est pourquoi il doit nourrir cette petite famille seul. Il n’était pas prêt à endosser cette responsabilité, et pourtant…

Kélio engloutit l’assiette froide qui trône sur la table et va se coucher. Dans son lit, il repense à la sensation qu’il a éprouvée en frappant cet homme ; un sentiment de fierté et de puissance monte en lui. Ses yeux se ferment et Kélio sombre dans le sublime monde des rêves jusqu’au matin.

***

Elle se réveille. Depuis combien de temps est-elle inconsciente ? Armenn entrouvre ses yeux. Tout semble brumeux, la jeune femme ne distingue qu’un grand arbre florissant. Il est superbe, avec des feuilles aux reflets d’argent. Des taches blanches illuminent sa verdure ; il a l’air surnaturel. Un groupe de mésanges piaillent sur la plus haute branche. Pourtant, autour, tout reste flou.

Lentement, Armenn se relève. Elle est désorientée, et tourne sur elle-même pour essayer de percer la brume, sans succès.

- Je suis morte ?

Le silence lui répond, opaque. Là-haut, les mésanges se sont tues, et quand la jeune femme lève la tête, les oiseaux ont disparu. La mort ressemble-t-elle réellement à ça ? Une errance infinie dans le brouillard ? Armenn refuse de rester dans cet état conscient, et prodigieusement désagréable. L’homme a ruiné sa vie, la jeune femme ne désire pas subir sa mort. Elle redresse la tête, puis choisit une direction à emprunter.

- Au moins, je ne reste pas là, dit-elle au brouillard.

Armenn se met à marcher dans une direction inconnue. La brume l’approche sans jamais la toucher ; ça lui donne un côté effrayant. Combien de temps marche-t-elle comme ça ? Une minute, plusieurs jours ? Le temps semble s’écouler différemment de la Terre. D’ailleurs, Armenn s’y trouve-t-elle encore ? Elle souhaite tant rencontrer une âme, peu importe qu’elle soit morte ou vivante.

Le brouillard se succède au brouillard. Tout n’est que vapeurs et silences. Armenn marche encore et encore, sans jamais s’arrêter. Elle n’a pas faim, ni soif. Seulement ce besoin de plus en plus présent de rencontrer autre chose que ce flou omniprésent. Puis, lassée et à bout de forces, la jeune femme se laisse choir à terre. Une voix retentit alors dans son dos.

- Armenn. Je t’attendais.

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Portequigrince
Posté le 17/04/2024
intriguant se qui arrive à Armenn, d'abord l'arbre mort puis un arbre florissant...Bizarre bizarre...
Pour le deuxième personnage, plus ca va plus j'ai l'impression qu'il bien aimé frapper les autres et qu'il va basculer vers autre chose.
J'ai pensé à quelque chose, j'espère me tromper sur la suite!!
coeurfracassé
Posté le 18/04/2024
Recoucou !
Ton intuition est bonne...
Et l'Arbre va peut-être évoluer, effectivement !
Encore merci d'être encore par chez nous <3
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