La liberté

Par Ewenee

La liberté, faut-il la croire pour l'avoir ? Vaste question à laquelle Épictus ouvrit le débat sous un soleil d’aplomb. Debout ou assis sur le marbre, des femmes et des hommes de tout ordre répondirent à l’érudit.
Il faut dire que les discussions d’Épictus rencontrèrent un franc succès. Certains vinrent de loin pour y assister. Le Barbu, comme il était affectueusement appelé, semblait attirer le public avec une facilité déconcertante. Ce n’était pas sans se douter de l’existence difficile qu’il avait connue.

Épictus, qui était alors un banal citoyen de Timonie, était né esclave. Très tôt dans sa vie, il perdit ses parents, morts d’épuisement dans les champs. Le jeune Épictus passa une partie de son enfance muet, soumis comme tant d’autres à l’extraction des pierres précieuses.
De bonne consistance physique, son premier propriétaire décida de le vendre. Le second se nommait Elianos. L’intrépide voyageur l’utilisait pour supporter le poids de son matériel partout où il allait. Un soir, l’artiste surprit l’esclave en train de peindre. Elianos saisit la toile. Ému, il décida d’apprendre son art à l’esclave pendant son escale timonesque. À partir de ce moment, Épictus gagna en expression, de telle sorte qu’Elianos fut surpris par l’art oratoire du jeune prodige. Conscient que sa place était à Timonie, cité florissante, l’artiste décida à contre-cœur de se séparer de l’esclave en le vendant à un troisième homme.

Ce dernier n’était autre qu’Euxène, le génie guerrier. C’est à ses côtés qu’Épictus prit part aux spectacles, discussions et événements culturels en tout genre. Euxène en était certain : la place de cet homme d’idées n’était plus parmi le bétail. Il devait s’élever de sa condition et devenir un homme libre. Un beau soir, Euxène réveilla Épictus et l’amena au sommet de la Kalimana. Au clair de la lune, Euxène prit la parole :
— Esclave, tu as tant donné de ton corps et de ta personne pour la société. Ingrate et injuste, celle-ci ne t’a jamais remercié, ni les tiens ni les autres. Moi, Euxène, militaire des armées du Nord, jure devant les dieux d’enfreindre délibérément la loi terrestre et de t’offrir la liberté que tu mérites. Voici l’outil qui te permettra, si tu le souhaites, de rompre les chaînes que tu portes depuis bien trop longtemps à tes pieds !
L’esclave eut du mal à cacher ses émotions. Quelques larmes coulèrent de son visage, cicatrisé. Sans hésiter, il attrapa l’outil et brisa ses chaînes.

Depuis cette nuit, il quitta Euxène pour s’adonner à ses activités. Euxène, en revanche, ne l’avait jamais réellement quitté. Il subsistait comme une aura bienveillante.
D’ailleurs, le voici quelque part assis parmi les femmes et hommes, écoutant paisiblement ce que ce bon vieil esclave avait à dire sur la liberté sous un soleil de plus en plus suffoquant.

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