La loi de Murphy

Par Honey

Chapitre 2 : La loi de Murphy

 

Chloé s’était donné pour mission, depuis quelque temps, d’aborder les choses de manière plus calme. Plus sereine. Aussi, lorsqu’elle marcha dans le vomi de son chat Hercule, ce matin-là, elle prit sur elle de relativiser. Elle aurait dû savoir que son gros tas allait vomir ses tripes à la descente de son lit. Cela n’annonçait en rien une mauvaise journée. Après tout, c’était devenu leur petit rituel depuis quelques années. Hercule ayant du mal à assimiler qu’il n’était plus une jeunesse et que par conséquent il ne pouvait plus se goinfrer comme un porc avait conservé cette folle habitude de manger le plus vite possible pour un maximum de quantité. Résultat, le petit chéri facilitait sa digestion en rejetant le tout au pied du lit de sa maitresse. Il faut dire qu’Hercule n’était pas le plus intelligent des chats.

Ce fut seulement lorsqu’elle se rendit à la toilette et s’aperçut que ses règles avaient décollé durant la nuit que Chloé commença à se douter que cette journée serait dans son top dix des lundis pourris. Car qui disait « désagréments féminins » disait aussi crise de larmes, irritabilité et rage au volant. En gros, Chloé devenait « hormonalement » instable durant cette période. Malgré tout, elle prit sur elle de minimiser les évènements et de regarder les choses positivement; elle n’avait pas taché ses draps, c’était déjà ça.

Son gros chat gris sur les talons, Chloé se traina dans la cuisine et se prépara une tartine à la confiture de fruits et un grand verre de jus d’orange. Elle en profita aussi pour planifier sa journée, sans se presser, très zen malgré les petites difficultés rencontrées à son réveil. Ainsi, elle hésita entre une bonne douche et sa tournée quotidienne, celle qui consistait à nourrir ses oiseaux, son poisson, Monsieur Lapin, Ernest le cobaye sans oublier Hercule son gros porc déguisé en chat, bien sûr.

Toujours très calme, elle était sur le point de statuer lorsque sa tartine lui glissa des mains. Promptement, Chloé tenta de la rattraper avant qu’elle ne touche le sol. Sans succès. Comme si ce n’était pas assez, son pain s’étala du côté où elle avait étendu sa confiture et son chat – travesti en aspirateur pour l’occasion – se précipita sur le dégât dans l’intention de capter le plus de miettes possible. Ce fut la goutte qui fit déborder le vase.

La colère se mit à gronder dans la poitrine de Chloé. Elle poussa brusquement Hercule et se saisit de la misérable tranche de pain à pleine main avant de la « déposer » de toutes ses forces dans son assiette. Bien sûr, la tartine atterrit bien plus loin que le couvert visé et entra en collision avec le gobelet de jus qui se renversa sur le comptoir pour l’occasion. Littéralement hors d’elle, Chloé enchaina les jurons colorés à vitesse de grand charretier.

-              Putain de merde de foutu pain à la con! Est-ce si difficile de rester dans mes mains? Avais-je vraiment besoin de toutes ces conneries, ce matin? Non, mais ça se prend pour une tartine de luxe, pas foutu de rester en place. Je vais poursuivre le boulanger pour fausse représentation. Ce devrait être interdit de vendre du pain aussi dégueulasse. C’est de l’escroquerie! Du faux pain! Du pain de merde! Je déteste tous les boulangers!

Consciente d’avoir l’air d’une vraie folle, Chloé abandonna son dégât et se laissa choir sur une chaise de la cuisine, la tête entre ses bras croisés. Pendant une bonne dizaine de secondes, elle réussit à ravaler ses larmes, mais le « ploc-ploc » des gouttes de jus qui salissaient son carrelage lui fit de nouveau perdre patience. Un grand sanglot vint alors briser le silence du petit appartement en même temps que la sonnerie du téléphone.

Piteuse, Chloé se traina jusqu’à l’appareil qu’elle décrocha sans un mot. De toute manière, Suzie était la seule personne susceptible de lui téléphoner à une heure aussi matinale.

-              … Thomas! Combien de fois devrai-je te demander d’éteindre le téléviseur? Va préparer ton sac! Allo? Chloé, tu es là?

Silence, puis reniflement.

-              Clo, que se passe-t-il? Tu pleures?

-              J’ai fait tomber ma tartine et renversé mon verre de jus, fit Chloé, d’une toute petite voix.

-              THO-MAS! Ne crois pas que parce que tu es mon petit frère je ne t’en collerai pas une si tu n’éteins pas ce téléviseur dans la seconde qui vient… Bon sang, Clo! Ne me fait plus jamais ça. Pendant un instant j’ai eu peur que tu sois blessée ou malade et je n’aurais pas eu le temps de venir te secourir, tu imagines?

Ça, c’était une particularité propre à Suzie, cette capacité de tenir deux conversations en même temps. Enfin, si on pouvait appeler ça une conversation. Donner des ordres à son demi-frère dont elle avait hérité la garde temporaire et appeler Chloé en même temps était devenu une seconde nature chez elle. Parfois, Chloé avait l’impression que le cerveau de son amie fonctionnait à dix mille kilomètres-heure. Si elle avait été pilote de course, elle les aurait tous lavés sans problème.

-              Qu’est-ce que tu veux? bougonna Chloé.

-              Réunion ce matin à la clinique, tu te souviens?

-              Quoi? Comment ça une réunion? s’insurgea-t-elle en reprenant du poil de la bête. Quand Éric a-t-il dit ça?

-              J’étais sûre que tu oublierais… Vendredi,  tête de linotte. Et soit à l’heure, je pense que nous avons une nouvelle recrue dans l’équipe. À plus!

En disant ça, Suzie avait pris un ton désapprobateur. Sur le coup, Chloé pensa que l’intonation lui était destinée et s’en offusqua. Elle voulait bien croire que sa mémoire frôlait dangereusement celle d’un poisson rouge, mais de là à se faire gronder… Puis, elle percuta et comprit le sous-entendu de son amie. Elle la rappela aussitôt.

-              Quoi? décrocha Suzie.

-              Elle est surement moche, Suz, en plus d’être une garce. Ne t’en fais pas avec ça, j’en fais mon affaire.

-              Ouais, si tu le dis. Et puis qu’est-ce que ça peut bien me faire qu’il y ait une autre femme dans l’équipe, hein? En attendant, file te préparer, nous allons être en retard.

Puis les deux filles raccrochèrent et Chloé s’élança dans le séjour pour faire sa ronde en vitesse.

Tandis qu’elle versait de la nourriture dans le bol de ses oiseaux — deux jolis inséparables verts —, Chloé déplora la réaction de Suzie. Celle-ci était folle d’Éric depuis deux ans maintenant et s’obstinait à le nier encore. Et ce, malgré les nombreux aveux qu’elle lui avait faits durant leurs soirées de filles.

En effet, chaque fois qu’elle se retrouvait pour picoler entre elles, Suzie finissait par craquer et lui parler de leur idiot de patron. Idiot parce qu’il n’avait pas encore compris les émois de leur collègue. Ou plutôt, qu’il se bornait à rester aveugle. Et pourtant, Chloé était à peu près sûre qu’il partageait les sentiments de son amie. Alors pourquoi diable se comportaient-ils ainsi tous les deux? C’était le monde à l’envers.

Il avait été une époque où Chloé avait eu tout ça : l’amour, une relation stable, des projets d’avenir, bref tout ce dont rêvait Suzie. C’était avant qu’elle aboutisse dans cette clinique, avant que son monde ne s’écroule et qu’on lui colle une étiquette de « marchandise endommagée ». Elle avait beaucoup souffert lorsque Nicolas l’avait quitté. Mais leur histoire à eux avait été compliquée. Jonchée de conséquences. Pas comme ces deux idiots qui s’évertuaient à rendre les choses difficiles. Non, leur histoire à eux avait été vouée à l’échec avant même qu’ils ne le sachent.

Chloé poussa un énorme soupir. Cette fois c’était bon, elle avait définitivement le cafard. Trainant les pieds jusqu’aux cages de ses rongeurs, elle broya du noir en silence. Des images douloureuses défilaient dans son esprit. Elle revoyait Nicolas sur le pas de la porte, ses valises prêtes, son regard honteux et son expression peinée. De nouveau, elle l’entendait lui dire qu’il ne pouvait pas, qu’il était vraiment désolé, mais que c’était trop difficile. Encore une fois, elle revivait ces instants où sa vie avait volé en éclat. Ce moment où la Chloé qui avait tout pour elle avait laissé place à la femme qu’elle était devenue et qu’elle ne reconnaissait pas toujours.

Saccagée de l’intérieur, Chloé mit une main devant sa bouche pour retenir une autre avalanche de larmes et prit deux bonnes inspirations. Pendant un instant, elle loucha vers le combiné du téléphone en hésitant entre appeler sa psychologue en panique et lui demander un rendez-vous d’urgence ou se secouer les puces et partir au travail sans plus tarder. Elle opta finalement pour le boulot. Suzie avait besoin de son soutien moral. Et Chloé avait besoin de soutenir quelqu’un pour ne pas réfléchir à la blessure qui venait de se rouvrir. Finalement, c’était mieux comme ça.

Pressée d’effacer les souvenirs douloureux qui débordaient de sa mémoire, Chloé se précipita dans sa chambre et agrippa son habit vert lime aux imprimées de chats et de chiens. Elle enfila ses baskets, se fit une triste queue de cheval et dédaigna son mascara et tous ses autres artifices féminins. Au diable la coquetterie, aujourd’hui elle était en mission « sauvetage de moral ». Et deux fois plutôt qu’une.

Cinq minutes plus tard, Chloé avait enfilé son manteau et son bonnet de laine et claqué la porte de chez elle sans même avoir épongé son dégât. Hercule s’en chargea avec joie…

 

***

 

Comme une chose n’arrive jamais seule et que la matinée de Chloé avait plutôt mal commencé, elle ne fut pas tellement surprise lorsque sa vieille voiture refusa de démarrer. Aussi, elle ne perdit pas de temps à s’obstiner et prit la direction du centre-ville pour attraper le métro. Dans le train, elle fut bien évidemment coincée entre les portes et un vieux bonhomme qui empestait le dessous-de-bras. Mais puisqu’elle était en mission, elle refusa de céder à la panique et prit son mal en patience.

Une fois arrivée à destination, elle jeta un œil à sa montre pour s’apercevoir qu’elle était déjà en retard de cinq minutes.

-              Eh merde! pesta-t-elle en entamant une course effrénée à travers les dédales souterrains du métro.

Dans son affolement, elle grimpa les escaliers roulants quatre marches à la fois en criant comme une déchainée.

-              Excusez-moi! Pardon! Laissez-moi passer s’il vous plaît…

Une fois arrivée dans la rue, le soleil qui se réfléchissait dans la neige lui tapa dans les yeux et elle fut aveuglée pendant un court moment. Naturellement, courir les yeux fermés n’est pas spécialement recommandé pour éviter les accidents. Par conséquent, il se produisit ce qui devait arriver… Le choc fut brutal et douloureux.

L’espace d’une demi-seconde, Chloé aperçut une paire d’yeux verts interrogateurs avant de se retrouver étalée sur quelque chose de mou et de ferme tout à la fois. Une douleur intense se manifesta dans ses côtes et lui coupa le souffle. Un cri étouffé lui parvint de très loin, mais elle n’aurait pu dire d’où il provenait encore moins de qui. Complètement abasourdie, elle resta étendue là, sans rien comprendre du brouhaha des gens qui se massaient autour d’elle. Puis soudain, une voix forte se fit entendre.

-              Êtes-vous complètement folle? Ôtez-vous de là!

Incapable d’assimiler de ce qui lui arrivait, Chloé se sentit bousculée. Mais d’où provenait ce ton colérique? Pourquoi le sol s’agitait-il ainsi? Puis la mémoire lui revient. Elle revit la scène comme dans un film. Elle, courant comme une déchainée pour arriver à temps à sa réunion… le soleil… deux yeux verts… et le choc. Merde! Ce n’était pas le sol qui bougeait, mais la personne qui était coincée sous elle.

-              Oh mon Dieu, monsieur! Je suis désolée…

-              Enlevez votre sale poitrine de mon visage!

Avait-elle bien entendu? Chloé resta saisie quelques secondes avant de réaliser qu’effectivement, elle écrasait ses seins sur le visage de sa pauvre victime. Un coup de masse n’aurait pas été plus douloureux pour son égo.

Littéralement mortifiée, Chloé s’agita à son tour pour tenter de se dégager, mais chaque mouvement qu’elle faisait accentuait la douleur dans ses côtes et rendait sa tâche difficile.

-              Arrêtez de vous agiter, gronda Chloé les dents serrées.

-              Alors, enlevez-vous de là, bordel!

-              Mais j’essaie, qu’est-ce que vous croyez? Mais si vous continuez à vous tordre comme ça, je n’y arriverai pas…

-              C’est bon j’arrête, puisque vous semblez tout aussi incapable de vous remettre sur vos pieds que d’y rester!

Chloé sentit l’exaspération l’atteindre. Non, mais pour qui se prenait cette espèce de prétentieux ignorant? Ne voyait-il pas que cette situation n’était que le fruit d’un accident malheureux? Cette fois, vexée pour de bon, elle prit sur elle d’ignorer les protestations de son corps et se tortilla de nouveau pour se relever. Elle prit appui sur ses mains, posa son genou sur ce qu’elle pensait être le sol et là, comme par magie, un hurlement torturé retentit en même temps que plusieurs mains l’agrippaient pour la remettre sur pied.

Le cœur battant, elle resta là, pétrifiée, incapable d’une seule parole. Et pour cause, elle venait d’écraser les testicules de sa victime. Bon sang, pourquoi n’était-elle pas restée chez elle ce matin? Morte de honte, elle se cacha le visage entre ses mains.

Pendant ce temps, l’homme toujours étendu par terre vociférait des menaces de poursuite tout en la traitant de folle, de pauvre conne et d’espèce de dégénérée. Chloé acquiesça à toutes ses insultes. Elle n’en pensait pas moins, de toute manière. Finalement, elle prit sur elle d’aider le malheureux et fendit la foule pour apporter son soutient.

-              Je suis tellement désolée… Laissez-moi vous aider, le supplia-t-elle, un léger trémolo dans la voix.

-              Ne me touchez pas! Je vous l’interdis…

Nerveuse, Chloé jeta un regard autour d’elle. Les gens qui restaient la dévisageaient avec un air désapprobateur ou avec pitié. Dans les deux cas, c’était douloureux à accepter.

-              C’était un accident, murmura-t-elle, en se penchant de nouveau vers l’homme.

-              Mais bon sang, vous êtes sourde? Ne me touchez pas! Déjà que je devrai probablement faire une croix sur mes futurs enfants à cause de vous…

Chloé pâlit dangereusement. Et si elle l’avait rendu stérile? Oh Seigneur! Littéralement assommée, elle recula de plusieurs pas. Ce fut un spectateur qui vint à son aide.

-              Ça suffit! rugit le témoin d’une cinquantaine d’années, un homme costaud, bien en chair avec une gigantesque moustache. Cette jeune femme s’est excusée plusieurs fois et vous a laissé la traiter de tous les noms. À présent, relevez-vous et comportez-vous en homme!

Puis, il ramassa le blessé par le bras et le força à se remettre debout.

-              C’est terminé, maintenant. Il n’y a plus rien à voir. Partez, ordonna le bon samaritain à la petite foule qui restait.

Sur ce, les gens se dispersèrent et l’homme partit, sans leur accorder plus d’attention. Chloé se retrouva face à sa victime. Elle l’observa avec intérêt en attendant de trouver de nouvelles excuses à lui offrir.

Jeune d’une trentaine d’années, il était assez grand pour la dépasser de quelques centimètres. Ce qui n’était pas rien étant donné qu’elle faisait un bon mètre soixante-dix-neuf. Il était très beau, il avait les cheveux blonds, assez longs et bouclés, des yeux verts, une barbe de quelques jours. On aurait dit un mannequin pour les sous-vêtements de Calvin Klein. Sauf que même s’il était beau comme un demi-dieu, il la regardait avec tant de rancœur qu’il en perdait tout son charme. L’examen dont il était victime en ce moment même n’était qu’un réflexe purement automatique. Rien à voir avec un mec qui vous aurait tapé dans l’œil.

-              Je ne sais pas quoi vous dire, monsieur. Mis à part que je suis extrêmement désolée.

Il se contenta de grogner et de lui tourner le dos en clopinant. Chloé le retient par le bras.

-              Je peux vous payer un taxi, si vous allez loin…

Sa voix était douce et pleine de bonnes intentions. Mais têtu comme une mule, l’étranger se dégagea brusquement avant de lui cracher :

-              Je ne veux pas de votre taxi, de vos excuses, ni de votre aide, est-ce clair? Vous en avez déjà fait assez. Maintenant, à cause de vous, je suis en retard pour mon premier jour de travail sans compter l’état de mes vêtements, de mon dos et de mes couilles!

Ce fut la goutte qui fit déborder le vase. Furieuse, Chloé serra les dents et lui jeta un regard meurtrier.

-              Il ne vous est jamais venu à l’esprit que je pouvais moi-même être blessée? Non, ça jamais, hein! Je suis cette espèce de folle qui vous a agressé dans la rue pour vous émasculer d’un bon coup de genou. Et pour être plus sadique encore, je prends la peine de vous offrir mes excuses et mon aide alors qu’à moi, on ne m’a rien demandé. Eh bien puisque ça vous intéresse : parler, hurler, respirer m’est très douloureux en ce moment, ce qui suppose des côtes fêlées. J’ai mal au genou, à l’épaule, j’ai les mains qui saignent, en plus de mon égo. Mais naturellement, puisque je suis la grande méchante qui agresse les inconnus à coup de genou dans les parties, on s’en moque…

Tout en débitant sa tirade, Chloé gesticulait et haussait le ton. Si bien, que ses deniers mots furent hurlés à tue-tête. Pourtant, cela ne l’empêcha pas de poursuivre sur sa lancée.

-              …mais vous savez quoi, «môsieur » la victime? Je n’ai rien senti sous mon genou. M’est d’avis que des couilles, vous n’en avez jamais eu! Alors, arrêtez de vous plaindre, faites un homme de vous et fermez votre grande gueule… Et puis allez vous faire foutre aussi! Pauvre mec!

Et sur ces mots, elle lui tourna le dos et s’en alla la tête haute, tout en grimaçant intérieurement contre la douleur qui lui vrillait les côtes et le genou. Mais pas question de montrer le moindre signe de faiblesse.

 

***

 

-              Mon Dieu, Chloé! Qu’est-ce qui t’est arrivée? s’exclama Suzie, aussitôt qu’elle aperçut sa collègue.

Le visage inondé de larme, les cheveux en bataille et les vêtements maculés de neige sale, Chloé pénétra dans la clinique d’un pas boitant. Elle s’était mise à pleurer sitôt le coin de rue tourné et n’avait pas cessé depuis. En arrivant à la clinique, son soulagement fut tel que ses sanglots redoublèrent d’intensité.

-              Éric! ÉRIC! hurla Suzie, appelle la police Chloé a été agressée…

Une seconde plus tard, son patron déboulait dans le vestibule de la clinique avec David sur les talons. Les deux retinrent leur souffle en apercevant la jeune vétérinaire.

-              Je n’ai pas été attaquée, pleurnicha-t-elle. C’est moi qui ai agressé quelqu’un…

Et devant leur mine déconfite, elle leur raconta tout depuis le début. La course dans le métro, l’inconnu, ce qu’elle lui avait infligé et les insultes dont il l’avait gratifié. En terminant, elle ne manqua pas de leur faire part de ce qu’elle lui avait dit avant de le planter là et de prendre le chemin de la clinique. Quand elle eut terminé, un grand silence parcourut son auditoire.

-              Allez-y, dites-le… Je suis un monstre.

Éric pouffa de rire en premier, suivi de David. Suzie garda son calme plus longtemps, mais craqua aussitôt que Chloé s’insurgea. Entre deux éclats, Suzie lui demanda :

-              Chloé Saint-Germain, comment fais-tu pour que toutes ces choses n’arrivent qu’à toi ?

Folle de rage, la concernée administra une vigoureuse claque à chacun de ses collègues.

-              C’est ça, moquez vous bande d’écervelés. Vous vous pensez mieux que moi avec vos manies d’hurluberlus? Je te signale que toi, David, tu t’es montré le derrière en pleine rue, vendredi dernier.

Pour toute réponse, ils la guidèrent dans le bureau d’Éric où là, une surprise de taille l’attendait.

-              Chloé, je te présente mon petit frère, Christian. Il va faire son stage en médecine vétérinaire avec nous. Enfin… Aussitôt qu’il aura retrouvé ses couilles.

Puis l’hilarité de ses collègues redoubla de volume tandis que le regard de Chloé rencontrait une paire d’yeux verts hostiles.

 

À suivre…

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dominosama
Posté le 23/11/2012
C'est marrant ça me rappelle certaines matinées... Je n'aimerais être à la place d'aucun des deux. La suite promet d'être explosive.
vefree
Posté le 07/04/2012
Houlàlà, houlàlà, houlàlà !!!!!!!!!!
Ma pauvre Chloé, dans quoi s'est-elle fourée encore une fois ?!!! J'ai beaucoup rit. Un vrai moment de détente comme je les aime. Certes, Bouillon n'était qu'une passade, je l'avais bien compris. Tant pis pour lui. Voilà arrivé Hercule, le gros chat vomisseur. Youuuuh, sympa au lever du lit !!! Il semble que désormais on entre de plein pied dans les frasques d'une Chloé un peu déboussolée par la vie. Bousculée, plutôt. Une vieille histoire d'amour qui a du mal à cicatriser et en voilà une autre qui pointe le bout de son... museau. Oui, soyons polie quand même ! Oublions (ou pas) les parties écrasées...
Je ne voudrais pas être à la place de Chloé, mine de rien. Tout ça en une seule matinée, il y a vraiment de quoi fondre en larmes, c'est vrai.
Ce que j'aime dans ton histoire c'est qu'on y entre vraiment très facilement. C'est léger, simple, bien tourné, vraiment bourré d'humour et même si l'histoire de Cloé pourrait avoir un aspect tragique, son univers ne manque pas d'attention et de charmante compagnie animale et amicale. Donc, quelque part, en tant que lectrice, je me sens rassurée. Et j'adore le ton sur lequel tu construits ton histoire. Ça donne vraiment envie de continuer et de savoir ce qui va encore arriver dans cette clinique pas comme les autres. Un nouvel arrivant tout aussi canon que le patron.... son frère qui plus est, je gage que ça va jaser sévère !
Biz Vef' 
Cricri Administratrice
Posté le 02/05/2012
Et c'est qui qui avait lu le chapitre et qui l'avait pas commenté ??? C'est Cricri.
J'ai éclaté de rire trois fois au cours de ce seul chapitre, mais je crois que le best ça a été : "Je n’ai pas été attaquée, pleurnicha-t-elle. C’est moi qui ai agressé quelqu’un…" J'ai ri, mais j'ai ri !
C'est fou comme je visualise ton histoire comme une série : je ne sais pas si tu connais Samantha Who, mais c'est vraiment le genre d'atmosphère qui a le don de me faire rire et de m'émouvoir en même temps. En même temps, hein, comment ne pas se sentir proche d'une héroïne aussi maladroite que moi. Plus elle essaie de sauver sa journée, pire c'est. Elle est tellement à fleur de peau et, en même temps, tu évites habilement le mélo en transformant ses crises de larmes en scènes hilarantes. Rien que la conversation au téléphone, c'était juste excellent.
Par contre, QUEL GOUJAT ce Chrisitian !!! Oki, elle lui a un peu tout écrasé, mais c'était accidentel et il a été horrible (même le monsieur à la moustache est d'accord avec moi). Je me demande comment ils vont pouvoir se supporter au travail vu la façon dont ils ont commencé. Pauvre Chloé, quoi, elle n'a vraiment pas de chance avec les hommes. Elle se relève à peine d'une rupture douloureuse qu'elle tombe (au sens propre) sur un vrai malotru.
Mais ce qui est chouette, justement, c'est de voir comment tu vas te débrouiller pour accorder ces deux violons-là !
PS : et j'allais oublier les chats qui, dans ton histoire, jouent parfaitement leur rôle de casse-noisettes qu'on peut pas s'empêcher d'aimer quand même.
edit : je viens de corriger des coquilles horribles X_X faut que je me calme en écrivant mes commentaires, moi...
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