« Bonjour, je m’appelle Gwenn. »
Dit Gwenn, qui aimait accueillir les nouveaux. Cette jeune femme rayonnante avait le visage doux et le regard inquiet. Ses joues rebondies souriaient, ses lèvres maquillées révélaient des dents jaunies, ses cheveux châtains retenus par un bandeau s’emmêlaient sur ses épaules nues.
Sa robe bustier luisait, rose satinée aux reflets mauves. Les nombreux replis froufroutaient jusqu’à ses mollets. Renversée sur le canapé au milieu des coussins, elle se redressa maladroitement et posa ses pieds nus sur le tapis moelleux.
« Bienvenue. J’étais très perdue quand je suis arrivée pour la première fois ici. Tu vas voir, la Maison est incroyable.
As-tu envie d’un petit quelque chose pour te requinquer ? Là-bas, entre les deux étagères, tu vois le passe-plat fermé ? Va chercher un plateau dedans. Normalement, il y aura une boisson chaude, servie dans ta tasse – chacun a sa tasse au Salon, c’est la règle. Et il y a aura ton goûter préféré et ce que tu rêves de boire, juste là maintenant tout de suite. C’est comme ça dans cette Maison. »
Gwenn rejeta fièrement les épaules en arrière et commença :
« Je vais t’expliquer comment ça se passe. Ici, c’est le Grand Salon. C’est la pièce la plus importante. Disons que si tu veux te poser quelque part, c’est the place to be. Tu vois, déjà, les canapés, les sofas, les fauteuils ; tout pour se mettre à l’aise. Mais si tu as vraiment envie d’une chaise longue, ou d’un pouf, ou d’un hamac, tu vas en trouver. La Maison va te donner ce dont tu as envie. Ou besoin. L’un ou l’autre, je ne suis pas sûre. Ça fait longtemps que je suis là, j’ai parlé à tout le monde, mais il y a encore des détails que je capte pas.
Il y a seulement un ou deux lieux qui ne se transforment jamais. Genre : ici. Ou encore la Cuisine, qui est plutôt le coin des Sorcières. Et le ciel : on dirait un dessin de maternelle, c’est comme ça. Il n’y a pas de jour, pas de nuit, que cette soupe de couleurs vives, avec des rouges, violets, verts, bleus, jaunes qui se mélangent ou se superposent. C’est très beau, mais ça me tape sur le système. Carrément bizarre, comme tout et tout le monde sous ce toit.
Si tu cherches de l’aide, tu peux demander à qui tu veux, personne ne mord. Même ceux qui ont une gueule et des dents pointues. Il y a des animaux, des humains, des plantes et des choses – et des mélanges de tout ça.
Regarde à ta gauche, près de la grande fenêtre en vitrail : il y a une estrade, un canapé et un beau jeune homme en chemise qui dort dessus, roulé en boule. Tu vois ses poils roux et blancs, son museau et ses oreilles de chat ? Il s’appelle Cherchat, il est adorable.
A ta droite, près de la cheminée, la grosse dame, au chignon de cheveux bruns, aux yeux maquillés, habillée tout en noir, pâle à faire peur, c’est Christine. Vraiment, tu peux lui faire une confiance aveugle. Elle est incroyablement sympa, malgré son look de gothique.
Près de la bibliothèque, les quatre vielles et vieux qui regardent la télé, c’est la bande des Hulettes. Le grand maigre endormi avec son journal sur les genoux, c’est Armand. Le petit, tout tassé, aux très grandes oreilles, aux lunettes en plastique, qui se frotte les mains tout le temps, c’est tonton Charles ; très gentil mais vraie commère. La dame toute nue, qui caresse sa robe à fleurs sur ses genoux, c’est Nany. L’autre c’est Thérèse. C’est la bande des Hulettes. Collé au mur, tout seul dans son coin, le type, aristo à mort, avec ses longs cheveux noirs, son jabot et ses manches en dentelle, il passe son temps à lire des livres tout dorés, il n’aime pas les gens, il ne parle à personne.
Ne te tourne pas, ne bouge pas trop, mais lève les yeux : sur le lustre, la créature à la peau verte, aux ailes de libellule, c’est Véridien. Ah, il est parti. Trop timide.
Franchement, la seule règle, ici, c’est de prendre chacun comme il est. On en bave suffisamment là-bas » dit-elle en montrant d’un bras vigoureux la fenêtre, le ciel et le lointain horizon par-delà.
« Ici, on a besoin de douceur. C’est normal que certains aspects des autres animaux et humains te stressent, mais personne ne te fera de mal. Il y a quand même des habitantes un peu plus hostiles, mais elles habitent dans les caves – tu fais ce que tu veux, mais je te conseille de ne jamais aller dans là-bas.
Parfois, elles sortent. Par exemple, j’ai rencontré une araignée agressive, je crois que c’est une amimâle des caves – une âme humaine dans un corps animal – elle s’était installée dans un petit salon, elle nous a attaqués parce qu’on a envahi son espace. Normalement tu ne la rencontreras pas, la pièce a disparu.
Tu me suis ou c’est trop d’infos ?
Tu verras, prends ton temps. Il y a tellement de choses à dire, à découvrir… En tous cas, tu peux oublier tes tracas. La Maison est là pour ça. »
Je viens découvrir un peu ce que tu fais, je vois que tu travailles pas mal de textes différents, autour d'un univers commun c'est bien ça ? N'hésite pas à m'aiguiller si tu souhaites des retours sur d'autres textes^^
En tout cas, j'ai bien aimé celui-ci. Tu fais ce qu'on déconseille en général, une exposition pure et rude avec une présentation des lieux et personnages. Mais c'est assumé et bien réalisé donc ça donne finalement beaucoup de charme et de personnalité au texte. La Maison que tu décris joue beaucoup, parce qu'on se prend à apprécier ce lieu cosy sans vraiment le connaître. Ses habitants ont l'air attachants et j'adore l'idée d'un endroit plus doux par rapport à la dureté de l'extérieur. Vraiment une chouette idée. La phrase de chute le résume bien.
N'empêche qu'en tant que lecteur méfiant (on ne se refait pas), je me demande quand même si tout est aussi parfait que ça en a l'air. Ne se cache-t-il pas un ou des problèmes derrière cet ensemble parfait ? En tout cas, ça a attisé ma curiosité^^
Mes remarques :
"Près de la bibliothèque, les quatre vielles et vieux" -> vieilles (je fais aussi tout le temps cette erreur xD)
"Franchement, la seule règle, ici, c’est de prendre chacun comme il est. On en bave suffisamment là-bas » dit-elle en montrant d’un bras vigoureux la fenêtre, le ciel et le lointain horizon par-delà." j'aime beaucoup ce passage, ça pose bien l'ambiance de la Maison !
Un plaisir,
A bientôt !
On est plutôt sur une sorte de refuge contre l'adversité du monde. Voilà qui aiguise ma curiosité.
Tu attires mon attention sur le titre, et en effet je ne suis pas sûre que celui-là convienne... Je pense qu'il va me falloir retravailler ça.