La Montagne Silencieuse

Notes de l’auteur : Dans ce court chapitre, nos héros fuient devant l'Ecorché et sa horde maléfique.
Malgré la douleur, les épreuves et les combats, une présence et une chaleur réconfortante se font sentir.

Ils fuyaient.

Le vent hurlait derrière eux, chargé de cendres et de cris, comme si les ruines du château de Rauk expulsaient leurs derniers souffles de haine. Le ciel, d’un gris fendu, se refermait lentement, avalant les volutes de fumée, les plaintes des mourants, les souvenirs d’un combat qui n’était pas fini.

Ils avaient survécu. Mais à quel prix ?

Garric n’avait pas bougé depuis de longues heures. Allongé dans les bras d’un automate, ses yeux clos, sa peau pâle, il semblait déjà rendu à la terre. Aucun mot n’avait été prononcé. Aucun adieu. La marche était lourde et silencieuse. De ces silences qui suivent les cercueils. Tout était trop frais, trop impossible pour que le deuil soit réel.

Myra avançait péniblement, le visage couvert de boue séchée et de larmes salées. Elle ne pleurait plus. Elle marchait. Ses doigts effleuraient parfois ceux de Sylla, comme pour vérifier qu’elle était bien là. Qu’elle existait. Qu’elle n’était pas une illusion de douleur. Les deux sœurs, unies par un mystère ancestral, partageaient une même lumière intérieure. Faible, tremblante. Mais vivante.

Le Seigneur Loup, en tête, boitait légèrement. Il levait parfois la tête vers les cieux, et ses oreilles frémissaient à des sons inaudibles pour les autres. Lucinda. Elle était là, partout. Dans la neige qui tombait plus doucement que prévu. Dans les branches qui ne fouettaient pas leurs visages. Dans les racines qui semblaient s’écarter sous leurs pas. La forêt elle-même les portait encore, à travers Elle.

Et devant eux s’élevait la montagne.

Pas une montagne ordinaire. Non. Une cathédrale de pierre et de silence. Un trône d’hiver posé contre le ciel. Blanche, impassible, verticale, elle semblait née de la première aube, lorsque les dieux façonnaient encore les formes avec leurs poings et leurs chagrins.

C’était là qu’ils allaient.

Caldar, lui, n’avait pas prononcé une seule syllabe depuis que Garric était tombé. Son bras saignait, sa hanche aussi. Mais il marchait. Inébranlable. Sa silhouette avançait comme un pan de muraille vivante, son épée géante — Rūwa — sur le dos, comme une promesse de mort pour quiconque oserait encore se dresser devant eux. Il avait vu trop de frères tomber, trop de batailles s’effondrer dans le néant. Il n’attendait plus rien pour lui-même. Il avançait pour Myra. Pour Sylla. Pour Garric et Le Seigneur Loup.

Les automates, silencieux et sentinelles, fermaient la marche. Le corps de Garric contre la poitrine de l’un d’eux, traité avec un soin étrange, respectueux. Ces êtres de métal, nés d’un autre monde, semblaient avoir saisi quelque chose de l’humanité. De la perte. De l’attente.

La neige tombait.

Pas une neige brutale. Une neige de deuil. Une neige douce et légère, qui effaçait leurs traces derrière eux, comme pour cacher leur passage aux horreurs qui les poursuivaient. Bientôt, les symboles anciens gravés dans les pierres — cercles, runes, visages sculptés de divinités païennes — disparurent sous la blancheur. Les cultes de la montagne s’effaçaient. Ils n’étaient plus protégés par rien.

Là où ils allaient, nul ne les avait précédés.

Ils grimpaient vers le souffle glacé des hauteurs, vers les racines gelées du ciel. Et pourtant, la montagne ne semblait pas hostile. Elle les testait. Elle pesait leurs âmes. Elle jaugeait leur volonté.

Ils n’étaient que cinq. Deux jeunes femmes portant un secret ancien. Un guerrier blessé, porteur d’un monde éteint. Un loup guidé par l’ombre d’une sorcière morte. Deux automates muets. Et un cadavre.

Et pourtant, ils montaient.

Car derrière eux, l’ombre arrivait.

Pas l’hiver, non. L’Écorché. Son pas lourd, sa haine immense, ses spectres ressuscités mille fois. Il venait. Il les traquait, inlassable. Il ne voulait pas tuer seulement. Il voulait anéantir. L’amour, la lumière, la mémoire. Tout.

Et alors que le vent se levait, emportant leurs souffles et leurs souvenirs, une chose étrange se fit sentir.

Une chaleur. Une pulsation. Une force.

Quelque part, là-haut, la Source vivait. Elle les appelait. Non pour les sauver… mais pour leur offrir le choix ultime : mourir pour tout protéger. Ou vivre pour que tout renaisse.

Ils n’avaient pas encore décidé.

Mais ils marchaient.

 

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Talharr
Posté le 31/07/2025
Re,
J'ai hâte d'en savoir plus que cette Source qui reste tout de même un petit mystère pour le moment. A voir quel sera le choix, même si forcément j'en préfère un ahaa
Encore un chapitre intéressant avec ta plume et les personnages qui avancent vers la fin. Les Automates qui portent Garric :(
Brutus Valnuit
Posté le 01/08/2025
Je pense qu'il n'y a pas un grand mystère autour de la source. Elle n'est pas vraiment décrite en tant que telle. Elle symbolise la vie et un certain espoir.

J'ai mis l'accent sur l'action et la relation entre les personnages.
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